Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Contes du Dimanche
Récits allégoriques

Les leçons d'une pièce de monnaie.

I

UR ma table était préparée la somme nécessaire au paiement de mes impôts : un denier, je vous assure, et qu'il m'était pénible de voir partir ainsi sans profit apparent.

J'étais donc dans une disposition d'esprit assez maussade, lorsque, machinalement, je pris une des pièces de cinq francs qui formaient la pile, et la laissai tomber de haut pour en entendre le son.
Le brave et loyal écu tinta comme il devait ; mais dans les vibrations qui se prolongeaient, je crus entendre ces paroles : « Rendez à César ce qui appartient à César. »
- César ! m'écriai-je, comme si la pièce eût vraiment parlé. Comment oses-tu prononcer ce nom-là, toi qui n'es qu'à l'effigie de ce bon Louis-Philippe ? Et, d'ailleurs, ne sais-tu pas que César est mort et que nous sommes en République ?
- C'est bien, répondit l'écu. Jette-moi donc par la fenêtre.... Hein, tu ne te presses pas ? C'est qu'apparemment, à tes yeux, j'ai la même valeur que si Louis-Philippe était vivant. Vois-tu, les effigies changent, mais derrière elles il y a quelqu'un qui ne change pas : tête de Napoléon, de Louis ou de femme couronnée d'épis, peu importe : César ne meurt jamais.

- Et qui donc est César ? demandai-je.
- C'est toi, c'est ton voisin, c'est ton cordonnier, c'est ton cocher de fiacre. César, c'est la Patrie, à qui tu dois toujours obéissance, sous quelque image qu'elle se montre à toi. Mais que dis-je ? Voici que la patrie s'élargit aujourd'hui, regarde les autres pièces qui composent ta pile.

Je les examinai, et je vis, en effet, des monnaies à l'effigie du roi d'Italie, d'autres à celles du roi Léopold. L'Helvétie était là, et la Grèce, et l'Espagne....
- Tu vois bien, me dit l'écu Louis-Philippe, chacun porte maintenant les États-Unis d'Europe dans son gousset. Bientôt vous verrez circuler chez vous les monnaies encore inconnues de l'Asie, bientôt les vôtres iront au coeur de l'Afrique acheter l'ivoire et le caoutchouc. Et peu à peu, l'or et l'argent monnayés n'auront qu'un poids et qu'un titre dans tous les pays du monde ; et alors, sous des effigies diverses, il n'y aura plus qu'un César. - Qui sera ? - L'Humanité.

II

Je restai rêveur à ce dernier mot.
Oui, me dis-le, il a raison ! César, c'est tout le monde ; cet écu n'est pas à moi seulement, puisqu'il ne porte ni mon nom ni mon image, et que, si j'avais la folie de les y graver, je n'en saurais plus que faire. Il a fallu, pour que cet argent vînt en ma possession, que d'autres m'aidassent à le gagner. Depuis la mère qui m'a mis au monde jusqu'au patron chez lequel j'ai fait mon apprentissage, chacun est pour quelque chose dans ma fortune, et chacun y a quelque droit. Si je l'enfouissais, je serais donc un voleur.... et il y a bien des manières de l'enfouir : tout luxe inutile, toute prodigalité, tout ce qui immobilise l'argent et le rend improductif, est aussi coupable que la sordide avarice d'Harpagon, creusant un trou dans son jardin pour y cacher sa cassette.
« Rendez à César ce qui est à César. » Que de choses dans cette parole, et quel économiste que Jésus-Christ !

Mais cette pièce n'est pas la seule chose au monde que j'appelle mienne et qui ne porte pas mon nom.
Hélas ! rien de ce que je possède n'est à mon effigie ! Ma maison fut construite par d'autres ; j'y retrouve leurs traces, d'autres y trouveront la mienne ; je l'habite en usufruitier. Ma terre, non plus, n'est pas à moi : la terre, source de toutes les richesses, est de tous les biens du monde celui qu'on peut le moins accaparer ; et c'est elle qui nous accapare le plus, puisqu'elle finit par nous engloutir. Tous ceux qui la cultivent n'en sont que les fermiers ; le vrai propriétaire, c'est l'humanité. Si, un jour, pris de folie ou de paresse invincible, tous les laboureurs s'unissaient dans une grève gigantesque et laissaient leurs terres en friche, l'humanité affamée se lèverait bientôt en leur criant : « Donnez-moi du pain ou rendez-moi mes champs ! »

Toutes les révolutions ne sont venues que de cette tendance désastreuse à l'égoïsme, ce désir d'arrêter la circulation des richesses à son profit, cette erreur de se croire seuls propriétaires, quand on n'est que les comptables ou les fermiers d'un maître anonyme. Longtemps inconsciente de son mal, la société en souffre en silence ; mais enfin elle s'agite, elle s'inquiète, elle veut rétablir la circulation du sang.... Et les coupables sont les pauvres, aussi bien que les riches. Tous sont avides, car tous sont égoïstes.

Quand le principe de la propriété individuelle et celui de la fraternité humaine seront également respectés et pratiqués, les hommes auront trouvé la formule de la vraie république.... Seulement il est à craindre que ce jour ne luise pas de sitôt. Et ce jour-là, nous verrons une nouvelle effigie sur nos monnaies, si tant est que nous en ayons encore celle de Jésus-Christ, roi du monde.

III

.... « Et à Dieu ce qui est à Dieu. » Qu'avons-nous donc à lui rendre, qui lui appartienne en même temps qu'à nous, comme un denier est à la fois ma propriété et celle de César ?

Qu'est-ce qui, sur la terre, porte l'effigie de Dieu ?
- Nous-mêmes.

Mon argent est à moi, mais il est à un plus grand que moi : César. Ainsi ma vie est à moi, mais elle est à un plus grand que moi : Dieu.
Et de même qu'il n'y a pas de contradiction entre le principe de la propriété individuelle et celui de la solidarité humaine, il n'y a pas de contradiction non plus entre la liberté de l'homme, qui le rend son propre maître, et la souveraineté de Dieu, qui lui donne Dieu pour Seigneur.

L'essentiel pour savoir à qui une chose appartient (c'est Jésus-Christ qui nous l'apprend), c'est de regarder l'effigie.
Dieu nous a donné la sienne deux fois : la première quand il nous créa. L'homme sortit alors pur et brillant de ses mains, comme une pièce d'or de celles du fondeur. Mais l'image était extérieure ; elle avait été frappée à froid ; elle s'usa bientôt, et c'est à peine s'il en reste aujourd'hui une trace....

La seconde fois, ce fut au Calvaire. Là, l'homme fut mis dans la fournaise ; l'image divine fut imprimée à chaud sur son coeur amolli ; elle est devenue une partie de lui-même, et désormais elle est ineffaçable. Plus la chair s'use, plus l'âme chrétienne met au jour l'image de son Sauveur. - Fournaise bénie, où chacun doit passer s'il veut être éternellement marqué à l'effigie de Dieu !

Mais l'argent ne sert à rien s'il n'est dépensé. Ainsi, toute vie qui ne se dépense pas est inutile. Celui qui veut garder sa vie, comme un avare son trésor, n'en jouit pas ; il tremble à chaque instant de la perdre, et la perd en réalité.

L'or et l'argent monnayés roulent sans cesse, se dépensent tous les jours, ne se perdent jamais. Ils ont toujours même titre et même valeur. Aux mains les plus viles ou les plus nobles, ils restent ce qu'ils sont. Ils ne s'allient jamais, quoiqu'ils les frôlent souvent, aux métaux inférieurs. Ainsi, dans ce monde, le chrétien passe, répandant partout la joie, se dépensant et se retrouvant toujours, ne perdant jamais son bon aloi. Il reste partout l'or de Dieu, jeté à pleines mains sur la terre, pour l'enrichir et la sauver.

Enfin, il y a plusieurs manières de dépenser son argent, mais la plus folle est celle-ci :
Derrière une grille, percée d'un trou fort étroit qu'on nomme guichet, se tient un homme qu'on ne voit pas bien, avec un gros registre devant lui. Il prend l'argent, le compte, l'inscrit sur son livre, et vous donne en échange.... un morceau de papier.
Et vous partez tout joyeux, la bourse et le coeur plus légers.

Ah ! cette folie est un acte de sagesse. C'est la meilleure manière de dépenser son argent que celle-là. Le papier est une promesse, il assure votre avenir. Contre espèces sonnantes, vous avez acheté ce qui est invisible pour le moment, mais en quoi vous croyez : la fortune de vos vieux jours. Il est vrai que vous n'avez rien qu'une signature ; mais cette signature engage l'honneur d'un banquier en qui vous avez foi.

Oui, gens de ce siècle, c'est par la foi que vous vivez, comme nous. En dernier ressort, c'est sur des choses invisibles que repose votre fortune : la promesse, l'honneur d'un homme ou d'une nation. Nous aussi nous avons engagé notre avenir sur la foi de quelqu'un. Seulement, vos banquiers vous trompent souvent ; le nôtre, jamais. Nous lui avons confié notre vie ; il nous en paie les dividendes dès le jour même du dépôt ; il nous la rend sous cette forme. Et que sera-ce quand nous rentrerons en possession du capital ?

C'est ainsi que Jésus a su, dans une seule ligne, établir la plus saisissante des comparaisons entre l'argent, cette chose matérielle par excellence, et l'âme humaine, ce trésor invisible.

Lecteurs, creusez encore, creusez pour vous cette profonde parole ; nous n'en avons pas épuisé toutes les leçons : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »


Rachetée

ORSQUE l'esclavage régnait encore aux États-Unis, il se trouvait ici et là des maîtres bienveillants : La Case de l'Oncle Tom nous en a fait connaître quelques-uns, à côté d'autres du type opposé.

L'un de ces bons maîtres possédait, parmi ses esclaves, un jeune homme et une jeune fille qui s'aimaient ardemment, et devaient se marier. Le jeune nègre avait obtenu de son propriétaire la permission de travailler pour son compte, et de se constituer ainsi un pécule qui lui permettrait bientôt de se racheter, et de racheter sa future compagne.
Mais le maître ayant fait de mauvaises affaires, force lui fut de se défaire de l'un de ses esclaves ; il se décida à vendre la jeune fille. Cette décision fut pour les deux fiancés, un terrible coup. Le jeune homme résolut de se présenter aux enchères avec l'argent qui lui appartenait, et qui se montait à environ cinq mille francs. Il espérait que la jeune fille, qui pour lui valait des royaumes, ne serait pas estimée au-dessus de cette somme-là !

Le jour des enchères venu, le pauvre garçon était là, le coeur battant à tout rompre, et son argent dans sa poche. Curieux état social, où l'on pouvait voir ceci : un esclave achetant un autre esclave de son propre argent !

La jeune fille fut mise à prix : quatre mille francs. Un marchand d'esclaves du Sud, que la beauté de la négresse avait frappé, renchérit aussitôt. Le jeune homme couvrit l'enchère.
Le combat dura ainsi quelques instants.
- Neuf cent cinquante dollars ! cria le marchand.
- Mille ! dit le jeune nègre.

Le marchand hésita un moment : mille dollars, c'était un beau chiffre. Mais il ne voulut pas se laisser battre par le « nègre » ; d'ailleurs la jeune fille lui plaisait beaucoup.
- Mille cinquante !

Hélas ! le pauvre garçon n'avait pas un sou de plus que les mille dollars qu'il avait misés. Le coeur serré, il entendit tomber le marteau fatal : « Adjugé à mille cinquante ! »

Mais l'amour donne du génie ; il fait des miracles ; il inspire les résolutions héroïques.
Le jeune nègre courut trouver son maître.
- Massa, lui dit-il, si je vous payais mille dollars, me donneriez-vous mes lettres d'affranchissement ?
- Certainement, mon garçon, bien que tu vailles beaucoup plus.
- Eh bien, les voilà !

Le maître avait compris l'intention de son esclave.
- Pauvre enfant, lui dit-il, puisses-tu réussir ! Et il lui donna des papiers en règle, avec lesquels le jeune homme se présenta au nouveau propriétaire de sa fiancée.
- Massa, je viens vous proposer un échange. Si vous voulez donner la liberté à la jeune fille que vous venez d'acheter, je m'offre à prendre sa place.

Le marchand d'esclaves regarda d'un oeil connaisseur le solide gaillard qui s'offrait à lui. Si belle que fût la jeune fille, un garçon de cette espèce valait certainement beaucoup plus sur les marchés, où les hommes forts étaient particulièrement appréciés. Il hésita bien un peu, mais l'avarice fut la plus forte :
- Marché conclu, fit-il. Et il fit venir la négresse : « Cet homme prend ta place ; tu es libre, » lui dit-il.

Les papiers mis en règle, le jeune homme suivit son nouveau maître vers les lointaines plantations. Mais d'abord, quels adieux déchirants ! Que de larmes à la séparation !

Restée seule et libre, la jeune fille trouva plusieurs occasions de se marier honorablement ; elle aurait pu même trouver de brillants partis, car elle était fort belle. Mais elle refusa toujours. « Je ne m'appartiens pas, disait-elle ; j'ai été achetée par un homme qui est là-bas, et qui reviendra un jour. Je lui garde mon coeur. »

Là finit l'histoire. On voudrait savoir ce qu'il advint des deux jeunes gens. Le nègre finit-il par se racheter, ou sa fiancée lui rendit-elle la pareille, et réussit-elle à gagner la somme suffisante pour libérer son ami ? C'est ce que notre récit ne dit pas. Mais combien cette histoire est touchante, et qu'elle éclaire d'un jour douloureux les profondeurs de la misère créée par l'esclavage !

Esclaves, nous aussi, aux mains d'un odieux marchand, nous avons été rachetés par Celui qui, pour l'amour de nous, « étant riche s'est fait pauvre, » étant libre s'est fait esclave : Jésus-Christ.

Nous avons été rachetés à grand prix : « non par des choses corruptibles comme l'argent ou l'or, mais par le précieux sang de Christ, comme de l'agneau sans défaut et sans tache, » dit saint Pierre.

Rachetés, quelle doit être maintenant notre attitude, et quel notre langage ?
« Je ne m'appartiens pas ; je suis, corps, âme et esprit, la propriété de celui qui m'a payé si cher, qui a donné sa vie pour moi. Quand Il reviendra - et Il reviendra sûrement - il faut qu'Il me trouve digne de Lui. »

Seigneur Jésus, viens bientôt !


Une tempête dans une bourse.

' AVAIS dans ma bourse, par un hasard assez rare, une douzaine de pièces d'or. (J'espère qu'aucun de mes lecteurs ne va prendre prétexte de cette confidence pour essayer de m'emprunter de l'argent. On peut avoir, à l'occasion, quelques louis dans sa poche sans être un nouveau Crésus).

La plupart de mes pièces étaient, en effet, des louis. Quand je dis « louis, » c'est une manière de parler : il y avait aussi des « Napoléons », un « Louis-Philippe. » et trois ou quatre « Républiques ». Mais, je ne sais pourquoi, on ne dit jamais une » République d'or ». C'est toujours le mot louis qui est employé quand on parle de cette monnaie aristocratique.

Bien qu'elles appartinssent à des régimes différents, mes pièces faisaient assez bon ménage : elles étaient toutes françaises. Il y avait bien, cependant, quelques difficultés : les vieux louis, jaloux de la fraîche beauté de Marianne, affectaient de s'éloigner d'elle ; ils regardaient aussi mes napoléons comme des parvenus, et ne fraternisaient avec eux que tout juste. Mais tout se passait dans un calme relatif, lorsque j'eus le malheur de glisser dans ma bourse, au milieu de tous ces bons Français.... un souverain d'Angleterre, une pièce de vingt-cinq francs.

O mes amis ! Quelle réception ! Quel tapage au fond de ma poche !
- À la porte, l'Anglais !
- Vivent les Boers, monsieur !
- Guerre aux tyrans ! jamais, jamais en France, jamais l'Anglais ne régnera !

Le pauvre souverain ne savait où se fourrer. Si du moins J'avais eu la bonne idée de le mettre dans une poche à part, ou même avec les gros sous ! Les gros sous, probablement, l'auraient moins mal reçu, bien que leur éducation ait été déplorablement négligée.
Il y avait, en particulier, une République nouveau modèle, une de ces Républiques tout battant neuves qui ont jeté leur bonnet phrygien par-dessus les moulins ; cette petite République-là était quasiment enragée.
À ce moment j'arrivai à la Banque, où je devais payer une traite. (Là ! Vous voyez bien que ce ne serait pas la peine d'essayer de m'emprunter vingt francs !)
Je tirai de ma bourse mes pièces d'or. Le caissier, homme sévère, les examina une à une.
- Fausse ! me dit-il laconiquement en me montrant ma République 1903, toute neuve et brillante.
- Fausse ! répétèrent en choeur mes louis et mes napoléons en trébuchant sur le comptoir. Qui l'aurait cru ! une pièce si patriote !
- Que pourriez-vous attendre d'une effigie pareille ? dit le plus vieux louis.
- Fausse ! répéta le caissier. Et, prenant un marteau et un ciseau, il me coupa ma pièce en deux.

Quant au souverain anglais, après le tollé qui s'était élevé contre lui, je m'attendais à ce que le caissier me le refusât sans pitié. Mais l'excellent homme me rassura :
- Voyez-vous, monsieur, l'or, c'est toujours de l'or, quelle que soit l'effigie dont il est marqué. Ces louis et ce souverain sont de la même espèce, et, qui sait ? peut-être sont-ils sortis de la même mine, du même linge.
- C'est comme les hommes, répondis-je. On a beau faire des distinctions artificielles, le sang court rouge, dans toutes les veines ; il y a partout et chez tous, cerveau, conscience et coeur.... Et un brave homme est le frère des braves gens de tous les pays.
- Il y a du plomb partout, me dit sèchement le caissier.
- Et de l'or partout, répliquai-je.


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