Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES MARTYRS SOUS HENRI Il

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ANNE DU BOURG

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IX - L'ORAISON AU SÉNAT DE PARIS.

Le Parlement céda aux volontés du tout-puissant cardinal. Les modérés s'effacèrent une fois de plus devant les fanatiques et les violents. D'ailleurs, on approchait des fêtes de Noël, et il convenait que le bon peuple de Paris eût, à cette occasion, le plaisir de voir brûler un hérétique membre de la première Cour de justice du royaume. Le temps pressait, et on se hâta.

Le 22 décembre, la Cour rendit un premier arrêt, qui déclarait non recevable le dernier appel comme d'abus de du Bourg (1) Et, dès le lendemain, un second arrêt, exécutoire le jour même, le déclarait « atteint et convaincu du crime d'hérésie, » et le condamnait à la potence et au bûcher. Mais, avant de raconter cette exécution, arrêtons-nous devant un document qui soulève un problème historique difficile. Je veux parler de l'Oraison au Sénat de Paris.

Le fait qu'Anne du Bourg adressa, peu avant sa mort, une harangue à ses juges est incontestable (2) Chandieu le mentionne expressément en ces termes :

« Du Bourg, ayant ouï son arrêt, leva les yeux au ciel et rendit grâces à Dieu. Et puis, s'adressant à ses juges, dit tout haut : qu'il priait Dieu leur pardonner cette injustice et ajouta beaucoup de belles remontrances aux uns et aux autres (3). »

L'historien de Thou, fils de l'un des juges de du Bourg, et, par suite, bien placé pour vérifier une telle assertion, la confirme et déclare même avoir eu entre les mains le texte du discours « recueilli par le greffier. » Voici comment il en parle dans son Histoire universelle :

« Lorsque, suivant l'usage, on lui lut son jugement, il n'en parut point consterné, et dit qu'il pardonnait à ses juges, qui avaient jugé selon leur conscience, mais non selon la science qui vient d'en haut, et selon la sagesse de Dieu. Ensuite, ayant comme adressé son discours à ses juges, il dit plusieurs choses sur le jugement éternel de Dieu, et s'animant un peu, il finit ainsi : « Éteignez vos feux, et renonçant à vos vices, convertissez-vous à Dieu, afin que vos péchés soient effacés et vous soient remis. Que l'injuste abandonne sa voie, et que, détestant ses desseins pervers, il retourne au Seigneur, et il aura pitié de lui. Pour vous, ô Sénateurs, vivez heureux. Pensez sans cesse à Dieu et en Dieu. Je vais avec joie à la mort. » Ayant dit ces paroles, qui furent recueillies par le greffier, et que j'ai ici copiées, il fut conduit dans un tombereau à la Grève (4) »

Mais ce sont surtout les Commentaires du président Pierre de la Place, parus en 1565, qui font connaître la harangue de du Bourg par de longs extraits, que Crespin lui a empruntés pour son édition de 1570, et qui figurent depuis lors au Martyrologe.

Le témoignage de Chandieu, de la Place et de de Thou tranche la question. Du Bourg a répondu par une harangue à la sentence qui le frappait. Mais quand cette harangue a-t-elle été prononcée ? Il résulte du procès-verbal du greffier (5) que la sentence, rendue le 23 décembre dans une audience du matin, fut portée vers onze heures à Anne du Bourg, et lui fut lue « en la chapelle de la Conciergerie du Palais, en la présence d'aucuns huissiers en ladite Cour et autres personnes. »

« Et après la prononciation dudit arrêt, et remontrances à lui faites qu'il était temps de penser au salut de son âme et se recorder de ses fautes et délits, pour s'humilier envers Dieu et lui en requérir pardon et merci, ainsi que doivent faire tous bons et vrais catholiques, a dit qu'il rendait grâces à Dieu de ce que son plaisir était de l'appeler, et qu'il lui convenait souffrir la mort pour avoir soutenu la vérité, et auquel il suppliait lui donner la grâce et la vertu de persister jusques à la fin, et qu'il prenait le jugement de mort contre lui donné, en patience ; d'autant que Messieurs de la Cour qui ont jugé son procès y avaient fait leur devoir selon le dû de leurs consciences, et comme pareillement en avaient fait les juges ecclésiastiques, priant Dieu les vouloir tous bien inspirer, et leur donner la connaissance de la vérité ; me priant faire ses recommandations envers mesdits sieurs. »

Ces paroles, prononcées par du Bourg devant le greffier, les huissiers et « autres personnes, » ne peuvent pas être identifiées avec la harangue dont parlent Chandieu, La Place et de Thou. Mais alors, où placer cette harangue ? Ne faut-il pas la reporter au jour précédent, c'est-à-dire au 22 décembre, dans cette audience de la Cour où fut rendu l'arrêt qui rejetait le dernier pourvoi du prisonnier, arrêt qui équivalait virtuellement à une sentence de mort ? Ce jour-là, si notre supposition est fondée, Anne du Bourg, comprenant que c'était la dernière fois qu'il comparaissait devant ses anciens collègues, dut réclamer le droit d'être entendu, après le prononcé du jugement, et ce droit la Chambre le lui accorda, non seulement parce qu'il eût été difficile de le lui contester, mais surtout, sans doute, parce que ce magistrat, frappé de déchéance par la plus inique des procédures, représentait la dignité d'une carrière et d'un caractère sans tache.

Il parla donc, et sa parole, débarrassée enfin de toute préoccupation de défense juridique, fut un éloquent acte d'accusation contre ses juges, dociles instruments d'un pouvoir usurpateur, qui ne craignait pas d'avilir la première magistrature de l'État. S'il faut en croire les contemporains, les larmes de plusieurs de ses juges rendirent hommage à la vérité de ses paroles.

Une autre question se pose ici : Avons-nous le texte de cette harangue ? Jusqu'ici, les historiens qui y ont fait allusion ont été tributaires du président La Place, qui, magistrat lui-même et écrivant ses Commentaires quelques années seulement après l'exécution de du Bourg, leur a paru une autorité suffisante. Crespin, le premier, lui a emprunté, en 1570, le texte de ce discours, et d'autres l'ont suivi. Mais nul ne parait s'être demandé à quelle source La Place lui-même avait puisé. Amené à nous poser cette question, en préparant notre édition de Crespin, nous avons étudié attentivement une petite plaquette, qui se trouve à la Bibliothèque nationale et qui porte ce titre : Oraison au Sénat de Paris pour la cause des Crestiens, à la consolation d'iceux : d'Anne du Bourg, prisonnier pour la parole (6) . Cet écrit, daté de 1560, c'est-à-dire quelques mois après la mort du martyr, a été complètement négligé jusqu'à ce jour, et il semble certain qu'aucun biographe ne l'a consulté (7).

En le comparant au discours publié par La Place dans ses Commentaires, en 1565, nous nous sommes aisément aperçu que cet auteur s'est borné à en extraire les passages saillants, en les abrégeant, en les arrangeant, et en retouchant le style.

Le lecteur lira avec intérêt quelques extraits de cet écrit. Il s'ouvre par un contraste entre « la Vérité et le Mensonge, » ces deux ennemis qui se partagent le monde. C'est la voix du mensonge, dit du Bourg à ses juges, qui « m'a accusé devant vous, à cause que je l'ai délaissée ; je m'arrêterai donc à vous faire connaître que trop légèrement vous lui avez ajouté foi, et que vous devez vous désister de nous tenir rigueur à l'avenir. » Il prévoit toutefois que les juges n'auront pas égard à la douleur de ses frères, et il voudrait au moins leur faire quelque bien par ses exhortations.

« Au moins, » dit-il, « je m'efforcerai de vous enseigner le remède pour que vous trouviez santé en notre maladie (car vous êtes bien aussi malades que nous, mais c'est diversement), si vous en voulez user, et de vous déclarer où le mal est dangereux pour y remédier, si vous ne dédaignez pas d'apprendre quelque chose d'un homme qui est déplaisant à vos yeux et qui parlera devant Dieu et vous, moyennant sa grâce, le défendant comme il m'en donnera la force ; devant lequel et en son nom je réclame votre audience, ce que vous ne me devez refuser, non pas à un infidèle. Et combien que je sache bien que vous trouverez étrange qu'un homme déjà condamné prononce en votre présence ce que le monde rejette bien loin, toutefois disant la vérité je ne pense faillir... Encore, Messieurs, qu'en m'ayant condamné hérétique, pour cela vous tourmentiez mon corps, sachez toutefois que l'opprobre que vous m'objectez d'hérésie en rien ne blesserait mon esprit d'injure, si vous tentiez (sauf correction où vous me feriez apparaître du contraire) un ordre de justice et que vous ne profaniez point le saint siège de Dieu, qui est pour soutenir la vérité, et non point pour fléchir aux menteurs. »

Après avoir reproché à ses juges de « genner les pauvres consciences pour leur faire accroire qu'ils sentent mal de la religion chrétienne, » du Bourg s'écrie :

« Nous sommes enfants de Dieu, et nous le reconnaissons pour notre Père ; nous disons que notre Dieu est Esprit, et qu'il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et vérité ; qu'il n'accepte point l'apparence extérieure, que sans lui l'on ne peut rien ; qu'il n'y a point d'autre Dieu que lui ni Sauveur ; qu'il n'y a nul avec lui qui fasse mourir et qui fasse vivre, et que tout passera par ses mains ; que toutes choses lui sont connues, et qu'il est tout véritable. Nous confessons que nous sommes pauvres misérables pécheurs, dénués de tout bien, et que le Seigneur est riche et tout-puissant en miséricorde, que sa bonté et dilection est apparue envers les hommes, non pas selon les oeuvres de justice que nous ayons faites, mais selon sa miséricorde infinie. Ce que nous disons, nous le tenons de lui ; c'est la sagesse à laquelle doit porter révérence toute personne. À icelle vous devez prêter l'oreille, et maintenant plus que jamais, comme à un grand seigneur, qui vous dénonce la guerre. »

Un peu plus loin, l'auteur revendique avec énergie le droit des protestants à défendre leur foi, qui est leur bien le plus précieux:

« Laisserons-nous fouler aux pieds notre rédemption, le sang d'icelui qui l'a si franchement répandu pour nous ?
N'obéirons-nous point à notre Roi, qui veut que nous le défendions, qui nous cherche, qui nous soutient, qui est le premier en la presse ? Quoi donc, la peur nous peut-elle faire chanceler ? nous doit-elle ébranler ? Ne serons-nous pas plus tôt hardis, mais invincibles, connaissant une si petite résistance contre nous, étant assurés qu'ils sont hommes, hélas, vermine misérable, et indignes d'être nommés devant Dieu. Cette gent veut que nous permettions qu'on blasphème notre Dieu ; elle veut que nous lui soyons traîtres, et pour cela on nous déteste ; nous sommes taxés de sédition, nous sommes (disent-ils) désobéissants aux Princes, d'autant que nous n'offrons rien à Baal. »

Dans un passage hardi, du Bourg déclare que les protestants ne sont pas rebelles au prince, mais que c'est celui-ci qui est rebelle à Dieu  :

« Car qui a fait Roi notre Prince, et qui lui a baillé autorité sur tant de peuple ? N'a-ce pas été le grand Seigneur de tous les Rois ? L'aurait-il placé en Lin tel lieu pour lui contrevenir, l'exemptant de garder ce qu'il a commandé à toutes les nations, au ciel et à la terre ? Par cela, je conclus que le Roi notre Prince est sujet, et tous les siens aux commandements du souverain Roi, et commet lui-même crime de lèse-majesté s'il détermine quelque chose contre la volonté de son Roi et le nôtre, et par ainsi coupable de mort s'il persiste en une erreur qu'il devrait condamner. »

Plus loin, la même pensée revient dans une apostrophe véhémente aux « rois de maintenant » :

« Vous, Rois de maintenant, pensez-vous échapper à là fureur de Dieu, ne portant non plus de révérence à sa parole ?... Êtes-vous si enivrés en la coupe de la grand'Bête, qu'elle vous fasse boire si doucement le poison au lieu de médecine ? N'est-ce pas vous qui faites pécher votre pauvre peuple, puisque vous le détournez du vrai service de Dieu ? »

Que l'on nous permette enfin une plus longue citation, qui reproduit le morceau le plus émouvant de l'Oraison. Il suffira de le comparer avec le passage correspondant de La Place, pour constater que celui-ci, en abrégeant son auteur, l'a souvent affaibli et dénaturé.

« Regardez, je vous prie, regardez avec vous, combien de feux vous avez allumés pour penser anéantir cette vérité, consumant tant de corps, ès entrailles desquels était si bien engravée la connaissance d'icelle ? Combien de pauvres ouailles ont été égorgées par vos mains, et lesquelles ayant le glaive dans le coeur, priaient pour vous qui les persécutiez ! Ces pauvres gens, hélas ! bien riches ! savaient bien que, puisqu'ils étaient Chrétiens, ils seraient haïs du monde. Aussi n'étaient-ils pas ignorants qu'ils devaient posséder leurs âmes par leur patience. Ils savaient bien, quand ils étaient tourmentés, que c'était l'équité de Dieu qui se pourmenait avec eux ; que nous ne pouvons murmurer contre lui sans iniquité ; qu'il faut obtempérer à sa sainte volonté, pour ce qu'il n'est licite d'y résister, et que nous devons chercher patience en nos afflictions, pource qu'impatience est contumace contre notre Créateur, étant certains qu'alors qu'il nous afflige par croix, il pourvoît à notre salut, selon l'enseignement de saint Paul, qui jaçoit que la persécution nous comble, si est-ce qu'encore abattus tout plats, nous ne périssons point.

» Néanmoins, considérez quelle cruauté vous exercez. Et, si vous avez quelque égard aux hommes plus qu'à Dieu, sondez en vos coeurs en quelle estime vous pouvez être aux autres pays, et le rapport qu'on fait à tant d'excellents Princes, de tant de prises de corps que vous décernez au mandement de ce rouge Phalaris (8), (que puisses-tu, cruel tyran, par ta misérable mort, mettre fin à nos gémissements !) lequel, comme s'il prévoit une place de cinq, a pour lui seul, bon gré, mal gré, remis sus une puissance d'Ephores (9), non pour la conservation de la république, comme il est tout connu qu'elle était en Lacédémone, mais pour tourner tout à sa fantaisie, et les Rois et les grands ; et, par ce moyen, qui doute qu'il ne l'ait sur le peuple ? À sa volonté, vous nous allongez tellement les membres innocents (10), que vous-mêmes en avez pitié, vous en avez compassion. O quelle rigueur en vous-mêmes ! Pourquoi les uns de vous en pleurez-vous (11) ? Que dénonce cet ajournement, sinon que vous ressentez votre conscience chargée, et que leurs piteux cris contraignent de lamenter vos yeux de crocodile ! Ores apercevez comment vos consciences sont poursuivies du jugement de Dieu. Et voilà les condamnés s'éjouissent du feu, et leur semble qu'ils ne vivent jamais mieux sinon quand ils sont au milieu des flammes. Les rigueurs ne les épouvantent point ; les injures ne les affaiblissent point, récompensant leur honneur par la mort. Ainsi, Messieurs, ce proverbe vous convient fort bien avec eux : Le vainqueur meurt et le vaincu lamente.

» Qu'ai-je moins à me contrister qu'eux, étant guindé (12) comme eux, et que je m'en assure en mon Dieu. Je sais, Seigneur Dieu, que si toute transgression et désobéissance a reçu juste rétribution de son loyer, que nous n'échapperons pas si nous mettons à nonchalance un si grand bénéfice, que celui que nous reconnaissons par notre Seigneur Jésus-Christ. J'embrasse, ô Seigneur Dieu, cette parole que tu as mise en la bouche d'un tien fidèle martyr, que doublement est condamnable celui qui dédit la doctrine de notre Sauveur, et doit être puni pour avoir été traître à ton Fils, et pour ce qu'il déçoit les hommes.

» Non, non, Messieurs, nul ne pourra nous faire séparer de Christ, quelques lacs que l'on nous tende, soit fâcherie d'esprit, soit que nos corps endurent. Non, non, vous savez bien, il y a longtemps, que nous, habitants en la terre, nous sommes destinés à la boucherie comme brebis d'occision. Donc, qu'on nous tue, qu'on nous brise ; pour cela, les morts du Seigneur vivront et nous ressusciterons ensemble. La terre adonc révélera son sang, et ne couvrira plus ses occis.

» Toutefois (13), vous ne faites rien que l'on n'ait fait du temps des Apôtres : ils ont été tourmentés ; ils ont été tranchés, destitués, oppressés, tentés, mis à mort. Et nous mourrons à leur exemple ; et nous vivrons après, nous nous éjouirons pour jamais à la bonté du Seigneur, et pour jamais sa justice sera connue en la face des méchants. La larme, ô Messieurs, vous mouillera les yeux pour le traitement que vous nous aurez fait, et voirra l'oeil de ce cresté Atrée (14) qui répondra de notre innocence.
Mais que sert en ceci de noter votre triste visage et de me réjouir en ma condamnation, si vous ne voulez entendre que par l'un vous êtes époinçonnés en vos coeurs, et que l'autre vous rend confus ? Vous ferai-je tort, si je prononce ce que le sage dit, que la conscience des méchants est en une peur continue ? Mais les bons qui s'assurent en vraie foi sur Jésus-Christ ont une paix perpétuelle. Or, en quelle saine conscience m'avez-vous condamné ? Qui est celui, s'il n'est du tout rapporté à son sens, qui ne connaisse l'occasion de notre mort ? Que ne regardez-vous à ce que nous disons, à ce que nous faisons, puisque nous rapportons le tout à la Parole de Dieu ?

» Je suis donc chrétien, je le suis ; je crierai encore plus haut : je suis chrétien ; puisqu'ainsi est, happe-moi, Bourreau, mène-moi au gibet. Voilà (15) donc vos jugements dessus moi. Je ne suis point Idolâtre ; donc, je dois être retranché de votre Eglise. Je l'admets. Je veux montrer l'abus de l'Antéchrist : donc je suis séditieux. Je le nie. J'ai recours à mon Dieu seulement par notre Seigneur Jésus-Christ ; c'est ma condamnation. 0 pitié ! je veux soutenir que c'est le seul vrai but de l'homme que de le connaître ainsi ; c'est là ma mort. 0 cas lamentable ! 0 ruine sur vous ! Messieurs, qui abhorrez d'ouïr parler de Dieu, qui n'épluchez point autrement le vice que l'on nous impose ; ains plutôt mettez tous vos esprits à trouver nouveaux moyens pour nous tourmenter à votre guise. »

Nous avons cité tout au long, dans le texte primitif, cet important morceau de l'Oraison au Sénat, afin de fournir au lecteur le moyen de se prononcer par lui-même sur cette question : l'Oraison est-elle l'oeuvre authentique d'Anne du Bourg, ou serait-elle l'oeuvre d'un contemporain, qui, aurait placé sous l'autorité de ce grand nom un écrit où les pensées édifiantes se mêlent aux véhémentes apostrophes adressées aux princes, aux hommes d'État et aux magistrats qui n'avaient pas craint de condamner ce juste ?

On peut invoquer contre l'authenticité le peu de retentissement que paraît avoir eu cet écrit lors de sa publication, et l'oubli dans lequel il est tombé ; le décousu de la composition et le caractère diffus du style, si différent de celui de la confession de foi ; l'absence d'allusions un peu précises aux faits particuliers de l'arrestation et du procès de du Bourg, et enfin la difficulté de trouver, dans les courtes heures qui s'écoulèrent entre la condamnation et l'exécution, le moment où cette harangue a pu être composée et prononcée, pour ne rien dire du mystère qui entoure sa publication proprement dite.

Ces difficultés nous ont longtemps fait hésiter toutefois, tout bien pesé, elles ne nous paraissent pas suffisantes pour faire considérer l'Oraison comme l'oeuvre d'un faussaire. Qu'on se rappelle qu'elle a paru en 1560, quelques mois après le supplice de du Bourg. Les faussaires n'ont pas l'habitude de forger des documents apocryphes à si peu de distance des événements. Qu'on se rappelle que le président Pierre de la Place, que ses fonctions dans la magistrature à Paris plaçaient dans les meilleures conditions pour être bien informé, insérait, cinq ans après l'événement, de longs extraits de ce document dans ses Commentaires, qui jouissent, d'une autorité universellement reconnue. Qu'on se rappelle que Crespin n'a pas hésité, de son côté, à reproduire, dans son Martyrologe, les extraits de La Place, et que l'historien de Thou, fils de l'un des magistrats qui signèrent la sentence de mort de du Bourg, cite également ce document. Ce sont là des preuves externes qui nous paraissent décisives en faveur de l'authenticité.

Le style diffus de l'Oraison ne prouve-t-il pas tout simplement que cette oeuvre a été composée hâtivement, pendant les derniers jours de la captivité, à un moment où le prisonnier n'avait plus ni le temps ni la liberté d'esprit nécessaires à la rédaction d'une oeuvre régulière et méditée ? Elle a, d'ailleurs, un trait commun avec la Confession : c'est l'érudition biblique ; de longues pages y sont remplies de citations et d'allusions tirées des livres saints. Quelques traits empruntés à l'histoire ancienne rappellent aussi que l'auteur avait une culture classique. Du Bourg y parle à ses juges comme un homme qui va mourir, et qui n'a, par conséquent, plus rien à craindre et plus rien à espérer d'eux. Si son oeuvre est essentiellement religieuse, elle ne manque pas, du reste, comme les extraits cités plus haut l'ont montré, d'allusions aux hommes et aux circonstances du moment.

Cette harangue nous paraît donc avoir été composée par du Bourg, pendant les derniers jours de sa vie, comme une sorte de testament spirituel et comme une suprême protestation contre l'arrêt injuste qui le frappait. Il ne pouvait plus avoir aucun doute sur le sort qui l'attendait, et il n'ignorait pas que, si sa sentence ne devait lui être notifiée que quelques heures avant son exécution, elle était préparée depuis longtemps. Il était donc tout naturel qu'il eût songé à préparer un document qui fût pour ses juges un suprême appel, et pour ses frères, s'il parvenait jusqu'à eux, une suprême attestation de sa foi.
Trouva-t-il le loisir de le lire in extenso à ses juges, ou leur en communiqua-t-il seulement la substance ?

Cette dernière supposition semble la plus vraisemblable. Toujours est-il que cette pièce, trouvée probablement dans la cellule du condamné, dut être transmise aux protestants par la même voie secrète par laquelle avaient passé, quelques jours auparavant, les lettres du ministre Marlorat ; et les mêmes mains pieuses qui avaient déjà livré à l'impression les premiers interrogatoires et la confession de foi du martyr, firent imprimer aussi l'Oraison au Sénat de Paris, d'Anne du Bourg, prisonnier pour la parole.



ANNE DU BOURG

X - LE SUPPLICE D'ANNE DU BOURG.

LA PLACE DE GRÈVE A PARIS AU SEIZIÈME SIÈCLE.


Le samedi 23 décembre 1559, avant-veille du jour de Noël, vers onze heures du matin, Anne du Bourg fut amené dans la chapelle de la Conciergerie du Palais, pour entendre notification de sa sentence, faite par Simon Chartier, greffier criminel de la Cour du Parlement.
Cet arrêt était ainsi conçu :

« Vu par la Cour le procès criminel et extraordinaire fait à l'encontre de Me Anne du Bourg, conseiller du Roi de ladite Cour, accusé du crime d'hérésie ; les interrogatoires et confessions réitérées et représentées en ladite Cour par ledit du Bourg ; déclaration de sa foi par lui baillée par écrit et par lui reconnue en icelle Cour, avec les requêtes par lui présentées en icelle, et icelui du Bourg par plusieurs fois ouï en ladite Cour, et tout consulté.
» Il sera dit que ladite Cour a déclaré et déclare ledit du Bourg atteint et convaincu du crime d'hérésie plus à plein mentionné au procès criminel contre lui fait, et que hérétique, sacramentaire, pertinax et obstiné, a condamné et condamne à être pendu et guindé à une potence qui sera mise et plantée en la place de Grève devant l'Hôtel de cette ville de Paris, lieu plus commode, au-dessous de laquelle sera fait un feu, dedans lequel ledit du Bourg sera jeté, ars, brûlé et consommé en cendres ; et a déclaré et déclare tous et chacuns ses biens étant en pays où confiscation a lieu, acquis et confisqués, suivant les Edits et ordonnances du Roi. »

« DE THOU BARTHÉLEMY. »

Le retentum, ou article secret, dont le condamné n'eut pas connaissance avant son supplice, était ainsi conçu :

« A été retenu et réservé in mente curiae, que ledit du Bourg ne sentira aucunement le feu, et que auparavant que le feu soit allumé et qu'il soit jeté dedans, sera étranglé ; et que néanmoins où il voudrait dogmatiser et tenir aucuns mauvais propos, sera bâillonné, pour obvier au scandale du peuple. »

Cette faveur d'être étranglé, avant d'être livré aux flammes, était quelquefois accordée à certains condamnés appartenant aux hautes classes de la société ; mais en la tenant secrète jusqu'au moment de l'exécution, on voulait que la perspective du bûcher pût agir, dans toute son horreur, sur l'esprit du condamné pour le décider à l'abjuration.
Selon la coutume, le greffier exhorta du Bourg à se préparer à mourir en bon catholique. Celui-ci ne fut pas surpris d'un arrêt auquel il s'attendait. Il répondit, d'une voix ferme, qu'il rendait grâce à Dieu de ce que son bon plaisir était de l'appeler à lui, qu'il était heureux de souffrir la mort pour avoir soutenu la vérité, et qu'il demandait à Dieu de lui donner la grâce et la force de persister jusqu'à la fin. Il chargea le greffier d'assurer ses juges qu'il n'éprouvait pour eux, au moment de mourir, aucun mauvais sentiment, et qu'il priait Dieu de leur donner la connaissance de la vérité (16).

Il eût voulu consacrer à des exercices pieux les quelques heures qui lui restaient à vivre, et, selon qu'il en avait eu l'habitude pendant sa captivité, il entonna un psaume ou, comme dit le récit du greffier, « une chanson en forme de prière. » Mais il n'était pas dans les usages du clergé romain de laisser mourir en paix ceux qu'il flétrissait du nom d'hérétiques. Trois docteurs de Sorbonne entrèrent en ce moment auprès du condamné, « pour l'admonester de son salut et le réduire en la Sainte Foi catholique. » L'un d'eux était Antoine de Mouchy, dit Démocharès, l'insulteur et le persécuteur des réformés, la créature du « rouge Phalaris, » comme du Bourg venait de désigner, dans son Oraison au Sénat le cardinal de Lorraine. L'outrecuidant sorboniste et ses deux acolytes, de Fabet et de la Haye, s'ils avaient eu l'espoir de conquérir les palmes de convertisseurs auprès de l'illustre condamné, durent s'apercevoir bientôt que l'approche du bûcher, loin d'amollir cette âme, lui donnait la trempe de l'acier, et que leurs arguties ne mordaient pas sur elle. Ils le laissèrent, après peu de temps, aux soins du curé de Saint-Barthélemy, l'abbé de Montebourg, qui lui-même se déchargea sur son vicaire du soin d'assister le condamné à ses derniers moments. Le prêtre s'offrit vainement à l'ouïr en confession et à lui donner l'absolution ; à toutes ses exhortations, du Bourg, c'est le greffier qui l'affirme, ne voulut « entendre ni obéir. »

Après ces inutiles tentatives des convertisseurs, le greffier criminel rentra en scène pour faire subir au condamné un dernier interrogatoire, au nom du procureur général du roi. Il l'interrogea d'abord sur la tentative faite pour le délivrer. Du Bourg déclara solennellement qu'il n'en avait pas eu connaissance (17). Interrogé ensuite sur les noms de ceux avec lesquels il avait pris la Cène, avant son arrestation, et sur la maison où elle avait été célébrée, il se refusa, comme il l'avait déjà fait, lors de ses premiers interrogatoires, de faire le métier de délateur, et put d'ailleurs déclarer en bonne conscience que, sauf quatre personnes qu'il avait reconnues, « chacun se tenait couvert et déguisé, craignant être connu, comme on fait en telles assemblées et congrégations (18). »

Le greffier, après avoir pris note de ses réponses, l'avertit qu'il avait un ordre exprès de la Cour de le faire bâillonner, si, au sortir de la Conciergerie, « il s'ingérait de dogmatiser ou parler choses contraires contre l'honneur de Dieu et de notre Mère Sainte Eglise et commandements d'icelle. » Du Bourg répondit qu'il n'avait nul désir de dogmatiser ni de « donner occasion au peuple d'être scandalisé (19) »

Vers trois heures, l'exécuteur de la haute justice arriva, et le prisonnier lui fut livré. Il le fit monter dans la charrette rouge qui servait au transport des condamnés, et le vicaire de Saint-Barthélemy y prit place à côté de lui. Puis le cortège se mit en marche, protégé par une escorte de quatre cents hommes de pied et deux cents cavaliers, ayant tous l'arme au clair.

Ce déploiement inusité de forces indiquait assez que la police n'était pas sans inquiétudes sur l'attitude des protestants. Les bruits les plus étranges circulaient dans Paris. On disait que les partisans de du Bourg devaient tenter un coup de main pour le délivrer, et qu'ils avaient même « résolu de mettre le feu par tous les coins de Paris, pour cependant forcer les prisons et emmener les criminels de leur religion. » Les juges délégués, voulant empêcher une manifestation et déconcerter les malintentionnés, tinrent secret jusqu'au dernier moment le lieu de l'exécution, et firent dresser des potences et élever des bûchers sur les diverses places où l'on exécutait d'ordinaire les condamnés. Toutes ces précautions n'empêchèrent pas qu'une foule compacte, agitée de sentiments divers, encombrât les alentours du Palais et les rues qui le séparaient de la place de Grève.

Cette place, qui faisait face à l'Hôtel-de-Ville, était ainsi nommée parce qu'elle aboutissait à la grève de la Seine, qui n'avait pas alors de quais. C'était l'une des plus grandes places de Paris ; manants et bourgeois y venaient volontiers pour assister aux exécutions capitales qui y avaient lieu habituellement. Une potence y était fixée en permanence, et il se passait rarement une semaine sans qu'un condamné y fût exécuté. Depuis une quarantaine d'années, les exécutions d'hérétiques s'y étaient multipliées, et ce qui en relevait l'attrait aux yeux de la populace fanatique et avide d'émotions, c'était que, pour eux, on ne se bornait pas à la potence, on y ajoutait le bûcher.

« Certes, » dit M. Franklin, « depuis trente ans, ce n'était pas chose rare, à Paris, que le supplice d'un hérétique ; mais il y avait longtemps que la Grève n'avait vu une si intéressante, une si illustre victime. L'homme qu'on attendait, jurisconsulte éminent, conseiller au Parlement, neveu d'un chancelier de France, était accusé de lèse-majesté divine et humaine, d'offense à Dieu et au roi ; et pendant six mois, Paris avait suivi avec émotion, en face de l'Europe attentive, toutes les phases de ce procès où il avait été parlé sans cesse de choses étranges, où étaient revenus les mots de clémence, de justice, de liberté. Et au sein de cette multitude, bien des gens comprenaient qu'ils assistaient à un spectacle dont l'histoire conserverait le souvenir ; d'autres pressentaient que les flammes du bûcher qu'ils avaient sous les yeux seraient un signal aperçu par la nation tout entière, et qu'entre les anciennes doctrines et les nouvelles, une lutte sanglante allait commencer (20) »

Pendant que le funèbre cortège se frayait difficilement sa voie à travers la foule agitée, du Bourg, sans prêter l'oreille aux paroles du prêtre qui l'accompagnait, se préparait à la mort en répétant à demi-voix des psaumes ; « et par les chemins, » dit la Vraye histoire, « ne cessa de chanter psaumes et cantiques, montrant tant dans la charrette que près de la potence, un visage assuré et nullement étonné de telle cruauté (21). »

Quand la charrette s'arrêta devant l'hôtel de ville, à quelques pas de la potence et du bûcher, le greffier fit, selon l'usage, « le cry des charges portées » contre le condamné, puis, s'approchant de lui, il lui demanda encore, « pour la décharge de sa conscience, » de déclarer ce qu'il savait relativement à la conspiration. Du Bourg répéta que, « par la mort qu'il était prêt à souffrir, il n'en savait rien (22) » Descendu du tombereau et débarrassé de ses liens, Il se dépouilla de ses vêtements et ne conserva que sa chemise. À ce moment, « voyant une si grande multitude de peuple qui était là, il leur dit : Mes amis, je ne suis point ici comme un larron ou un meurtrier ou autre malfaiteur, mais j'y suis pour avoir maintenu l'Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ (23). » Le prêtre lui plaça devant les lèvres un crucifix, mais il détourna la tête pour ne point le baiser. Au moment où le bourreau lui passa le noeud coulant autour du cou, du Bourg lui fit remarquer doucement que ce n'était pas nécessaire, puisqu'il devait, pensait-il, être brûlé vif. Le bourreau lui ayant dit qu'il avait ordre de l'étrangler d'abord, le martyr le laissa faire, réclamant seulement le privilège de recommander, une dernière fois, son âme à Dieu (24). On l'entendit répéter à diverses reprises cette prière :

« Seigneur, mon Dieu, ne m'abandonne point, afin que je ne t'abandonne. » Prière touchante, qui était l'écho des angoisses morales qu'il avait traversées, et qui réunissait l'humble aveu de sa faiblesse et l'appel suprême à l'éternelle Miséricorde. Soulevé de terre par les acolytes du bourreau, le corps de du Bourg se balança bientôt dans l'espace, tandis que les assistants criaient : Jésus, Maria. Un feu fut ensuite allumé sous la potence, et le corps du condamné y fut jeté, pour être réduit en cendres, ainsi que le portait sa sentence.

Un témoin oculaire, peu suspect de partialité pour le protestantisme, Florimond de Roemond, nous montre la jeunesse des écoles fondant en larmes au retour de l'exécution et maudissant les juges injustes qui avaient condamné du Bourg, et il ajoute que ce supplice « fit plus de mal au catholicisme que cent ministres n'eussent su faire (25) » C'est bien là, comme le dit M. A. Franklin, « le dernier mot de ce procès et de l'enseignement qui en ressort (26). »



LE SUPPLICE D'ANNE DU BOURG, D'APRÈS TORTOREL ET PERISSIN.


(1) Mémoires de Condé, t. I, p. 298. 

(2) Ce fait n'est mentionné toutefois ni par la Vraye Histoire, ni par Regnier de la Planche, ni par l'Histoire ecclésiastique de Théodore de Bèze. Il est vrai que celui-ci se borne à copier La Planche, en ce qui touche à l'histoire de du Bourg.

(3) Histoire des persécutions et martyrs de l'Eglise de Paris) p. 424.

(4) Histoire universelle, t. III, p. 401. 

(5) Mémoires de Condé, t. I, p. 300.

(6) L'oraison forme une plaquette de 62 pages petit in-8° Biblioth. nat., Lb 32, n° 7). Il en existe un autre exemplaire dans la bibliothèque de M. le baron James de Rothschild, dont le catalogue a été publié par M. Émile Picot.

(7) La France protestante (2e édition), ne le mentionne pas.

(8) Le cardinal de Lorraine.

(9) Magistrats lacédémoniens, au nombre de cinq, élus par le peuple pour contrebalancer l'autorité des rois et du Sénat.

(10) Sur les bancs de torture.

(11) Ici La Place a changé le sens, en ajoutant ce membre de phrase « Je voy plorer aucuns de vous, » tandis que du Bourg a simplement voulu dire qu'il arrive que les juges qui assistent à l'application de la torture en sont émus jusqu'aux larmes.

(12) Attaché à la potence.

(13) Le paragraphe qui suit a été omis par La Place.

(14) Le cardinal de Lorraine.

(15) Le reste n'est pas dans La Place

(16) D'après le procès-verbal du greffier, Registre du greffe criminel du Parlement, p.110, Mémoires de Condé, t. I, p. 300. Histoire des martyrs t. I, p. 704. 

(17) « Ce faict, suyvans les Articles à moy baillez par Monsieur le Procureur Général du Roy, ay demandé audict du Bourg, s'il avoit rien sçeu et entendu de la conspiration qui avoict par cy-devant esté faicte pour l'exhimer et tirer hors de ladicte Conciergerie du Pallais ; a dict que non, et qu'il avoict esté tousjours prisonnier soubz la garde de deux personnes qui l'ont tousjours gardé, et qui ont eu ordinairement l'oeil sur luy. Luy a esté demandé s'il sçait ou a entendu les noms des conspirateurs ; a dict que non, et qu'il n'a eu communiquation de personne pendant le temps qu'il est prisonnier. Enquis s'il congnoist un nommé Stuard, qui est Escossoys, a dict n'avoir cognoissance dudict Stuard Escossoys ne autre de la Nation Escossoise ; bien dit, cognoistre de veue et non autrement aulcuns Archiers de la Garde Escossoise qui le menèrent prisonnier à la Bastille. Sur ce qui luy a esté remonstré qu'il n'est vray-semblable qu'il n'ait eu sceu et entendu la conspiration et entreprise faicte par ledict Stuard Escossoys, qui est allé en ladicte Conciergerie pour l'exhimer et tirer hors des prisons d'icelle, et partant a esté admonesté en dire la vérité, pour la descharge de sa conscience et bien de la Justice; a dict qu'il ne scet que c'est. » (Mémoires de Condé, t. I, p. 301.)

(18) « Et sur ce qu'il a esté enquis de la maison en laquelle il a dict avoir faict la Cene, laquelle faisant, y assistèrent plusieurs personnes qui faisoient ladite Cene avec luy, et partant a esté admonesté en dire la vérité et les nommer et indicquer, et nommer ceulx qui faisoyent la Cene avec luy ; a dict qu'il en à par plusieurs foys dict la vérité à Messieurs de la Court, et à eulx nommé quatre d'iceulx, desquelz il a dict avoir eu cognoissance ; et quant aux aultres, a dict que chacun d'eulx se tenoit couvert et déguisé, craignant estre congneuz, comme l'on faict en telles Assemblees et Congregations. Et sur ce qu'il a esté enquis des Domicilles esquelles ont esté faictes lesdictes Congregations et Assemblees, et faict ladicte Cene; a dict que les ruës de ceste ville de Paris luy sont tant incongneues et invisibles, et esquelles maisons il a esté conduict par ceulx qui lui ont baillé l'advertissement, ainsi qu'il a dict et est contenu par son procès, qu'il ne sçauroit remarquer les maisons esquelles ont esté faictes les Congregations et Assemblees.. » (Mémoires de Condé, t. I, p. 302 )

(19) Mémoires de Condé, t. I, p. 302.

(20) Grandes scènes historiques du seizième siècle, article sur Anne du Bourg.

(21) Mémoires de Condé, t. I, p. 262.

(22) Registre du greffe criminel. Mém. de Condé, t. I, p. 303. 

(23) Chandieu, Hist. des persécutions, p. 424, 425.

(24) Lettre de Calvin à Blaurer (Opera, XVIII, 15) : « Quum sententia crudelis pronunciata esset, ut vivus cremaretur, prostratus in terram egit Deo gratias, qui tanto eum honore dignatus esset, ut pro defensione aeternae veritatis mortern oppeteret. Quatuor horis hilari vultu mortern expectavit. Ubi ad locum supplicii ventum est, quanquam eum quadringenti satellites circumdabant, fuerunt tamen qui observarent, eurmsponte ac si dormitum iret, togam et tunicam exuere. Sed quia laqueum collo injecerat carnifex, admonuit non opus esse, quia lento igni erat ex more ustulandus. Respondit carnifex, aliud sibi esse mandatum, Lit eum strangulando cruciatum minueret. Jam ultimam precationem fuderat: iterum tamen in genua procumbens gratias Deo egit. »

(25) Histoire de l'hérésie, liv. VII, p. 866.

(26) Voy. l'estampe de Tortorel et Périssin, reproduite dans les Grandes scènes historiques du XVI, siècle et la gravure ci-contre, qui en est une reproduction libre, que nous empruntons au savant ouvrage de M. le professeur E. Doumergue sur Jean Calvin. On sait que ces planches furent gravées en 1569 et 1570. Ce qui augmente l'intérêt de celle-ci, c'est qu'à notre connaissance, elle est la seule de cette époque qui représente le supplice d'un de nos martyrs.

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