Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

COMME JÉSUS.

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(Luc Il, 41-51)

OUVERTURE DE L'INSTRUCTION RELIGIEUSE 1912-1913

ALLOCUTION AUX CATÉCHUMÈNES
Dimanche 3 novembre 1912. Petit-Temple, 3 heures.


Chers Catéchumènes,

Ce premier entretien que nous allons avoir est comme la préface, ou le commencement, de votre instruction religieuse. J'ai un grand désir d'obtenir votre attention, de me faire bien comprendre de vous, de parler à vos consciences et de toucher vos coeurs : tout cela n'est pas facile, mais j'ai beaucoup demandé à Dieu de m'aider. Vous aussi, lorsque, au cours de votre instruction, vous rencontrerez quelque difficulté, priez Dieu qu'il vienne à votre secours et il le fera.

Je résumerai tout de suite ce que j'ai à vous dire en deux mots, que vous n'oublierez pas, je l'espère : « Comme Jésus ». Comme Jésus ! c'est en un sens le dernier mot, le sommet de la vie chrétienne, la perfection, dont nous-mêmes, vos instructeurs et vos pasteurs, nous sentons encore bien éloignés ; mais c'est aussi le premier mot, parce que c'est le plus facile à comprendre, et celui sur lequel on est le plus d'accord. Il n'y a aucun de vous qui ne sache que Jésus est bon, que personne n'a été aussi bon que lui et, par conséquent, que personne n'est aussi digne de nous servir de modèle. Je le répète, tout le monde est d'accord là-dessus. Si vous entendez dire un jour que vos pasteurs ont des opinions opposées, et que l'un nie ce que l'autre affirme, répondez hardiment : « C'est fort exagéré ; la preuve, c'est qu'ils nous disent tous, d'une même voix et d'un même coeur : Comme Jésus ! »


I


Puisque vous êtes des enfants, - ne soyez pas trop pressés de ne plus l'être, - c'est de Jésus enfant que je vais vous parler. Au moment où s'est passé l'incident qui va nous occuper, il était plus jeune que le plus jeune d'entre vous ; mais pour ceux-là même qui ont 15 ou 16 ans, ce serait un grand honneur et un grand bonheur de ressembler à cet enfant de 12 ans.

J'aime à penser que vous avez bien écouté la lecture de l'Évangile qui vous a été faite, et que l'histoire qui y est contenue vous est d'ailleurs déjà familière. Pour plus de sûreté cependant, je vais vous la raconter encore.

Jésus est souvent appelé Jésus de Nazareth, parce qu'il passa son enfance et sa jeunesse dans cette petite ville de Galilée où habitait sa mère Marie et son père adoptif Joseph, lequel exerçait le métier de charpentier. Ses parents, comme tous les Juifs pieux, avaient l'habitude de se rendre, au moins une fois par an, à Jérusalem, pour y assister à l'une ou à l'autre des fêtes solennelles établies par la loi de Moïse. Jusque-là, l'enfant ne les avait pas accompagnés ; mais la douzième année était l'âge où le jeune Israélite devenait ce qu'on appelait un fils de la Loi. On peut dire que c'est alors que commençait son instruction religieuse. Jésus donc, arrivé à cet âge, alla pour la première fois à Jérusalem avec ses parents pour la plus grande des fêtes juives, celle de Pâques, qui rappelait la sortie d'Égypte, et dont la célébration durait huit jours. Nous ne savons pas si Jésus fit quelque attention aux détails du voyage, ou à la capitale, qu'il voyait pour la première fois. Ce qui est sûr, c'est qu'aussitôt la fête commencée, ce qu'il voyait et ce qu'il entendait, le temple, les rites, les sacrifices, les paroles saintes citées, le souvenir des délivrances accordées par l'Éternel à son peuple, tout cela l'émut, le captiva, le ravit, l'absorba à tel point que tout le reste avait, pour ainsi dire, cessé d'exister pour lui.

Lorsque, la fête étant terminée, ses parents partirent, Jésus ne le remarqua pas. Ils s'aperçurent bien, eux, de son absence, mais sans s'en inquiéter. L'enfant était toujours sage et méritait la plus entière confiance ; on supposa qu'il faisait route avec des voisins, parents ou amis, de Nazareth. Mais, lorsqu'on arriva, le soir, à l'étape où il fallait passer la nuit, et que Jésus ne s'y trouva pas, ses parents furent sérieusement préoccupés. Ils retournèrent sur leurs pas ; le lendemain fut employé au voyage de retour : c'est donc au matin du troisième jour qu'ils trouvèrent Jésus dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant, les interrogeant et leur répondant.

Sa mère, émue et surprise au plus haut degré, lui fit un reproche - le premier, sans doute - doux, mais pourtant injuste : « Mon enfant, pourquoi as-tu fait ainsi ? Voici trois jours que nous te cherchons, ton père et moi, étant fort en peine » Jésus parut aussi surpris de l'inquiétude de ses parents qu'ils l'étaient, eux, de son absence. Il répondit : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il me faut être occupé aux affaires de mon Père ? » On pourrait aussi traduire « qu'il faut que je sois chez mon Père. » - Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait ; Jésus pourtant ne fit aucune difficulté de partir avec eux et de retourner à Nazareth. Il leur était soumis. Il croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes, et Marie gardait et repassait toutes ces choses dans son coeur.


II


Voilà le fait. En voici l'application. Jésus, assis au milieu des docteurs, est à mes yeux le catéchumène modèle, et c'est dans la mesure où vous entrerez dans son esprit et où vous marcherez sur ses traces, que votre instruction religieuse vous profitera.

D'abord, que fait-il ? Il n'enseigne pas, il ne prêche pas, comme on l'a souvent supposé : ce rôle ne convient pas à un enfant de douze ans. Comme je l'ai déjà dit, d'après le témoignage positif de l'évangéliste, il écoute, il répond, il interroge. Il écoute d'abord : c'est votre premier devoir, à vous aussi ; c'est pour cela que vos parents vous envoient à nos leçons. Vous ne serez donc pas de ces enfants légers et inattentifs, qui se distraient et se dissipent pendant que le pasteur parle, qui causent entre eux, qui rient peut-être. Ils se privent eux-mêmes, du bienfait de la leçon, ils en privent leurs camarades, et ils font beaucoup de peine à leur pasteur. Vous écouterez comme fit sans doute Jésus, de tout votre coeur, de toutes vos oreilles, j'ai presque dit de vos yeux aussi. Je me représente l'enfant Jésus fixant successivement sur chacun de ceux qui parlaient le regard de ses yeux clairs et profonds. C'est ainsi que nous aimons à vous voir durant la leçon, c'est ainsi qu'écoutait plus tard Marie de Béthanie, assise, elle aussi, aux pieds du Maître. Jésus assura qu'elle avait choisi la bonne part ; cela sera vrai de vous aussi si vous écoutez de la même façon.

Jésus répondait aussi, et les docteurs, nous est-il dit, étaient émerveillés de la sagesse de ses réponses, sagesse à la fois enfantine et divine. Les questions et les réponses sont une partie essentielle de toute instruction ; elles seules nous assurent que l'élève a compris. Il faut donc répondre quand on vous interroge. Si nous ne pouvons attendre de vous d'aussi belles réponses que celles de Jésus, répondez du moins clairement, promptement, avec réflexion pourtant, répondez assez haut pour qu'on vous entende et sans attendre qu'un camarade vous souffle la réponse.

Jésus interrogeait enfin. Ceci est plus rare, et pourtant il est dans l'ordre qu'un élève sérieux et attentif ait quelquefois des explications à demander, et ne se gêne pas pour le faire, par une timidité exagérée. J'aurais voulu entendre ces questions de Jésus, à la fois simples et profondes, qui durent plus d'une fois déconcerter les vieux docteurs. Quant à nous, soyez sûrs que vous ne nous ennuierez pas, que vous nous ferez plaisir au contraire, toutes les fois que vous nous adresserez des questions - fussent-elles en même temps des objections, - soit de vive voix, soit par écrit.


III


Jésus aimait les leçons religieuses qu'il écoutait dans le temple, quoique ses instructeurs fussent loin d'être parfaits, comme l'événement le prouva plus tard. Nous avons déjà constaté qu'il était tellement fasciné par ces entretiens, que les choses extérieures n'avaient plus d'intérêt pour lui. Chers catéchumènes, nous comptons que vous aimerez les heures consacrées à votre instruction religieuse, comme nous les aimons, nous aussi, pour l'amour du Seigneur et pour l'amour de vous. En conséquence, vous ne manquerez jamais volontairement une de ces leçons, moins nombreuses qu'il ne faudrait ; vous aurez soin d'arriver toujours à l'heure, c'est-à-dire un peu avant l'heure ; vous ne verrez jamais dans votre instruction une corvée, un labeur pénible. Vous ne direz jamais : « Quel ennui ! voici l'heure de la leçon, et mon devoir n'est pas fait ; je ne sais pas mes versets ou mon catéchisme ». Sans doute, il faut apporter dans l'étude de la religion comme dans toute autre étude, - je pourrais ajouter plus que dans toute autre étude, vu son importance - de l'application et de la régularité ; mais ce n'est pas là chose difficile ou pénible pour un catéchumène de bonne volonté ; au contraire, il se fera de son travail une joie.

Quant aux obstacles très réels que plusieurs d'entre vous rencontrent dans des occupations fort assujettissantes, et rendues nécessaires, hélas ! par le souci du pain quotidien de la famille, nous ne sommes pas assez injustes pour n'en pas tenir compte. Nous ne sommes pas des maîtres sévères, mais des amis pleins d'une affection paternelle pour vous. Nous serons satisfaits, et le Seigneur le sera aussi, si l'on peut appliquer à chacun de vous le mot que Jésus prononça un jour à propos d'une femme que j'ai déjà nommée, Marie de Béthanie : « Elle a fait ce qu'elle a pu ».


IV


Mais qu'est-ce qui attirait Jésus, qu'est-ce qui lui plaisait, qu'est-ce qui l'attachait à ce point, soit dans la célébration de cette fête à laquelle il avait assisté avec tant de ferveur, soit dans l'enseignement des docteurs ? Était-ce la pompe des cérémonies ? Non. Il sentait déjà sans doute, quoique son âge ne lui permît pas encore de le penser et de l'exprimer comme il le fit plus tard, que ces dehors, ces rites, ces gestes sont sans valeur par eux-mêmes, et que le seul culte agréable à Dieu est le culte en esprit et en vérité. Est-ce la science des scribes et des docteurs de la loi ? Hélas ! cette science était la plupart du temps creuse et vide ; elle ne pénétrait pas au-delà de la lettre des textes sacrés, et elle y ajoutait des traditions humaines contre lesquelles Jésus dut s'élever plus tard avec énergie. Mais déjà l'esprit et surtout le coeur du saint enfant allaient, à travers la lettre, jusqu'à l'esprit ; à travers les symboles, jusqu'aux vérités éternelles ; à travers les hommes, jusqu'à Dieu. Preuve en soit cette parole : « Il me faut être chez mon Père ».

Marie avait dit « ton père » en parlant de Joseph ; Jésus répond « mon Père » en parlant de Dieu. Personne avant lui n'avait appelé Dieu mon Père, avec cet accent, avec cette intensité de foi et d'amour, avec cette ferme et joyeuse conscience d'une relation filiale avec Dieu. On peut dire que cette première parole de Jésus enfant contient en germe toute sa doctrine, la connaissance et la révélation de Dieu comme Père, et toute sa morale, l'entière consécration au service du Père céleste et à l'accomplissement de sa volonté. C'est cette doctrine et cette morale qui vous seront enseignées, chers catéchumènes. Le monde n'a jamais entendu et n'entendra jamais une doctrine et une morale qui puissent être comparées à celles-là, à celles de Jésus-Christ. Assurément il vaut la peine d'apporter à cette étude toute votre conscience et tout votre coeur. Si votre instruction religieuse atteint son but, il y aura désormais au fond de vos âmes, comme au fond de celle de Jésus, déjà à douze ans, un « Il faut » souverain ; il faut que je connaisse mon Père céleste, que je croie en lui, que je l'aime, que je lui appartienne ; que je vive dès ici-bas près de lui par la foi et par l'obéissance, pour habiter demain chez lui dans l'éternité. Ce serait beau, n'est-ce pas ? Ne disons pas : « ce serait », mais, « ce sera », par la grâce de Dieu.


V


Pour recevoir cette impulsion morale si salutaire, nul âge n'est plus propice que celui où vous vous trouvez.
Le passage de l'enfance à l'adolescence est, chez tout être humain, le moment d'une crise qui, la plupart du temps, décide de son avenir. On peut affirmer en un sens qu'il n'en a pas été autrement de Jésus lui-même. À la vérité, il y a entre lui et vous deux différences : la première, c'est qu'à ce moment décisif il était, comme nous l'avons déjà rappelé, plus jeune que vous ; il n'est pas étonnant, n'est-ce pas ? que son développement religieux ait été plus précoce que le nôtre ?

L'autre différence, beaucoup plus importante, c'est que, n'ayant jamais fait le mal, Jésus n'avait pas besoin de se convertir. On ne peut donc pas parler de crise chez lui au même sens que chez un homme ou un enfant pécheur ; toutefois, même dans un développement parfaitement régulier, il y a des moments plus importants qui constituent des points de départ nouveaux, et qu'on pourrait comparer aux noeuds de la tige d'un arbrisseau. Tel fut, pour l'enfant Jésus, son premier voyage à Jérusalem. S'il ne s'agissait pas d'un véritable événement dans sa vie spirituelle, l'évangéliste, qui ne nous apprend d'ailleurs rien de l'enfance du Seigneur, n'aurait pas raconté avec tant d'insistance ce détail unique. En outre, l'étonnement des parents de Jésus qui, pour la première fois probablement, ne comprennent ni ses actes, ni ses paroles, atteste qu'il s'est produit chez lui quelque chose de nouveau. Chez l'enfant juif, sage et pieux, le Fils de Dieu, le futur Messie s'éveille et se manifeste, pareil à un jeune aiglon qui aurait été élevé dans une basse-cour, et qui tout-à-coup déploierait ses ailes.

Eh bien ! ce que nous souhaitons, ce que nous demandons à Dieu, c'est que chez vous l'instruction religieuse amène une crise pareille, une crise d'élévation et d'affranchissement. Mais il faut insister sur la différence déjà rappelée chez vous, pécheurs, cette crise impliquera le repentir de vos fautes et le renoncement au mal elle s'appellera conversion. Toute instruction religieuse qui atteint pleinement son but aboutit à une conversion. Que Dieu vous fasse la grâce, et à nous aussi, d'avoir toujours devant les yeux ce but sacré !


VI


Mon dernier mot... excusez-moi si j'ai parlé plus longtemps que je n'aurais voulu. Je suis un vieillard, et depuis le vieux Nestor du grand Homère, les vieillards ont, entre autres défauts, celui d'aimer trop les longs discours - mon dernier mot, disais-je, sera celui de l'évangéliste. Mais quel est-il ? Supposez que vous entendiez lire notre récit pour la première fois ; quelle fin lui prêteriez-vous ? qu'est-ce qu'il devrait nous apprendre, à votre avis, au sujet du jeune Jésus après son retour à Nazareth ? - Plus d'un d'entre vous, peut-être, imaginerait quelque chose comme ceci : « Jésus continua à vivre exclusivement occupé des choses de Dieu ; il vaquait tellement à la prière et à la lecture de la Parole sainte, qu'à Nazareth aussi bien qu'à Jérusalem, il ne cessait pas d'être chez son Père ». Et je ne doute pas que cela ne soit vrai. L'évangéliste nous le laisse supposer, mais il nous dit quelque chose de tout différent, que nous n'aurions jamais inventé de nous-mêmes : « Il était soumis à ses parents ».

À Jérusalem, il s'était montré plus pieux et plus sage qu'eux : n'était-il pas naturel et juste qu'il conservât désormais vis-à-vis d'eux cette attitude de supériorité ? - Non ; cela n'eût pas convenu à un enfant, et Jésus devait être un véritable enfant, le modèle des enfants, pour devenir un véritable homme, le modèle des hommes. Or, la vertu par excellence de l'enfant est l'obéissance à ses parents ; c'est en la pratiquant qu'il en acquiert d'autres. Il en était ainsi de Jésus : en obéissant à ses parents, il obéissait au Père céleste, qui l'avait placé sous leur autorité. On se le représente dans l'atelier du charpentier Joseph, obéissant exactement aux instructions de celui qu'on appelait son père, le regardant faire et faisant comme lui. Telle fut, d'après son propre témoignage, l'attitude que plus tard il eut constamment à l'égard de son Père céleste.

Chers enfants, lorsque, au cours de cet hiver, nous irons voir vos parents et nous les interrogerons sur votre compte, nous serons sans doute très heureux d'apprendre que vous aimez votre instruction et que vous y apportez du zèle et de la bonne volonté ; mais ce qui nous fera le plus de plaisir, c'est de recueillir de la bouche de vos parents ce témoignage : « Depuis que notre enfant suit vos leçons, il est devenu plus obéissant et plus soumis ; nous n'avons jamais à nous plaindre de sa conduite ». Cela nous prouvera que vous êtes de ces auditeurs qui cherchent à mettre en pratique ce qu'ils entendent, qui bâtissent sur le roc et non sur le sable ; et si vous le faites, les orages de la vie, les eaux débordées de la tentation ou de l'adversité, ne renverseront pas l'humble édifice dont, avec l'aide de Dieu, nous allons nous appliquer à poser les fondements.

Amen.

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