Les beaux soirs d'été, on voit
apparaître d'abord une étoile, puis
deux, puis dix, et à mesure que l'ombre
s'étend, des milliers ; de grandes
étoiles qui brillent comme des soleils, et
de toutes petites qu'on ne découvre
qu'après avoir longtemps fixé un
point obscur.
Ainsi, en regardant mes années
écoulées, et mes relations avec
l'Eglise, j'ai compris que des points lumineux
s'étaient levés, les uns très
brillants, les autres plus modestes, mais tous
ayant attiré mes regards
Là-haut.
Première étoile. 1920. La
mort venait de passer dans notre maison ; je
me rendais à une rencontre de
jeunesse ; et pour la première fois, ce
n'était pas avant tout pour les jeux.
Le travail est présenté
par un jeune. Il dit son rêve d'aller
à ceux qui ne songent pas à
Jésus-Christ, ou qui ne le connaissent pas
assez pour l'aimer...
Perdue dans l'auditoire je suis avec une
amie... Je ne comprends pas encore que cette joie
qui m'inonde, vient de ce qu'un écho de la
voix divine a pénétré dans mon
âme par cette voix humaine, et a
réveillé cette soif de pureté,
de vérité et d'amour qui est dans
toutes les âmes.
... Seulement, moi, je ne suis
rien ; je ne puis rien !
Deuxième étoile. 1921. - Je ne
suis toujours rien, mais je fais quelque chose. On
a bien voulu m'utiliser ; on m'a
demandé de dactylographier des feuillets. Ce
n'est pas grand'chose : mais c'est quelque
chose pour la cause du Christ, que
j'aime...
On nous a parlé du passé
de l'Eglise. Un souffle d'héroïsme
passe, devant le défilé de ces
disparus qui ont souffert pour leur foi. Je me
donne de tout mon coeur à l'Eglise que ces
hommes ont voulue.
Un autre nous parle de l'avenir de notre
Église. Il nous dit la vision qu'il a devant
les yeux : une Église vivante, une
Église charitable, une Église
rayonnante.
J'écoute avidement. Cette
Église-là, elle m'appelle...
De retour à la maison, je suis
accablée, Jésus a passé tout
près ; mais il n'est plus là.
Pourtant, une ambition est née en moi.
Troisième étoile. - Plus
tard. Une rencontre. Je me suis mise au travail. Je
lis ma Bible. L'Eglise ne sera plus entravée
par mon inertie.
C'est grâce à une jeune
fille. Elle ne parle pas beaucoup. Ce qu'elle dit
est simple, clair... Lorsqu'on est auprès
d'elle, on trouve la vie plus belle ; Plus
digne d'être vécue ; on aspire
à plus d'harmonie en soi.
Elle est venue à moi lors d'une
rencontre de montagne où je ne connaissais
personne. Nous avons vécu une journée
ensemble. J'ai senti qu'elle avait trouvé ce
que je cherchais. J'ai senti qu'elle était
quelqu'un à qui Jésus parlait, et qui
parlait à Jésus.
En descendant à côté
d'elle, silencieusement, devant les sommets sombres
qui se détachaient sur le sol orangé,
j'ai ardemment désiré lui ressembler.
Dans le ciel sombre, les
étoiles
reflètent la lumière du soleil
invisible. Elles rassurent. Elles ont des regards
amis. Il semble, quand on les contemple, que
l'âme se libère, qu'elle va retrouver
sa patrie.
J'ai rencontré dans l'Eglise des
jeunes et des aînés, qui
reflétaient Jésus invisible, qui
m'ont entourée et aimée, qui m'ont
donné la nostalgie du vrai et des
réalités profondes.
À l'aube, les étoiles
s'effacent. Voici dans toute sa splendeur, le
soleil-roi qui donne la vie. Quand Jésus
m'est apparu, ceux qui le reflétaient pour
moi se sont effacés devant Lui.
C'est à cause de mon
Église qu'il m'est apparu.
C'est pour cela que j'aime mon
Église.
Mon cher ami,
Tu sais que nous sommes de vieux camarades. Nous
avons passé l'école ensemble. Nous
nous sommes toujours dit franchement la
vérité ; et depuis notre
discussion d'avant-hier sur la religion, je me suis
dit que je devais t'écrire.
Tu m'as dit que tu n'allais pas à
l'église ; mais les raisons que tu m'as
données pour te justifier ont de la peine
à m'entrer dans la tête.
D'abord, tu dis que « le culte
qui te fait plaisir, c'est de faire un tour le
dimanche, et d'entendre de loin le son des
cloches ». Bon ! moi aussi, j'aime
la nature et les cloches. Mais mon coeur, ma
conscience et ma raison ont pourtant besoin de
quelque chose de plus. Nous avons besoin
d'instruction, d'avertissement, de consolation. Que
penseras-tu, Jean-Louis, quand tu seras malade, ou
à ton lit de mort (et ça ne veut pas
te manquer), que penseras-tu lorsque, ayant besoin
d'une parole d'amour
et
d'espérance, ta Jeannette te dira :
« Jean-Louis, faut-il faire sonner les
cloches ? »
Tu me dis : « Je fais mon
culte pour moi seul. » Tant mieux,
Jean-Louis. Tout de même j'en doute un petit
brin. Si tu avais ton culte particulier, tu
aimerais aussi le culte public.
Rien ne saurait remplacer de beaux chants,
un bon sermon, et des prières en commun.
Quoi qu'on en dise, nous avons besoin qu'on nous
explique la Bible, et qu'on vienne réveiller
notre conscience.
« Mais je sais déjà
ce que le ministre me dira ; je sais ce qui
est bien, et je connais ce qui est mal. »
- Oui, Jean-Louis, mais le fais-tu ? N'as-tu
pas besoin, comme moi, d'être affermi dans le
bien, fortifié contre le mal, les mauvaises
pensées, le découragement, la
jalousie ?
« Je m'ennuie à
l'église. » Eh bien, je t'accorde,
Jean-Louis, que notre culte est trop souvent sec et
froid. Mais, au lieu de le déserter, nous
devrions tous nous entendre pour qu'il soit moins
monotone et plus vivant. Je crois que si tu veux
prendre part au culte, tel que tu nous l'avoues,
avec de bonnes dispositions, tu en retireras
bonheur et profit. Commence par ne pas être
ennuyé toi-même, et le service divin
ne te paraîtra pas ennuyeux.
« Mais je ne vois pas que ceux qui
vont à l'église vaillent beaucoup
mieux que les autres ! » - En es-tu
bien sûr ? Dieu seul peut le dire. En
tous cas, ceux qui ne mettent jamais les pieds dans
les églises ne sont pas
précisément nos meilleurs
pères de famille, et nos fils les plus
braves ! En définitive, où
va-t-on chercher les gens disposés à
se dévouer ? Où les trouve-t-on,
si ce n'est surtout chez les chrétiens. il y
aura toujours des hypocrites partout ; mais ce
n'est pas ceux-là qu'il faut imiter.
« Je n'ai pas le temps d'aller
à l'église. » Allons
donc ! C'est que tu ne veux pas le prendre. Si
on te disait : « Jean-Louis, il y a
à ramasser tous les dimanches, de dix
à onze heures du matin, dans le temple de la
paroisse, cinquante francs qui sont cachés
sous les bancs », tu trouverais bien le
temps pour y aller ! Crois-moi, pour trouver
le temps nécessaire, fais commencer ton
dimanche déjà la veille.
« J'ai des doutes sur la religion,
et je ne veux pas faire l'hypocrite. »
Que tu aies des doutes, je l'admets. Les meilleurs
croyants ont eu les leurs. Mais
préoccupe-toi de l'essentiel ; de ce
que Dieu demande de toi, de tes propres
péchés, de ton propre salut. Et puis,
justement, si tu souffres de tes doutes, ne reste
pas seul. Ta foi s'affermira !
Pour ces raisons, Jean-Louis, et pour
beaucoup d'autres que je n'ai
pas le temps de t'écrire, j'espère
que dorénavant nous aurons souvent
l'occasion de nous serrer la main au sortir de
l'église. Tu te feras plaisir à
toi-même, et tu en feras à celui qui
t'écrit ces lignes. À dimanche
prochain ! Ton vieux camarade,
ALFRED CÉRÉSOLE.
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