Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE LONG DU CHEMIN

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Paroles de vie.

 Considère le chemin par où tu passes...
- Le sentier de la vie mène en-haut.
- Tu m'as fait connaître les sentiers de la vie. Tu me rempliras de joie par ta présence.
- Quand mon esprit est abattu au dedans de moi, tu connais mon sentier.



Jésus apparut à deux d'entre eux qui étaient en chemin...
Il s'approcha et fit route avec eux.



Soyez toujours joyeux dans le Seigneur. Je le répète soyez joyeux !
Que tout le monde connaisse votre douceur.
Le Seigneur est proche ; ne vous inquiétez de rien, mais, pour tout, priez ; priez en rendant grâces et en exposant vos besoins à Dieu ; et la paix de Dieu, qui surpasse toute compréhension, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.
Tout ce qui est vrai, tout ce qui est respectable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable ... doit être l'objet de vos pensées...
... Dieu sera avec vous !

Paul, Apôtre de Jésus-Christ



À ceux d'
hier ou d'avant-hier.

Chaque fois que s ' éparpille une nouvelle volée de catéchumènes, je pense à vous qui étiez là où ils en sont, il y a un an, deux ans, ou plus ; je songe aux émotions sincères qui remplissaient votre coeur, aux projets que vous aviez formés, aux résolutions que vous aviez prises ; et je vous cherche par la pensée et dans la prière partout où vous êtes aujourd'hui dispersés ; partout où vous ont emmenés votre apprentissage, vos études, vos plaisirs, les innombrables chemins de la vie.

Beaucoup d'entre vous sont restés fidèles ; ils se sont vaillamment unis à ceux qui, dans les Unions chrétiennes ou les jeunesses d'Eglise, luttent pour entretenir la vie, en eux et autour d'eux. Ils ont du moins tenu leur serment de suivre les cultes, d'ouvrir leur Bible, de prier. À ceux-là, je crie : « Bon courage ! Ne vous lassez pas de faire le bien ! Vous n'avez pas toujours été vainqueurs ? Moi non plus. Les prophètes non plus. Les apôtres non plus. Ne vous rendez pas, jamais ! Dieu tient en réserve pour vous la récompense royale qu'il donne à ceux qui se sont donnés. »

Mais je pense aussi, avec quelle mélancolie, à ceux d'entre vous (c'est le grand nombre, hélas 1) qui ont déjà oublié ; qui se sont laissé emporter vers l'incrédulité, vers la frivolité, et peut-être jusqu'à la débauche. Et je demande à Dieu que par la souffrance ou par la joie, vous puissiez retrouver les émotions perdues, reprendre les résolutions oubliées, sortir des chemins où l'on s'égare.

Si ces lignes viennent à tomber sous vos yeux, qu'elles soient pour vous un appel, une supplication miséricordieuse de Celui qui n'a jamais cessé de vous aimer, et de vous attendre.


 
La
course triomphale.

À Paris, aux jeux olympiques, il y eut cette fameuse course des 400 mètres, dont le Times disait que « C' était probablement la course la plus dramatique qui ait jamais été courue sur une arène ».

Figurez-vous ce spectacle : le signal du départ est donné. La troupe impatiente des concurrents s'élance, un chacun possédé d'un ardent désir de victoire. Mais l'indécision sur l'issue de la lutte cesse vite parmi les spectateurs des gradins. On voit en effet un bel athlète dépasser résolument ses camarades. La tête dressée, les cheveux au vent, les coudes au corps, la face grave, le regard au loin, le moteur des reins fonctionnant à plein rendement, il semble, en de superbes foulées sur la piste de sable fin, une flèche en plein vol qui va se planter dans le but.

Bientôt, les hauts parleurs annoncent à la foule qu'Eric Lyddell devient champion du monde, et qu'en 47 secondes et 3/5 il a battu tous les records précédents. Tout à l'heure, le télégraphe va lancer dans l'espace le nom, hier obscur, de cet étudiant en théologie venu d'Écosse, à qui ira demain l'admiration des jeunes hommes du monde entier. C'est la gloire ! Son temps de course fut tel que déjà l'on escompte sa facile victoire à la course des 100 mètres, le dimanche suivant.

Mais il y a surprise, et bientôt stupeur. Ce jeune homme auquel on parle d'un second triomphe, se récuse fermement. Il ne prendra point part à la course de dimanche, dit-il, parce qu'il est de ceux qui ont l'habitude de mettre à part ce jour-là pour obéir à la recommandation de l'apôtre : « Exerce-toi à la piété ; car l'exercice corporel est utile à peu de chose, mais la piété est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente, et de celle qui est à venir. » Très gravement, :Eric Lyddell déclare aux hommes qui l'entourent
« Messieurs, c'est une bonne chose, par le temps qui court, que d'avoir de fortes convictions ! »

Le dimanche suivant, Eric Lyddell, vainqueur de la course des 400 mètres, occupe la chaire de l'église protestante écossaise de Paris. Un nombreux auditoire de jeunes gymnastes, hommes et femmes, de tous les pays anglo-saxons, des journalistes parisiens, emplissent l'édifice. Ils sont attentifs et recueillis. Très sérieusement, très simplement, Lyddell développe sa pensée sur cette prière « 0 Dieu, ouvre mes yeux, afin que je puisse voir les choses merveilleuses qui sont écrites dans ta loi. » Il y a une autre course, plus nécessaire, plus essentielle que celle des athlètes dans le stade : c'est celle de la vie qui nous est donnée pour tendre à l'acquisition d'un noble caractère, et à la réalisation d'oeuvres bonnes. Il importe qu'un jour nous puissions « nous glorifier de n'avoir pas couru en vain, d'avoir combattu le bon combat, et d'avoir gardé la foi au Dieu de Jésus-Christ. » « Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade, courent tous, mais qu'un seul remporte le prix ; courez, de manière à le remporter ! »

Il y a donc encore des hommes au monde qui ont des principes, et qui jettent leurs couronnes au pied du trône du Roi des rois !

WILLIAM CUENDET.


 
Un
ennemi redoutable.

... Parlons des crimes de l'alcool. Nous employons à dessein ce mot un peu fort, en parlant des méfaits de la boisson, ne regrettant qu'une chose, c'est que la langue française n'en ait pas de plus cinglant à nous offrir pour les dénoncer et les flétrir.

On peut entendre, ici ou là, tel bon père de famille, chrétien calme et sage, habitué à déguster, sans troublé comme sans excès, son verre de vin ou même son petit verre de liqueur, déclarer avec quelque énervement que, décidément, « on abuse de l'antialcoolisme » et qu' « on ne parle plus que de tempérance ».

Nous répondons que ce qui abuse de la patience humaine, ce n'est pas la parole des « tempérants », mais les cris des ivrognes, l'audace de leurs pourvoyeurs et l'inertie des honnêtes gens. L'alcool ? il serait plus court de dire ce qu'il épargne que ce qu'il détruit. Quelle est la cause qu'il ne gâte pas ? Quel est le sentiment qu'il ne corrompe pas ? Le problème social, si poignant de nos jours, pourrait peut-être trouver une solution équitable ? Soyez assurés que, si elle se découvre, l'alcoolisme en compromettra les bienfaits.

D'avance, il fausse vos calculs ; d'avance, il brise votre effort, ô vous qui désirez affranchir le prolétariat ! En attendant d'obscurcir l'avenir, il souille le présent. Les choses les plus nobles et les plus saintes, il faut qu'il les dénature : l'allégresse des fêtes de famille ? il en fait une griserie grossière et brutale ; la douleur des afflictions ? il la noie dans un étourdissement qui l'avilit et la stérilise ; les nobles élans du patriotisme ? il en fait des prétextes à orgies honteuses ; le culte de la liberté ? il s'en sert pour forger ou river des chaînes.

C'est l'alcool, qui, dans le criminel, achève d'étouffer la conscience, de maîtriser la volonté, d'armer la main. il y a de l'alcool dans la flamme des incendies, dans la passion bestiale des impurs, dans la folie de certains votes, dans la sauvagerie des foules, dans le désespoir des suicidés ! Comme un refrain lugubre et monotone, ces quelques mots terminent le récit des actes qui font saigner ou pleurer « Il s'agit d'un alcoolique ! »

Suprême ironie et suprême injustice ! L'alcool est le seul criminel qui bénéficie de tous ses forfaits et pour qui la récidive soit un motif d'acquittement. Il profite également des circonstances les plus contradictoires : de l'inventaire et de la grève, de la guerre et de la paix, de la joie et de la tristesse, du baptême et de l'enterrement, du gain et de la perte ; et quand la foule a contemplé l'exécution de quelque malheureux que l'alcool a conduit à l'échafaud, le vrai coupable échappe et triomphe, car lorsque le peuple impressionné par ce spectacle se disperse, c'est encore pour aller boire !

PIERRE DIETERLEN.



Clair de lune à la caserne.

(Fragment d'un croquis paru dans les Cahiers protestants.)

... Vingt-trois hommes vont vivre, deux mois durant, dans la même chambrée, et passer ensemble toutes les heures de la journée. Pour la première fois, ce soir, le clairon vient de sonner l'extinction des feux.

Ah ! malheureux pioupiou, savais-tu quelle tempête tu allais déchaîner dans ces coeurs d'hommes quand tu t'es levé et que tu as crié, goguenard : « Camarades, nous allons faire la prière » ?

Joignant les mains, et levant les yeux au ciel par dérision, tu as osé, pioupiou, oui tu as osé dire le « Notre Père... », et, tordant cruellement chacune des paroles immortelles, tu les as noyées dans le blasphème et dans l'obscénité.
Rires jaunes...

Et toi, que penses-tu dans ton coin, imberbe candidat, théologien de rien, que penses-tu dans ton coin ? Vas-tu protester, t'afficher comme ça, « sortir le bon Dieu » dès le premier soir ? Tu n'y songes pas ! Ces affaires-là se règlent d'homme à homme, pas vrai ? Comme c'est tentant parfois... le silence ?

Mais une Force, tout à coup, t'a dressé sur ton lit, et (tu ne sais plus ce que tu as dit) tu as parlé comme un fils ému parle de son père qu'on vient d'insulter. Tu as fais là (ô quelle chaire ! ô quelle robe !), tu as jeté là, comme un volcan sa lave, le seul sermon vraiment éloquent que tu fis jamais.

... Silence absolu, silence plein de secrètes méditations. « Ils rentrèrent en eux-mêmes ». Une mouche eût fait un bruit d'ouragan. Dix minutes de gêne profonde avant que Deville, le catholique valaisan, ne murmure : « C'est vrai, ça ! », avant que Denis, le loustic, ne hasarde, d'une voix timide encore:
« M'sieu, on peut tousser ? »...

Soudain, comme nageant dans le lait bleuté que la lune, badigeonnant tout, répand par les trop hautes fenêtres, un spectre blanc traverse la chambrée et vient s'asseoir au bord du lit :

- Tu sais, j'suis pas plus mauvais qu'un autre

- C'est possible, mais alors pourquoi blesser profondément plusieurs camarades, pourquoi offenser Dieu ?
- Écoute quand même. J'ai été aussi à l'école du dimanche... moi. Tiens, je vais te chanter tout doucement un cantique. Je connais les trois versets...

« Une nacelle en silence voguait sur un lac d'azur ...
de sa brebis en détresse il est toujours le berger. »

Une poignée de mains dans la nuit. On se reverra demain.

Les heures passent... Sur la longue table nue, la cruche à eau, figure de solitude, allonge son ombre ridicule et démesurée. En ligne régulière, rangés deux à deux comme à l'appel tout le long des lits, les. gros souliers à clous, les « godillots » béants semblent bâiller leur fatigue de routiers et leur indicible ennui... Déjà ronflent les copains endormis... Dis, pastoureau sans sommeil, pourquoi ce voile humide entre tes yeux grands ouverts et ce plafond blafard ?

Petit pioupiou, soldat d'un sou, qu'es-tu devenu dans la vie ?

WILL. C.


 
Aux jeunes
filles,
mais les jeunes hommes peuvent lire aussi.

Promettez-moi, chaque fois que vous choisirez une toilette, de vous adresser cette question : « Qu'est-ce que je me propose, en m'ornant ainsi ? » Si la réponse est : « je me propose d'étonner les gens » ou bien : « je me propose d'être mieux que Louise, Lucie, Jeanne, etc... » ou encore : « je désire qu'on me croie riche... » - repoussez hardiment la tentation : c'est de la mauvaise coquetterie.

Ce sera de la bonne coquetterie si vous pouvez loyalement vous répondre à vous-même : « Je veux profiter autant que possible de mes avantages naturels pour être un objet agréable à tous les yeux, et surtout aux yeux que j'aime. Je veux en outre que mon extérieur renseigne le mieux possible ceux qui me verront sur mon âge, mes goûts, ma condition, afin que, si l'on vient à m'aimer, ce soit moi que l'on aime et non pas un personnage travesti. »

MARCEL PRÉVOST.



Instituts de beauté.

Un journal de Suisse romande annonçait un jour une nouvelle sensationnelle : On venait de créer dans une de nos villes, un Institut de beauté. Eh oui ! un institut où l'on fabriquait la beauté, où l'on réparait, par un traitement approprié, ce que la nature avait mal réussi. On vouait un soin tout spécial aux yeux. Il suffit, paraît-il, de quelques séances, pour obtenir « un regard candide, hautain, limpide, ou per vers ». Et quand on songe à l'importance du résultat, le traitement ne coûte pas cher : de 35 à 500 francs!
C'est pour rien !

Évidemment, les femmes qui fréquentent ces institutions-là ne s'en vantent pas. Mais à voir toutes celles qui se pavanent dans nos rues en lissant leurs plumes et en faisant la roue, à lire toutes les annonces d'élixirs, de pommades et de pilules qui doivent faire « infailliblement » disparaître les difformités de toute sorte, on peut supposer que les instituts de beauté ont de nombreux élèves, et des élèves singulièrement appliquées.

Ça fait sourire, mais au fond, c'est triste. C'est l'indice d'une époque malade ! Malheur au pays où des habitudes et des ambitions pareilles deviendraient générales.




Nos Églises, nos Unions sont aussi des instituts de beauté, mais de beauté intérieure. On n'y cultive pas le teint mat, les cheveux ondulés, les yeux candides ou pervers, on y cultive « l'être caché du coeur, la parure impérissable d'un esprit doux et paisible ».

Là aussi, il faut un traitement pour faire disparaître les difformités : celle d'un caractère acariâtre ou boudeur, ou dissimulé, ou violent, ou sensuel. C'est un traitement de longue durée, mais qui vaut certes la peine d'être entrepris. L 'essayer, c'est l'adopter.

S'il en est qui s'intéressent aux programmes de ces institutions-là, nous pouvons leur en indiquer les lignes générales. Le remède ? « La divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la foi et à la piété. » Les conditions exigées des élèves ? « Faites tous vos efforts ! » Les résultats de la cure ? On s'embellit « de vertu, de science, de patience, d'amour fraternel, de charité ».



Travaille.

De mon temps, tout le monde chantait. Nous avons connu des ouvriers qui, le matin, ne pensaient qu'à travailler. Ils se levaient le matin (et à quelle heure !) et ils chantaient à l'idée de travailler. À onze heures, ils chantaient en allant à la soupe.

Travailler était leur joie même, et la raison de leur être. Il y avait un honneur incroyable du travail, le plus beau de tous les honneurs ! ...

J'ai vu toute mon enfance rempailler des chaises (c'était le métier de sa mère), exactement du même esprit, du même coeur et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales... Il fallait qu'un bâton de chaise fût bien fait. C'était entendu. Il ne fallait pas qu'il fût bien fait moyennant le salaire. il ne fallait pas qu'il fût bien fait pour le patron, ni pour les connaisseurs, ni pour les clients du patron. Il fallait qu'il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même.

Une tradition venue du plus profond de la race, un honneur, voulait que ce bâton de chaise fût bien fait. Toute partie, dans la chaise, qui ne se voyait pas, était exactement aussi parfaitement faite que ce qui se voyait. C'est le principe même des cathédrales...

C'était un beau sport continuel, qui était de toutes les heures, dont la vie même était pénétrée, tissée.
... Un dégoût sans fond pour l'ouvrage mal fait ! Un mépris, plus que de grand seigneur, pour celui qui eût mal travaillé. Mais l'idée ne leur en venait pas...
Ils disaient en riant que travailler, c'est prier ; et ils ne croyaient pas si bien dire !... Tout leur travail était une prière, et l'atelier un oratoire...

- Ils avaient un respect de l'outil, et de la main, ce suprême outil. L'idée qu'on aurait pu abîmer des outils exprès ne leur eût pas même semblé le dernier des sacrilèges. Elle ne leur eût pas même semblé la pire des folies. Elle ne leur eût pas même semblé monstrueuse. Elle leur eût semblé la supposition la plus extravagante. C'eût été comme si on leur eût parlé de se couper la main.

L'outil n'était qu'une main plus longue, ou plus dure ; une main qu'on s'était faite exprès pour ceci ou pour cela.
On vivait de rien. On était heureux.

(Fragment.)

CHARLES PÉGUY.



Ennuyeuses besognes.

On entendit une jeune femme qui se plaignait en ces termes :
« La vie est méchante et stupide ! Voyez à quoi je dois vouer mon temps : j'ai cousu, tricoté, brodé. Les jours ont passé. Je dois recoudre, retricoter, raccommoder. Mes yeux sont rouges et mes doigts fatigués.
J'ai ôté la poussière et enlevé les toiles d'araignée. La poussière est aussitôt revenue et les fileuses ont tissé de nouvelles toiles.
Le linge que j'ai lavé, blanchi et repassé, le voilà couvert de taches et mordu par l'usure.
Chaque jour le déjeuner doit être prêt à l'aube, la table mise, la vaisselle lavée et la tâche matinale est à peine achevée qu'il faut songer au repas de midi. J'y sers des mets qu'on mange sans se douter de la peine qu'ils ont coûté. Il en est de même des repas du soir.

En vérité, la vie est sans éclat et sans charme, usante et terre à terre.
Elle s'acharne à détruire tout ce que je fais. Y a-t-il un sens à ces monotones et multiples devoirs qui s'appellent et se répètent sans trêve ni repos ? »



Amuse-toi !

Mais n'oublie pas :
Que les plaisirs les plus coûteux sont rarement les plus lourds de joie ; qu'on peut se donner à peu de frais de vraies fêtes.

Que tout plaisir prolongé outre mesure est vicié. Les meilleures choses doivent avoir leur limite. On a dit : « Si les paresseux savaient ce qu'éprouve le travailleur en se reposant, ils s'empresseraient de travailler. Des années de fainéantise et de plaisir ne valent pas une heure de repos des vrais travailleurs. »

Que tout plaisir qui fait du tort à un autre ne peut-être que mauvais : « Oh ! si seulement il n'y avait point de dimanche ! » soupirait une maman. Faut-il être inconscient pour faire de ce beau jour une occasion de déroute, et de souffrance pour d'autres !

Que les plus grands plaisirs ont toujours été, non pas ceux que nous avons eus, mais ceux que nous avons donnés ; que faire un beau jour à quelqu'un nous a toujours donné plus de satisfaction que de se faire à soi un beau jour : « On n'est heureux que dans la mesure où l'on rend heureux ! »

Quelle source pour qui veut vraiment s'amuser !


 
Où irons-nous
dimanche ?

Une voix dans mon coeur s'éveille
Pour me dire dès le matin
Cherche ton Sauveur de la veille,
C'est ton Sauveur du lendemain.
Me voici, cherchant ta présence
À l'instant où renaît le jour,
Heureux de sentir l'existence
Et de retrouver ton amour.

Les cloches appellent, cloches de nos vieux temples ou cloches des petites églises de campagne. Ces cloches disent : « Tu as des soucis, des chagrins, des désirs, des ambitions ; tu voudrais supprimer les uns, réaliser les autres. Vois-tu, rien ne peut se faire de bon sans le secours de Dieu. Tout au fond de toi, ton âme a soif du Dieu vivant, ne la tiens pas à l'écart de la source. »

La table de famille attend : le couvert est mis pour tous. Il y a déjà, hélas, des places vides. Qu'au moins toutes celles qui peuvent être occupées le soient. Que le moins possible il faille que ceux qui restent au foyer se mettent à table sans toi, qui es à ton plaisir personnel. Sais-tu la somme de beaux souvenirs que représente ce mot : être en famille, le dimanche, tous ensemble, tant qu'on peut rester ensemble ?

Ce dimanche, dont tu pensais que ce serait une longue journée monotone, parce que tu n'avais rien projeté de spécial ; ce dimanche commencé au temple et terminé au foyer, comme il a passé vite ! Comme il a été beau, même par la pluie !
Car le bonheur vient du dedans, et d'en-haut.



Repose-toi !

Au début du mois de juin 1918, je me trouvais en plein travail par une de ces après-midi accablantes qui font de la Champagne une fournaise blanche, un désert étincelant. Les blessés étaient nombreux et la plupart privés de soins depuis plusieurs jours. La baraque qui servait de salle d'opération était surchauffée ; notre besogne était pleine de tristesse ; le démon de la guerre nous tenait sous son genou.

Nous nous sentions accablés, irrités, débordés par les réalités immédiates. Entre deux blessés, comme je savonnais mes gants, je vis mon jeune camarade qui regardait au loin, par la lucarne, et son regard était soudain baigné de calme et de paix.
- Que contemplez-vous ? lui dis-je.
- Oh ! rien, fit-il, mais je me repose avec cette petite touffe de verdure qu'il y a là-bas : elle me rafraîchit bien !

GEORGES DUHAMEL.



Propriétaires.

Ce coin de lac, ce pan de montagne, cette terre qui les sépare ou qui les réunit, à qui sont-ils ? Qui les possède ?
L'eau du lac ? Personne. Les couleurs que le soleil y broie ? Personne. La lumière qui les baigne ? Personne encore.
Mais encore, à qui tout cela appartient-il ?
À cette malade, qui le voit de son lit, par-dessus toits et cheminées ; et par-dessus ce paysage, le ciel, les nues, les rayons, les étoiles, les rideaux obscurs et pesants des averses, qui se traînent au long de ce mur derrière lequel se perd le soleil quand il est fatigué d'éclairer ce coin de pays.

À qui ces rayons et ces lignes, ces teintes et ces nuances ?
À tous ceux qui, comme cette malade, les conquièrent par le regard des yeux et de l'âme, mettent en eux ces visions, peuplent leur monde intérieur.
Ils seront éternellement pauvres et dépouillés, ceux qui n'ont de terre et de bien qu'au cadastre...

Qui possède ? Ceux qui regardent, qui jouissent des beautés du monde comme d'une propriété indivise, inépuisablement riche, éphémère et destructible, mais toute chargée de promesses éternelles.
Amassez-vous des trésors...

L. -S. P.

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