Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES MARTYRS SOUS HENRI Il

suite

ANNE DU BOURG

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Ce fut la gloire du protestantisme français du seizième siècle de recruter, non seulement des adhérents, mais des martyrs dans toutes les classes de la société, depuis son protomartyr, l'intrépide cardeur de laine Jean Le Clerc, jusqu'à l'héroïque amiral de France, Gaspard de Coligny, la plus illustre victime de la Saint-Barthélemy. Gentilshommes et artisans, artistes et lettrés, prêtres et magistrats montrèrent le même attachement à leurs nouvelles convictions et la même constance devant la mort. La prison et le bûcher réalisaient cette égalité des hommes qui devait attendre encore deux siècles avant de prendre place dans les lois de notre, pays. C'était comme une déclaration anticipée des droits de l'homme, écrite avec le sang de nos martyrs.

Dans cette émulation qui entraînait des hommes de toutes conditions, la magistrature elle-même ne resta pas en arrière. Ses membres se montrèrent sans doute plus zélés à dresser des bûchers qu'à y monter eux-mêmes, et la royauté trouva en eux des exécuteurs trop complaisants de ses édits cruels. Il y eut pourtant d'honorables exceptions. Il se trouva des juges, dont la conscience se refusa à rendre des services au lieu d'arrêts et qui osèrent protester contre les iniques rigueurs des lois. Il y eut même des magistrats qui, en plein Parlement de Paris, osèrent conseiller la tolérance au plus ombrageux des Valois, et défendre les persécutés devant leur persécuteur, bien qu'ils sussent qu'ils y jouaient leur position, et peut-être leur tête.

Il y en eut un qui, pleinement gagné à la foi évangélique ne craignit pas, dans une circonstance mémorable, de la professer hautement, et qui, pour être fidèle à sa conscience, descendit de son siège pour entrer à la Bastille et sortit de la Bastille pour monter à l'échafaud. Ce magistrat, Anne du Bourg, qui préféra la cage de fer de la Bastille et le bûcher de la place de Grève, avec la conscience sauve, à la tranquille possession d'un siège envié dans la première Cour de justice du royaume, a jeté plus de vraie gloire sur la magistrature française du seizième siècle que ses illustres collègues, les Seguier, les Harlay, les de Thou, qui courbèrent la tête devant l'orage. La cause de la justice a été mieux servie par sa mort que par leurs arrêts, s'il est vrai qu'il y a quelque chose de plus grand que d'administrer la justice, je veux dire savoir souffrir et mourir pour elle.

Je voudrais essayer de faire connaître la vie, le procès et la mort d'Anne du Bourg, en m'aidant de sources peu connues ou négligées jusqu'ici. Les registres du Parlement de Paris sont le document essentiel pour reconstituer les détails et l'ordre chronologique du procès (1). Il existe un assez grand nombre de récits contemporains du procès, qui prouvent qu'il eut un immense retentissement ; l'un d'eux paraît avoir été publié avant la mort du martyr (2). Le plus complet de ces récits parut en 1561, sous ce titre : La vraye Histoire, contenant l'inique Jugement et fausse procédure faite contre le fidèle serviteur de Dieu, Anne du Bourg (3). Une autre source, très précieuse pour l'histoire de du Bourg, c'est l'Histoire des persécutions et martyrs de l'église de Paris, de La Roche-Chandieu (4), publiée en 1563, par un homme qui dut avoir, comme pasteur de l'Eglise réformée de Paris, des relations personnelles avec du Bourg. Son récit, malheureusement assez écourté, est le plus connu, ayant passé tout entier dans le Martyrologe de Crespin, à partir de l'édition de 1570 ; on le cite habituellement à tort comme l'oeuvre de Crespin, qui n'a fait que le transporter dans son recueil, avec tout le volume qui le renferme.

Le récit de Pierre de la Place, dans ses Commentaires de l'estat de la religion et république, parus en 1565, est aussi celui d'un contemporain et de plus l'oeuvre d'un magistrat, bien placé pour connaître les faits. Louis Régnier de la Planche, dans son Histoire de l'estat de France sous François II, parue en 1576, complète très heureusement ses devanciers, et c'est son récit qui, reproduit par Théodore de Bèze, dans l'Histoire ecclésiastique, a acquis, par là, une notoriété et une autorité très grandes. Mais il n'a lui-même guère fait autre chose que copier, en l'abrégeant, la notice que Crespin a publiée dans les Actes des Martyrs de 1564.

Cette édition du Martyrologe est devenue presque introuvable, et c'est ce qui explique l'oubli dans lequel cette narration est tombée. Les continuateurs de l'oeuvre de Crespin lui ont substitué, dans les éditions subséquentes, un récit plus abrégé emprunté au livre de La Roche-Chandieu, mentionné plus haut. Le récit des Actes des Martyrs de 1564 a l'avantage sur les autres d'être plus complet et de disposer les faits dans un ordre qui s'accorde mieux avec les pièces officielles insérées dans les registres du Parlement (5).


 
I - ANNE DU BOURG AVANT LA MERCURIALE.

La famille d'Anne du Bourg appartenait à l'ancienne noblesse du Vivarais. Elle tirait son nom, dit la France protestante, du Bourg, « village et château du Vivarais, à mi-chemin entre Viviers et le Bourg Saint-Andéol. » Plusieurs de ses membres se vouèrent à la magistrature, pendant le seizième siècle ; l'un d'eux, Antoine du Bourg, s'éleva, en 1535, à la dignité de chancelier de France. S'il ne fut pas lui-même sympathique aux nouvelles doctrines religieuses, qui se répandaient alors dans toutes les classes de la société, Il eut, dans sa famille, plusieurs partisans déclarés de la Réforme. Ses deux petits-fils, Louis et Charles, prirent part, dans le camp huguenot, aux guerres de religion. Louis, baron de Saillans, figura parmi les principaux chefs huguenots de l'Auvergne et lutta vaillamment contre les ligueurs. Son frère, Charles du Bourg, seigneur de Saillans, fut assiégé, au mois d'octobre 1569, par Saint-Héran, gouverneur de l'Auvergne. Du Bourg, qui n'avait dans son château que cinq ou six hommes de garnison et qui était « retenu au lit par une maladie, se rendit sous condition de la vie sauve ; mais, au mépris de la foi jurée, il fut saisi et jeté dans un four où son corps fut consumé (6) »

Anne du Bourg était l'un des onze enfants d'Étienne du Bourg, seigneur de Ceilloux, et frère puîné du chancelier. Trois de ses enfants au moins embrassèrent la Réforme. Claude, sieur de la Guérine, fut trésorier de France à Lyon et ambassadeur à Constantinople. Gabriel, conseiller au Parlement de Toulouse, faillit périr dans les massacres qui déshonorèrent cette ville en 1562. Anne, leur aîné, conseiller au Parlement de Paris, fut le premier membre de la famille du Bourg qui embrassa la foi évangélique. C'est à sa courageuse attitude devant le roi de France, c'est à sa fidélité à l'Évangile pendant une longue détention et sur le bûcher, que le nom de du Bourg doit son illustration.

On ne sait rien de la jeunesse d'Anne du Bourg. Il naquit vers 1520, à Riom, en Auvergne, où habitait son père, qui était seigneur de Ceilloux, localité des environs de cette ville. Il fit des études de jurisprudence et fut appelé à professer cette science à l'université d'Orléans, vers 1547. Il y prit son grade de docteur, le 4 mai 1550, et y fut élu recteur, à trois reprises, par le suffrage de ses collègues. Sa science profonde du droit, attestée par le témoignage de ses contemporains, mais surtout son caractère, qui unissait la noblesse à l'amabilité, firent une profonde impression sur ceux qui l'approchèrent (7), Pendant les dix années qu'il y passa, il entra en rapport avec les réformés, qui étaient nombreux à Orléans. L'université, divisée en dix nations, dont la plus fameuse était la nation allemande, y comptait de nombreux disciples de Luther, qui obtinrent de Henri II, en leur qualité d'étrangers, la liberté religieuse que le roi refusait à ses propres sujets. Anne du Bourg fut en excellents termes avec ces écoliers, et il contribua, en sa qualité de recteur, à l'élargissement de l'un d'eux, Conrad Maïus, incarcéré pour cause d'hérésie. Les questions religieuses étaient le sujet de vives préoccupations et de continuels entretiens parmi cette jeunesse studieuse, et les livres des réformateurs étaient avidement lus dans cette ville où Calvin avait séjourné et enseigné et où Théodore de Bèze avait étudié.

De temps en temps, d'ailleurs, le récit de la mort triomphante de quelque martyr venait passionner les esprits. En septembre 1549, du Bourg put rencontrer dans les rues d'Orléans le cortège qui accompagnait Anne Audebert au bûcher, et peut-être se mêla-t-il à la foule qui la vit mourir « avec un coeur allègre et une vertu admirable » sur la place du Martroy (8). L'année suivante, ce fut le tour de Claude Thierry, jeune apprenti apothicaire, lequel, dit Crespin, « endura la mort au grand avancement de la gloire du Seigneur et à l'édification de plusieurs (9). » Avec de tels exemples de fidélité à l'Évangile sur les places publique ; et avec les souffles de réforme religieuse qui circulaient dans son université, Orléans était bien l'une des villes de France où pouvait le mieux s'accomplir dans l'âme du jeune jurisconsulte, le travail intérieur qui devait le gagner à la Réforme.

Ce ne fut pourtant pas à Orléans qu'il fit publiquement acte d'adhésion à la foi réformée. C'était « un homme paisible et peu aheurté à ses opinions (10), » d'une conscience scrupuleuse, aussi incapable de se laisser aller à un entraînement irréfléchi que de reculer devant le devoir une fois qu'il l'aurait reconnu. Il resta donc extérieurement catholique jusqu'à son départ d'Orléans en 1557, et fit encore ses Pâques cette année-là, selon le rite romain (11).

Il fit même alors un acte qui semble d'abord peu conciliable avec l'état de ses convictions. Désirant obtenir une place de conseiller au Parlement de Paris, et aucune place de conseiller laïque n'étant vacante, il se laissa induire par ses amis à solliciter une place de conseiller-clerc, qui l'obligeait à prendre les ordres de diacre et de sous-diacre. Il expliqua à ses juges, qui l'interrogèrent sur ce point, qu'il n'y avait eu là, à ses yeux, qu'une simple formalité, qu' « il n'avait jamais eu l'intention d'être prêtre, » sachant bien que « Jésus-Christ a été le dernier sacrificateur, » mais qu'il avait « appris qu'en la primitive Église, il y a eu des ordres de diacres, de sous-diacres, de lecteurs et autres (12). » Ces explications, au moyen desquelles il essayait de tranquilliser sa conscience, montrent que, s'il n'avait pas encore rompu officiellement avec le catholicisme, il était protestant par ses convictions intimes. Il se reprochait plus tard de n'avoir pas « employé à l'étude des Écritures saintes le temps qu'il avait employé à étudier au droit civil et aux lettres humaines (13). » Mais il suffit de parcourir ses interrogatoires et la confession de foi qu'il rédigea en prison pour se convaincre que les connaissances bibliques dont ils font preuve étaient le fruit de longues méditations des livres saints. Il lisait aussi, comme il le reconnut, devant ses juges, les écrits « de Calvin et d'autres, achetés de ces porteurs de livres qui allaient et venaient par le pays (14). »

En arrivant à Paris, en novembre 1557, pour y occuper son siège de conseiller-clerc au Parlement, du Bourg n'avait plus qu'un pas à faire pour mettre sa conduite extérieure d'accord avec ses convictions. C'était l'une des heures les plus solennelles dans la tragique histoire des origines du protestantisme français. La Réforme obtenait des succès inespérés dans les plus hautes classes de la société. Le chef de la maison de Bourbon, Antoine, roi de Navarre, lui apportait un concours, qui ne devait pas être durable, mais qui, pour le moment, semblait ardent et loyal, et on le vit avec surprise, entouré de ses gentilshommes, se mêler à la foule qui se réunit au Pré-aux-Clercs, pendant quelques soirées du mois de mai 1558, pour y chanter les psaumes de Marot. « La Réforme trouvait, à ce même moment, » dit Jules Bonnet, « dans la famille des Châtillon, des coeurs dévoués, des âmes intrépides, capables de l'associer aux plus hautes inspirations du patriotisme et du génie. Le glorieux vaincu de Saint-Quentin, Gaspard de Coligny, recevait dans sa prison de l'Écluse, puis dans celle de Gand, les premiers germes de la foi dont il devait être le héros et le martyr. Son frère, d'Andelot, l'avait depuis longtemps embrassée, et n'attendait qu'une occasion favorable pour la propager dans ses vastes domaines, de Bretagne, tandis que le cardinal de Châtillon la professait en secret sous la pourpre et en favorisait les progrès dans son diocèse de Beauvais, si voisin de la capitale (15). »

Du Bourg, rencontra même dans le Parlement, cette assemblée de tout temps si conservatrice des vieux usages, des sympathies nombreuses en faveur des nouvelles doctrines. Il n'hésita plus à professer sa foi. Aux fêtes de Pâques 1558, il se rendit encore à l'Eglise Saint-Merry, « de peur, » dit-il, « de scandaliser ses serviteurs qui étaient infirmes et n'avaient pas connaissance de la vérité » il les accompagna, dit-il, « afin qu'ils fissent entre eux leurs pâques, mais, quant à lui, il ne les fit pas, et depuis que Dieu lui a donné connaissance de ses sacrements, il n'a plus été à l'église pour faire ses pâques (16). »

Ce fut enfin la veille du jour de Pâques 1559, que du Bourg fut admis à la sainte Cène dans l'Eglise réformée de Paris. Ce fut pour lui une grande joie, et il disait, quelques mois plus tard, à ses juges, « qu'il ne voudrait pas avoir longtemps été sans recevoir ce grand bien de Dieu, qui lui fut présenté dans ce sacrement. » Il leur disait aussi avec quelle simplicité auguste on célébrait la Cène dans ces assemblées où se réunissaient en cachette les protestants de Paris, comment, « après les prières et exhortations faites par la Parole de Dieu, le saint sacrement était administré par le ministre, à tous ceux qui s'y présentent non excommuniés, et sous les deux espèces du pain et du vin, avec actions de grâces (17). »

Dans quel lieu se réunissait l'assemblée, au milieu de laquelle les réformés de Paris eurent la joie de voir s'unir à eux un conseiller au Parlement ? Nous l'ignorons et du Bourg se refusa toujours à le révéler à ses juges. Il dit seulement qu'il se faisait accompagner par un laquais, « qu'il laissait en un coin de rue avec sa mule, et qui l'attendait jusqu'à son retour (18). »

La piété d'Anne du Bourg, fruit d'une longue préparation intérieure, s'alimentait et s'éclairait, non seulement par la fréquentation du culte public, mais par l'étude assidue des saintes Écritures. Ses rapports avec les ministres de l'Eglise de Paris, François de Morel, Antoine de La Roche-Chandieu et Nicolas des Gallars, durent aussi contribuer à affermir ses convictions évangéliques. Mais une prédication plus éloquente que la leur s'élevait des bûchers qui, à Paris comme en province, ne chômaient presque jamais de victimes. Au moment même où du Bourg prenait possession de son siège, l'Eglise de Paris était dans le deuil, à la suite de la surprise de l'assemblée de la rue Saint-Jacques. Environ cent cinquante de ses membres avaient été jetés en prison. « La joie, » dit Chandieu, « était si grande parmi les ennemis par tous les quartiers de la ville, que l'on ne voyait que triomphes de victoire deçà, delà, comme si, en un seul jour, la doctrine de l'Évangile eût été opprimée. Mais, de l'autre côté, le demeurant de l'Eglise se trouvait en une merveilleuse perplexité pour l'emprisonnement et détention de leurs frères, et il n'y avait que pleurs et gémissements en leurs familles (19). » Pendant ce temps, les cachots du Châtelet retentissaient du chant des psaumes, par lequel les prisonniers s'encourageaient et se préparaient à la mort.

Anne du Bourg, qui ne siégeait pas à la Cour du Châtelet, n'eut pas à juger le procès des victimes du guet-apens de la rue Saint-Jacques. Sa conscience ne lui eût certainement pas permis d'appliquer les lois cruelles de Henri II à des innocents dont il partageait la foi. Mais il dut suivre avec un douloureux intérêt ces procès où le fanatisme se décorait du nom de justice, et où les formes mêmes de la justice étaient odieusement foulées aux pieds. Il dut surtout se sentir confirmé dans sa foi en voyant des hommes, des femmes, des enfants, « qui, au milieu des flammes, invoquaient le nom de Jésus-Christ. »

Si de telles morts n'excitaient ni pitié ni remords au sein des basses couches du peuple de Paris, non plus que chez ceux qui lui inspiraient le fanatisme qu'ils exploitaient ensuite, les âmes vraiment nobles souffraient de la vue de ces spectacles hideux. On voudrait espérer que ce fut la pression de l'opinion de ces esprits éclairés, tout autant que les vives réclamations des princes allemands, dont Henri Il recherchait l'alliance, qui amena un adoucissement momentané dans le sort des réformés et l'élargissement du plus grand nombre des prisonniers. Malheureusement, la brièveté de cette accalmie ne permet pas de s'arrêter à cette supposition.

Ce qui est certain, c'est qu'au moment où Anne du Bourg entrait au Parlement, cette assemblée penchait vers une politique de tolérance à l'égard des protestants. Elle ne pouvait pas fermer les yeux sur les progrès rapides que faisaient les nouvelles doctrines dans toutes les classes de la société, et des adhésions comme celles du roi de Navarre et des neveux du connétable de Montmorency ne permettaient plus de considérer les réformés comme d'obscurs sectaires que l'on réduirait aisément par les rigueurs.

Il était impossible que des hommes comme Pierre Séguier, du Harlay, Christophe de Thou, si peu enclins qu'ils fussent aux nouveautés religieuses, ne comprissent pas que le temps était venu de tolérer ce qu'on ne pouvait empêcher ; beaucoup de leurs collègues, soit pour des raisons politiques comme eux, soit par attachement au protestantisme, comme Anne du Bourg, partageaient leur répugnance à appliquer les lois draconiennes qui frappaient de mort les hérétiques. Et ces lois de sang, le roi, conseillé par le cardinal de Lorraine, demandait au Parlement de les aggraver encore, en enregistrant la bulle pontificale qui établissait l'inquisition en France. Le Parlement résista pendant près d'une année ; mais Henri. Il vint en personne demande l'enregistrement, et il fallut céder.

La Grand'Chambre, où dominait le vieil esprit persécuteur, envoya au bûcher Jean Barbeville, un simple ouvrier maçon, qui avait été déclaré hérétique par les juges ecclésiastiques. Mais les choses se passèrent autrement à la chambre de La Tournelle. Elle avait pour président Pierre Séguier, qui avait été l'organe du Parlement dans ses remontrances au roi relativement à l'établissement de l'inquisition. Cette Chambre, ayant à se prononcer sur l'appel de quatre réformés, les renvoya la vie sauve, à la condition de sortir du royaume dans la quinzaine. La Grand'Chambre riposta, peu après, en envoyant Pierre Chevet à la mort. Étrange situation que celle qui résultait de ces arrêts contradictoires, et qui dépeint bien l'état de lutte violente qui existait dans les âmes, entre les doctrines du passé et les aspirations encore confuses vers un avenir de tolérance, sinon de liberté ! Ces tiraillements dans le premier corps judiciaire de l'État étaient le symptôme d'une grande crise nationale. Le Parlement était divisé, parce que la nation l'était. 


(1) Voy. Collection Dupuy, Vol. 215 et 216 (Bibl. nat ) et les Mém. de Condé, édit. de Londres, 1743, t. 1er, p. 266-304. 

(2) L'exemplaire et forme du procez commis, faict par les commissaires du Roy contre Maistre Anne Du Bourg, conseiller en la Court du Parlement de Paris. Luy estant detenu prisonnier pour la Religion, Contenant au vray les Interrogations à lui faictz : Et les responses et confession de sa foy. En laquelle Dieu le veuille maintenir et fortifier. À Envers (Genève), par Jean Steltius, à l'Escu de Bourgogne. 1560, 40 pages petit in-8°, sans pagination. Les derniers mots du titre indiquent qu'au moment où s'imprimait cette plaquette, probablement vers la fin de 1559, l'exécution de du Bourg n'avait pas encore eu lieu.

(3) L'édition originale est très rare ; la Bibliothèque nationale en possède un exemplaire. Mais cet écrit est surtout connu par les Mémoires de Condé, qui l'ont reproduit (t. 1er, p. 217-265).

(4) Cet ouvrage, dont les exemplaires sont très rares, se trouve à la Bibliothèque nationale et à celle du Protestantisme français.

(5) Voyez sur cette question nos articles dans le Bulletin de l'histoire du protestantisme, 1887 et 1888.

(6) France protestante, 2e édit., art. Du Bourg.

(7) Voyez l'art. de M. Doinel, Anne Du Bourg à l'Université d'Orléans, Bull. de l'hist. du prot., XXX, 365.

(8) Crespin, édit. de Toulouse, t. I, p. 541.

(9) Ibid., t. I, p. 541.

(10) La Vraie histoire, Mémoires de Condé, t. I, p. 224. 

(11) Crespin, t. II, p. 681.

(12) Crespin, t. II, p. 681. 

(13) Ibid., t. II, p. 677. 

(14) Ibid., t. II, p. 683.

(15) Bull. de l'hist. du Prot. franç., t. XXV, p. 444.

(16) Crespin, t. II, p. 681. 

(17) Ibid., t. II, p. 685.

(18) Ibid.

(19) Chandieu, Histoire des persécutions et martyrs de l'Eglise de Paris, 1563. Cité dans Crespin, t. II, p. 547. 
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