Les disciples étaient tous d'un commun accord sous le portique de Salomon. Toutefois, aucun des autres n'osait se joindre à eux, mais le peuple faisait ouvertement leur éloge. Le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur augmentait de plus en plus ; c'étaient des multitudes d'hommes et de femmes. (Actes V. 12-14.)
Il y a deux jours, le Conseil presbytéral
de notre Association cultuelle s'est
constitué. Cet événement
important nous invite à vous entretenir de
la vocation et des devoirs de l'Eglise. Au reste,
depuis bien des mois déjà, ce sujet
est à l'ordre du jour. Il s'impose à
l'attention des indifférents
eux-mêmes. L'Eglise, c'est, en dépit
du terme aujourd'hui écrit dans la loi, plus
qu'une association cultuelle : c'est la
société des chrétiens comme
tels, c'est la famille des enfants de Dieu. Comme
il y a, dans le monde physique,
deux grandes forces qui se font équilibre,
l'attraction et la force centrifuge, ainsi l'on
peut constater, dès l'origine, dans l'Eglise
ou la société chrétienne, deux
aspirations, légitimes l'une et l'autre,
mais qui sont jusqu'à un certain point
contraires : le souci de l'expansion et le
souci de la pureté.
D'un côté l'Eglise a,
dans la personne des apôtres, reçu de
son fondateur cette mission : instruire toutes
les nations, les baptisant au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit. À cet
égard, son ambition ne sera satisfaite que
le jour où « toute langue
confessera que Jésus est le Seigneur,
à la gloire de Dieu le
Père », c'est-à-dire le
jour où l'Eglise et l'humanité se
confondront, par là s'explique l'existence
des Églises nationales, des Églises
de multitude ; et il est permis d'y voir un
fait providentiel, même si l'on juge qu'il a
fait son temps.
D'un autre côté,
l'Eglise est distincte du monde et même
opposée à lui ; elle est
appelée le corps du Christ, l'épouse
du Christ, elle a le devoir de se conserver
fidèle à son chef et de veiller
contre les erreurs et contre les scandales. Tel est
le fondement des Églises triées, qui
sont ou veulent être, suivant le cas, des
Églises de professants, de croyants, de
convertis. On peut dire que celui qui aurait trouvé
le moyen de
concilier ces deux principes et de faire à
chacun la part qui lui revient, aurait
résolu la question d'Eglise, qui est
difficile entre toutes. Nous n'avons pas cette
prétention, mes frères. Mais puisque
le livre des Actes des Apôtres nous fait
connaître une Église qui, d'un commun
accord, est regardée comme un modèle,
l'Eglise primitive de Jérusalem, nous
pensons qu'il y aura intérêt et profit
à y chercher une réponse à
cette double question ; Comment cette noble
Église défendait-elle sa
pureté ? Comment assurait-elle son
expansion ?
En ce qui touche la pureté de l'Eglise
primitive, voici le témoignage de notre
texte : « Les disciples
étaient tous d'un commun accord sous le
portique de Salomon. » « Aucun
des autres, c'est-à-dire de ceux qui
n'étaient pas des disciples,
« n'osait se joindre à
eux ». Cela signifie que la jeune
Église se défendait elle-même
contre l'intrusion des profanes par le respect
mêlé de crainte qu'elle inspirait. Des
profanes, ai-je dit ; car il va sans dire que
ceux qui n'étaient pas des
profanes, ceux dont le coeur était
touché, ceux qui étaient
gagnés par l'ascendant moral des
fidèles et par la contagion de leur foi,
osaient fort bien se joindre à eux ;
ils accouraient par centaines et par milliers, et
ils étaient toujours les bienvenus. Mais,
alors comme aujourd'hui, « la foi
n'était pas de tous. »
Or, en ce temps-là, ceux qui
n'avaient pas la foi n'osaient
généralement pas en prendre les
apparences ni s'en approprier le langage. Ils en
auraient eu envie, peut-être, pour divers
motifs. Tel esprit porté vers les
nouveautés était ébloui par
cette grande idée de la messianité de
Jésus de Nazareth, de sa
résurrection, du salut offert à tous
en son nom. Telle imagination, avide de surnaturel,
ne se lassait pas d'admirer les miracles
opérés par les apôtres et
souhaitait d'en voir toujours de nouveaux et de
plus étonnants. Tel indigent enviait le sort
des Nazaréens pauvres qui s'asseyaient
à la même table que leurs
frères plus aisés et jouissaient des
mêmes avantages. Tel coeur triste,
témoin de la joie de ces gens-là,
disait : « Je voudrais bien leur
ressembler ! » Quand des impressions
ou des réflexions de ce genre amenaient la
conversion, rien de mieux. Mais lorsque la
conversion ne se produisait pas, lorsque ces juifs,
admirateurs de
la secte nouvelle, ne se décidaient pourtant
pas à s'y rattacher de coeur, ils n'osaient
pas faire semblant.
Qu'est-ce donc qui arrêtait
ainsi les inconvertis sur le seuil de
l'Eglise ? Était-ce une confession de
foi ? - Certes, les premiers croyants avaient
une foi commune ; mais, à cette
époque, ils n'avaient pas encore eu
l'idée de la rédiger et de la
résumer en articles obligatoires ; rien
de pareil ne se fit durant le cours du premier
siècle et le Nouveau Testament n'en offre
aucune trace. Plus tard, les confessions de foi ont
pu avoir leur raison d'être, leur
nécessité même ; il ne
paraît pas cependant qu'elles aient jamais
réussi à protéger la
pureté morale et religieuse de
l'Eglise.
Qu'est-ce donc, encore une fois,
qui
arrêtait alors les indignes ?
Était-ce une discipline ? - Certes, le
Saint-Esprit avait lui-même exercé la
discipline d'une façon terrible par le
châtiment subit d'Ananias et de Saphira, et
l'on peut croire que ce lugubre
événement inspira une grande frayeur
à ceux du dehors. Mais quant à une
discipline organisée, exercée par des
hommes, imposant en quelque sorte un rigoureux
examen d'entrée à tous ceux qui se
présentaient comme candidats au baptême, il n'y en
avait pas
dans l'Eglise primitive ; témoin
l'admission simultanée de trois mille
croyants, puis de deux mille autres au
moins.
Était-ce donc la crainte des
persécutions qui, s'opposait à
l'entrée dans l'Eglise de tous ceux qui
n'étaient pas sincèrement
chrétiens ? - Oui, probablement, dans
bien des cas. La persécution est une
admirable gardienne de la pureté de
l'Eglise. Elle est comme un creuset bien propre
à séparer l'or pur de la foi, de tout
ce qui le ternit et le contrefait. C'est pourquoi,
au seizième siècle comme au premier,
l'âge de la persécution fut
l'âge héroïque, et son
ralentissement suffit pour amener une certaine
décadence. Toutefois, quand on relit
attentivement notre texte, on n'a pas l'impression
que cette phrase remarquable :
« aucun des autres n'osait se joindre
à eux », fasse allusion à
la crainte de la persécution. Elle fait
plutôt penser au respect qu'inspirait alors
l'Eglise, à l'auréole de
sainteté qui l'entourait. On sentait
tellement que Dieu était avec ces
gens-là qu'on n'osait pas se mettre de leur
nombre, si l'on n'appartenait pas vraiment à
Dieu.
Dieu, pour rappeler une belle
parole
du prophète Zacharie, était comme une
muraille de feu autour de son Église ;
ou, pour employer une autre image,
il y avait sur le sommet de la nouvelle Sion, comme
autrefois sur celui du Sinaï, des
éclairs et des tonnerres qui tenaient en
respect et à distance ceux qui
n'étaient pas initiés et
purifiés. Tout ceci semble nous imposer
cette conclusion : la meilleure sauvegarde de
la pureté d'une Église, c'est cette
pureté elle-même. Qu'elle soit
vivante, aimante, active, pleine du Saint-Esprit,
en état de réveil permanent, elle se
préservera toute seule des profanes et des
hypocrites ; ou, s'ils se glissent chez elle.
elle ne tardera pas à les éliminer
par sa propre vertu. C'est ainsi qu'on a pu
dire : « Si, par impossible, un
homme étranger à l'amour de Dieu
s'introduisait par contrebande dans le ciel, il s'y
sentirait tellement dépaysé qu'il n'y
pourrait rester longtemps, et qu'il fuirait
bientôt jusqu'en enfer.
Si maintenant nous posons la seconde
question : « Comment l'Eglise de
Jérusalem assurait-elle son
expansion ? » la réponse sera
presque la même. Cette sainteté, cette
vie en Dieu et selon Dieu, qui, repoussait les
éléments
hétérogènes, les coeurs
charnels, les volontés perverses, attirait
les éléments homogènes, les
âmes affamées et
altérées de justice. Si toutefois
nous cherchons plus de précision, le livre
des Actes ne nous laisse pas dans l'ignorance sur
les principaux attraits de l'Eglise primitive, sur
les moyens par lesquels s'exerçait sa
féconde et rapide propagande.
Notre texte, ou plutôt notre
contexte, n'en mentionne expressément qu'un
seul, les guérisons miraculeuses. Certes, il
est facile de nous rendre compte de l'impression
qu'elles produisaient. Comment un homme aurait-il
pu rejeter un message lié à un si
grand bienfait que sa propre guérison, ou
celle d'un être aimé, guérison
immédiate, complète, absolument et
visiblement au-dessus de toutes les ressources de
l'art et de la science ?
Nous ne possédons plus ce
pouvoir, et il est clair qu'il y a là pour
nous une très réelle et très
sensible infériorité. Toutefois, les
bienfaits moraux, sociaux et matériels d'un
christianisme réel et vivant, la sympathie
ingénieuse et intarissable dont il est la
source, les prodiges de charité qu'il
enfante, ces prodiges-là, disons-nous,
surtout s'ils étaient partout et toujours ce
qu'ils devraient être, ce qu'ils sont
quelquefois, tiendraient lieu de miracles et ne
persuaderaient pas
moins. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, sur terre
païenne, le médecin missionnaire
prépare très efficacement les voies
au prédicateur de l'Évangile.
Quoi qu'il en soit, les autres
moyens de propagande dont disposait l'Eglise
primitive appartiennent, ou en tout cas pourraient
et devraient appartenir, à l'Eglise de tous
les temps. Le livre des Actes insiste sur le
témoignage rendu par les apôtres
à la résurrection de
Jésus-Christ. Certes, la prédication
chrétienne n'a jamais manqué
d'organes ; elle en a eu de plus
éloquents probablement que les
apôtres. Mais celle des apôtres avait
ce caractère particulier et bien digne de
remarque, d'être un «
témoignage ». Ils ne dissertaient
guère, ils prouvaient peu, si ce n'est par
des citations de l'Ancien Testament. Mais ils
disaient : « Ce que nous avons vu,
ce que nous avons entendu, ce que nos mains ont
touché, nous vous
l'annonçons ». Aujourd'hui encore,
ceux qui comme eux parlent d'expérience, les
vrais témoins du salut et du Sauveur, ne
parlent pas en vain. J'ajoute que ce
témoignage des apôtres avait pour
objet principal la résurrection de
Jésus-Christ, le sceau de Dieu mis sur la
personne, la parole et l'oeuvre de son Fils :
le péché par donné, la mort vaincue, le
salut manifesté et attesté, le ciel
présent et ouvert. - Enfin, ce glorieux
témoignage, les apôtres étaient
les premiers, mais, non les seuls, à le
rendre. La parole du diacre Étienne eut un
moment plus de retentissement et d'éclat que
la leur. Ce sont des missionnaires anonymes qui
accomplirent l'oeuvre la plus étonnante et
la plus féconde du premier
siècle : la fondation de la
première Église chrétienne sur
le sol païen. Que de lumières et
d'encouragements n'y a-t-il pas dans ces faits pour
l'oeuvre d'évangélisation qui nous
incombe aujourd'hui !
Toutefois, c'est moins encore
par
leur parole que par leur vie, par le rayonnement de
leur joie et de leur amour, que les premiers
chrétiens, pris en masse, rendaient
témoignage à l'Évangile. Rien
ne nous est plus familier, plus présent
à l'esprit, que les traits par lesquels
l'historien sacré peint cette
société presque céleste.
Quoiqu'Ils fussent nombreux déjà,
« ils n'étaient qu'un coeur et
qu'une âme » ; dans
l'élan spontané de leur
charité, ils mettaient tous leurs biens en
commun ; une grande grâce était
sur eux tous ; rompant le pain de maison en
maison, ils prenaient leurs repas avec joie et
simplicité de coeur, louant Dieu et
étant agréables
à tout le peuple », Quand nous
lisons aussitôt après :
« Le Seigneur ajoutait tous les jours
à l'Eglise des gens pour être
sauvés », la chose nous
paraît toute naturelle. Il est clair qu'une
telle Église ne pouvait que progresser et
s'étendre. Ce qui étonne, c'est qu'un
tel centre n'ait pas tout attiré, c'est
qu'un tel foyer n'ait pas tout
réchauffé ; c'est qu'il se soit
trouvé des hommes pour tourner le dos
à une société pareille et
même pour la persécuter.
Mais non ! il ne faut
pas nous
en étonner. Jésus-Christ n'a-t-il pas
eu des ennemis ? et le disciple n'est pas plus
grand que son maître. Parce que le
péché existe et qu'il règne,
hélas ! sur la terre, la
vérité, la justice et la
charité ont toujours eu et auront
jusqu'à la fin des ennemis. Mais parce que
l'homme est pourtant fait à l'image de Dieu
et que la vérité, la justice et la
charité ont des droits éternels
à son respect et à sa sympathie,
toute société, toute Église
qui a offert, ne fût-ce que quelques traits
de l'idéal un moment réalisé
par l'Eglise de Jérusalem, a
possédé quelque chose de son pouvoir
d'attraction et de conquête. Au contraire,
toute Église qui ne reproduit rien de cet
idéal, ne rencontre qu'indifférence,
que froideur, qu'incrédulité. Comment
en effet croire au surnaturel de la doctrine, s'il
ne se traduit
pas
par le surnaturel de la vie ? Et qu'a de
plausible l'Évangile de l'amour
crucifié, si ceux qui prétendent en
être les objets et les
bénéficiaires n'ont rien
d'extraordinaire dans leur amour ?
Ainsi tout concourt à établir que
le secret de la puissance de l'Eglise primitive,
l'agent principal de sa préservation comme
de ses conquêtes, son bouclier comme son
épée, c'était sa
sainteté, sa charité, sa vie
spirituelle intense. Je ne conteste pas la
nécessité historique, ni
l'utilité relative des moyens
extérieurs qui ont été
imaginés et employés plus tard :
moyens de défense comme la confession de foi
et la discipline ; moyens de propagande, comme
les sociétés
d'évangélisation et de mission.
Toutefois, ces moyens-là ne sont pas
indispensables, puisque l'Eglise primitive, qui ne
les avait pas, n'en a pas moins été
l'Eglise pure et l'Eglise conquérante par
excellence ; et ces mêmes moyens sont
imparfaitement efficaces, puisque des
Églises qui les possèdent aujourd'hui sont loin
d'égaler,
à ce double égard, l'Eglise
primitive.
Mais l'entends votre objection
ou
votre question : Quel est le résultat
pratique de tout cela ? Que pouvons-nous en
prendre ou en apprendre, pour ce qui concerne notre
Église actuelle et nos devoirs
vis-à-vis d'elle ? Car nous ne pouvons
pas remonter le cours des âges. Nous ne
pouvons pas recommencer l'Eglise. Il nous serait
à près aussi difficile, ou aussi
impossible, d'emprunter à l'Eglise de
Jérusalem sa communauté de biens que
ses pouvoirs miraculeux. Cela est vrai, mes
frères. Mais ces traits, tout frappants
qu'ils sont, ne sont pas l'essentiel.
L'essentiel, c'est ce qui nous
reste
ou nous appartient aussi, si nous le voulons :
la foi, l'espérance et l'amour ; le
Saint-Esprit et la prière ; la croix et
la résurrection de Jésus-Christ. Mais
si nous sentons que ces éléments
même, éternels, primordiaux, de la vie
spirituelle et chrétienne, nous manquent
lamentablement, que faire ? par où
commencer ? - Par la prière. L'Eglise
des trois mille, l'Eglise de la Pentecôte,
fut la fille de la Chambre haute, où les
cent-vingt avaient prié pendant dix jours.
Si donc nous voulons retrouver quelque chose de la
ferveur et de la puissance
del'Eglise à ses origines,
retournons à la Chambre haute. Y a-t-il ici
des chrétiens qui ne prennent pas leur parti
de la déchéance actuelle de l'Eglise,
de la défaite de la foi, de
l'obscurcissement du soleil de justice ? qui
sentent peser lourdement sur leur conscience
troublée et sur leur coeur contrit, leurs
propres misères et celles de leurs
frères ? qui soupirent après une
solution heureuse et triomphante de la crise que
nous traversons, après un Réveil,
après un baptême du
Saint-Esprit ? Qu'ils prient !
Qu'ils prient d'abord chacun en
son
particulier, dans le secret, jusqu'à ce que
le faible lumignon de leur foi devienne une vive
flamme, jusqu'à ce que leurs
velléités de mieux faire deviennent
une volonté arrêtée de se
consacrer au Seigneur et de travailler pour son
service.
Puis qu'ils prient ensemble.
Qu'ils
s'appellent, qu'ils se cherchent; comme ils ont les
mêmes besoins, les mêmes
expériences, ils ne tarderont pas à
s'attirer mutuellement et à se comprendre
à demi-mot. « Alors ceux qui
craignent l'Éternel se parleront l'un
à l'autre, » comme dit le
prophète Malachie en décrivant
l'aurore des jours nouveaux qu'il espère.
J'ai souvent pensé que ces jours meilleurs
commenceront pour notre Église lorsqu'elle
possédera une vraie
réunion de prières, à laquelle
un nombre croissant de chrétiens viendront,
non seulement assister, mais prendre une part
active. Ces groupes vivants,
réveillés, priants, prendraient
toujours plus de cohésion et de force, ils
éprouveraient bientôt le besoin de
joindre à la prière l'action et le
témoignage ; ce seraient des familles
de frères, unis par la plus étroite
solidarité ; ce seraient aussi de fait,
sous ce nom ou sous quelque autre, peu importe, des
sociétés d'activité
chrétienne. On verrait se manifester chez
ces groupes ce double pouvoir de
préservation et d'expansion que nous avons
constaté dans l'Eglise de
Jérusalem ; ceux qui ont soif d'un
christianisme vivant et sanctifiant seraient
attirés, et qui peut dire quel en serait le
nombre ?
Qui peut compter et borner les
miracles que l'Esprit de Dieu est capable
d'accomplir aujourd'hui comme autrefois ?
Ceux qui sont étrangers
à toute aspiration de ce genre n'oseraient
pas se joindre à ces pieuses
assemblées. Celles-ci se
sépareraient-elles de la grande
Église ? Je ne le crois ni
nécessaire, ni désirable. Les
premiers chrétiens n'étaient pas
sortis de la communauté juive ; ils
fréquentaient plus assidûment que les
autres le temple de Jérusalem. Ainsi les
chrétiens rajeunis et
fervents que j'imagine, ne se sépareraient
pas de la multitude de leurs frères ;
ils agiraient plutôt au milieu d'elle comme
un levain pour la pénétrer et la
soulever ; ils formeraient, comme on l'a dit,
des « ecclesiolae in
ecclesia », de petites Églises
dans la grande.
Concevez maintenant ces petites
Églises se multipliant, ces foyers, de vie
s'allumant de toutes parts, puis communiquant, se
reliant entre eux, moins par une étiquette
religieuse commune - les étiquettes
pourraient être diverses, - que par une vraie
communauté de foi, moins par une savante
organisation que par un ardent amour.
Est-ce que ce ne serait pas le
Réveil ? Est-ce que ce ne serait pas
une résurrection semblable à celle
que contempla le prophète Ezéchiel,
lorsqu'il vit les os secs dispersés dans la
plaine se remuer, se rapprocher, reprendre vie au
souffle de l'Esprit, et devenir enfin un grand
peuple qui connaissait l'Éternel ?
Est-ce que ce ne serait pas une
réponse victorieuse du Seigneur à
ceux qui prétendent que l'Évangile a
décidément vieilli et perdu sa
force ? Est-ce qu'enfin l'Eglise ainsi
renouvelée ne serait pas distincte du monde
et n'aurait pas prise sur lui ? Et si
l'année où nous commençons
à faire l'expérience de la
séparation d'avec
l'État était aussi celle où
commençait à se produire un mouvement
de ce genre, ne marquerait-elle pas une date
bénie entre toutes dans notre histoire
religieuse ? - Tout cela sera, mes
frères, si chaque chrétien fait son
devoir.
Je crois avoir raconté dans
cette chaire que le magnifique Réveil du
pays de Galles eut pour point de départ le
témoignage d'une jeune fille qui,
répondant à l'appel de son pasteur,
se leva et dit : « J'aime le
Seigneur Jésus-Christ de tout mon
coeur. » Que quelques-uns de nous, ne
fût-ce que deux ou trois pour commencer,
puissent rendre le même
témoignage ; qu'ils mettent en commun
leurs prières, leurs expériences et
leurs efforts ; que, comme c'est naturel et
logique, aimant ainsi le Seigneur, ils prient de
tout leur coeur et travaillent de toutes leurs
forces pour que Jésus-Christ soit connu et
aimé de ceux qui ne le connaissent et ne
l'aiment pas encore, pour qu'il soit
tout-à-fait connu et tout-à-fait
aimé de ceux qui ne le connaissent et ne
l'aiment qu'à demi, et l'Eglise de
Jérusalem aura commencé à
revivre parmi nous.
Amen.
Nîmes, Grand-Temple, 1er juillet 1906.
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