Dites à la fille de Sion : Voici, ton Roi vient à toi, débonnaire. (Matth. XXI, 1-5.)
Quoique Jésus, entrant à
Jérusalem le jour des Rameaux,
descendît, non des côteaux du Paradis,
mais du mont des Oliviers, ces beaux vers d'un
jeune poète chrétien retracent d'une
manière vraie et touchante la physionomie du
Sauveur, telle que nous la présente
l'événement dont nous
célébrons aujourd'hui la
mémoire. Les apôtres qui assistaient
à cette scène et qui y prirent part,
se souvinrent, non pas sur le moment, mais plus
tard, en y réfléchissant, d'une
prophétie de Zacharie :
« Sois transportée
d'allégresse, fille de Sion ! pousse
des cris de joie, fille de
Jérusalem (1). Voici, ton Roi vient
à
toi ; il est juste et victorieux, il est
humble et monté sur un âne, le poulain
d'une ânesse. »
L'évangéliste a laissé de
côté les mots
« juste » et
« victorieux » ; mais il a
retenu l'autre épithète, celle
« d'humble » qu'il remplace par
un équivalent, celle de
« débonnaire ».
Débonnaire ! voilà un mot qui
n'est plus guère à la mode.
Vraisemblablement, aucun de nous ne serait
flatté d'être appelé
débonnaire ; sous l'éloge
apparent, il sentirait une pointe d'ironie. Et
pourtant cette qualification convient bien à
Jésus, fort étranger à cette
fierté dont nous sommes tentés de
nous faire un mérite.
La débonnaireté est un
mélange d'humilité et de
douceur ; or Jésus a dit
lui-même : « Venez à
moi, car je suis doux et humble de
coeur ». Venir à
Jésus-Christ de tout notre coeur, ou pour la
première fois ou tout de nouveau, c'est
précisément ce que je vous demande,
mes frères, et c'est aussi la grâce
que j'implore pour vous et pour moi durant cette
semaine sainte. À cet effet, je pourrais
développer notre texte en son entier :
« Voici, ton Roi vient
à toi, débonnaire ». Je
pourrais vous dire Venez à lui, car il est
votre Roi ; venez à lui, car est venu a
nous le premier ; venez à lui, car il
est débonnaire ; et certes, aucune de
ces raisons ne manquerait de force. Mais pour
aujourd'hui la troisième nous suffit.
L'objet unique que je veux vous présenter,
le joyau de la couronne de votre Roi que je vous
invite à contempler, l'arme puissante par
laquelle je veux vous vaincre, c'est la
débonnaireté de Jésus.
Oh ! que par la grâce de Dieu elle
touche et brise nos coeurs, en sorte qu'aucun de
nous ne résiste à ton attrait !
Dans les détails comme dans l'ensemble du
récit de l'entrée de Jésus
à Jérusalem, tout manifeste sa
débonnaireté. Rappelons qu'il est
roi, vrai roi de droit divin celui-là, comme
l'attestent les prophéties ; qu'il le
sait, qu'il a jusque-là peu parlé de
sa royauté, de peur d'être mal
compris, mais qu'il a résolu, avant la crise
finale, de l'affirmer publiquement, dans la
capitale de la Judée. Qu'est-ce qu'un autre
aurait fait à sa place ? Quand je parle d'un
autre, je n'entends
pas un
ambitieux vulgaire et sans scrupules, mais
plutôt un homme ayant la crainte de Dieu, et
pourtant ne négligeant pas les moyens que
suggère la prudence humaine ; tel
qu'était, par exemple, le grand prêtre
Joad ou Jéhojadah ; vous vous rappelez
comment il prépara l'avènement de
Joas. Il prépara, ai-je dit, oui, un tel
homme aurait sans doute préparé avec
soin son coup de théâtre ; il se
serait entouré de ses plus énergiques
partisans venus de la Galilée ; il
aurait fait prévenir sous main ceux de la
capitale ; il n'aurait rien
négligé pour que sa démarche
surprît ses adversaires par sa
soudaineté et par son éclat.
En fait de préparatifs,
Jésus envoie deux de ses disciples
détacher un ânon près d'un
village voisin, et leur commande de le lui amener.
Certes, il agit en roi, puisque en fait
d'explication de leur conduite, il leur met ces
simples mots à la bouche :
« Le Seigneur en a besoin ».
Mais, à coup sûr, il agit en roi
débonnaire.
Le cortège se forme
pourtant ; les acclamations commencent.
À la place de Jésus, qu'aurait fait
l'autre personnage dont nous parlons ?
J'imagine qu'avant tout il se fût
arrangé de façon à entrer
à Jérusalem, soit sur un cheval de
guerre, soit sur un char
richement orné. Quand on veut
entraîner les populations, il convient de
frapper les imaginations. Puis il eût
entretenu, par un discours enflammé et plein
de promesses, le zèle de ses partisans et
leur indignation contre les ennemis du Christ.
Jésus acclamé se tait. Ou s'il parle,
c'est pour déplorer, non ses propres
malheurs, mais ceux qui bientôt vont fondre
sur Jérusalem. Tandis qu'en son honneur on
pousse des cris de joie, il pleure. Étrange
triomphateur ! Roi débonnaire,
jusqu'à voiler, jusqu'à compromettre,
par sa débonnaireté, sa
royauté.
Mais enfin le cortège entre
dans Jérusalem. C'est le moment
décisif. Un autre n'eût pas
manqué d'entraîner le peuple à
sa suite dans le temple, de s'y faire proclamer
roi, de prononcer la déchéance du
Sanhédrin. Jésus se rend bien dans la
maison de Dieu, mais c'est pour la purifier de ceux
qui la profanent, pour guérir quelques
malades, pour accepter l'hosanna de quelques
enfants et les défendre contre ceux qui les
blâment. Puis il s'en va tranquillement
à Béthanie, où il passe la
nuit. Un politicien aurait dit :
« Coup manqué ! partie
perdue ! » Et, à son point de
vue, il aurait eu raison. Le Sanhédrin, un
moment déconcerté, a maintenant tout le temps
d'organiser sa revanche et sa vengeance. Il est
aussi prompt à agir et à frapper que
Jésus a été pacifique et
désintéressé. Si, sur le
terrain de la discussion, il constate qu'il a
trouvé en Jésus un maître et
s'il est presque obligé de l'avouer,
d'autres moyens, plus sûrs, lui restent, et
le traître Judas lui offre des
facilités inattendues dont il se hâte
de profiter. L'arrestation de Jésus, son
procès, sa condamnation, son
exécution, tout cela est l'affaire de
quelques heures. Le titre de roi, que le dimanche
une foule enthousiaste donnait à
Jésus, le vendredi, c'est sur la croix qu'on
pourra le lire. Que dites-vous d'un Roi qui,
pouvant d'un mot ou d'un geste confondre ses
adversaires, se laisse par eux clouer à la
croix ? N'est-il pas jusqu'à
l'excès, jusqu'à la folie au point de
vue terrestre, le Roi débonnaire ?
Nous envisagerons la débonnaireté
de Jésus sous un aspect un peu
différent, en passant en revue les diverses
classes de personnes envers qui elle s'exerce.
C'est d'abord la multitude, par où j'entends
surtout les
habitants
de Jérusalem. Dans cette cité
meurtrière des prophètes,
Jésus a trouvé beaucoup moins de
sympathies qu'en Galilée. Un seul de ses
apôtres paraît avoir été
un Judéen, et cet apôtre est Judas
Iscariote. La partie mieux disposée de la
population est comprimée par la crainte du
Sanhédrin. Il est vrai que le jour des
Rameaux, les habitants de la capitale ont l'air
d'être gagnés par l'enthousiasme des
Galiléens ; mais Jésus ne s'y
trompe pas. Tandis qu'on l'acclame, il se voit, il
se sait déjà rejeté. Il dit
avec une indicible tristesse à
Jérusalem : « Oh ! si tu
avais connu, au moins en ce jour qui t'est
donné, ce qui pouvait te sauver ! mais
maintenant cela est caché à tes
yeux. »
Et il voit déjà en
esprit camper autour de la ville coupable la
terrible armée romaine, instrument des
jugements de Dieu. À un autre moment, il
s'écrie :
« Jérusalem !
Jérusalem ! que de fois j'ai voulu
rassembler tes enfants, comme une poule rassemble
ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas
voulu ! Voici, votre demeure, ce temple dont
vous vous glorifiez, vous est laissé ;
il sera désormais comme un désert,
car la gloire de Dieu l'aura quitté. Je vous
dis en vérité que vous ne me verrez
plus jusqu'à ce que vous
disiez : « Béni soit celui
qui vient au nom du Seigneur ! »
Telle est donc l'attitude de Jésus
vis-à-vis de Jérusalem : appels
multipliés, effort charitable et
persévérant pour la sauver ; vue
claire de sa culpabilité et de son
endurcissement ; prédiction de sa ruine
prochaine ; compassion qui va jusqu'aux larmes
pour ses malheurs ; espérance enfin,
certaine et consolante, d'un lointain
relèvement. Le jour des Rameaux aura sa
contre-partie et pour ainsi dire son céleste
accomplissement ; Jérusalem accueillera
vraiment et définitivement son Roi.
Mes frères, nous n'avons pas
reçu le don de prophétie et nous ne
pouvons rien prédire de certain quant
à l'avenir prochain de notre peuple. Mais
nous ne pouvons nous dissimuler que ses
péchés aussi sont grands et que de
sombres nuages s'accumulent à son horizon.
Il me semble qu'à son égard aussi
cette sévérité et cette
charité, ces appels et ces larmes, ces
craintes poignantes et ces invincibles
espérances, sont bien à leur place.
Soyons auprès de lui les messagers et les
témoins, les serviteurs et les imitateurs du
Roi débonnaire.
Derrière la multitude
étaient ses chefs, bien plus méchants
qu'elle : prêtres, scribes, docteurs de la
loi, pharisiens et
sadducéens, constants antagonistes qu'une
haine commune met pour une fois d'accord.
Ceux-là savent ce qu'ils veulent ; il
n'y a pas de fluctuations dans leurs pensées
ni dans leurs déterminations ; il n'y a
pas même, chez eux, de
velléités passagères de
conversion et de foi. Ils n'ont vu dans la
résurrection de Lazare, qu'ils ne peuvent
nier, qu'un motif de hâter le
dénouement et de frapper Jésus plus
tôt ; ils pensent même à
faire mourir Lazare en même temps.
L'entrée de Jésus
à Jérusalem les remplit
d'inquiétude et de colère ; se
sentant incapables, pour le moment, de contenir
l'enthousiasme de la foule, ils essaient d'obtenir
que Jésus s'en charge lui-même ;
ils lui disent, quand l'hosanna éclate sur
la route de la capitale :
« Maître, reprends tes
disciples ! » Et quand des enfants
s'en font l'écho dans le temple :
« N'entends-tu pas ce qu'ils
disent ? » Jésus
répond la première fois :
« Je vous dis que, si ceux-ci se taisent,
les pierres mêmes crieront ! »
la seconde fois : N'avez-vous jamais lu cette
parole : « Tu as tiré une
parfaite louange de la bouche des enfants et de
ceux qui tètent » ?
Réponses bien dignes du Roi
débonnaire ; à
l'inébranlable certitude de sa mission
divine et royale, s'y unissent un calme et une
douceur qui ne se
démentent point. Il est vrai que dans son
dernier débat avec les Pharisiens,
Jésus sera plus sévère ;
la tendre compassion qu'il éprouve pour le
peuple abusé lui arrache, pour une fois, des
paroles empreintes d'une brûlante indignation
contre ceux qui l'égarent. Mais, durant les
heures cruelles de la Passion, s'il conserve la
même tranquille majesté, s'il affirme
à nouveau, tout en sachant que cette
affirmation va lui coûter la vie, sa
qualité de Messie et de Fils de Dieu
vis-à-vis de ses implacables
persécuteurs, il s'abstient de menaces,
comme le remarque son apôtre Pierre, et
même de reproches. Il intercède pour
eux tous sur la croix. Ressuscité,
élevé au ciel, par la voix de ses
apôtres, il offrira le pardon et le salut
à ses meurtriers au nom même de ce
sang versé pour eux et par eux.
Ils ne sont pas rares
aujourd'hui,
les ennemis du Christ qui, tantôt poussent
l'ignorance et l'ineptie jusqu'à insinuer
qu'il n'a pas existé, tantôt versent
le mépris sur sa doctrine, sur sa morale,
sur ses disciples, sur sa personne même
quelquefois. Combattons-les, il le faut, mais en
serviteurs du Roi débonnaire ; d'une
part, ne nous laissant jamais intimider par leurs
attaques, par leurs railleries, par la multitude
de ceux
qui les
suivent, d'autre part n'opposant jamais l'outrage
à l'outrage et l'injustice à
l'injustice. Ne nous servons jamais que des armes
de la vérité et de la charité.
N'altérons jamais au profit de la bonne
cause le moindre fait ou le moindre texte, et
joignons à la protestation contre l'erreur,
le respect et la sympathie, autant qu'ils sont
possibles, pour les personnes. Qui sait si, parmi
ces adversaires du Christ, il ne se trouvera pas un
Saul de Tarse, qui se lassera bientôt de
regimber contre l'aiguillon de la grâce et
qui deviendra un Saint-Paul ?
Mais la débonnaireté
de Jésus envers ses disciples est
peut-être encore ce qui me frappe le plus. Il
ne s'étonnait, ni de la
légèreté de la foule, ni de
l'orgueil et de l'hostilité des
Pharisiens ; mais sur ses disciples, il semble
qu'il aurait dû pouvoir compter ! Eh
bien ! ceux-ci, à leur manière,
montrent, tout autant que les adversaires
mêmes du Christ, la misère et
l'infirmité morale de notre pauvre nature
humaine. D'abord, même dans leurs moments
d'enthousiasme, même dans leurs élans
de foi, ils comprennent mal Jésus. Ils ne
cessent d'attendre un royaume de Dieu ou du Messie
extérieur, éclatant, plus ou moins
politique, quoique toutes les
paroles et toute la conduite du Sauveur fussent une
protestation continuelle contre cette illusion.
Cependant, sans céder à un
entraînement quelconque, sans dévier
un seul instant de la voie droite et humble qu'il a
choisie, Jésus accepte avec bonté les
hommages de ses disciples anciens ou nouveaux,
malgré leur défaut de lumières
spirituelles.
Mais que dire de leur
inconstance ? C'est presque une énigme
historique que la disparition complète,
dès le lendemain du jour des Rameaux, de cet
enthousiasme populaire pour Jésus qui, ce
jour-là, s'était si bruyamment
affirmé et avait causé de si vives
alarmes au Sanhédrin. Sans doute, la plupart
des manifestants, comprenant que Jésus ne
voulait décidément pas entrer dans
leurs vues et satisfaire leur ambition, se
refroidirent ; quelques-uns peut-être,
irrités de leur déception,
passèrent à l'extrême
opposé et se rangèrent du
côté des ennemis du Christ. Mais le
pire, c'est que, durant la crise finale, les
anciens et meilleurs disciples, les nombreux
malades que Jésus avait guéris
restèrent, eux aussi, complètement
inertes et silencieux. Quand Pilate faisait des
efforts réitérés pour
provoquer parmi la foule un mouvement de sympathie
en faveur de
Jésus, quand des fous furieux
criaient :
« Crucifie-le ! »
où étais-tu, paralytique de
Béthesda ? et toi aussi,
aveugle-né, qui avais pourtant
confessé ton bienfaiteur avec tant de
courage devant les Pharisiens ? où
étais-tu toi-même, ô
Lazare ? Et vous, apôtres du Christ,
où étiez-vous ? En vain vous
plaideriez comme excuse l'affolement universel, la
terreur qui paralysait tous les coeurs. Même
durant ces heures sombres, quelques individus
osèrent manifester leur sympathie pour
Jésus : la femme de Pilate, les femmes
qui pleuraient en voyant passer le Sauveur
courbé sous le poids de sa croix ; le
brigand repentant, le centurion qui
présidait au supplice ; Joseph
d'Arimathée, un membre du Sanhédrin.
Mais, parmi ces voix, je cherche vainement celle
d'un apôtre ; à moins qu'il ne
faille excepter, savez-vous lequel des douze ?
- Judas Iscariote qui,
désespéré, alla dire aux
membres du Sanhédrin : « J'ai
péché en trahissant le sang
innocent ». Mais celui-là avait
trahi Jésus ; Pierre le renia ;
tous l'abandonnèrent.
Et maintenant, quelle fut la
conduite de Jésus envers ses disciples si
peu dignes de ce nom ? Il prédit leur
défection : « Vous me
laisserez seul » ; mais il dit cela
sans amertume, sinon sans tristesse, et n'ajoute à
cette
prédiction aucun reproche. Il ne leur en
adresse pas non plus après sa
résurrection. Il les appelle ses
frères, et au moment où Il les
revoit, il leur adresse cette
salutation : » La paix soit avec
vous ». Le faible et coupable Pierre est
le premier de ses apôtres auquel il se soit
montré vivant ; et s'il lui rappelle
ses trois reniements par sa question trois fois
répétée :
« M'aimes-tu ? » avec
quelle délicatesse il le reprend
indirectement, avec quelle promptitude et quelle
bonté il le relève et le
rétablit dans sa charge
d'apôtre ! Puis il remplit ses
apôtres de son esprit et il accomplit par eux
des oeuvres plus grandes encore que celles qu'il a
faites étant ici-bas, en attendant qu'il les
appelle à lui dans la Maison de Dieu et les
fasse asseoir près de son
trône.
Mes frères, cette
débonnaireté de Jésus envers
ses disciples est singulièrement propre
à nous toucher, à nous attirer,
à nous remplir d'espérance et de
confiance, au moment où nous abordons une
nouvelle semaine sainte. Comme autrefois les
disciples, nous avons beaucoup de torts à
nous reprocher envers lui, et nous sommes plus
coupables qu'eux, car nous vivons sous
l'économie de l'Esprit, nous avons à
notre disposition plus de lumières et plus de
grâces qu'ils n'en avaient lorsque le
Maître était avec eux, avant la croix
et avant la Pentecôte.
Nous nous rappelons tant de
semaines
saintes précédemment
célébrées, qui n'ont pas
laissé dans nos âmes une trace
profonde, qui n'ont pas porté dans nos vies
des fruits abondants. Comme les manifestants du
jour des Rameaux, nous avons chanté
« Hosanna » au jour de la
fête et le lendemain, au jour de
l'épreuve, quand il fallait travailler et
prier avec Jésus, combattre pour sa cause,
porter son opprobre, nous n'étions pas
là ; nous lui avons refusé
peut-être, ou ne lui avons accordé
qu'avec parcimonie le plus facile des sacrifices,
celui de notre argent ; par nos
prières, par nos cantiques, par nos
participations à la sainte Cène, nous
avions, comme les douze, promis de ne jamais
abandonner le Sauveur et de le suivre au besoin
jusqu'à la mort ; et comme eux, nous
n'avons pas été fidèles, nous
ne l'avons pas confessé par nos paroles et
par notre conduite ; nous nous sommes
cachés quand il fallait nous montrer ;
nous avons dormi ou nous sommes tenus en repos
quand il fallait agir, heureux si nous n'avons pas
été jusqu'à le renier, comme
Pierre, par un mot, par un sourire, par une
complicité ou une
connivence quelconque avec ses
adversaires !
Oserons-nous pourtant venir à
lui, nous réclamer de son nom, communier
avec lui ? - Oui, car il est le Roi
débonnaire.
Si nous revenons à lui de
tout notre coeur, il nous accueillera ; si
nous confessons nos péchés, il nous
les pardonnera ; si, comme autrefois ses
disciples, en dépit de nos
infidélités et de nos
inconséquences, nous n'avons jamais
cessé de l'aimer, il nous appellera ses amis
et ses frères, Si, comme Saint-Paul, nous
sommes ambitieux de connaître la communion de
ses souffrances, aussi bien que la vertu de sa
résurrection, il nous fera entrer plus avant
dans cette double et sainte communion ; il
nous nourrira de sa chair, il nous abreuvera de son
sang, il nous lavera de nos iniquités dans
ce sang précieux, il nous baptisera de son
Esprit.
Seulement, engageons-nous pour
tout
de bon et tout entiers à son service ;
n'allons pas nous figurer que le Roi
débonnaire ne soit Roi qu'à
demi ; il est au contraire le plus absolu de
tous les maîtres ; car il n'y a point de
souveraineté plus haute ni plus doucement
impérieuse que celle de l'amour.
Amen.
Grand-Temple, 20 mars 1910.
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