Le chapitre XIV de la Genèse
contient le plus ancien récit de guerre que
je connaisse. Je n'affirme pas que ce soit le plus
ancien qui existe : cette assertion pourrait
être démentie par quelque
érudit qui aurait découvert dans les
annales de l'Egypte ou de Babylone un document
militaire de date encore plus reculée. Il
nous suffit de savoir que nous sommes en face du
plus ancien passage biblique qui parle de la
guerre. Ici, comme partout, la Bible s'impose
à nous comme étant en
vérité le livre unique, le Livre de
Dieu. De même que la première vocation
prophétique, celle de Moïse, nous
apprend ce que c'est qu'un prophète ;
de même que la première vocation
apostolique, celle des fils de Jona et de
Zébédée, nous apprend ce que
c'est qu'un apôtre ; de même que
la première page de la Bible, qui raconte la
Création, nous éclaire sur les
relations fondamentales de l'homme avec Dieu et
avec l'univers, ainsi l'histoire succincte de la
première guerre nous révèle ce
que c'est que la guerre et comment il faut
l'apprécier au point de vue moral et
religieux ; elle répond à plus
d'une question qui, aujourd'hui, nous
préoccupe et peut-être trouble nos
consciences. Que Dieu nous rende attentifs et
dociles aux enseignements de sa Parole !
Notre récit nous dit d'abord quels sont
les motifs ou les causes de la guerre.
Kédor-Laomer, roi d'Élam, tenait
depuis douze ans quelques peuplades voisines sous
sa domination. Probablement elles lui payaient un
tribut. Quelques-unes d'entre elles se
fatiguèrent de ce vasselage et se
révoltèrent. Kédor-Laomer prit
les armes pour les ramener à
l'obéissance. C'est donc
l'égoïsme et l'ambition, le
désir de la domination chez les uns,
l'impatience de la domination
étrangère chez les autres, qui
amènent les guerres. Celles-ci ne
proviennent pas d'une autre source que les disputes
dans les familles, les contestations et les
rivalités entre citoyens d'un même
pays ou d'une même ville. Rappelez-vous un
épisode qui faillit mettre la discorde dans
le cercle apostolique. Les deux fils de
Zébédée réclament les
premières places dans le royaume de
Dieu ; les autres apôtres, pleins de
jalousie,
s'indignent
et s'irritent ; sans l'influence de
Jésus, l'incident aurait pu produire un
antagonisme durable, une sorte de guerre entre ses
disciples. Il n'y a pas lieu de chercher à
la guerre des causes plus profondes, telles qu'un
ordre divin, un antagonisme inné et radical
des diverses races humaines, un instinct
impérieux qui obligerait certains peuples
à s'étendre indéfiniment pour
accomplir toute leur destinée. La guerre est
tout simplement un effet du péché ou
de l'égoïsme, le plus vaste et le plus
terrible de tous.
Portons maintenant notre attention sur
les procédés auxquels la guerre a
recours, ou les moyens qu'elle emploie. Ce sont
avant tout des entreprises militaires, des
invasions. À la tête d'une
armée sans doute puissante pour
l'époque, Kédor-Laomer assaille
plusieurs de ses adversaires et triomphe de chacun
séparément. Vous voyez que la
tactique des envahisseurs et des conquérants
n'a guère changé.
Un autre moyen d'action, qui est aussi
ancien que la guerre elle-même, ce sont les
coalitions. Quatre peuples et quatre rois, en
comptant Kédor-Laomer lui-même, sont
d'un côté ; cinq peuples et cinq
rois sont de l'autre. Ce sont les quatre qui
l'emportent sur les cinq. La
supériorité numérique n'est
pas toujours le gage assuré de la
victoire.
Vient ensuite la bataille
décisive. Heureusement
pour les peuples anciens, les guerres
étaient moins longues alors qu'aujourd'hui.
Dans ce combat, livré dans la plaine de
Siddim, les vaincus, je veux dire les gens de
Sodome et leurs alliés, ne périrent
pas tous par l'épée. L'historien
sacré nous raconte que dans les plaines de
Siddim, il y avait un grand nombre de puits de
bitume et que beaucoup d'hommes y tombèrent.
Il est probable que, par d'habiles manoeuvres,
Kédor-Laomer avait su entraîner ses
ennemis sur un terrain si défavorable pour
eux. Aujourd'hui l'on fait mieux, ou l'on fait pis,
exprimez la chose comme il vous plaira. On ne se
contente pas de tirer parti contre ses ennemis des
moyens de destruction que la nature peut
offrir ; on les multiplie, on les crée,
on en invente toujours de nouveaux.
À la place des puits de bitume
mentionnés dans la Genèse, on creuse
des mines sous les pas de l'ennemi ; on
emploie contre lui des gaz asphyxiants on verse sur
lui le fer et le feu du haut du ciel on fait sauter
ses navires sur les flots, non seulement les
vaisseaux de guerre, mais de pacifiques paquebots
portant des femmes et des enfants. Tous les
progrès de la science et de l'industrie,
toutes les oeuvres les plus merveilleuses du
génie humain, deviennent autant de moyens de
détruire nos semblables, et tendent vers un
seul but : donner la mort. Quel effrayant
oubli, ou plutôt quelle violation odieuse de
la vocation que Dieu avait assignée à
l'homme !
Dieu avait commandé à
l'être qu'il avait fait à son image de
s'assujettir les forces de la nature ; les
hommes devaient s'employer à ce noble
travail d'un commun accord et pour leur avantage
commun. Au lieu de cela, les hommes se disputent la
terre et l'abreuvent de sang humain. Aujourd'hui le
conflit est si vaste, que l'élite de toutes
les nations est chaque jour décimée
et retranchée et qu'on se demande ce qui en
survivra, ce qui restera. N'est-ce pas le
progrès à rebours, n'est-ce pas le
suicide de la civilisation ? Jésus
n'a-t-il pas eu raison de nous montrer, dans une de
ses paraboles, l'ivraie croissant à
côté du blé,
c'est-à-dire le mal à
côté du bien, jusqu'au jour de la
moisson ou du jugement ?
Passons aux conséquences de la
guerre. Ce ne sont pas seulement les soldats qui
souffrent, c'est la population civile. Il en
était déjà ainsi au temps
d'Abram. La guerre a toujours été
plus ou moins le vol à main armée, le
vol des choses et souvent aussi des personnes.
Kédor-Laomer, vainqueur, entre dans Sodome,
en pille tous les biens et emmène toute la
population en captivité. Ainsi devaient
faire plus tard les rois d'Assyrie et de Babylone
à l'égard des malheureux habitants de
Samarie et de Jérusalem. Ainsi faisait
naguère le roi des Barotsis, Lewanika,
à la suite de chacune de ses
expéditions guerrières, jusqu'au jour
où l'influence bénie de nos
missionnaires arrêta son bras, et le décida
à renoncer à cette odieuse
façon de se procurer des richesses et des
esclaves. Cependant Lewanika n'est pas
chrétien. L'empereur d'Allemagne fait
profession de l'être ; pourtant, ce
n'est pas assez pour lui d'emmener captifs une
multitude d'innocents, femmes, enfants,
vieillards ; il massacre, il incendie, il
sème partout la désolation et la
terreur, en sorte que les Belges et les
Français du nord pourraient souhaiter
d'avoir affaire à un Kédor-Laomer et
d'être ramenés aux jours d'Abram. Ne
maudissons pourtant pas les hommes ; Dieu seul
est leur juge ; mais maudissons la guerre, qui
engendre tous ces maux et qui, en ces jours de la
vieillesse de l'humanité, où nous
sommes parvenus, se montre plus inhumaine et plus
féroce que jamais !
Il y a pourtant une autre guerre que
celle-là, une guerre qui poursuit un but
tout différent, qui est animée d'un
esprit tout opposé et qui, d'après
notre récit, obtient la
bénédiction de Dieu. C'est celle que
fait Abram pour délivrer son neveu Lot et
les habitants de Sodome qui sont captifs avec
lui.
Abram apprend par un fuyard que Lot et
sa famille sont prisonniers de
Kédor-Laomer. Aussitôt son coeur est
ému de compassion pour ce neveu qu'il aime
comme un frère ou comme un fils. Si le
patriarche n'avait pas eu l'âme si haute et
si généreuse, ses pensées
auraient été très
différentes. Il aurait pu se dire :
« Lot n'a que ce qu'il
mérite. » Vous vous rappelez, en
effet, dans quelles circonstances l'oncle et le
neveu s'étaient séparés.
À peine étaient-ils entrés
ensemble dans le pays de Canaan, qu'une dispute
s'éleva entre leurs serviteurs. Abram dit
à Lot : Qu'il n'y ait pas de dispute
entre tes bergers et les miens ; ne
sommes-nous pas frères ? S'il est trop
difficile de vivre les uns à
côté des autres en bonne harmonie,
séparons-nous. Choisis la contrée qui
te convient. Si tu veux aller à droite
j'irai à gauche ; si tu veux aller
à gauche j'irai à droite
(Genèse
XIII, 5-12.). Au lieu
de répondre à Abram :
« C'est à toi de
choisir ! » Lot jugea opportun de
profiter de la bonne volonté de son oncle.
Il choisit le pays de Sodome, qui était
comme un jardin de l'Éternel et dont la
beauté le séduisit, sans
considérer que la population de cette ville
était exceptionnellement immorale et impie.
Maintenant, il commençait à subir les
conséquences de son choix
égoïste et mondain. Abram n'y pensait
pas même. Il ne vit qu'une chose, c'est que
son neveu, son ami, était malheureux ;
il n'eut qu'une pensée, le tirer de peine.
Pria-t-il pour lui ? Je n'en
doute
pas ; mais il ne se contenta pas de prier. Son
exemple nous donne une leçon importante,
à savoir que notre prière est vaine
et sans vertu auprès de Dieu, tant que nous
ne faisons pas ce qui nous est possible pour en
réaliser l'objet. Ainsi c'est vainement que
nous implorons la bonté de Dieu en faveur
des pauvres, tant que nous n'exerçons pas
nous-mêmes envers eux la miséricorde,
et que nous ne leur donnons pas de quoi se nourrir
et se vêtir, à supposer que nous
l'ayons par devers nous. C'est vainement que nous
demandons à Dieu d'affranchir un
opprimé, tant que nous ne faisons pas en vue
de cet affranchissement tout ce qui est en notre
pouvoir. C'est vainement que nous disons à
Dieu : « Que ton règne
vienne ! » tant que nous ne
travaillons pas, par nos efforts, par nos dons, par
notre témoignage personnel, à
l'avancement du règne de Dieu. Abram le
comprit, et sans délai (c'est ainsi qu'il
avait coutume d'accomplir son devoir) il arma sa
petite troupe. Dans la mesure où notre
peuple a entrepris sa laborieuse et
périlleuse campagne en vue de secourir des
peuples opprimés, nous avons le droit de
compter parmi les imitateurs d'Abram.
Le désintéressement
d'Abram excite notre admiration autant que son
dévouement pour son neveu. Après la
victoire, le roi de Sodome, qui devait tout
à Abram, lui propose un partage du butin. Prends
les biens,
dit-il, et laisse-moi les personnes. Abram refuse.
Il ne prendra « pas même un fil,
dit-il, ou une courroie de soulier. » Il
ne veut pas que le roi de Sodome puisse dire :
« J'ai enrichi Abram ! »
Il a peut-être d'autres motifs encore que
cette noble fierté ; il n'ignore pas
que les richesses de Sodome sont souillées
et corrompues ; elles ne seraient pas à
leur place sous la tente du serviteur de Dieu. Et
puis, qu'importent ces biens matériels au
pèlerin de l'invisible, à l'homme
qui, selon l'expression de l'épître
aux Hébreux, « cherche la
cité qui a de solides fondements, celle dont
Dieu est l'architecte et le
fondateur » ?
(Héb
XI, 10.) Quoi qu'il en
soit, Abram résume sa pensée et sa
résolution dans cette admirable
formule : « Rien pour
moi ! » Je n'ose demander, mes
frères, qu'au jour de la victoire (Dieu
fasse qu'il luise prochainement !) la France
tienne absolument le même langage et y
conforme sa conduite. Comme il était
légitime que les gens et les biens pris
à Sodome retournassent à Sodome,
ainsi il paraît juste que les provinces qui,
il y a bientôt cinquante ans, nous ont
été, malgré elles,
arrachées, reviennent à nous, si
telle est, comme je le crois, leur volonté.
Toutefois, ne perdons pas de vue l'exemple que nous
donne la parole sublime d'Abram :
« Rien pour moi. » C'est dans
la mesure où nous serons pénétrés de
cet esprit, où nous chercherons moins notre
avantage personnel que l'accomplissement de la
justice et la délivrance des faibles, que
notre guerre sera une bonne guerre - dans le sens
et dans la mesure où il peut y avoir une
bonne guerre - et que nous aurons le droit de
compter sur la bénédiction de
Dieu.
Abram a visiblement compté sur
cette bénédiction, et c'est dans
cette conviction qu'il a puisé son courage
et sa force. Car humainement et militairement, pour
ainsi dire, son entreprise était une folie.
Avec une poignée d'hommes (trois cents
dix-huit) il attaque une armée qui devait
être, au bas mot, cent fois plus nombreuse et
qui venait de remporter une série de
victoires. Ajoutons que les gens de
Kédor-Laomer étaient des militaires
exercés, ceux d'Abram des soldats
improvisés qui quittaient pour quelques
jours leur vigne ou leur charrue. Ils
étaient probablement mal armés ;
on est tenté de les comparer à ces
paysans munis de faux qui furent les derniers
champions de la Pologne expirante. N'est-ce pas
pour cela même que Dieu prit plaisir à
faire d'eux les instruments d'une admirable
délivrance ? Il aime à
déployer sa force dans la faiblesse de
l'homme. C'est ainsi qu'il commanda un jour
à Gédéon, qui allait combattre
les Madianites, de renvoyer la plus grande partie
de son armée. C'est seulement quand celle-ci
fut réduite à une troupe de trois
cents hommes qu'il la jugea
assez petite et assez faible pour remporter une
victoire dont toute la gloire reviendrait à
Dieu.
Ces pensées ne paraîtront
guère actuelles, ni en rapport avec notre
situation. Nous raisonnons à la
manière des hommes ; nous
répétons volontiers après eux
que Dieu est avec les gros bataillons. Serait-ce
pour cela qu'il n'a pas encore fait de miracle en
notre faveur ? Quand nous nous attendrons
à lui seul, nous serons plus forts. C'est
Bismarck, je crois, qui a dit qu'à la guerre
il fallait compter avec les impondérables.
Or, à coup sûr, le plus puissant des
impondérables, c'est la foi.
Si le récit biblique n'insiste
pas sur l'humanité avec laquelle Abram
conduisit son expédition, il nous en
suggère pourtant l'idée. Ailleurs, il
est question d'armées exterminées, de
rois égorgés ; ici nous
n'apercevons rien de pareil. Il ne paraît pas
même qu'Abram ait fait des prisonniers, ou
qu'il ait enlevé aux vaincus ce qui leur
appartenait ; il jugea que c'était
assez de leur reprendre ce qu'ils avaient
enlevé à Sodome. Le but de son
expédition était la délivrance
des captifs et le recouvrement des biens qu'ils
avaient perdus ; quand ce résultat fut
obtenu, Abram s'arrêta : il ne songea
pas à piller pour piller, à tuer pour
tuer. Il laissa l'armée vaincue et
dispersée regagner ses foyers, sans
l'inquiéter davantage. Cette
humanité, cette modération est
à coup sûr un des caractères de
la bonne guerre.
Nous ne sommes pas moins frappés
de la sobriété, du calme, de l'empire
sur eux-mêmes, dont les vainqueurs font
preuve. Sans doute, il en avait été
tout autrement de l'armée de
Kédor-Laomer, après la défaite
du roi de Sodome et de ses alliés. Cette
armée s'était livrée sans
mesure à l'orgueil et à l'ivresse du
triomphe, jusqu'à négliger le soin de
sa propre sécurité ; c'est
pourquoi la surprise que lui causa l'attaque
imprévue d'Abram se changea vite en
déroute. Abram, lui, quand il a vaincu,
s'arrête ; il discute posément
avec le roi de Sodome la question du butin ;
puis il reçoit la visite de
Melchisédec. Vous vous rappelez ce
mystérieux personnage, en qui l'auteur de
l'épître aux Hébreux nous
montre un type de Jésus-Christ. Son nom
signifie : roi de justice ; il
était roi de Salem, c'est-à-dire de
paix ; il personnifie donc la justice et la
paix. Il était en outre prêtre du Dieu
très-haut, du vrai Dieu, qu'il connaissait
et servait, quoique étant étranger
à la famille d'Abram. Le psalmiste avait
déjà jugé que cette
sacrificature antique et unique était d'un
ordre supérieur à celle d'Aaron, et
s'était écrié en s'adressant
au Messie : « Tu es sacrificateur
éternellement à la façon de
Melchisédec »
(Ps.
CX, 4.). Abraham, en effet,
offre à ce prêtre l'hommage de la
dîme, et par là le reconnaît
comme son supérieur. Melchisédec, de son
côté, apporte du pain et du vin;
puisqu'il est un type de Jésus-Christ, ce
trait nous fait involontairement penser à la
Sainte-Cène. Sans insister sur ce
rapprochement, on peut penser que ce repas commun
fut un moyen et un signe de communion spirituelle
entre le plus grand des ancêtres du Christ et
le type le plus remarquable de Celui qui devait
venir. C'est la plus haute autorité
religieuse qui existât alors, c'est le Christ
préincarné pour ainsi dire, qui
prononce une bénédiction solennelle
sur Abram, ainsi que sur sa juste et
généreuse victoire.
Après cela, qu'arriva-t-il ?
Abram, satisfait d'avoir achevé son oeuvre
de délivrance, retourna paisiblement sous
les chênes de Mamré, et déposa
son épée pour ne plus la reprendre.
Il ne l'aurait pas fait s'il y avait eu en lui
l'étoffe d'un ambitieux ou d'un
conquérant. Il aurait pu se dire : «
Puisque je suis un si bon général, ce
serait dommage de ne pas exercer mes talents;
puisque je me trouve à la tête d'une
armée, pourquoi ne pas en profiter pour
établir mon autorité dans cette
contrée que Dieu m'a promise en
héritage ? » Abram ne pensa à
rien de semblable. Les chapitres suivants de la
Genèse nous le montrent recevant la visite
des messagers célestes, intercédant
pour la coupable Sodome et combattant pour elle par
la prière, comme il a combattu un jour par
le glaive; attendant l'accomplissement de la
promesse divine et, quand la promesse est enfin
accomplie, donnant à Dieu
la plus étonnante preuve d'obéissance
que Dieu ait jamais reçue de la part d'un
homme pécheur, en se montrant prêt
à lui sacrifier son fils unique. La guerre
fut son oeuvre étrange, et son unique et
brillante expédition militaire fut une
parenthèse dans sa vie. Il doit en
être de même pour le chrétien,
autant qu'il dépend de lui ; disciple
du Prince de la paix, il doit être encore
plus qu'Abram un homme de paix. Mais, même
s'il est momentanément forcé de faire
la guerre, il ne doit pas un seul jour cesser de
servir Dieu et d'aimer les hommes. L'exemple
d'Abram nous prouve que cela est possible.
Récemment, un pasteur allemand - vous ne
m'en voudrez pas, je l'espère, d'accepter et
de citer une bonne parole venant de ce
côté - récemment donc, un
pasteur allemand, prêchant sur l'amour des
ennemis, comme je l'ai fait un jour moi-même,
non sans m'attirer quelque blâme, disait
à des auditeurs dont il prévoyait la
contradiction : « Il n'y a pas de
moratorium pour les préceptes du
Christ », c'est-à-dire : il
n'y a pas de temps où il nous soit permis de
nous dispenser, ou de différer de lui
obéir. Soyons chrétiens dès
aujourd'hui, c'est-à-dire soyons aimants
quoi qu'il nous en coûte, en toute chose et
à l'égard de tous les hommes. C'est
sur cette voie que nous rencontrerons la
bénédiction divine et, je pense, la'
victoire elle-même.
Amen.
Petit-Temple, 9 juin 1915.
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