Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PRÈS DU « VIVANT »

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« Amis de l'époux ! »

D'un côté de la cure, il y avait la prairie, avec toutes ses fleurs, à laquelle conduisait une allée de noisetiers. De l'autre côté, il y avait le cimetière qui entourait l'église. Là-haut étaient les cloches ; elles sonnaient le matin et le soir ; elles sonnaient aussi le dimanche, et à leur appel arrivaient les habitants du village.

Elles sonnaient parfois dans la semaine, et cela voulait dire, tantôt : « enterrement » ; tantôt : « mariage » ! Il me semblait que toute la vie des hommes était contenue dans ces deux choses : Mariage, toute la joie, la prairie ! Enterrement, toute la tristesse, le cimetière ! On leur donnait bien des fleurs, aux pauvres morts, mais de lourdes fleurs tristes, pas celles qui poussent librement dans la campagne. Je remarquais aussi que les gens parlaient beaucoup plus du bon Dieu quand il s'agissait d'enterrement que de mariage. Même les moins religieux avaient alors à la bouche des paroles pieuses. Aussi ne tardais-je pas à penser que Dieu aimait mieux les enterrements que les mariages.

Mais bientôt je fis une découverte qui m'enleva du coeur une pierre. Il y avait un nom que toujours j'entendais prononcer, un nom qui était uni à tous les événements de la vie, un nom que seul je pouvais comprendre d'abord dans les longs sermons de Papa. Ce nom rayonnait dans les lumières de l'arbre de Noël, dans les cantiques, dans toute l'année.

Quelle fut ma joie quand je compris que ce nom était intimement uni, non pas au cimetière et à ses tristesses, mais à la prairie et à ses joies : « Regardez les fleurs des champs ! » disait-il... non pas les lourdes fleurs des jardins, mais celles des champs, primevères, violettes et pâquerettes. Et, quand il rencontrait un enterrement, celui qui portait ce nom intervenait comme un trouble-fête de la mort : il faisait arrêter le cortège, et il rendait l'enfant à sa mère ! Quand il y avait un mariage, il y venait et voulait que les gens y fussent très heureux.
Et, à une place, dans le gros livre où Papa lisait, cet homme appelait ceux qui étaient près de lui « les amis de l'époux » comme si c'était une noce. N'était-ce pas plus beau que de les appeler convertis ou croyants ?

(Jungfrau Else.)

I. M. SICK.



Noël.

Quelques jours avant Noël, une fillette s'arrêtait avec sa mère devant la vitrine d'une librairie. Un portrait du Christ occupait le centre de l'étalage. « Vois. tu, dit la mère à l'enfant, c'est le Seigneur Jésus ! » Et l'enfant s'écrie : « Oh ! maman, est-ce qu'il s'est fait photographier pour Noël ? »

Chers souvenirs ! Il fut un temps où nous aurions pu penser, comme la petite fille, que Jésus pouvait se faire photographier pour Noël ! Quand nous étions petits, Jésus était pour nous quelqu'un de vivant, de réel, nous l'aimions comme on aime un grand frère, nous lui parlions dans nos prières comme on parle à un ami, nous croyions à son existence avec autant de certitude qu'à celle de nos parents ou des frères absents dont nous regardions la photographie sur la cheminée. Jésus était vivant dans nos coeurs.

Aujourd'hui nous sourions en pensant à la naïveté d'un enfant qui peut croire que Jésus s'est fait photographier ! Nous savons bien qu'il a vécu, nous l'appelons même le Sauveur, mais nous ne lui parlons Plus comme à un ami, nous ne pensons plus qu'il est là chaque jour près de nous et qu'il nous entend, nous ne souffrons plus de lui faire de la peine, nous avons perdu la vision de Jésus vivant.

Comme nous avons changé ! Autrefois, Noël, oh ! c'était la fête des fêtes : la crèche de Bethléem, les bergers, les mages, l'étoile, et surtout le petit enfant emmailloté, c'était réel, nous y pensions avec les regards brillants, nous en rêvions la nuit. Puis la vie est venue. Peu à peu, la raison est entrée dans notre coeur, nous avons discuté notre Bible, nous avons rencontré des gens qui ne croient pas en Jésus, nous nous sommes demandé : est-ce bien vrai ?

Peu à peu l'indifférence est entrée dans notre coeur. Cette figure dont la beauté captivait notre enfance, ce Roi des rois qui vient naître dans une étable, ce Sauveur puissant qui se fait petit, qui renonce à tout et qui veut qu'on le suive, nous avons trouvé que c'était bien beau, mais que ce n'est pas avec cela qu'on fait son chemin dans le monde. Et nous voulions faire notre chemin, gagner, jouir, briller. Cet idéal enfantin nous a paru encombrant, nous l'avons débarqué.

Peu à peu le mal est entré dans notre coeur. Toutes ces choses dont nous savions, quand nous étions petits, qu'elles faisaient de la peine à Jésus, nous les avons commises. D'abord nous en avons souffert, il nous a semblé que le regard du Sauveur se posait sur nous avec tristesse. Alors, pour ne plus voir ce regard, pour ne Plus entendre Jésus pleurer sur nous, nous l'avons supprimé de notre vie. Et maintenant, nous ne croyons plus que Jésus peut se faire photographier pour Noël, parce que dans nos coeurs il ne vit plus.

Redevenons enfants. Sans doute, certaines naïvetés de la foi enfantine ne peuvent plus subsister dans notre âme. Mais cette foi elle-même, elle est vraie :

Jésus est vivant !

Dites-moi, depuis que vous l'avez laissé mourir en vous, êtes-vous plus heureux ? Êtes-vous plus heureux depuis que vous ne croyez plus que Jésus pleure, que Jésus souffre, que Jésus vous voit et vous entend, depuis que vous avez cessé de lui parler et de lui faire plaisir ? Noëls, Noëls de notre enfance, Noëls de foi profonde et vraie, de pureté, d'idéal, de prière, Noëls où Jésus est là, revenez aujourd'hui dans nos coeurs.

Nous n'avons pas complètement perdu la foi au Christ vivant. Beaucoup d'entre nous croient en lui sincèrement. Mais, parfois, cette figure se voile, elle perd sa clarté, elle n'illumine plus la route. Eh ! bien, ce que Noël nous apporte, c'est, si je puis ainsi dire, une nouvelle photographie de Jésus, une nouvelle image plus nette, plus rayonnante, pour remplacer celle que l'année écoulée a ternie.

Cette image de Jésus, nous l'avons laissée se couvrir de poussière : négligence dans notre vie religieuse, manque de suite dans nos résolutions, manque de foi dans nos prières.

Pour d'autres, le portrait de Jésus a été voilé par les larmes. Depuis le dernier Noël, leur foi a reçu l'assaut terrible de la souffrance et du deuil. Ils ont tant pleuré qu'ils ne voient plus bien clair, il leur semble que le ciel s'est fermé, que Jésus est absent, ou bien loin.

Pour d'autres, c'est encore plus grave. Ce qui recouvre le portrait de Jésus, ce sont des taches. Ils ont gâté, souillé dans leur coeur l'image de leur Sauveur.

Quand vient Noël, avec une nouvelle consolation, un nouveau pardon, un nouvel appel à la fidélité, une nouvelle vision du Sauveur vivant, regardons-le bien, et gravons son image dans nos coeurs, pour la garder sans poussière et sans tache, et sans que les larmes puissent la voiler, dans l'année qui commencera.



Le  
secret.

J'ai connu une jeune fille dont l'exquise perfection morale faisait l'admiration de tous ceux qui la connaissaient. Elle portait à son cou un médaillon en or qu'elle ne permettait à personne d'ouvrir. Un jour, dans un moment d'abandon inaccoutumé, elle autorisa une de ses compagnes à presser le ressort, et à apprendre ainsi son secret. L'amie lut ces mots:

« Celui que j'aime, sans l'avoir jamais vu. »

DRUMMOND.



Vendredi-Saint.

Lorsque Jésus, portant sa croix, monta à Golgotha, on raconte qu'une femme, nommée Véronique, émue de pitié à la vue de cette figure douloureuse et sanglante, jeta sur elle un mouchoir blanc pour rafraîchir le supplicié, et que le portrait du Christ se grava sur le mouchoir.
Légende sans doute. Mais si l'on a jeté en ce moment un mouchoir sur la figure du Christ, quatre choses horribles ont pu s'y graver : l'empreinte d'un baiser, d'un crachat, d'un soufflet, et d'une épine ensanglantée.

Certainement, si l'on avait demandé au Maître ce qui lui faisait le Plus mal, il aurait répondu : le baiser ! Doux baisers de l'enfance, saintes caresses de nos mères, lumineuses étreintes des fiançailles, est-il possible que vous puissiez connaître cette caricature atroce : le baiser de Judas. Embrasser sa mère, alors qu'on lui brise le coeur ! Embrasser son épouse, alors qu'on la trompe ! Communier à la table du Sauveur, alors qu'on porte dans le coeur le venin d'un vice, le fiel de la haine, le poison du péché ! Jésus pardonne.

Un soufflet ! qui de nous résisterait à une telle insulte, et ne se redresserait pas pour frapper le lâche agresseur ? ou si cela est impossible, pour lui jeter à la face la honte de sa conduite ? Christ, « devine qui t'a frappé ? » Jésus n'a pas deviné.

Ah ! si cet homme était malade, triste, malheureux, comme il saurait deviner sa peine, lui qui lisait dans les coeurs et voyait les larmes avant même qu'elles ne coulent. Mais deviner qui l'a frappé ? Jésus pardonne.

L'empreinte d'un crachat ! Chose ignoble, infecte, marque définitive de la souillure humaine. Il fallait que le Roi portât cette marque sur son visage, rien ne devait lui manquer. Semblable aux décorations dont se constellent les poitrines des souverains, ce crachat décore la poitrine du Roi des rois, se mélangeant au sang qui coule goutte à goutte de son front couvert d'épines. Il le fallait, pour soutenir le courage des témoins du Christ, car la chose la plus difficile à supporter, c'est le mépris. Vous qui luttez pour une cause sainte, et qui souffrez tant d'être méconnus, raillés, enveloppés de ricanements, rappelez-vous qu'on a craché sur lui. Et il est mort pour sauver les âmes de ceux qui ont fait cela.

Puis on lui a mis la couronne du roi. Pour être sûr qu'elle tienne bien sur son front pendant le cortège, on a frappé dessus afin qu'elle s'enfonce. Le sang qui coule de la couronne vient se mêler à l'empreinte du baiser, aux marques des coups de poing, aux crachats.

Encore une légende : un oiseau terne, gris, sans apparence, ému par tant de souffrances et tant de mépris, vint se poser sur le bras de la croix et s'efforça d'arracher une des épines qui blessaient le mourant. Tandis qu'il s'évertuait, une goutte de sang tomba sur sa poitrine, et ce fut le rouge-gorge.




Nous t'aimons, ô Christ, parce qu'on t'a trahi et que tu es resté fort ; parce qu'on t'a haï et que tu as aimé ; parce qu'on t'a souffleté et que tu as pardonné ; parce que Dieu a laissé faire ces choses, et que tu as cru en lui ; parce que tu as cru qu'il valait la peine de souffrir et de mourir pour ceux qui t'ont maltraité et repoussé, pour ceux qui n'ont pas su être forts et aimants, être croyants et fidèles, pour nous !

Par ta divine bonté, par ta sainte humilité,
Par ta tendre charité, nos âmes t'implorent.
Par le jour où tu fléchis sous l'opprobre et le mépris, Par la mort que tu souffris, nos âmes t'implorent.
Par l'heure où Gethsémané t'a vu gémir prosterné, Et des tiens abandonné, nos âmes t'implorent.
Par la coupe de douleur que tu bus pour nous, Seigneur,
Par ta sanglante sueur, nos âmes t'implorent.
Par ton corps qui fut percé, et sur la croix exposé,
Par ton sang pour nous versé, nos âmes t'implorent !



« 
Sais-tu qui c'est ? »

À la vitrine d'un magasin d'objets d'art était exposé un tableau de la crucifixion. Je m'étais arrêté à le regarder, quand je crus entendre quelqu'un derrière moi. Et, me retournant, j'aperçus un petit garçon déguenillé, qui se mit à contempler cette peinture avec intensité.
« Sais-tu qui c'est ? » lui dis-je.
« Oui, M'sieu, c'est not'Sauveur ! »

Son regard exprimait une sorte de pitié pour un adulte à ce point ignorant de l' Évangile.
Après un moment de silence, et manifestement désireux de m'instruire, il ajouta : « Là, ce sont des soldats, des soldats romains, et (avec un profond Soupir), cette femme qui pleure, c'est sa mère. »

Il s'arrêta, s'attendant sans doute à être questionné. Comme je ne disais rien, il reprit d'un ton respectueux et presque résigné :
« Ils l'ont tué, M'sieu ! Ils l'ont tué »

Je regardais ce pauvre gamin, si sale dans ses haillons.
Je lui demandai où il avait appris cela.
« À l'école du dimanche de la Mission populaire ! »

Je m'éloignai, laissant mon diminutif d'homme toujours en contemplation devant le tableau. À peine avais-je fait quelques pas, que je m'entendis héler
« M'sieu !... M'sieu ! »

Le jeune garçon me courait après. Essoufflé, il s'arrêta, puis, levant sa main maigrelette, d'un ton de voix triomphant, il dit :
« Je, tenais à vous faire savoir encore qu'il est ressuscité ; oui, M'sieu, il est ressuscité ! »

Il triomphait, le gamin en haillons.
Cet accent triomphal, Seigneur, daigne nous l'accorder à nous-mêmes ! Rends à nos yeux l'éclat, à nos fronts la sérénité, à nos coeurs l'allégresse victorieuse ; et que nous ne célébrions pas la fête de Pâques avec des palmes fanées et des hymnes étouffés ! »

WILFRED MONOD.



Pâques
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L'Évangile nous dit que, lorsque l'enterrement de Jésus fut terminé, Joseph d'Arimathée roula une grande pierre à l'entrée du Sépulcre et s'en alla.
Cette manière de faire prouve combien les amis du Christ étaient loin de s'attendre à sa résurrection. On ne roule pas une grande pierre sur la tombe de quelqu'un qui va en ressortir. Quand nous nous décidons à fermer un cercueil et à laisser la terre le recouvrir « avec ce retentissement creux et rauque qui est comme un cri de triomphe du néant engloutissant sa proie », c'est que nous savons que tout est bien fini.

Pour Joseph, Jésus était bien mort. Pour les femmes aussi qui le regardaient faire, puisqu'elles employèrent leur samedi de Pâques à préparer l'embaumement du corps. Cette attitude fait d'autant mieux ressortir la ténacité humble de l'amour porté par ces pauvres gens à leur Maître. Sans croire, sans voir, ils ont eu le courage de lui rester fidèles jusqu'à la mort, et, au milieu de l'indifférence générale, d'ensevelir convenablement un corps qui, sans eux, eût été la proie des corbeaux. Mais cette attitude fait surtout ressortir l'immense tristesse des larmes versées sur la tombe de Jésus. Tout est fini pour eux, il est mort.

Oui, tout est fini, quand la mort a passé. On a fermé les chers yeux, on a reçu des fleurs, on est allé au cimetière, puis, tout le monde est parti. Mais on n'a pas pu se détacher de ce coin de terre qui a tout englouti. On est revenu, à l'heure où l'obscurité empêche les regards indiscrets, à l'heure où tout le monde repose ; on est revenu, et d'un embrassement convulsif, on a étreint la terre froide, comme si elle avait pu rendre sa proie. On a appelé, et le silence a répondu. Alors, avec un cri éperdu de bête blessée à mort, qui a résonné dans la forêt toute proche, on est reparti dans la nuit, et on est retourné au milieu des hommes, en tenant la main sur son coeur pour empêcher le sang de couler.

Marie pleurait près d'une tombe.
Es-tu sûre, Marie, que tout soit fini ? Écoute ! quelqu'un te parle. Retourne-toi, il y a là quelqu'un... alors elle s'est retournée, elle l'a reconnu, elle s'est jetée à ses pieds : « Mon Maître ! »

Puisqu'il vit, je puis vivre encore. Puisqu'il vit, ils sont vivants. O radieux matin de Pâques, que ton aurore se lève sur tous les jardins de mort où l'on pleure de ces larmes que Lui seul peut consoler !




Pierre pleurait dans le jardin du grand prêtre.
Combien de temps est-il resté là ? Où a-t-il été cacher sa déchéance pendant cette horrible journée ? Nous ne savons rien de plus sur ce drame intime, simplement cela « Il pleurait amèrement ». Les larmes qu'on verse sur ses bien-aimés, elles ne sont pas amères. Mais les larmes qu'on verse sur soi, sur sa lâcheté, sur sa honte ! N'est-ce pas plus horrible que le deuil ?

Avoir eu un ami, le meilleur, le plus confiant... et avoir trahi cet ami juste au moment où il était dans la Plus grande peine, et quand on avait dit qu'on irait jusqu'au bout avec lui ! Et se dire que cet ami est mort sans qu'on l'ait revu, sans qu'on ait pu lui dire son regret, sans qu'il ait vu les larmes du repentir. Tout est fini. On a perdu sa raison d'être.

L'âme était montée, joyeuse, vers l'idéal ; elle avait répondu à l'appel d'En-Haut. Elle sentait bouillonner en soi les forces de la vie et de l'amour. Puis elle a renié, elle a brisé son idéal. Il n'y a plus de pardon possible, plus de relèvement, plus de joie. Il n'y a qu'à se laisser couler dans un abîme sans fond. On est disqualifié pour la vie. Plus rien à faire, puisque Jésus est mort.

Es-tu sûr, Pierre, que tout soit fini ? Regarde, il y a quelqu'un sur le rivage, quelqu'un qui a l'air de t'attendre, avec ce regard plein de vie que tu te rappelles si bien et qui t'a toujours relevé et encouragé. Quelqu'un qui t'appelle par ton nom, non pour te condamner, mais pour te demander si tu l'aimes. Alors Pierre, tout simplement, mais du fond de son âme, lui dit : « Tu sais que te t'aime »

Puisqu'il vit, je puis vivre encore, vivre par Lui, vivre pour Lui ! O radieux matin de Pâques, que ton aurore se lève sur tous les jardins de mort et de péché où l'on pleure de ces larmes que Lui seul peut consoler !



Acte de consécration d'un jeune.

(Quelques lignes de la déclaration retrouvée dans les papiers de Jean-Frédéric Oberlin, et qu'il écrivit le jour de ses vingt ans.)

Dieu saint ! Je me donne aujourd'hui à toi de la manière la plus solennelle.

Je confesse aujourd'hui que le Seigneur est mon Dieu ! Je déclare que je suis du nombre de ses enfants.

Je renonce à tous les maîtres qui ont autrefois dominé sur moi, aux joies du monde auxquelles je m'étais donné, et aux désirs charnels qui étaient en moi.

Je te consacre, ô Dieu, tout ce que je suis et tout ce que j'ai : les facultés de mon âme, les membres de mon corps, ma fortune et mon temps. Aide-moi toi-même à n'employer tout cela qu'à ta gloire.

J'ai la volonté, Esprit saint, de te demeurer fidèle jusqu'à la fin de ma vie. Permets-moi de pouvoir, dans les jours qui me seront encore accordés, acquérir ce qui me manque, et améliorer mes voies.

Je remets à ta direction ma personne, et tout ce qui m'appartient. Conduis toute chose selon que ton infinie sagesse le trouvera bon. Je m'en remets à toi pour la direction de tous les événements, et je dis sans aucune restriction : « Que ta volonté soit faite, et non la mienne. »

Et qu'après que j'aurai cherché à t'obéir, et à me soumettre à tes volontés, tu me retires d'ici-bas à l'heure, et de la manière dont tu le trouveras bon. Permets qu'à l'heure de ma mort, et aux portes de l'Éternité, je me souvienne encore de ces engagements, et que j'emploie mon dernier soupir à te servir.

Strasbourg, 1er janvier 1760.



Franche explication.

En ouvrant l'un de ses cours à l'Université de Genève, le professeur Gaston Frommel a raconté à ses étudiants comment il était devenu chrétien, considérant qu'il leur devait la « franche explication » dont voici quelques lignes :

C'était aux environs de ma dix-septième année. J'allais dans la vie, suivant mes propres voies. Elles ne me conduisaient point vers celles que j'ai parcourues dès lors... Je n'étais pas étranger au christianisme, je lui étais indifférent. Je le connaissais aussi bien que peut le connaître un jeune homme qui en a été soigneusement instruit, et qui l'a vu sérieusement pratiqué à la maison paternelle.

J ' allais régulièrement au culte Public, mais par devoir, et avec un ennui qui touchait parfois au dégoût. Au fond, et dans la prise effective qu'il réclamait sur ma volonté, je repoussais le christianisme. Les passions, les convoitises du monde, sans m'entraîner tout à fait, avaient en moi un écho complaisant. J'entendais rester libre ; j'avais la passion de ma propre indépendance. Je ne voulais appartenir à rien, ni à personne qu'à moi seul. Tout joug m'était odieux. Le christianisme m'apparaissait comme un joug ; le Plus odieux, parce que le plus asservissant des jougs.

Déjà, cependant, certains troubles m'avaient assailli. Ces impressions, d'abord fugitives et bientôt oubliées, devinrent peu à peu plus fréquentes et plus tenaces. Je ne croyais plus au bonheur, Je n'attendais plus rien de l'avenir. L'existence M'apparaissait comme une déroute.

Tel était mon état. Il n'était encore rien au prix de ce qu'il allait devenir, lorsque la mort s'approcha de moi. Je tombai malade. Je souffrais à peine ; seulement, d'un moment à l'autre, je pouvais, je devais, j allais mourir... Dans l'immobilité silencieuse, la conscience éleva la voix. Plus je l'écoutais - et je ne pouvais pas ne pas l'écouter - plus elle me jugeait, plus elle me condamnait... tout entier... dans le mal que je confessais, comme dans le bien que je m'étais attribué ; il n'y avait plus de différence. J'étais perdu, sans qu'il me fût possible de me raccrocher nulle part.

C'est alors que Dieu me fit faire l'expérience de son salut. Déjà, aux heures les plus sombres et les plus désolées, il m'avait fait entrevoir au loin la croix du Calvaire, qui se dressait, lumineuse et paisible, comme le seul refuge offert à ma détresse. Mais elle était trop loin, et j'étais trop indigne.

Maintenant, il m'envoya l'un de ses serviteurs. Je ne saurais vous dire ce que fut sa parole. Je ne le sais plus moi-même. Je sais seulement qu'elle retentit dans mon âme, forte et douce, sévère et consolante, sainte et miséricordieuse... Elle me jeta brisé, vaincu, aux pieds du Christ ; et là, sans hésitation, sans réticence, sans curiosité théologique d'aucune sorte, simplement parce qu'il était Sauveur et que j'étais perdu, je m'abandonnai moi-même, et me donnai à lui.

C'est de ce jour, Messieurs, que date ma conversion chrétienne et ma vocation pastorale. C'est de ce jour et parce que, dans le même temps où je me donnai à Christ, je me suis senti reçu par lui, saisi par lui, aimé par lui, - c'est de ce jour que j'ai su de toute certitude que le Christianisme est une rédemption.

Ce jour est, dans mon passé, déjà loin derrière moi. Mais il y brille comme celui d'une nouvelle naissance. Sans doute, hélas, il y a eu depuis bien des défaillances ! Elles n'ont pas effacé ce fait que j'appartenais à Christ. C'était un point de départ. Ce que Christ devint alors pour moi, il l'est toujours resté.


 
« Ce n'est plus moi qui
vis... »

Les paroles suivantes sont dues à l'une des plus hautes intelligences du siècle écoulé, à un homme qui a porté les charges de son pays comme peu d'hommes les ont portées, et qui était alors au moment culminant de ses succès.

« Je désire ce soir, vous parler seulement du nom sacré de Jésus-Christ, qui est ma vie, mon inspiration, mon espérance, ma sûreté...

C'est à Christ que je dois la formation de mon âme et de mon caractère plus qu'à toute autre influence exercée sur moi par mon père et ma mère.

C'est de Christ que j'ai tiré mon idéal secret de la beauté. C'est de lui qu'ont émané mes pensées sur tout ce qui est viril, noble et pur.

Christ est à mon âme ce qu'est à l'été le soleil avec sa puissance créatrice et fécondante. Les feuillages, les fleurs, les fruits, tout ce qui s'épanouit sur la terre, doit son origine à sa lumière et à sa chaleur. De même, tout ce qui constitue la richesse de ma vie : ces affections qui s'épanouissent autour de moi et en moi, ces joies qui illuminent mon coeur de chrétien, tous ces bienfaits ont leur source unique en Jésus-Christ, le soleil de mon âme.

Ce n'est pas tout. Je sens que j'ai puisé auprès du Christ chaque pensée qui pour moi fait du ciel une réalité. »

(La vie transformée.) (1)

Cité par DRUMMOND.



Floraison.

Une légende raconte qu'un jour Jésus enfant fit soudain jaillir à son approche une source intarissable sur les bords de laquelle apparut un parterre de fleurs.

Partout où Jésus a passé il a fait jaillir les sources du dévouement, et sur leurs bords, fleurir de la tendresse. Plus rien ne poussait, dit-on, sur le sol qu'avait foulé le cheval d'Attila. Lui, Jésus, il a fait germer à son approche les moissons opulentes de la charité. Certes, ce fut avec sa fatigue, ses larmes et son sang. Il n'en est que plus digne d'être aimé, adoré, servi.

C'est toujours sur sa route la même floraison. Regarde les plus belles vies ! Il a passé par là. Regarde les relèvements les plus éclatants ! Il a passé par là. Regarde ceux qui ont appris à s'aimer ! Il a passé par là.
Mets-toi sur son chemin. Tu connaîtras la puissance de vie qu'il apporte avec lui. Tu sentiras s'épanouir comme en un printemps ce qu'il y a de meilleur en toi, tout ce qui est pur, tout ce qui est vrai, tout ce qui est beau.
Et tu seras à ton tour de ceux qui font jaillir les sources de la vie, et refleurir l'humanité.


 
Tu es
aimé.

Personne n'a aimé comme le Christ. Il n'y a dans son amour rien de fade, et pas de restrictions.
Son amour ne dépend pas de choses extérieures un physique agréable, une maison cossue, une belle intelligence. Il t'aime aussi, nature ingrate, figure peu aimable, existence vulgaire.

Il ne dépend pas de choses intérieures. Accueilles-tu son amour ou le repousses-tu ? Il reste fidèle à son plan : donner sa vie pour toi. Ses ennemis eux-mêmes n'ont pu l'empêcher de prier pour eux.

Il t'aime quand tu es heureux ; ton bonheur le réjouit. Il t'aime aussi quand tu souffres. Celui qui a pu dire : « Le Père m'a aimé », alors qu'il était en pleine angoisse, sait bien que la souffrance ne saurait nous séparer du Père.

Son amour est divin, aucun sentiment terrestre ne l'influence, aucun calcul ne s'y mêle, aucun égoïsme n'y transparaît. Et c'est un amour infiniment humain ; il n'impose aucune vie à contre-sens, aucun détachement inutile, aucune démarche contre-nature. Il transpose simplement dans la sphère divine nos sentiments naturels : fiançailles et mariage, paternité et maternité, amitié, travail, ambitions saintes, tout cela est, par lui, transfiguré.

Laisse toi aimer, tu vivras intensément. Puis, sur ton lit de mort, il se penchera encore pour te dire: « Me voici ! »

 


 
« Si vous entendez sa voix... »

Je pense à quelqu'un qui vit à l'étranger, qui depuis longtemps n'entend plus sa langue maternelle. Un jour, dans la rue, il perçoit l'accent du pays. Comme il écoute ! Comme il est heureux ! Comme il cherche à comprendre ! On dit que les soldats suisses au service du roi de France, quand ils entendaient les chants de leur patrie, pleuraient et n'y tenaient plus. Ils voulaient revoir le pays.

Telle est la voix de Jésus-Christ. C'est la langue de la patrie, dont nous sommes exilés, que nous avons presque oubliée. Elle nous dit : « Reviens au pays où l'on croit, où l'on aime, où l'on prie ! »
Quand on entend cette voix, on se repent.

Je pense à cet homme malade dans un hôpital étranger. Un jour, sur son lit, une forme animée se penche, et il entend une voix : sa mère est là. Je pense à cette mère qui disait à son fils quand il venait lui raconter ses chagrins et craignait de l'importuner « Verse seulement, pourvu que ça t'allège ! »

Telle est la voix de Jésus-Christ. Quand on entend cette voix, on prend confiance, on peut tout verser, et ça allège tellement !
Je pense encore aux parents qui veillent au chevet d'un petit malade. Depuis des heures il ne peut plus parler. Tout à coup ses mains se tendent, il appelle : « Maman ». Quelle étreinte ! et quel espoir de le guérir, puisqu'il appelle.

Telle est la voix de Jésus-Christ. Elle résonne dans l'appel des enfants qui demandent leur mère, dans les gémissements des blessés et dans les pleurs des veuves, dans la voix cassée du vieillard et dans la menace du sans-travail... toutes ces voix qui appellent au secours, qui réclament de l'aide, l'écho de la caravane humaine qui lutte et qui peine.

Quand on entend cette voix, on va et on aime !

1. La vie transformée. (ici
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