Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IX. - LE SECRET DE LA FORCE D'ÂME DES MARTYRS.


Quel fut le secret de la force d'âme que déployèrent nos martyrs au milieu des souffrances de toute nature qu'on leur infligea ? Comment triomphèrent-ils des répugnances de la chair et des troubles de l'esprit, de l'attachement à la vie et des liens de la famille ? Le sérieux et l'intensité de leur piété est la grande, on pourrait dire la seule explication de cet héroïsme calme, résolu, persévérant. Ces hommes vivaient dans la communion de Dieu et de Jésus-Christ, à un si haut degré, que, selon l'étrange expression de saint Paul, « la mort était pour eux engloutie dans la victoire. »

Écoutons Guy de Brès, dans la lettre à sa mère déjà citée, et il nous dira le secret de la sérénité de son âme :

« Est-ce peu de chose de suivre un tel Seigneur ? C'est lui qui a fait le ciel et la terre de rien par sa parole vertueuse (puissante). C'est lui devant la face duquel les anges et archanges couvrent leurs faces et tremblent. Et voici, moi, un pauvre ver de terre, environné d'infirmité, il lui plaît m'appeler son ami et non pas serviteur. Oh ! quel honneur ! Il ne fait pas même cet honneur à ses anges de les admettre à souffrir pour son nom. Et qui suis-je, moi, pour recevoir un tel honneur de mon Dieu ? Certes, je suis ravi au ciel quand je considère ces choses.

» Et comme si c'était peu de tout cela, il me console sans cesse en mes combats, il est ici prisonnier avec moi : j'entends Jésus-Christ mon Maître. Je le vois, par manière de dire, enclos et enferré dans mes fers et liens. Je le vois, des yeux de mon esprit, enclos en ma prison obscure et ténébreuse, comme il m'a promis par sa parole très véritable, d'être avec moi tous les jours jusqu'à la fin... Oh ! quel Maître, oh ! quel Seigneur mon Dieu m'a fait trouver !... Il est ici avec moi, avec une infinité d'anges, me consolant, me fortifiant, et faisant sonner cette tant douce mélodie des paroles de sa bouche en mes oreilles, me disant : Je donnerai à celui qui vaincra à manger de l'arbre de vie qui est au milieu du paradis de mon Dieu (1). »

Cette piété, empreinte d'un mysticisme si pur et si élevé, reposait, il faut le reconnaître, sur la grande notion calviniste de la souveraineté de Dieu et de l'élection des fidèles. Voici deux touchantes prières de martyrs où se montre cet élément de la foi de nos martyrs.

« Mon Dieu, » dit Guy de Brès, « tu m'as fait naître au temps et à l'heure que tu avais ordonné ; et durant tout le temps de ma vie, tu m'as gardé et préservé en de merveilleux dangers, et m'en as délivré du tout ; et si à présent mon heure est venue que je dois passer de cette vie à toi, ta bonne volonté soit faite, je ne puis échapper de tes mains. Et quand je le profit qui reviendra de votre vie ou de votre mort pour édifier son Église. Si les méchants tâchent d'exterminer la mémoire de son nom, il donnera vertu à votre sang de la faire fleurir d'autant plus (2). »

Claude Monnier, martyr à Lyon en 1551, exprime la conviction que « Dieu détruira le fils de perdition par le souffle de sa bouche, c'est-à-dire par la vertu de sa parole ; » mais il exhorte ses frères à ne pas compter sur la force matérielle pour le triomphe de leur foi.

« Vous voyez déjà, depuis vingt ans, » dit-il, « la grande ouverture qu'a fait par tous les royaumes ce doux souffle de la bouche de Dieu, cette Parole tant aimable, sans forcer personne et sans tempêter. Cette sainte Parole nous apprend comment nous ne devons point user de force corporelle ni de fer contre nos ennemis. Contentons-nous donc des saintes armures, à savoir de cette noble foi et espérance que nous devons avoir en Jésus-Christ, nous appuyant sur sa Parole (3). »

C'est sur ces belles paroles qu'il convient de terminer ce chapitre. Elles nous remettent en mémoire ce que l'épître aux Hébreux dit des patriarches : « Tous ceux-là sont morts dans la foi, sans avoir reçu les choses qui leur avaient été promises, mais les ayant seulement vues et saluées de loin et ayant fait profession d'être étrangers et voyageurs sur la terre » (Héb., XI, 13). Nos martyrs aussi furent des hommes de foi ; ils crurent au Dieu vivant, au Christ Rédempteur, à la Bible, aux réalités spirituelles, à la vie éternelle. Eux aussi moururent dans la foi, furent fidèles jusqu'à la mort , et transmirent intact aux générations qui les ont suivis le dépôt de l'Évangile éternel. 


(1) Crespin, t. III, p. 573.

(2) Crespin, t. II, p. 662. 

(3) Ibid., t. I, p. 555. 
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