« Après avoir saisi
Jésus, ils l'emmenèrent, et le
conduisirent dans la maison du grand-prêtre.
Pierre suivait de loin. »
C'est ce qui l'a perdu ! C'est ce qui
en a perdu tant d'autres.
Suivre Jésus de près, ce
serait garder au fond de tes préoccupations
celle de lui ressembler. - « Un coeur qui
ressemble au tien, mon Sauveur. » - Ce
serait arracher de ta vie tout ce que tu sais qu'il
déteste, aller là où l'on
parle de lui, et accepter « d'être
aussi de ces gens-là ! »
Devant cet idéal, on pense avec un
serrement de coeur à tous ceux qui se
contentent de n'être pas hostiles. Pas
hostiles ! Comme si cela suffisait !
Hérode non plus, n'était pas hostile
à Jean-Baptiste. Pilate non plus,
n'était pas hostile à
Jésus.
Sur les traces de Pierre, il y a tous ceux
qui se dissimulent dans la foule partout où
leur Maître est impopulaire ; tous ceux
qui lui faussent compagnie dès qu'il est
menacé, qui cachent leur insigne
d'unionistes ou d'abstinents pour éviter les
quolibets ; qui cachent pour d'autres
entreprises, leur anneau de mariage.
Il y a aussi ces catéchumènes
d'hier qui ont gardé un certain respect, des
préventions favorables, le souvenir de
certaines relations agréables, mais rien de
plus ; et qui réapparaissent de temps
à autre quand on les sollicite. Il y a ces
époux qui ont insensiblement oublié
leurs promesses ; on s'abstient du culte par
exception, et l' exception devient la
règle ; à moins que le mari
délègue sa femme, et s'en
contente ; comme si l'on pouvait être
pratiquant par procuration !
Oh ! Jésus n'est pas tout
à fait abandonné. On n'a
peut-être pas commis de scandales. On suit,
mais de loin !
Voilà ce qui compromet l'oeuvre de
Dieu, et comment son parfum s'évente. Il
avait bien raison, celui qui disait un jour :
« Le Christianisme serait dans le monde
une force incomparable, s' il n'avait pas tant
d'adhérents ! »
Dans ces conditions, pas de joie. C'est le
châtiment de la paresse et de la
lâcheté. On ne peut l'esquiver ;
les vraies joies sont pour les hardis qui vont
au-devant de la peine.
Surtout, c'est ainsi que se préparent
les chutes. Pierre est donc tombé pour
s'être éloigné. Il
n'était plus assez près de son
Maître pour être compromis. Il n'est
pas le seul. Ceux qui font comme lui seront
toujours sur le chemin des défaillances.
Il y a entre le Christ et beaucoup un lourd
malentendu. Ce qu'il offre, on n'en veut pas. On va
chercher auprès de lui ce qu'il ne veut pas
et ne peut pas donner.
Tous ces malades qui accouraient sur son
passage, venaient pour être guéris, de
corps. Lui voulait guérir les
âmes.
Tous ces patriotes croyaient saluer en lui
le libérateur du pays. Lui voulait
libérer les consciences.
Tous ces pauvres venaient à celui qui
parlait de trésors, de perles, de banquets,
pour avoir ça. Lui voulait enrichir les
coeurs.
Ils ne sont restés que onze, et
quelques femmes, et quelques-uns en secret. Ceux
qui ont dissipé le malentendu, qui ont
compris qu'il ne fallait pas abaisser le Christ
à leurs désirs, mais hausser leurs
désirs jusqu'au Christ.
Le confort, la richesse, la santé, le
succès, sont choses réelles, et
très bonnes. Mais vous pensez bien que
Jésus n'est pas mort, solitaire, sur une
croix, pour vous obtenir ces biens-là. Il
n'a pas promis du pain à qui a faim de
justice, ni de l'argent à qui a le coeur
pur, ni des honneurs à
qui procure la paix. Il y a malentendu quand c'est
cela que nous cherchons auprès de lui.
Nous le savons bien du reste. Alors nous
faisons de notre vie deux parts : l'une
consacrée à la poursuite de nos
désirs, l'autre réservée
à Jésus-Christ. Or il ne veut pas de
ce partage. N'obligeant personne à prendre
ce qu'il offre, il ne veut le donner qu'à
celui qui renonce à tout le reste parce
qu'il a compris que c'est la seule chose qui vaille
la peine d'être voulue.
Pauvres de nous ! Au milieu de nos
plaisirs, de nos ambitions déçues ou
satisfaites, de notre course au bonheur, une
nostalgie nous prend d'une vie qui serait tout
entière à lui, d'une vie où on
donnerait tout pour tout recevoir de lui seul,
d'une vie où il n'y a plus de malentendu
parce qu'il n'y a plus de partage !
Dans un roman paru ces dernières
années, on voit le nouveau
propriétaire d'un château, un riche de
la guerre, parvenu douteux, qui s'entretient avec
le bon vieux jardinier resté sur le
domaine.
« Vous croyez au Seigneur,
Jérôme ?
- Moi, Monsieur, je ne crois qu'à
ça
- Pour moi, je ne dis pas qu'il n'existe
pas. Seulement, dans les affaires, il vaut mieux
n'en pas trop parler... Il me gêne ;
alors, je m'en passe ! »
C'est bien ça ! il gêne,
alors on s'en passe ; comme de son vivant ces
Gadaréniens qui l'avaient prié de
quitter leur territoire, parce qu'ils avaient peur
de cette puissance de guérison, mais aussi
de destruction. Et dans sa patrie, que de gens qui
ont essayé de se débarrasser de
lui !
Aujourd'hui, c'est la même chose. Il
en est beaucoup qui voudraient le faire
disparaître. D'autres se contentent de le
reconduire au delà de la frontière de
leur vie, et de le parquer dans les maisons
où on l'invoque. Avoir encore des relations
ouvertes avec lui ! pour
ceux-là, c'est presque une honte. Être
vu sur le seuil d'un temple, ce serait être
pris en faute.
Et chez ceux-là même qui ont
gardé de vagues habitudes
chrétiennes, le nom de Jésus n'est
plus prononcé qu'auprès du lit des
enfants, le soir, à la
dérobée. Ailleurs, jamais
Qu'est-ce qu'il a donc fait pour qu'on ne
veuille plus de lui ?
C'est un trouble-fête ! Sa
présence et son action ont apporté
dans le monde un bouleversement prodigieux. C'est
vrai ! Il y en a des gens qui auraient
été plus tranquilles si Jésus
n'était pas venu ! Il y en aurait eu,
du sang épargné, et des martyrs qui
auraient doucement traversé
l'existence !
Sans lui, que d'argent on aurait mis de
côté ; que de plaisirs on aurait
pu s'accorder ! Combien de jeunes gens qui
n'auraient étouffé sous l' oppression
de parents chrétiens, et qui n'auraient pas
eu ce malaise en retrouvant au retour de certaines
expéditions, leur Bible sur la table, ou
contre leur mur, telle gravure souvenir de leur
instruction religieuse.
Non, tout ce qu'il a empêché et
bousculé, Jésus, dans nos vies !
Un trouble-fête ? D'accord. Mais
à qui la faute ? Le coupable, est-ce
lui ou toi ?
En effet, pendant sa vie, des hommes lui ont
demandé s'il était venu pour les
tourmenter ; mais c'étaient des
démoniaques. Des hommes ont voulu le
chasser, mais c'étaient des superstitieux,
des hypocrites, ou des lâches. Il y a eu des
heures où il t'a gêné ;
mais est-ce que c'était les plus
belles ? En es-tu fier, aujourd'hui, de ces
heures ?
Et les victimes des turpitudes humaines, on
les oublie ? Les lésés, les
malades, tous les esclaves des hommes, tous les
esclaves de leur vice ? Toute cette foule
anonyme d'où monte un chant de
reconnaissance au Libérateur, on n'en tient
pas compte ?
C'est bien sûr, tous les apôtres
du bien ont été des
trouble-fête. Valait-il mieux laisser faire,
et livrer le monde à la
putréfaction ?
Vous croyez qu'il aurait été
plus tranquille ? Est-ce qu'il est vraiment
plus tranquille, le jeune homme qui a
piétiné l'honneur ?
L'avarié qui se traîne comme une
épave ? Est-ce l'esprit de
Jésus-Christ qui a empoisonné tant de
foyers et perdu tant d'enfants ? Plus
tranquille ? Allons donc ! Mais c'est ce
qui reste de son esprit dans le monde, qui
empêche le monde de crouler.
Ah ! Dieu soit béni, si
Jésus nous dérange, et s'il nous fait
souffrir !
Garde-le dans ton territoire, pour tous les
démons qui restent à chasser. Et au
lieu de l'éloigner, supplie-le de rester
avec toi : c'est l'Ami
suprême !
Regarde autour de toi, chez toi
peut-être. Les chagrins les plus amers ne
sont pas venus de la maladie, des revers de fortune
ou des deuils ; ils sont venus de ce que, sous
des apparences qui sauvaient la face, on avait fini
par perdre de vue Jésus-Christ.
Reste près de lui. N'aie pas peur de
te compromettre avec lui. Peut-être bien
qu'alors, ce sera l'éloignement de certains
amis, et la moquerie. Mais tu connaîtras la
joie « d'avoir été
jugé digne de souffrir pour lui ».
C'est le nom d'un des saints les plus populaires
du catholicisme, saint Christophe, ou le
Christophore et c'est le sujet de nombreuses
légendes. En voici une :
Il y avait une fois un homme très
grand et très fort. Et il s'ennuyait.
L'idée lui vint d'aller chercher un roi au
service duquel il pût employer sa vigueur et
qui fût digne de son service. Il crut l'avoir
trouvé, quand il s'aperçut que ce
puissant monarque tremblait quand on lui parlait du
diable : « Le diable, se dit-il, est
un plus grand roi », et il alla à
sa recherche. Il n'eut pas de peine à le
trouver et se mit à son service. Mais une
nouvelle déception l'attendait le diable
tremblait quand il rencontrait une
croix !
Il se mit à la recherche de quelqu'un
qui pût lui expliquer cette croix et il
rencontra un moine qui l'instruisit dans la foi
chrétienne « Voilà, se
dit-il, un roi qu'il vaut la peine de servir Que
dois-je faire pour lui ? » - Il te
faudra, dit le moine, t'imposer de fréquents
jeûnes. - je ne saurais, j'ai trop grand
appétit ! - Il faudra t'astreindre
à des heures de méditation et de
prière. - Je m'endors quand je ne suis pas
occupé. - Eh ! bien, dit l'homme de
Dieu, emploie-toi au service du
Christ comme tu es. Tu connais le fleuve qui coule
près d'ici ; de nombreux voyageurs se
noient en essayant de le traverser. Porte-les sur
tes épaules d'une rive à l'autre,
pour l'amour du Christ.
« Voilà qui me
convient », dit le géant. Et,
arrachant un sapin en guise de bâton, il se
mit à transporter les voyageurs. Et il le
fit de longues années, fidèlement.
Or, une nuit, il fut réveillé par un
appel, et vit un petit enfant qui lui tendait les
bras, demandant à être porté de
l'autre côté du fleuve. Souriant, le
géant le souleva à bras tendus, le
mit sur son épaule, ramassa son sapin et
s'engagea dans les flots.
Mais, à mesure qu'il avançait,
le fleuve semblait grossir et bouillonner, et
l'enfant pesait lourdement sur son épaule.
Il n'avançait qu'avec peine au sein des eaux
tumultueuses, il allait lâcher pied, et
perdre le petit enfant qui avait mis en lui sa
confiance... Rassemblant toutes ses forces, il se
lança à la nage, atteignit la rive
avec son précieux fardeau, et
s'étendit pantelant, sur la
grève.
Alors il vit se dresser devant lui, non un
enfant, mais le Seigneur Jésus, qui lui
dit : « Bon et fidèle
serviteur, aujourd'hui tu as porté ton
Maître ; entre dans sa joie
éternelle ! »
C'est depuis ce temps-là qu'on
appelle cet homme Christophe, le porteur du Christ.
« Porteur du Christ ! »
quel admirable titre ! Cet homme qui a tant de
force à dépenser, et qui s'ennuie,
c'est toi. Ton corps et ton coeur sont
gonflés de forces inemployées. Et il
y en a des rois et des reines qui briguent ton
service : le Plaisir, auquel certains se sont
donnés jusqu'à ce que mort s'ensuive,
l'argent, l'ambition, la passion, l'alcool...
Il y en a un qui voudrait aussi
t'embaucher.
Le Christ réclame, pour traverser le
fleuve impur du monde, des épaules capables
de le porter, de se charger de son
idéal ; des intelligences
décidées à aller jusqu'au fond
de sa pensée, et des âmes
résolues à aller jusqu'au bout de son
amour, d'être à travers la vie, des
porteurs de justice, de pureté, de
joie.
Il arrive parfois que cet idéal
paraît bien lourd, et le fleuve bien
malpropre... ou au contraire bien attirant à
qui se laisserait aller au fil de l'eau. Il arrive
qu'on est lâché par ceux-là
même qui avaient promis d'aller jusqu'au bout
avec nous, ou qu'on voit mourir tel compagnon dont
la présence était si bonne. Qu'importe ? Il
vaut la
peine de vivre, quand on vit pour être un
Christophore, un porteur du Christ.
Et celui-là même qui nous a
appelés à nous charger de son
idéal, est capable de nous porter.
Je regardai, et je vis dans mon rêve cinq
hommes - Pierre, André, Matthieu, Jean et
Paul - assis au penchant d'une colline qui dominait
la mer de Galilée. Vingt ans
s'étaient écoulés depuis le
« jour de
Pentecôte » ; et ils
s'étaient donné rendez-vous ici pour
discuter une crise survenue dans la vie et le
programme de trois d'entre eux.
La vie les avait maltraités ;
leur travail les avait épuisés. Paul
avait subi la perte de tous ses biens ; Pierre
avait tout quitté pour suivre Christ, et on
venait de faire à Matthieu la proposition
fort attrayante de rentrer dans son ancien office
aux douanes, avec un joli traitement.
Comme d'habitude, ce fut Pierre qui entama
la discussion.
« Simon le Tanneur a
hérité des propriétés
de son frère qui fut pêcheur à
Bethsaïda, et un de mes bons amis. Et il a
offert de me fournir un complet équipement
de pêcheur, bateaux, agrès, filets et
tout, en plus d'une industrie prospère
établie à Capernaüm. Ce me
semble être une occasion vraiment
providentielle ; du fait surtout que ma
belle-mère vient d'ouvrir un hôtel
pension à Capernaüm, et qu'il ne me
coûtera presque rien de vivre avec elle, au
moins pendant les dures semaines du début.
Je gagnerai joliment et je ferai des
épargnes, en ne travaillant que cinq jours
par semaine. Ainsi j'aurai tous mes dimanches et
samedis pour faire de
l'évangélisation dans les villes
autour du lac. Les années commencent
à me peser, et je crains que je ne puisse
plus continuer à l'allure intense de ces
dernières années. Et puis aussi, j'ai
besoin d'argent. » Paul dit : -
« Aquilas et Priscille ont largement
prospéré dans la manufacture de
tentes à Éphèse, et ils m'ont
offert une bonne position avec un excellent
salaire : il s'agirait d'établit un
comptoir à Philippes et de là de
rayonner, et surveiller leurs intérêts
dans les principales villes de Macédoine. Je
connais le travail. Ce ne sera pas plus
pénible pour moi que le soin de toutes les
Églises. J'aurai de nombreuses occasions de
travail chrétien, et je pourrai mettre un
peu de côté en vue des mauvais jours
que je vois approcher. »
Matthieu dit à son tour : -
« Mon histoire de la vie de Jésus
se vend très bien, et me rapporte assez pour
subvenir à tous mes frais d'existence ;
mais toute mon expérience de
commerçant me dit que je dois me permettre
une marge pour l'avenir ; la
persécution pourrait survenir et faire
baisser la vente. J'ai maintenant une occasion de
reprendre mon ancienne place, et je sais que je
puis y gagner bien suffisamment non seulement pour
m'entretenir, moi et ma famille, mais encore pour
vous être de quelque secours en cas de
nécessité. Et puis aussi, j'aurai
plus de loisir pour écrire ; et je
pourrai probablement servir la Cause ainsi plus
qu'en voyageant deci delà. »
André s'impatientait doucement, et
quand il put parler, il dit : -
« Pierre, te rappelles-tu le jour
où tu croyais avoir perdu la mère de
ta femme ?...
« Vois-tu cette place de sable,
là-bas ? C'est là que nous
débarquâmes après cette
pêche miraculeuse ; c'est là que
le Maître nous dit : -
« n'ayez aucune crainte, désormais
vous serez pêcheurs d'hommes. »
Pouvons-nous entrevoir le terme de ce
« désormais » ?
...
« Vois-tu le flanc de cette
montagne, là-bas ? C'est là que
le Maître donna à manger aux cinq
mille ; et je vois distinctement l'endroit
où se tenait ce jeune garçon quand je
lui demandai de sacrifier son déjeuner pour
que le Seigneur s'en servit. - Ne te rappelles-tu pas
ce regard de compassion
et
de désir intense dans les yeux du
Maître quand Il les laissait se promener sur
la foule et nous disait si doucement, mais avec une
telle ferveur, de prier pour que des ouvriers
soient lancés dans sa moisson ? Si
nous continuons à prier pour que d'autres se
lèvent, abandonnent tout et le suivent, en
pouvons-nous faire
moins ? »
Personne ne dit mot.
Les minutes s'écoulaient...
Jean, penché contre l'épaule
de Pierre, sentit sur sa main tomber une grosse
larme. Détournant la tête, il vit
Paul, la mâchoire équarrie, et dans
les yeux ce feu bien connu du vieux destrier. Il
dit alors : - « Eh bien, je crois
qu'il n'est plus besoin d'en parler.
Prions ! » ...
Et comme ils priaient, les choses des sens
et du temps s'effacèrent pour eux... une
légère brise fit frissonner les
arbres alentour, leur rappelant ce
« bruit comme d'un vent
impétueux » du jour de
Pentecôte, et la puissance merveilleuse avec
laquelle Pierre prêcha la Bonne Nouvelle ce
jour-là. Aussi leur semblait-il voir le
Maître Lui-même se tenant sur la berge
et l'entendre dire encore : -
« Avancez en pleine eau, et jetez vos
filets pour pêcher » - et -
« Ne craignez point !
désormais vous serez pêcheurs
d'hommes. »
(Extrait de
« jeunesse ».)
Le soir du 19 avril 1917, à Hasselt, en Belgique, un jeune père de famille, en prison depuis cinq mois, apprenait que son recours en grâce avait été rejeté, et qu'il serait fusillé le lendemain au petit matin. Il employa les dernières heures de sa vie à prendre congé des siens : de sa femme, de sa fillette (4 ans), de son frère. Voici sa lettre a son frère :
« Mon cher G...,
Ton grand frère vient te dire adieu, et
te souhaiter de devenir un homme, dans toute
l'acception du terme. Je ne suis pas un
vieillard ; mais au cours de ma vie, j'ai vu
beaucoup de choses et beaucoup de gens. Tu es
arrivé à un âge où le
jeune homme doit veiller à ce que les
trésors d'énergie et de bons
sentiments qui sont en lui puissent être
employés uniquement à faire ce qui
est bien, bon et beau.
Avant de mourir, je veux te donner un
conseil. « Tâche de rencontrer
Dieu ! »
Dieu est en nous, et nous sommes en Dieu.
Quand tu auras compris cela, tu comprendras bien
d'autres choses, et tu n'auras
Plus de haine pour personne. Relis attentivement
les Évangiles ; essaie de comprendre la
grande figure de Jésus. Et si tu as le
bonheur d'arriver par toi-même à cette
compréhension, conforme ta vie à
l'enseignement que tu y auras puisé. Et
alors... tu ne seras pas tenté de
goûter des plaisirs vulgaires, tu choisiras
des amis sérieux, tu conserveras un corps
pur et un esprit sain.
Tu restes seul maintenant avec nos chers
parents. Efforce-toi d'être le compagnon
agréable de leurs vieux jours. Sois bon
aussi avec ma pauvre M..., et continue à
aimer ta petite nièce, qui aime d'ailleurs
beaucoup son oncle.
Essaie, mon cher frère ; et si
tu réussis, tu béniras ma
mémoire durant toute ta vie, que je te
souhaite longue et heureuse.
Adieu, mon cher G... adieu!
Ton frère qui t'aime bien.
Que votre coeur ne se trouble pas !
Si vous m'aimez, gardez mes commandements.
Celui qui a mes commandements et qui les garde,
c'est celui qui m'aime. Et celui qui m'aime sera
aimé de mon Père, je l'aimerai et me
ferai connaître à lui ...
Je ne vous appelle plus serviteurs ... mais
je vous ai dit : mes amis, parce que tout ce
que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai
fait connaître. Ce n'est pas vous qui m'avez
choisi ; c'est moi qui vous ai choisis et vous
ai mis à votre place afin que vous alliez
porter du fruit, et que votre fruit demeure, et
afin que tout ce que vous demanderez au Père
en mon nom, il vous le donne. Ce que je vous
commande, c'est que vous vous aimiez les uns les
autres...
Vous me verrez, car je vis, et vous vivrez
aussi... Je vous reverrai, votre coeur se
réjouira, et nul ne vous ravira votre
joie !
... Père, je ne te prie pas de les ôter du monde mais de les préserver du mal !
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