Sur la seconde comparution de du Bourg devant le
Parlement, nous avons, par les registres de ce
corps, des détails précieux
(1). Le
prisonnier, armé de toutes les ressources
que lui fournissait sa connaissance approfondie des
règles de la jurisprudence, lutta cette fois
corps à corps avec ses adversaires, et la
Grand'Chambre elle-même, sans être plus
bienveillante, n'osa pas recommencer la
comédie judiciaire qu'elle avait
jouée, lors du premier appel, en jugeant
l'accusé au pied levé et sans lui
accorder les garanties d'usage. Il semblait,
maintenant que Henri Il était mort, qu'on
n'eût plus la même hâte d'en
finir.
Le nouveau roi cependant, excité par
le cardinal de Lorraine, n'entendait pas que l'on
se relâchât, et, le 29 juillet, il
adressait au Parlement des lettres missives, dans
lesquelles il disait à ses « Amez
et Feaulx, » qu'ayant appris que
« Maître Anne du Bourg avait
interjeté un appel comme d'abus... et
considérant qu'il ne fait cela que pour
penser, par le moyen de telles
frivoles appellations, empêcher le jugement
définitif de son procès, »
il leur ordonnait de « procéder au
jugement et décision de ladite cause
d'appel, tous autres affaires cessans et
postposés, » en sorte, dit-il en
terminant, « que nous ayons occasion de
nous louer du devoir qui y aura été
fait de votre part. Et n'y faites faute, car tel
est notre plaisir
(2). »
Le 2 août, les présidents et
conseillers formant la Grand'Chambre
(3),
firent
comparaître du Bourg et l'invitèrent
à plaider ses causes d'appel comme d'abus.
Il demanda alors que, conformément au
privilège de tout temps reconnu des membres
du Parlement, il fût jugé en
séance plénière de ce corps,
et non par une seule Chambre. Il ajouta qu'au
surplus il avait des récusations à
proposer et des requêtes à
présenter, pour lesquelles il
requérait aussi le jugement de toutes les
Chambres assemblées. L'avocat du roi, du
Mesnil, combattit cette prétention, en
soutenant que le privilège n'existait que
lorsqu'il s'agissait de « l'état,
vie et honneur d'un conseiller, ». mais
qu'on ne pouvait pas l'invoquer alors qu'il
n'était « question que de juger un
appel comme d'abus. » Du Bourg maintint
énergiquement son droit, en invoquant un
précédent, celui de l'affaire du
conseiller La Chesnaye, qui avait été
jugée devant le Parlement siégeant en
assemblée plénière ; il
somma le premier président
« d'assembler toutes les Chambres, sinon
qu'il protestait de le prendre à partie en
son nom privé ; » il
déclara, d'ailleurs, qu'il n'en agissait pas
ainsi « pour reculer ou éloigner
le jugement, mais afin de le rendre plus
solennel. » La Cour finalement
délibéra qu'on lui donnerait
« papier, encre et plumes pour
écrire ses causes et moyens de
récusation, et autres requêtes et
protestations qu'il dut avoir à faire, pour
les apporter demain à sept
heures. » L'accusé s'étant
plaint d'être dans une chambre « en
laquelle on ne voit quasi rien, » on
décida de le transférer dans une
autre, « et que le geôlier sera
tenu de lui bailler deux gardes pour empêcher
que l'on ne parle à lui et qu'il ne parle
à personne. »
Le lendemain, Adrien Huchot, geôlier
de la Conciergerie, apporta à la Cour le
Mémoire d'Anne du Bourg, dont le texte nous
a été conservé dans les
registres du Parlement et que nous devons nous
borner à résumer
(4). Il
commençait ainsi sa Requête
à Nosseigneurs de la Cour de
Parlement :
« Anne du Bourg, conseiller en ladite Cour, vous remontre très humblement, que puisqu'il a plu à Dieu lui envoyer la persécution qu'il souffre maintenant pour avoir opiné selon sa conscience, sur un article de la Mercuriale concernant le fait de la Religion et aussi pour avoir rendu raison de sa Foi et créance telle qu'il a plu au Seigneur lui révéler, cette cause n'est si odieuse ou de si petite importance qu'elle ne doive être délibérée et jugée en toutes ses circonstances et dépendances en pleine Cour et toutes les Chambres assemblées, si oncques il y eût lieu de faire jouir conseiller de ladite Cour dudit privilège, tant pour l'origine de l'accusation et offense prétendue avoir été faite toutes lesdites Chambres assemblées, que pour le poids et conséquence de la cause ; s'il est seulement question de peine et amende pécuniaire, à cause de crime, l'on n'a accoutumé de procéder au jugement soit interlocutoire ou définitif, contre aucun de cette Compagnie que ladite Cour assemblée. »
Après avoir ainsi réclamé
le privilège d'être jugé par
une assemblée plénière de la
Cour, comme c'était son droit, du Bourg
s'élevait contre la prétention de
l'évêque de Paris de briser sa
carrière de magistrat au moyen de sa
sentence de dégradation, qu'il
dénonçait comme « une vraie
entreprise de juridiction, et par conséquent
un vrai abus. » Comment admettre que,
s'il est établi qu'il est bon
chrétien., il suffise d'une sentence de
l'autorité ecclésiastique pour lui
enlever son siège ?
Quant aux lettres patentes du roi qui
enjoignaient la prompte expédition du
procès, du Bourg rappelait à ses
collègues que la dignité du Parlement
était d'accord avec ses traditions pour
l'engager à ne pas se courber sous les
injonctions royales.
« La Cour, » disait-il, « a accoutumé de délibérer sur semblables lettres, toutes les Chambres assemblées, et faire remontrances, voire les réitérer, selon l'importance des cas, avant que de se résigner à rompre tels privilèges et de telle conséquence que celui qui s'offre présentement, qui vous touche tous, Mesdits Seigneurs, et duquel vous-mêmes êtes conservateurs. »
Dans la suite de sa requête, du Bourg
demandait à la Cour de lui accorder pour
conseil cinq avocats qu'il désignait,
Mes de la Porte, Robert,
François, Marilhac et Baptiste du
Mesnil ; à l'appui de cette demande, il
alléguait que, « pour
l'indisposition de sa personne, il ne pourrait
lui-même plaider son appel. » Les
juges qu'il récusait étaient le
premier président Le Maistre, les
présidents de Saint-André et Minard,
et les conseillers Gayant, Bouette et de Dormans.
Trois d'entre eux avaient comparu comme
témoins en l'information contre les autres
accusés, Fumée, la Porte et de Foix,
et « il ne fut jamais vu qu'un juge ait
jugé celui contre les complices duquel il
aurait été oui témoin,
recollé et confronté. » Les
trois autres avaient instruit son procès et
avaient été ses premiers juges. De
plus, Le Maistre et Minard, après que du
Bourg eut parlé devant le roi, en la
Mercuriale, « dirent publiquement que
ceux qui étaient de cette opinion
étaient hérétiques et
sacramentaires, ce qui était
découvrir leur affection et accuser ledit du
Bourg envers ledit feu roi
présent. » Il les priait donc
« humblement de vouloir s'abstenir de la
connaissance de cette cause. »
L'avocat général, dans son
réquisitoire, essaya d'in disposer les
juges, en faisant observer que la requête de du
Bourg ne
permettait plus d'entretenir
« l'espérance que l'on avait eue
de le voir arriver à une vraie et certaine
résipiscence et réduction (retour)
à l'Eglise universelle. » Il en
concluait qu'il fallait le traiter en
hérétique, « lui
dénier et ôter toutes les aides dont
il pourrait être secouru, » et, en
conséquence, lui refuser le privilège
d'être jugé en assemblée
plénière des Chambres, et ne pas lui
accorder l'assistance d'un avocat. « Il
est, d'ailleurs, » ajoutait l'avocat
royal, « personnage de savoir et
d'éloquence, qui peut de soi-même
mieux déduire ses droits que nul
autre. » Quant aux récusations, il
fallait les repousser, afin de gagner du
temps.
Le Parlement, très jaloux de ses
droits, crut voir une immixtion abusive dans cette
dernière remontrance de l'avocat
général, et, dans la séance du
lendemain, il y eut des explications assez vives
entre la Cour et « les gens du
Roi. » La Cour maintint son droit de se
prononcer souverainement sur les
récusations, et l'avocat
général protesta de son désir
de ne pas s'ingérer dans une matière
qui n'était pas de sa compétence, et
supplia la Cour « de prendre en bonne
part ses remontrances. » Celle-ci, sans
doute pour marquer son mécontentement,
ajourna son jugement à trois jours
(5).
Le cardinal de Lorraine, qui, depuis
l'avènement de François II,
était devenu l'inspirateur de la politique de son
royal
neveu,
vit avec impatience les velléités de
résistance du Parlement et résolut de
l'obliger à hâter la condamnation de
du Bourg. Le garde des sceaux, Bertrandi,
créature de Diane de Poitiers, venait
d'être congédié, et les sceaux
avaient été confiés de nouveau
à Olivier, réputé pour ses
vertus. Cette mesure, qui donnait satisfaction
à la reine mère, permettait de
présager une administration moins immorale
que la précédente. Malheureusement,
le chancelier Olivier était trop faible de
caractère pour résister aux Guise,
ses exigents protecteurs, et il devint,
malgré les reproches de sa conscience, leur
instrument docile. Il devait s'en repentir
amèrement, et trois mois après le
martyre de du Bourg, il mourait lui même, en
ayant à la bouche le nom de ce juste qu'il
avait contribué à faire périr.
Le cardinal de Lorraine l'étant allé
visiter, le mourant le repoussa en
s'écriant : « Ah !
cardinal, tu nous fais tous damner !
(6) »
Pour le moment, Olivier n'en était
pas encore à la période des remords,
mais à celle de l'obéissance passive.
Un ordre du roi l'invita à aller
présider la séance où devait
venir l'appel de du Bourg et l'examen de ses causes
de récusation. Il se rendit donc, le 7
août, au Parlement, accompagné des
cardinaux de Lorraine et de Bourbon, des membres du
Conseil privé et de plusieurs maîtres
des requêtes, et s'assit au fauteuil de la
présidence, comme son rang dans
l'État lui en donnait le droit
(7) . Dans
sa
harangue, le chancelier s'éleva contre la
prétention de du Bourg de récuser
plusieurs des membres les plus considérables
du Parlement, y compris les présidents des
trois chambres. Il essaya d'établir que la
cause, « dépendant de la foi et
religion chrétienne, » ne pouvait
être réglée par la
procédure suivie dans les causes ordinaires.
Il représenta que le roi, au nom duquel il
parlait, était très attaché
à la religion, dont le feu roi son
père lui avait recommandé de prendre
à coeur les intérêts. Il ajouta
que le roi lui avait ordonné de
« venir céans pour y
présider et suppléer le défaut
des présidents de la Cour, » et
qu'il lui avait adjoint, des membres de son Conseil
privé, des maîtres des requêtes
et les cardinaux de Lorraine et de Bourbon
(8).
Le 7 août, comme le 10 juin, le but
poursuivi par le cardinal et sa faction
était d'intimider le Parlement et de
l'engager irrévocablement dans la voie de la
persécution à outrance contre les
hérétiques. Mais cette fois encore,
si le Parlement courba la tête sous
l'affront, il y eut un homme qui la releva ;
ce fut Anne du Bourg. Voici comment Crespin nous
décrit son attitude dans cette
séance :
« Du Bourg, voyant ce renfort d'ennemis, ne demeura ni vaincu, ni étonné, mais remonstra vivement au cardinal qu'il s'ébahissait fort que lui, qui était son plus grand ennemi, l'une de ses parties, accusateur et solliciteur, se voulût présenter pour être son juge. La contenance du cardinal montrait assez ce qu'il avait au dedans : si est-ce qu'il ne fut sans réplique. Et en niant tout, il l'assura qu'il n'avait point meilleur ami : toutefois, puisqu'il avait telle opinion de lui, il ne voulait assister à son jugement (9) »
Le pasteur de Paris, François de Morel, faisait allusion, de son côté, à cet incident, dans une lettre à Calvin, écrite une semaine plus tard :
« La fureur du cardinal ne connaît pas de bornes. Il s'est rendu naguère au Parlement, accompagné de vingt-deux maîtres des requêtes, afin d'écraser du Bourg, cet héroïque soldat du Christ, par le grand nombre des votes. Mais l'insensé n'a pas réussi. La violence factieuse du cardinal et des siens s'étant montrée au grand jour, du Bourg a récusé de pareils juges, et, en sa qualité de membre du Parlement, il a demandé à être jugé par le corps entier et non par une fraction de la Cour. Aussi, malgré le cardinal, qui espérait s'enivrer de ce sang avant l'arrivée du roi de Navarre, le jugement a été remis à plus tard (10). »
Le procès-verbal de la séance
confirme ces détails autant, qu'un
compte-rendu officiel peut le faire,
(11). L'avocat
général essaya vainement de persuader
à l'accusé qu'il
eût dû tenir « à grand
honneur et contentement de voir un si grand nombre
de princes, seigneurs, » et autres grands
personnages réunis, « pour juger
sa cause. » Celui-ci protesta que
l'intervention de tels juges était contraire
à tous les précédents et qu'il
demandait à être jugé, non par
une cour d'exception, mais par les chambres
assemblées. L'avocat du roi ayant voulu
expliquer cette intervention par le fait qu'il
s'agissait d'un procès en
hérésie, du Bourg répondit
qu'il ne s'agissait pour, le présent que
d'un appel comme d'abus.
La Cour finalement décida qu'elle
accorderait à du Bourg le conseil de deux
avocats, François de La Porte et
François Marilhac, et s'ajourna au lendemain
matin à six heures, pour entendre leurs
plaidoiries. Ce délai était
dérisoire, mais il fallait bien
paraître faire du zèle pour plaire au
cardinal de Lorraine et à sa brillante
suite.
Le lendemain, 8 août, l'un des avocats
désignés, Marilhac, déclara
à la Cour que son collègue s'excusait
et que lui-même ne consentirait à se
charger de la défense de du Bourg que si on
lui accordait un ajournement à quinzaine et
si on lui donnait toute liberté pour
défendre son client. La Cour, faisant, droit
à cette requête, désigna deux
autres avocats, Jehan de Saint-Meloir, et Pierre
Robert, en leur accordant le droit de communiquer
avec leur client, « en la Tour
carrée ou en la petite
Tournelle. » Malgré la demande de
Marilhac, que cette communication « se
fit semotis arbitris et en
liberté, » elle décida
qu'elle aurait lieu « en la
présence de Me Jehan Camus,
secrétaire du roi et de ladite
Cour. » Les plaidoiries étaient
ajournées au lundi 14 août, mais, par
suite d'un ajournement nouveau, ne vinrent que le
samedi 19.
Dans cette même séance, du
Bourg déclara que, « attendu les
grandes occupations de Monseigneur le chancelier et
de Messieurs du Conseil privé du roi, qui
lui assistent, il se départait des causes de
récusations proposées contre
Messieurs les présidents de Thou,
Séguier et de Harlay. »
Pressé de déclarer quels il
récusait de « ceux qui assistent
et sont présents, » il indiqua
« Monseigneur le cardinal de Lorraine,
qui est sa partie en ce procès, »
et les « seigneurs évêques
d'Amiens (Nicolas de Pelevé) et de Vouze,
Mes des Requêtes qui sont ses
domestiques. »
« Interpellé d'expliquer
comment le cardinal de Lorraine était sa
partie, il répondit qu'il avait
été le moyen de toutes les poursuites
qui ont été faites contre ses
compagnons prisonniers et lui. » La Cour
ne fit droit qu'à une partie des demandes en
récusation de du Bourg, et décida que
deux de ceux qu'il avait récusés
dès le commencement, le premier
président Le Maistre et le président
Minard, assisteraient au jugement
(12)
Ce fut enfin dans les audiences des 19, 21
et 22 août que, à
la suite des longs préliminaires que nous
venons de résumer, se plaida le
procès de du Bourg. L'avocat Marilhac, sur
qui paraît avoir pesé tout le poids
des plaidoiries, avait cherché, dans ses
entrevues avec son client, à l'amener
à faire des concessions sur les points de
dogme, et principalement sur la Messe,
« lui alléguant que sans cela il
ne pourrait éviter la mort
(13) ». Quand il vit qu'il
ne
gagnait
rien sur ce point, il exigea de lui la promesse
qu'il le laisserait plaider sans l'interrompre,
sauf ensuite à dire « ce que bon
lui semblerait. »
L'heure de l'audience où son affaire
devait être plaidée arrivée, du
Bourg, afin de bien marquer qu'il se
considérait toujours comme en possession de
son état de conseiller et qu'il n'avait en
rien démérité, revêtit
son chaperon et « requit d'y être
mené avec la dignité qu'il avait
accoutumée d'entrer en Parlement, ce qui lui
fut accordé, et pour le conduire on lui
envoya un conseiller
(14). »
La première partie de la plaidoirie
de Marilhac fut excellente. Il montra ce que
l'arrestation des conseillers avait
d'irrégulier ; il fut
sévère pour le cardinal Bertrandi,
« qui avait, sans aucune honte,
joué deux personnages, » jugeant,
comme archevêque de Sens, celui qu'il avait
jugé comme chancelier. Il montra qu'il en
résultait
« non seulement des causes d'abus, mais
la nullité des sentences, de sorte qu'il
fallait par nécessité recommencer le
procès, attendu que nulle formalité
de justice n'avait été
gardée. »
Malheureusement Marilhac ne s'en tint pas
là ; voulant sauver malgré lui
son client, il termina par un appel
pathétique à la miséricorde du
roi et de la cour. « Il confessa que sa
partie avait péché contre Dieu,
irrité le roi, désobéi
à son évêque et offensé
la sainte Église romaine, à
laquelle, » ajouta-t-il, « il
désirait être
réconcilié. À cette cause il
requérait très humblement la Cour
d'obtenir sa grâce, ou, à tout le
moins, sa vie sauve, et de son évêque
pénitence et absolution
(15) »
Anne du Bourg, ayant voulu réclamer contre
cette conclusion inattendue, le président,
sur un signe de l'avocat, le renvoya en
prison.
Mais une fois seul avec lui-même, du
Bourg se reprocha d'avoir été
infidèle à sa conscience, en
permettant à son avocat de porter sa
défense sur un terrain où il ne
pourrait le suivre sans mentir à ses
convictions. Il se reprocha comme un crime d'avoir
prêté l'oreille aux propositions de
« ceux qui n'aimaient que son corps et
cette vie présente, » et il sentit
« grandement sa conscience chargée
de ce que, étant présent à ce
plaidoyer, il ne l'avait à l'instant
désavoué
(16). » Il semble qu'il
s'était
laissé aller à
livrer à Marilhac quelques lignes
ambiguës qui pouvaient être entendues
comme une atténuation de sa confession
précédente (17). Quoi qu'il en
soit, il
n'hésita pas à revenir sans retard de
cette défaillance, et, pendant que la Cour
était encore en délibération,
et se préparait à envoyer deux ou
trois de ses membres en députation
auprès du roi pour lui faire part de ses
nouveaux sentiments et solliciter sa grâce,
il fit parvenir au président quelques lignes
par lesquelles il avisait la Cour :
« que, quelque chose qu'eût
plaidé son avocat, il persistait et voulait
vivre et mourir en la confession de foi qu'il avait
faite devant le roi et ailleurs par tout son
procès, et qu'il était prêt
à la maintenir jusques à la mort,
comme étant fondée sur la vraie et
indubitable Parole de Dieu. Partant, il suppliait
la Cour de n'avoir aucun égard au
désistement de Marilhac, et qu'il concluait
et persistait en ses causes d'appel comme d'abus et
nullité de sentences
(18).
À la suite de l'échec de cette
tentative pour faire fléchir la conscience
de du Bourg, tentative dans laquelle, probablement
l'avocat avait été encouragé
par plusieurs conseillers, il ne restait plus
à la Cour qu'à prononcer son
arrêt. Elle l'ajourna toutefois encore
à huitaine, malgré une nouvelle
démarche du cardinal de
Lorraine qui, le 18 août, faisait mander
auprès du roi, à
Saint-Germain-en-Laye, les présidents de
Thou et Séguier, pour leur enjoindre que,
« toutes choses cessantes, les
récusations de Me Anne du Bourg mises
derrière, son procès principal
fût vidé. »
L'arrêt de la Cour, en date du 31
août, déboutait du Bourg de toutes ses
demandes, tant de celle qui tendait à
assembler toutes les Chambres que de celles tendant
à la cassation des procédures faites
par les juges d'Eglise et par les commissaires
députés par le roi
(19).
L'attitude du Parlement pendant ce mois
d'août, consacré tout entier à
vider un appel, montrait assez que, s'il n'avait ni
le courage, ni peut-être le désir
d'acquitter du Bourg, il n'était pas
pressé d'arriver à prononcer sa
condamnation définitive. Il tenait d'autant
plus à faire étalage
d'autorité sur des points secondaires qu'il
se sentait moins disposé à
résister sur le fond des choses.
L'arrêt du 31 août laissait la porte
ouverte à de nouveaux atermoiements. Du
Bourg en profita, et ses juges n'en furent
peut-être pas fâchés.
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