Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES MARTYRS SOUS HENRI Il

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ANNE DU BOURG

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VI - LE DEUXIÈME APPEL DE DU BOURG.

Sur la seconde comparution de du Bourg devant le Parlement, nous avons, par les registres de ce corps, des détails précieux (1). Le prisonnier, armé de toutes les ressources que lui fournissait sa connaissance approfondie des règles de la jurisprudence, lutta cette fois corps à corps avec ses adversaires, et la Grand'Chambre elle-même, sans être plus bienveillante, n'osa pas recommencer la comédie judiciaire qu'elle avait jouée, lors du premier appel, en jugeant l'accusé au pied levé et sans lui accorder les garanties d'usage. Il semblait, maintenant que Henri Il était mort, qu'on n'eût plus la même hâte d'en finir.

Le nouveau roi cependant, excité par le cardinal de Lorraine, n'entendait pas que l'on se relâchât, et, le 29 juillet, il adressait au Parlement des lettres missives, dans lesquelles il disait à ses « Amez et Feaulx, » qu'ayant appris que « Maître Anne du Bourg avait interjeté un appel comme d'abus... et considérant qu'il ne fait cela que pour penser, par le moyen de telles frivoles appellations, empêcher le jugement définitif de son procès, » il leur ordonnait de « procéder au jugement et décision de ladite cause d'appel, tous autres affaires cessans et postposés, » en sorte, dit-il en terminant, « que nous ayons occasion de nous louer du devoir qui y aura été fait de votre part. Et n'y faites faute, car tel est notre plaisir (2). »

Le 2 août, les présidents et conseillers formant la Grand'Chambre (3), firent comparaître du Bourg et l'invitèrent à plaider ses causes d'appel comme d'abus. Il demanda alors que, conformément au privilège de tout temps reconnu des membres du Parlement, il fût jugé en séance plénière de ce corps, et non par une seule Chambre. Il ajouta qu'au surplus il avait des récusations à proposer et des requêtes à présenter, pour lesquelles il requérait aussi le jugement de toutes les Chambres assemblées. L'avocat du roi, du Mesnil, combattit cette prétention, en soutenant que le privilège n'existait que lorsqu'il s'agissait de « l'état, vie et honneur d'un conseiller, ». mais qu'on ne pouvait pas l'invoquer alors qu'il n'était « question que de juger un appel comme d'abus. » Du Bourg maintint énergiquement son droit, en invoquant un précédent, celui de l'affaire du conseiller La Chesnaye, qui avait été jugée devant le Parlement siégeant en assemblée plénière ; il somma le premier président « d'assembler toutes les Chambres, sinon qu'il protestait de le prendre à partie en son nom privé ; » il déclara, d'ailleurs, qu'il n'en agissait pas ainsi « pour reculer ou éloigner le jugement, mais afin de le rendre plus solennel. » La Cour finalement délibéra qu'on lui donnerait « papier, encre et plumes pour écrire ses causes et moyens de récusation, et autres requêtes et protestations qu'il dut avoir à faire, pour les apporter demain à sept heures. » L'accusé s'étant plaint d'être dans une chambre « en laquelle on ne voit quasi rien, » on décida de le transférer dans une autre, « et que le geôlier sera tenu de lui bailler deux gardes pour empêcher que l'on ne parle à lui et qu'il ne parle à personne. »

Le lendemain, Adrien Huchot, geôlier de la Conciergerie, apporta à la Cour le Mémoire d'Anne du Bourg, dont le texte nous a été conservé dans les registres du Parlement et que nous devons nous borner à résumer (4). Il commençait ainsi sa Requête à Nosseigneurs de la Cour de Parlement :

« Anne du Bourg, conseiller en ladite Cour, vous remontre très humblement, que puisqu'il a plu à Dieu lui envoyer la persécution qu'il souffre maintenant pour avoir opiné selon sa conscience, sur un article de la Mercuriale concernant le fait de la Religion et aussi pour avoir rendu raison de sa Foi et créance telle qu'il a plu au Seigneur lui révéler, cette cause n'est si odieuse ou de si petite importance qu'elle ne doive être délibérée et jugée en toutes ses circonstances et dépendances en pleine Cour et toutes les Chambres assemblées, si oncques il y eût lieu de faire jouir conseiller de ladite Cour dudit privilège, tant pour l'origine de l'accusation et offense prétendue avoir été faite toutes lesdites Chambres assemblées, que pour le poids et conséquence de la cause ; s'il est seulement question de peine et amende pécuniaire, à cause de crime, l'on n'a accoutumé de procéder au jugement soit interlocutoire ou définitif, contre aucun de cette Compagnie que ladite Cour assemblée. »

Après avoir ainsi réclamé le privilège d'être jugé par une assemblée plénière de la Cour, comme c'était son droit, du Bourg s'élevait contre la prétention de l'évêque de Paris de briser sa carrière de magistrat au moyen de sa sentence de dégradation, qu'il dénonçait comme « une vraie entreprise de juridiction, et par conséquent un vrai abus. » Comment admettre que, s'il est établi qu'il est bon chrétien., il suffise d'une sentence de l'autorité ecclésiastique pour lui enlever son siège ?

Quant aux lettres patentes du roi qui enjoignaient la prompte expédition du procès, du Bourg rappelait à ses collègues que la dignité du Parlement était d'accord avec ses traditions pour l'engager à ne pas se courber sous les injonctions royales.

« La Cour, » disait-il, « a accoutumé de délibérer sur semblables lettres, toutes les Chambres assemblées, et faire remontrances, voire les réitérer, selon l'importance des cas, avant que de se résigner à rompre tels privilèges et de telle conséquence que celui qui s'offre présentement, qui vous touche tous, Mesdits Seigneurs, et duquel vous-mêmes êtes conservateurs. »

Dans la suite de sa requête, du Bourg demandait à la Cour de lui accorder pour conseil cinq avocats qu'il désignait, Mes de la Porte, Robert, François, Marilhac et Baptiste du Mesnil ; à l'appui de cette demande, il alléguait que, « pour l'indisposition de sa personne, il ne pourrait lui-même plaider son appel. » Les juges qu'il récusait étaient le premier président Le Maistre, les présidents de Saint-André et Minard, et les conseillers Gayant, Bouette et de Dormans. Trois d'entre eux avaient comparu comme témoins en l'information contre les autres accusés, Fumée, la Porte et de Foix, et « il ne fut jamais vu qu'un juge ait jugé celui contre les complices duquel il aurait été oui témoin, recollé et confronté. » Les trois autres avaient instruit son procès et avaient été ses premiers juges. De plus, Le Maistre et Minard, après que du Bourg eut parlé devant le roi, en la Mercuriale, « dirent publiquement que ceux qui étaient de cette opinion étaient hérétiques et sacramentaires, ce qui était découvrir leur affection et accuser ledit du Bourg envers ledit feu roi présent. » Il les priait donc « humblement de vouloir s'abstenir de la connaissance de cette cause. »

L'avocat général, dans son réquisitoire, essaya d'in disposer les juges, en faisant observer que la requête de du Bourg ne permettait plus d'entretenir « l'espérance que l'on avait eue de le voir arriver à une vraie et certaine résipiscence et réduction (retour) à l'Eglise universelle. » Il en concluait qu'il fallait le traiter en hérétique, « lui dénier et ôter toutes les aides dont il pourrait être secouru, » et, en conséquence, lui refuser le privilège d'être jugé en assemblée plénière des Chambres, et ne pas lui accorder l'assistance d'un avocat. « Il est, d'ailleurs, » ajoutait l'avocat royal, « personnage de savoir et d'éloquence, qui peut de soi-même mieux déduire ses droits que nul autre. » Quant aux récusations, il fallait les repousser, afin de gagner du temps.

Le Parlement, très jaloux de ses droits, crut voir une immixtion abusive dans cette dernière remontrance de l'avocat général, et, dans la séance du lendemain, il y eut des explications assez vives entre la Cour et « les gens du Roi. » La Cour maintint son droit de se prononcer souverainement sur les récusations, et l'avocat général protesta de son désir de ne pas s'ingérer dans une matière qui n'était pas de sa compétence, et supplia la Cour « de prendre en bonne part ses remontrances. » Celle-ci, sans doute pour marquer son mécontentement, ajourna son jugement à trois jours (5).

Le cardinal de Lorraine, qui, depuis l'avènement de François II, était devenu l'inspirateur de la politique de son royal neveu, vit avec impatience les velléités de résistance du Parlement et résolut de l'obliger à hâter la condamnation de du Bourg. Le garde des sceaux, Bertrandi, créature de Diane de Poitiers, venait d'être congédié, et les sceaux avaient été confiés de nouveau à Olivier, réputé pour ses vertus. Cette mesure, qui donnait satisfaction à la reine mère, permettait de présager une administration moins immorale que la précédente. Malheureusement, le chancelier Olivier était trop faible de caractère pour résister aux Guise, ses exigents protecteurs, et il devint, malgré les reproches de sa conscience, leur instrument docile. Il devait s'en repentir amèrement, et trois mois après le martyre de du Bourg, il mourait lui même, en ayant à la bouche le nom de ce juste qu'il avait contribué à faire périr. Le cardinal de Lorraine l'étant allé visiter, le mourant le repoussa en s'écriant : « Ah ! cardinal, tu nous fais tous damner ! (6) »

Pour le moment, Olivier n'en était pas encore à la période des remords, mais à celle de l'obéissance passive. Un ordre du roi l'invita à aller présider la séance où devait venir l'appel de du Bourg et l'examen de ses causes de récusation. Il se rendit donc, le 7 août, au Parlement, accompagné des cardinaux de Lorraine et de Bourbon, des membres du Conseil privé et de plusieurs maîtres des requêtes, et s'assit au fauteuil de la présidence, comme son rang dans l'État lui en donnait le droit (7) . Dans sa harangue, le chancelier s'éleva contre la prétention de du Bourg de récuser plusieurs des membres les plus considérables du Parlement, y compris les présidents des trois chambres. Il essaya d'établir que la cause, « dépendant de la foi et religion chrétienne, » ne pouvait être réglée par la procédure suivie dans les causes ordinaires. Il représenta que le roi, au nom duquel il parlait, était très attaché à la religion, dont le feu roi son père lui avait recommandé de prendre à coeur les intérêts. Il ajouta que le roi lui avait ordonné de « venir céans pour y présider et suppléer le défaut des présidents de la Cour, » et qu'il lui avait adjoint, des membres de son Conseil privé, des maîtres des requêtes et les cardinaux de Lorraine et de Bourbon (8).

Le 7 août, comme le 10 juin, le but poursuivi par le cardinal et sa faction était d'intimider le Parlement et de l'engager irrévocablement dans la voie de la persécution à outrance contre les hérétiques. Mais cette fois encore, si le Parlement courba la tête sous l'affront, il y eut un homme qui la releva ; ce fut Anne du Bourg. Voici comment Crespin nous décrit son attitude dans cette séance :

« Du Bourg, voyant ce renfort d'ennemis, ne demeura ni vaincu, ni étonné, mais remonstra vivement au cardinal qu'il s'ébahissait fort que lui, qui était son plus grand ennemi, l'une de ses parties, accusateur et solliciteur, se voulût présenter pour être son juge. La contenance du cardinal montrait assez ce qu'il avait au dedans : si est-ce qu'il ne fut sans réplique. Et en niant tout, il l'assura qu'il n'avait point meilleur ami : toutefois, puisqu'il avait telle opinion de lui, il ne voulait assister à son jugement (9) »

Le pasteur de Paris, François de Morel, faisait allusion, de son côté, à cet incident, dans une lettre à Calvin, écrite une semaine plus tard :

« La fureur du cardinal ne connaît pas de bornes. Il s'est rendu naguère au Parlement, accompagné de vingt-deux maîtres des requêtes, afin d'écraser du Bourg, cet héroïque soldat du Christ, par le grand nombre des votes. Mais l'insensé n'a pas réussi. La violence factieuse du cardinal et des siens s'étant montrée au grand jour, du Bourg a récusé de pareils juges, et, en sa qualité de membre du Parlement, il a demandé à être jugé par le corps entier et non par une fraction de la Cour. Aussi, malgré le cardinal, qui espérait s'enivrer de ce sang avant l'arrivée du roi de Navarre, le jugement a été remis à plus tard (10). »

Le procès-verbal de la séance confirme ces détails autant, qu'un compte-rendu officiel peut le faire, (11). L'avocat général essaya vainement de persuader à l'accusé qu'il eût dû tenir « à grand honneur et contentement de voir un si grand nombre de princes, seigneurs, » et autres grands personnages réunis, « pour juger sa cause. » Celui-ci protesta que l'intervention de tels juges était contraire à tous les précédents et qu'il demandait à être jugé, non par une cour d'exception, mais par les chambres assemblées. L'avocat du roi ayant voulu expliquer cette intervention par le fait qu'il s'agissait d'un procès en hérésie, du Bourg répondit qu'il ne s'agissait pour, le présent que d'un appel comme d'abus.

La Cour finalement décida qu'elle accorderait à du Bourg le conseil de deux avocats, François de La Porte et François Marilhac, et s'ajourna au lendemain matin à six heures, pour entendre leurs plaidoiries. Ce délai était dérisoire, mais il fallait bien paraître faire du zèle pour plaire au cardinal de Lorraine et à sa brillante suite.

Le lendemain, 8 août, l'un des avocats désignés, Marilhac, déclara à la Cour que son collègue s'excusait et que lui-même ne consentirait à se charger de la défense de du Bourg que si on lui accordait un ajournement à quinzaine et si on lui donnait toute liberté pour défendre son client. La Cour, faisant, droit à cette requête, désigna deux autres avocats, Jehan de Saint-Meloir, et Pierre Robert, en leur accordant le droit de communiquer avec leur client, « en la Tour carrée ou en la petite Tournelle. » Malgré la demande de Marilhac, que cette communication « se fit semotis arbitris et en liberté, » elle décida qu'elle aurait lieu « en la présence de Me Jehan Camus, secrétaire du roi et de ladite Cour. » Les plaidoiries étaient ajournées au lundi 14 août, mais, par suite d'un ajournement nouveau, ne vinrent que le samedi 19.

Dans cette même séance, du Bourg déclara que, « attendu les grandes occupations de Monseigneur le chancelier et de Messieurs du Conseil privé du roi, qui lui assistent, il se départait des causes de récusations proposées contre Messieurs les présidents de Thou, Séguier et de Harlay. » Pressé de déclarer quels il récusait de « ceux qui assistent et sont présents, » il indiqua « Monseigneur le cardinal de Lorraine, qui est sa partie en ce procès, » et les « seigneurs évêques d'Amiens (Nicolas de Pelevé) et de Vouze, Mes des Requêtes qui sont ses domestiques. »

« Interpellé d'expliquer comment le cardinal de Lorraine était sa partie, il répondit qu'il avait été le moyen de toutes les poursuites qui ont été faites contre ses compagnons prisonniers et lui. » La Cour ne fit droit qu'à une partie des demandes en récusation de du Bourg, et décida que deux de ceux qu'il avait récusés dès le commencement, le premier président Le Maistre et le président Minard, assisteraient au jugement (12)

Ce fut enfin dans les audiences des 19, 21 et 22 août que, à la suite des longs préliminaires que nous venons de résumer, se plaida le procès de du Bourg. L'avocat Marilhac, sur qui paraît avoir pesé tout le poids des plaidoiries, avait cherché, dans ses entrevues avec son client, à l'amener à faire des concessions sur les points de dogme, et principalement sur la Messe, « lui alléguant que sans cela il ne pourrait éviter la mort (13) ». Quand il vit qu'il ne gagnait rien sur ce point, il exigea de lui la promesse qu'il le laisserait plaider sans l'interrompre, sauf ensuite à dire « ce que bon lui semblerait. »

L'heure de l'audience où son affaire devait être plaidée arrivée, du Bourg, afin de bien marquer qu'il se considérait toujours comme en possession de son état de conseiller et qu'il n'avait en rien démérité, revêtit son chaperon et « requit d'y être mené avec la dignité qu'il avait accoutumée d'entrer en Parlement, ce qui lui fut accordé, et pour le conduire on lui envoya un conseiller (14). »

La première partie de la plaidoirie de Marilhac fut excellente. Il montra ce que l'arrestation des conseillers avait d'irrégulier ; il fut sévère pour le cardinal Bertrandi, « qui avait, sans aucune honte, joué deux personnages, » jugeant, comme archevêque de Sens, celui qu'il avait jugé comme chancelier. Il montra qu'il en résultait « non seulement des causes d'abus, mais la nullité des sentences, de sorte qu'il fallait par nécessité recommencer le procès, attendu que nulle formalité de justice n'avait été gardée. »

Malheureusement Marilhac ne s'en tint pas là ; voulant sauver malgré lui son client, il termina par un appel pathétique à la miséricorde du roi et de la cour. « Il confessa que sa partie avait péché contre Dieu, irrité le roi, désobéi à son évêque et offensé la sainte Église romaine, à laquelle, » ajouta-t-il, « il désirait être réconcilié. À cette cause il requérait très humblement la Cour d'obtenir sa grâce, ou, à tout le moins, sa vie sauve, et de son évêque pénitence et absolution (15» Anne du Bourg, ayant voulu réclamer contre cette conclusion inattendue, le président, sur un signe de l'avocat, le renvoya en prison.

Mais une fois seul avec lui-même, du Bourg se reprocha d'avoir été infidèle à sa conscience, en permettant à son avocat de porter sa défense sur un terrain où il ne pourrait le suivre sans mentir à ses convictions. Il se reprocha comme un crime d'avoir prêté l'oreille aux propositions de « ceux qui n'aimaient que son corps et cette vie présente, » et il sentit « grandement sa conscience chargée de ce que, étant présent à ce plaidoyer, il ne l'avait à l'instant désavoué (16). » Il semble qu'il s'était laissé aller à livrer à Marilhac quelques lignes ambiguës qui pouvaient être entendues comme une atténuation de sa confession précédente (17). Quoi qu'il en soit, il n'hésita pas à revenir sans retard de cette défaillance, et, pendant que la Cour était encore en délibération, et se préparait à envoyer deux ou trois de ses membres en députation auprès du roi pour lui faire part de ses nouveaux sentiments et solliciter sa grâce, il fit parvenir au président quelques lignes par lesquelles il avisait la Cour : « que, quelque chose qu'eût plaidé son avocat, il persistait et voulait vivre et mourir en la confession de foi qu'il avait faite devant le roi et ailleurs par tout son procès, et qu'il était prêt à la maintenir jusques à la mort, comme étant fondée sur la vraie et indubitable Parole de Dieu. Partant, il suppliait la Cour de n'avoir aucun égard au désistement de Marilhac, et qu'il concluait et persistait en ses causes d'appel comme d'abus et nullité de sentences (18). 

À la suite de l'échec de cette tentative pour faire fléchir la conscience de du Bourg, tentative dans laquelle, probablement l'avocat avait été encouragé par plusieurs conseillers, il ne restait plus à la Cour qu'à prononcer son arrêt. Elle l'ajourna toutefois encore à huitaine, malgré une nouvelle démarche du cardinal de Lorraine qui, le 18 août, faisait mander auprès du roi, à Saint-Germain-en-Laye, les présidents de Thou et Séguier, pour leur enjoindre que, « toutes choses cessantes, les récusations de Me Anne du Bourg mises derrière, son procès principal fût vidé. »

L'arrêt de la Cour, en date du 31 août, déboutait du Bourg de toutes ses demandes, tant de celle qui tendait à assembler toutes les Chambres que de celles tendant à la cassation des procédures faites par les juges d'Eglise et par les commissaires députés par le roi (19).

L'attitude du Parlement pendant ce mois d'août, consacré tout entier à vider un appel, montrait assez que, s'il n'avait ni le courage, ni peut-être le désir d'acquitter du Bourg, il n'était pas pressé d'arriver à prononcer sa condamnation définitive. Il tenait d'autant plus à faire étalage d'autorité sur des points secondaires qu'il se sentait moins disposé à résister sur le fond des choses. L'arrêt du 31 août laissait la porte ouverte à de nouveaux atermoiements. Du Bourg en profita, et ses juges n'en furent peut-être pas fâchés. 


(1) Les extraits des registres du Parlement relatifs à l'affaire d'Anne du Bourg, font partie de la collection Dupuy, à la Bibliothèque nationale se trouvent imprimés dans les Mémoires de Condé, édit. de Londres, 1743, t. 1, p. 266-304. 

(2) Mémoires de Condé, t. I, p. 266.

(3) Leurs noms sont indiqués dans les Registres du Parlement, à la date de ce jour.

(4) Mémoires de Condé, t. I, p. 270-274.

(5) Registre du Parlement du 4 août. Mém. de Condé, t. I, p. 277.

(6) H. Martin, Hist. de France, édit. de 1844, t. X, p. 27.

(7) « Dont le cardinal irrité, et de ce que l'on tardoit tant à le faire mourir, luy-mesme mena en parlement le chancelier Olivier, avec bon nombre de Maistres des Requestes à sa dévotion pour faire une fricassée desdites causes de récusation » (Crespin, édit. de 1564, P. 927)

(8) Reg. du Parl. du 7 août. Mém. de Condé, t. I, p. 279.

(9) Crespin, éd. de 1564, p. 927. Le récit de Regnier de la Planche reproduit ici presque exactement ce récit de Crespin, et est, à son tour, reproduit par Bèze.

(10) Morellanus Calvino, 15 augusti 1559. Calvini opera, t. XVII, p. 598.

(11) Mémoire, de Condé, t. I, p. 279 - 283.

(12) Reg. du Parl. du 8 août. Mém. de Condé, t. I, p. 286.

(13) Regnier de la Planche, édit. Buchon, p. 210. Dans le récit de cet incident, cet auteur (copié ensuite par Bèze) reproduit le texte de Crespin (édit. de 1564), avec de très légères modifications.

(14) Ce détail intéressant n'a été conservé que par l'édit. de Crespin de 1564

(15) Crespin, édit. de 1564, p. 928.

(16) Ibid.

(17) Il se sentait la conscience chargée, dit Crespin, « d'avoir esté induit... de chercher couleurs pour pallier sa confession : de quoy ils avoient arraché quelque chose de ses mains » (Ibid.). 

(18) Crespin, édit. de 1864, p. 928. 
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