La pensée de l'humanité fait
battre mon coeur.
Des millions et des millions de
créatures humaines achèvent leur
journée de travail sous les rougeoiements
d'un ciel crépusculaire, alors que je
commence la mienne sous les lueurs nacrées
de l'aurore.
Tandis que je dormais, des
foules
ont peiné pour moi ; elles ont
récolté le coton qui me vêtira,
extrait la houille qui me chauffera,
embarqué les aliments qui me
nourriront ; et, plus près de moi, sous
les étoiles muettes, pendant que je
reposais, les boulangers ont pétri mon pain,
les imprimeurs ont composé mon journal, les
mécaniciens ont guidé les locomotives
haletantes qui m'apportaient mes
lettres.
Mon imagination parcourt les
terres
et les mers, et partout elle rencontre l'être
humain, partout identique à lui-même
sous les déguisements les plus
variés, partout marqué du sceau de la
raison, illuminé par l'austère clarté
de la conscience incorruptible, partout triste et
déchu, et affamé de
bonheur.
Mes entrailles s'émeuvent
pour ma race. Par un acte intérieur je
m'unis délibérément à
elle, je refuse de séparer mes
destinées des siennes : Je prends
volontairement ma place dans la mouvante
caravane.
(Silence et prière.)
WILFRED MONOD.
Il y a au fond de toute âme
chrétienne un quadruple espoir :
l'espérance morale : devenir meilleur,
Excelsior, toujours plus haut, jusqu'à la
perfection. À travers toutes ses luttes et
toutes ses chutes, le chrétien espère
atteindre ce but. Quand y parviendra-t-il ?
Ici-bas ou là-haut ? Qu'importe, il
arrivera en tous cas plus haut que ceux qui se
contentent de leur médiocrité.
L'espérance missionnaire :
« Tout genou fléchira devant
lui » ; un jour le monde entier
acclamera son Sauveur ; le chrétien ne
se résigne pas tant que l'Évangile du
Christ n'aura pas pénétré
partout.
L'espérance sociale : demain
doit être meilleur qu'aujourd'hui, plus
juste, plus pur, plus aimant. Un jour les hommes
apprendront à s'aimer et à organiser
le monde dans l'amour. Ceux-là seuls qui ne
travaillent pas à cette sainte besogne n'y
croient pas.
L'espérance céleste :
malgré tout, la terre ne peut nous suffire
parce que la mort est là, mais nous savons
où nous allons, et quand nous rendons
à la terre ce qui fut le sourire de notre
vie, « nous ne pleurons pas comme ceux
qui sont sans espérance », mais
nous marchons les yeux levés vers les
collines éternelles où
déjà rayonnent les lueurs de l'aube
et résonnent les chants de bienvenue. Un
jour, bientôt, car la vie est courte, nos
espérances seront
réalisées.
Comment ? C'est le secret de Dieu.
Notre tâche à nous est d'être
fidèles. La nouvelle Jérusalem
descend du ciel. Dieu aura le dernier mot, l'amour
vaincra. C'est notre étoile dans la nuit. La
victoire ne viendra pas de la terre, mais du ciel.
Elle viendra en réponse aux prières
et à la fidélité des croyants.
Nous avons trop cru que c'était à
nous d'établir le royaume. « Notre
affaire ici-bas n'est pas de réussir, mais
de continuer à échouer avec
entrain ». C'est Dieu qui
réussira.
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