« Soyez
dans la joie avec
ceux qui sont dans la joie, et pleurez avec ceux
qui pleurent. »
Rom.
XII,
15.
Soyez dans la joie avec ceux qui sont dans la joie et pleurez avec ceux qui pleurent. Ce sont les deux faces de la sympathie, qui consiste à sortir de soi-même pour vivre en autrui, à s'associer intimement aux impressions et aux émotions, par conséquent aux joies aussi bien qu'aux souffrances d'une autre âme. Ces deux aspects de la sympathie peuvent très bien s'allier et même s'échanger, C'est ce qu'exprime d'une façon touchante un beau sonnet que je cite bien volontiers dans cette chaire, parce que l'inspiration en est chrétienne et parce qu'il me paraît propre à éveiller en nous les sentiments que j'ai à coeur de cultiver aujourd'hui :
- « Deux cortèges se sont rencontrés à l'église.
- L'un est morne, il conduit la bière d'un enfant ;
- Une femme le suit, presque folle, étouffant
- Dans sa poitrine en feu le sanglot qui la brise.
- » L'autre, c'est un baptême. Au bras qui le défend
- Un nourrisson gazouille une note indécise.
- Sa mère, lui tendant le doux sein qu'il épuise,
- L'embrasse tout entier d'un regard triomphant,
- » On baptise, on absout, et le temple se vide.
- Les deux femmes alors, se croisant sous l'abside,
- Échangent un regard aussitôt détourné ;
- » Et - merveilleux retour qu'inspire la prière
- La jeune mère pleure en regardant la bière,
- La femme qui pleurait sourit au nouveau-né. »
Oui, sourions aux enfants qui, grâce à Dieu, sont en général plus ou moins étrangers à nos chagrins. Laissons-nous éclairer et réchauffer par les rayons de soleil qui percent parfois les nuages sombres. Toutefois, il faut l'avouer, en temps de guerre nous avons bien moins souvent l'occasion de nous réjouir avec ceux qui sont dans la joie que de pleurer avec ceux qui pleurent. C'est donc sur ce dernier précepte que j'appellerai désormais toute votre attention. Comme à l'ongle on connaît le lion, ainsi dans cette parole si simple et si humaine se manifestent pourtant l'esprit et le caractère de l'Évangile. Il fait appel à cet instinct de sympathie qui est un des meilleurs éléments de la nature humaine ; il le sanctionne, il le convertit en un devoir ; mais en même temps il l'élève, il l'élargit ; surtout il lui communique une puissance divine.
Les manifestations extérieures de la
sympathie n'ont de prix, et même ne sont
légitimes, qu'autant qu'elles sont vraies,
c'est-à-dire qu'elles expriment les
sentiments du coeur. Autrement elles ne sont qu'un
vain verbiage et peuvent même
dégénérer en une odieuse
comédie.
Une de ces manifestations est la parole.
S'il y a des condoléances qui sonnent creux,
les paroles qui sont le témoignage d'une
sympathie aimante, intelligente et profonde sont
bienfaisantes à un haut degré.
L'Ecriture sainte en est pleine. Il y a des
portions étendues de la Bible où la
sympathie déborde : par exemple la
seconde partie des prophéties d'Esaïe,
les lamentations de Jérémie, les
derniers entretiens de Jésus avec ses
disciples contenus dans les chapitres XIV et
suivants de l'évangile selon saint Jean.
Mais combien de ces paroles tendres et fortifiantes
ne trouve-t-on pas dans tout le livre de Dieu, dans
les psaumes, les écrits prophétiques,
les évangiles et les
épîtres ! Il en est aussi de bien
belles dans les livres humains, anciens ou
modernes ; il en est que l'Esprit de Dieu met
chaque jour, selon les occasions, dans le coeur et
sur les lèvres de ses serviteurs ou de ses
servantes. Si Dieu vous a départi à
quelque degré ce don
divin de la sympathie, faites-le servir à sa
gloire et au bien des affligés vers qui il
vous envoie.
Plus efficace encore est la sympathie, quand
elle peut se traduire non seulement par des
paroles, mais par des actes. Jésus-Christ ne
se bornait pas à avoir compassion des
malades, il les guérissait ; il ne
s'apitoyait pas seulement sur la multitude
affamée. il la nourrissait et la
rassasiait ; il ne pleurait pas seulement avec
les soeurs de Lazare et la veuve de Naïn, il
rendait à celles-là leur frère
bien-aimé, à celle-ci son fils
unique. Heureux celui qui pouvait ainsi manifester
sa charité, heureux ceux qui en
étaient les objets ! Mais, si nous
n'avons pas le don des miracles, il n'en
résulte pas que nous soyions privés
de tout pouvoir d'aider et de soulager ceux qui
souffrent. Il est des occasions de faire le bien
que la guerre elle-même fait
naître : donner des soins aux
blessés, recueillir ceux que l'invasion a
chassés de leurs foyers et leur faire
trouver, s'il est possible, des moyens
d'existence ; seconder les efforts des
familles inquiètes et avides de nouvelles.
Heureux encore sont ceux qui se consacrent à
de telles oeuvres avec une
persévérance et une bonne
volonté que rien ne lasse ! En
vérité, Dieu tire le bien du mal,
puisqu'il se sert de la guerre, qui est l'explosion
la plus détestable de la haine, pour
susciter et multiplier la charité.
Toutefois, ces deux manifestations de la
sympathie, la parole et l'action, ne sont pas
à la portée de tous. Tous ne
possèdent pas le secret d'exhorter et de
consoler ; tous n'ont pas les moyens, les
capacités, le temps, les ressources
nécessaires pour s'occuper utilement des
blessés, des malades, des prisonniers, des
expatriés. Mais voici qui est simple et
facile, voici ce que chacun peut faire :
pleurer avec ceux qui pleurent. Vous n'avez pas
d'éloquence, pas de connaissance, pas de
pouvoir, pas d'argent, soit ; vous avez des
larmes. Donnez-les. Une faible femme peut pleurer.
Un enfant peut pleurer ; un indigent peut
pleurer. Au jugement de l'apôtre, c'est
quelque chose, et même c'est beaucoup.
Un avantage des larmes, c'est qu'elles sont
visiblement sincères. Ce n'est pas toujours
le cas des paroles, même de celles qui
paraissent les plus éloquentes et les plus
édifiantes. Dans les actes mêmes de
charité, il peut y avoir une part
d'imitation, d'entraînement ou de recherche
de l'approbation des hommes. Mais, en
général, on ne se fait pas pleurer.
Les larmes viennent du coeur, c'est pourquoi elles
trouvent le chemin du coeur. Tel affligé,
que des paroles religieuses bien
intentionnées, mais maladroites, avaient
irrité peut-être, et que des actes
même de bienveillance et de
libéralité avaient laissé
froid, sera touché malgré lui en
voyant couler une larme. Cette larme l'obligera à
croire
à l'amour de l'homme, ce qui est une
préparation et un acheminement pour croire
à l'amour de Dieu. Ainsi l'humble femme ou
l'enfant qui n'aura pas parlé parce qu'il ne
sait pas parler, qui n'aura pas donné parce
qu'il n'a rien à donner, mais qui aura
témoigné en pleurant qu'il porte
vraiment le fardeau de l'affligé, se
trouvera être celui qui lui aura fait le plus
de bien.
Il faut avouer cependant qu'une sympathie
qui ne saurait que pleurer, et qui refuserait
d'aller plus loin, serait à bon droit
suspecte. J'ai supposé qu'elle était
sincère ; s'il en est vraiment ainsi,
elle fera tout ce qu'elle peut pour diminuer cette
peine dont elle est si vivement émue :
« Je n'ai ni argent ni or, »
disait Simon-Pierre à l'impotent qui
mendiait à la porte du temple ;
« mais ce que j'ai, je te le
donne » ; et par l'invocation du nom
de Jésus, il rendit instantanément
à l'indigent infirme la santé et
l'usage de ses membres. Nous qui n'avons pas le
pouvoir surnaturel de l'apôtre, nous avons
peut-être un peu de cet argent ou de cet or
qui lui manquaient ; usons-en librement,
généreusement, pour le soulagement de
ceux qui souffrent. « Si quelqu'un,
voyant son frère dans le besoin, lui ferme
ses entrailles, comment l'amour du Père
demeure-t-il en lui ? » (1 Jean
III,
17.) Si nous avons du
temps, de l'intelligence, de
l'influence, des moyens, quels qu'ils soient,
d'aider et de soulager ceux qui pleurent,
n'hésitons pas à les mettre à
leur service ; autrement les larmes que nous
versons sur leurs maux seraient vaines et
finiraient par perdre leur vertu de
consolation.
Si nous avons un peu de foi et
d'expérience chrétienne, oh !
alors, Dieu nous a confié un trésor
qu'on peut comparer à celui que
possédait Simon-Pierre, car il est, lui
aussi, d'origine et d'essence surnaturelles.
Donnons ce que nous avons ; parlons avec
simplicité et avec amour de l'Ami et du
Consolateur céleste à celui qui
peut-être ne le connaît pas encore.
Profitons pour cela de l'heure de l'affliction,
sacrée et propice entre toutes ; Dieu
pourra se servir de nous pour accorder à
l'ami avec qui nous pleurons un bienfait qui
égale ou surpasse la guérison du
corps, car il n'est rien moins que la
guérison de l'âme. Si toutefois
l'affligé refuse de nous entendre, si nous
nous apercevons que notre exhortation irait contre
son but et que notre insistance serait
indiscrète, il nous reste une
ressource : c'est de prier pour lui. Oh !
que Dieu soit béni pour ce ministère
de l'intercession, qui est souvent le seul que nous
puissions exercer, ministère auquel Dieu
même nous convie, et que nul ne peut nous
interdire ! Si quiconque a un peu de coeur
peut pleurer, quiconque a un peu de foi peut prier.
Les larmes et la prière
vont si bien ensemble !
La prière trempée de larmes
est la plus puissante, les larmes
accompagnées de prière sont les plus
saintes et les plus douces. Vous donc qui pleurez
avec ceux qui pleurent, priez aussi pour eux.
Faites pour eux ce que firent les amis du
paralytique qui, malgré tous les obstacles,
le transportèrent, inerte et impuissant
comme il l'était, jusqu'aux pieds du
Sauveur. Priez avec la foi qui transporte les
montagnes, avec la persévérance qui
ne consent pas à se retirer sans avoir
obtenu l'exaucement, avec l'amour qui s'approprie
et qui porte la souffrance d'autrui.
Exerçons en particulier ce ministère
béni de Dieu en faveur de nos chers soldats.
Quand nous pensons au cruel devoir qu'ils
accomplissent et aux dangers de tout genre qui les
assaillent, comment pourrions-nous faire autrement
que de prier constamment pour eux ? En
vérité il n'est que juste que nous
prenions la peine de prier pour eux, alors qu'ils
prennent celle de mourir pour nous.
J'ai dit que la sympathie qui pleure avec ceux
qui pleurent est universelle, en ce sens que
quiconque a du coeur en est capable. Elle est
universelle aussi par son objet, universelle en ce
sens qu'elle s'étend
à tous ceux qui souffrent et à tous
les genres de souffrance. En cela comme en tout,
Jésus-Christ nous a donné un parfait
exemple. Il n'a ni repoussé ni
dédaigné aucun de ceux qui
l'invoquaient, que ce fût un pharisien, un
péager ou un païen. Il a pleuré
sur les malheurs futurs de Jérusalem, au
moment où cette cité ingrate le
crucifiait ; il a intercédé pour
ses bourreaux. Il nous est naturel et facile de
partager les maux et les peines de nos soldats, de
nos blessés, de nos prisonniers, de nos
familles en deuil ; mais nous ne serions pas
vraiment disciples de Jésus-Christ, si les
malheurs de nos ennemis nous laissaient
indifférents, ou si même ils
provoquaient en nous une cruelle joie. Songez qu'en
Allemagne aussi il y a des mères
désolées, il y a des coeurs
déchirés, et que la plupart de ces
pauvres gens n'ont pas plus voulu la guerre que
nous ne l'avons voulue nous-mêmes. Si vous
avez l'occasion de témoigner de la sympathie
à tel ou tel d'entre eux, saisissez-la avec
empressement, et quoi qu'il en soit, priez pour
eux.
Jésus-Christ aussi a
été ému de pitié pour
tous les genres de souffrance, et en a
triomphé par son pouvoir divin. Il n'a pas
jugé qu'il ne fût que le Sauveur des
âmes et qu'il n'eût point à se
soucier des maux du corps. Au lépreux qui
lui disait : « Seigneur, si tu le
veux, tu peux me rendre net », à
l'aveugle qui s'écriait :
« Fils de David, aie pitié de
moi ! » il n'a
pas répondu : c'est le salut de vos
âmes que vous devez chercher et implorer.
Cependant il s'est plus d'une fois efforcé
de faire naître, chez ceux qui ne demandaient
qu'une guérison corporelle, le désir
d'une autre guérison. C'est ainsi qu'il a
dit au paralytique : « Prends
courage, mon enfant, tes péchés te
sont pardonnés », avant de le lui
dire : « Lève-toi et
marche. » En cela encore imitons notre
Sauveur ; unissons-nous de tout notre coeur et
de toutes nos forces au mouvement à la fois
philanthropique et patriotique qui tend à
cicatriser les nombreuses plaies que la guerre a
faites, - qu'elle fait encore tous les jours,
hélas ! - et à les adoucir.
Qu'en toute oeuvre de compassion et de bienfaisance
les chrétiens ne se laissent dépasser
par personne. Mais que leur charité descende
plus profondément que toute autre dans la
misère humaine ; qu'elle en
découvre et qu'elle en vise le principe, qui
est le péché.
Nous sommes prêts à pleurer
avec tous ceux qui pleurent, quels qu'ils soient,
avec les pauvres, les malades et les
blessés, avec les veuves et les
orphelins ; mais qu'il nous tarde de trouver
des coeurs brisés par la repentance, des
pécheurs altérés de pardon, de
justice, de vie éternelle ! Le jour
où ces saintes douleurs se multiplieront,
où ces larmes bénies couleront en
abondance, le réveil religieux aura vraiment
commencé et la terrible épreuve qui
nous accable portera les fruits que nous attendons,
et que Dieu attend aussi.
J'ai dit encore que toute sympathie
sincère, alors même qu'elle n'a que
des larmes à donner, est un bienfait
réel pour celui qui en est l'objet. Il faut
ajouter qu'elle est une bénédiction
pour celui qui l'éprouve et la
témoigne. Heureux de ce monde, - s'il y a
encore des heureux ! - ne vous mettez pas en
garde et en défiance contre la compassion,
comme si elle menaçait de vous prendre votre
bonheur. Elle seule au contraire peut le
sanctifier, j'allais dire l'excuser. Nous
éprouvons en effet une sorte de gêne
et de confusion à nous voir si longtemps
épargnés et même, à
certains égards, comblés de biens,
tandis que d'autres sont accablés de maux.
D'autre part, il est naturel - je ne dis pas
louable, mais naturel, - que la
prospérité croissante de quelques-uns
éveille chez les
déshérités du sort une
secrète malveillance. Notre sympathie pour
les maux d'autrui, si elle est entière,
pratique, dévouée, nous absout de ces
reproches et désarme la jalousie. Ceux qui
savent pleurer avec ceux qui pleurent se font
pardonner leur bonheur.
Quant à vous qui avez au contraire
votre large part d'affliction et de douleur
personnelle, alléguerez-vous que c'est bien
assez, et qu'on ne peut raisonnablement vous
demander de
vous charger par surcroît des peines
d'autrui ? - Ce serait bien mal comprendre,
non seulement vos devoirs, mais les vrais
intérêts de votre âme. Pleurer
avec ceux qui pleurent, ce sera rendre votre propre
fardeau non pas plus lourd, mais plus léger.
En entrant dans la souffrance d'autrui, vous
sortirez de vous-mêmes, de vos
préoccupations personnelles et de vos
regrets amers, ce qui est déjà un
immense bienfait. Vous constaterez en outre que
vous n'êtes pas les seuls malheureux, ni les
plus malheureux, ce qui contribuera à vous
sauver de l'impatience et du murmure. Vous aviez
pensé peut-être que dans vos
circonstances et dans votre délaissement
actuel, vous n'êtes plus bons à rien,
et qu'il ne vaut plus la peine de vivre. En
constatant que votre sympathie est accueillie avec
reconnaissance par d'autres affligés et leur
fait du bien, vous entrerez dans des pensées
meilleures, vous comprendrez que votre affliction
elle-même a du moins ce bon côté
qu'elle vous rend plus dignes et plus capables de
consoler des coeurs aussi désolés ou
plus désolés encore que le
vôtre. Surtout (c'est la grâce
suprême !) vous vous rapprocherez ainsi
de celui qui est le grand Consolateur,
précisément parce qu'il a souffert
plus que personne, notre Seigneur et Sauveur
Jésus-Christ.
Ceci nous amène à la
dernière question que nous nous proposions
d'aborder, la plus urgente au point de vue
pratique. Comment former en nous et comment
entretenir cette sympathie si belle, si
nécessaire, qui est un caractère
universel et sacré de
l'humanité ? Certes, elle répond
à un instinct et à un besoin de nos
coeurs ; mais elle rencontre dans notre
égoïsme naturel un obstacle redoutable
et opiniâtre. C'est pourquoi la vraie
sympathie, comprise dans toute sa hauteur et dans
toute sa profondeur, celle qui est une
entière participation aux souffrances de
ceux qui pleurent et une consécration
à leur service, est un don et une
grâce de Dieu. Pour nous l'apprendre et pour
nous la communiquer, mes frères, Dieu nous a
fait connaître sa sympathie pour l'homme.
Elle éclate dans tout le cours de ses
révélations, sans préjudice de
son horreur pour le mal et des châtiments
qu'il inflige au pécheur.
Le comble et le miracle de cette sympathie
divine, c'est le don que Dieu nous a fait de son
Fils unique. La sympathie nous paraît
d'autant plus admirable que la distance est plus
grande entre celui qui l'éprouve et celui
qui en est l'objet. Que dire donc de celle du Fils
de Dieu entrant dans la misère et dans
l'humiliation de notre race
coupable ? Il n'a vu dans sa grandeur divine
qu'un motif et qu'un moyen de se donner et de
s'unir plus complètement à nous. Plus
il était élevé, plus il s'est
abaissé ; plus grande était la
gloire qu'il possédait, plus humble a
été la forme de serviteur qu'il a
revêtue ; plus il était heureux,
plus il a pleuré avec nous ; plus il
était saint, plus il a porté nos
péchés. C'est à lui plus
qu'à aucun autre qu'on peut appliquer le mot
du poète : « Tu fus homme, on
le sent à tes pleurs. » Mais c'est
trop peu de dire qu'il a pleuré avec ceux
qui pleurent : il a porté nos douleurs,
non pas autant, mais plus que
nous-mêmes ; il a senti le poids du
péché plus que ne l'a fait aucun
pécheur ; il a goûté
l'amertume de la mort plus que ne l'a fait aucun
mortel. Aussi sa sympathie a-t-elle une
efficacité absolument incomparable ;
elle est rédemptrice. Par l'acte d'amour
qu'il a accompli, par la souffrance d'amour qu'il a
supportée, il a fait notre paix avec Dieu.
Il nous a apporté du ciel le pardon de nos
péchés et le don de la vie
éternelle, qu'il a scellés de son
sang, puis manifestés et confirmés
par sa résurrection.
Et nous, qu'avons-nous maintenant à
faire ? Avant tout, nous approprier cette
sympathie de notre Sauveur, nous reposer sur sa
grâce, nous décharger sur lui de notre
fardeau ; puis, comme lui et après lui,
porter les fardeaux de nos frères. Puisque
Jésus-Christ nous a sauvés,
travaillons au salut de ceux qui
ne le connaissent pas ; puisqu'il console
efficacement nos peines par l'assurance de l'amour
du Père et par l'espérance de la vie
éternelle, efforçons-nous de consoler
les autres ; puisqu'il adoucit les larmes que
nous coûtent nos douleurs et nos deuils, en
attendant qu'il les essuie pour toujours, pleurons
avec ceux qui pleurent. Le jour où tous les
chrétiens se consacreront à cette
mission d'amour, l'amour de Dieu, si lamentablement
obscurci aujourd'hui, paraîtra dans son
éclat et dans sa puissance, comme plus fort
que la haine, plus fort que la guerre, plus fort
que le mal, plus fort que la mort. 0 Dieu,
répands ton amour dans nos coeurs par ton
Saint-Esprit !
Amen.
Oratoire, 2 mai 1915.
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