- Lorsque la chair gouverne, et que l'instinct rebelle
- Donne à la volupté le sceptre de l'amour,
- L'âme, vers les bas-fonds entraînée à son tour,
- Y roule avec la chair et s'y flétrit comme elle.
- Mais quand l'âme est maîtresse, et d'un coup de son aile
- Loin des brouillards épais monte jusqu'au grand jour,
- Elle ennoblit tout l'être, en son royal séjour,
- Et prête au corps lui-même une beauté nouvelle.
- Sois fort, sois fier, sois homme, et, sans la devancer
- Attends l'heure sacrée où tu pourras presser
- Sur ton sein resté vierge une chaste compagne
- Et l'étoile du soir, blanche au bord du ciel bleu,
- Vous renverra l'écho de la sainte montagne :
- « Heureux sont les coeurs purs, parce qu'ils verront Dieu. »
J'étais à la fenêtre de ma
maison. Je remarquai parmi les jeunes gens, un
garçon dépourvu de sens. Il se
dirigeait lentement du côté de sa
demeure. C'était au
crépuscule...
Et voici, il fut abordé par une
femme, ayant la mise d'une prostituée, et la
ruse dans le coeur. Elle était bruyante et
rétive. Tantôt dans la rue,
tantôt sur les places, elle était aux
aguets.
Elle le saisit et l'embrassa, et d'un air
effronté lui dit : Je suis sortie
au-devant de toi pour te chercher, et je t'ai
trouvé ! Viens ! Enivrons-nous
d'amour jusqu'au matin l Livrons-nous joyeusement
à la volupté !
Elle le séduisit à force de
paroles. Elle l'entraîna par ses
lèvres doucereuses. Il se mit
tout-à-coup à la suivre, comme le
boeuf qui va à la boucherie, comme un fou
qu'on lie pour le châtier, comme l'oiseau qui
se précipite dans le filet, sans savoir que
c'est au prix de sa vie.
Une araignée vivant sous l'eau,
l'argyronète, se tisse, au sein des eaux
troubles, une délicate cloche de soie
où elle emmagasine l'oxygène qu'elle
va chercher à la surface, et qu'elle
rapporte en bulles. Sous sa coupole d'argent, elle
n'a rien à redouter des miasmes
corrupteurs.
À son image, faites-vous, jeunes
gens, une haute demeure de pensées nobles et
de rêves généreux ; en cet
abri idéal, vous ne risquerez rien des
contacts ignominieux.
Responsables.
Je demanderai aux jeunes filles d'estimer plus
noblement le merveilleux pouvoir d'exaltation
qu'elles ont sur le jeune homme. Il faudrait
qu'elles connussent mieux les luttes intimes,
héroïques souvent, des jeunes gens qui
essayent de se respecter.
Plus d'une jeune fille est responsable de la
chute d'un jeune homme, par l'audace des toilettes
et des attitudes, et par ce jeu cruel et pervers du
flirt, triste comédie de l'amour.
Savent-elles l'effet ravageur de leurs
enveloppements, et quelle flamme elles allument,
dans une chair jusque-là
paisible ?
Elles perdent leur peine au surplus, car si
l'homme peut se laisser tenter un instant par le
jeu, il ne choisira jamais sa compagne parmi les
souples sirènes. Un sûr instinct
l'avertit que l'amour est ailleurs.
A. WAUTIER D'AYGALLIERS.
Pourquoi l'amour, dans tous les êtres,
s'enveloppe-t-il d'harmonie et de
beauté ? Dites-le nous, ô lis des
champs, plus magnifiquement vêtus que Salomon
dans sa gloire ; et vous, papillons aux ailes
de soie, qui de vos obscures prisons, pour l'heure
trop brève des noces, venez de sortir,
pareils à des fleurs ailées ; et
vous encore, muets si longtemps, oiseaux chanteurs
que pour une saison l'amour a faits poètes.
Dites nous quel principe il y a
en lui qui soulève la création vers
je ne sais quel mystérieux
idéal !
Toi-même, jeune homme, qui viens
d'échanger les premiers aveux et qui t'en
vas par les chemins de la verte campagne,
l'âme inondée d'une joie divine,
est-ce que tu ne te sens pas transporté
au-dessus de toi-même, capable de toutes les
généreuses folies, à la
hauteur de tous les
héroïsmes ?
N'est-ce pas que tu donnerais ton sang, ta
vie, ton bonheur même, non pour celle que tu
aimes seulement, mais pour n'importe quelle noble
cause ? Oui, tu le ferais, dans ton exaltation
première, pour être digne de celle que
tu aimes, pour être digne de l'amour que tu
portes en toi.
Car tu le sens bien, que l'amour veut une
humanité meilleure !
HENRI WARNERY.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |