Réponse : C'est un livre
trop
simplet, pas assez moderne, bon pour les vieillards
et les enfants !
D'accord. Puisque les vieillards et les
enfants sont aussi appelés à lire ce
livre, il est naturel qu'il renferme des choses
simples et des récits enfantins. Crois-tu
peut-être avoir fait beaucoup de
progrès depuis que tu ne prends plus plaisir
à ces pages, depuis que tu es un
homme ? Tu étais plus naïf,
autrefois, les récits étonnants, tu
les acceptais sans effort. Mais tu étais
plus vrai aussi, plus pur, plus gentil, plus
heureux. Les paroles si simples du livre, tu les
prenais pour loi et tu avais raison. Si tu essayais
de redevenir un peu enfant et de relire ta
Bible ! Car, on a beau être un homme, on
n'en est pas moins un être fragile,
exposé à la mort, et aux tentations.
Crois-moi, beaucoup d'hommes forts ont
été heureux aux jours de
tempête de chercher leur
secours dans la simplicité de la
Bible.
Et puis, si tu veux des choses profondes
et compliquées, crois-tu qu'elles y
manquent ? Tu trouveras dans la Bible des
pages de la plus haute philosophie, des peintures
de moeurs saisissantes, des inspirations
poétiques que rien n'a
dépassé. Beaucoup d'hommes, de
très savants, se sont penchés sur
cette source. Luther, un des hommes les plus
instruits de son siècle, a consacré
des années de sa vie à traduire la
Bible. Lorsque Walter Scott mourut, lui qui avait
tant écrit de livres, il demanda
« le livre ». Ce n'était
pas un des siens, c'était la Bible. Le
ministre anglais Gladstone écrivait :
« Tout ce que je pense, tout ce que
j'écris, repose sur la foi en
Jésus-Christ, seul espoir de notre race
déchue. »
Le grand journaliste et explorateur
Stanley, à la recherche de Livingstone, a
écrit ces lignes : « J'avais
emporté ma Bible, et un grand nombre de
journaux... La solitude m'a
révélé bien des choses ;
elle m'a fait voir les journaux sous un jour tout
nouveau. J'y trouvais des questions traitées
d'une façon qui me semblait misérable
au sein de la nature sauvage. Par contre, je
continuais à lire ma Bible... Dans le
silence du désert, les versets prenaient une
signification tout autre et il s'en
dégageait une plus pénétrante
influence... Retiré solitaire dans ma tente, mon
esprit travaillait et rien ne me soutenait, ne
m'apaisait mieux que le souvenir des consolations
et de l'appui si longtemps négligé...
Je me sentais de nouveau inspiré par le
désir de servir Dieu. »
Ces hommes, ils furent des grands. Ils
n'ont pas trouvé la Bible trop enfantine
pour eux.
Autre réponse : C'est un
livre trop compliqué, plein de récits
incompréhensibles et de choses
obscures !
D'accord. Certains récits
miraculeux, certaines pages de saint Paul, certains
chapitres de l'Ancien Testament nous
dépassent, et peut-être nous choquent.
Crois-tu que c'est là toute la Bible ?
Est-ce que les paraboles de Jésus, est-ce
que le récit de ses souffrances et de sa
mort sont difficiles à comprendre, ou
choquants pour ton intelligence et ta
conscience ? Lis-les, et laisse le reste. J'ai
connu un jeune homme qui ne lisait de la Bible
qu'un seul verset : « Père,
pardonne-leur... » Son père
l'avait chassé de chez lui dans une heure
d'ivresse, et le pauvre garçon ne parvenait
pas à pardonner. Il sentait qu'il ne pouvait
pas aller plus loin dans la lecture du livre avant
d'avoir surmonté ce passage. Il y parvint.
Donc, lis ce que tu comprends, et pratique ce que
tu lis. Ne t'inquiète pas de la suite.
Tu as sûrement eu entre les mains
un guide Baedeker. Je n'ai pas besoin de
t'expliquer ce que c'est. On y trouve toutes les
indications nécessaires pour voyager dans
tous les pays. Rien de plus utile pour un voyageur.
Mais qui trouverait agréable la lecture d'un
tel livre dans son bureau, en guise de roman ?
À quoi bon tant d'explications sur les
trains et les hôtels, puisqu'on n'a pas
l'intention de se mettre en route ? Quoi de
plus agaçant que d'entendre vanter des
paysages que l'on ne verra pas et des villes qu'on
ne visitera jamais !
La Bible est un guide. Elle veut nous
conduire quelque part, elle nous vante les
beautés du royaume de Dieu, nous en montre
le chemin, nous invite à nous mettre en
voyage. Quoi de plus simple et de plus utile ?
Si après cela, nous lisons, sans essayer de
nous mettre en route pour le pays divin, quoi
d'étonnant si le guide vous semble, ou trop
enfantin, ou trop compliqué ? Prenons
le chemin, allons à Dieu, et on n'aura plus
besoin de nous vanter la Bible. Elle sera pour nous
aussi « le livre ».
Ma bien chère Marie,
J'ai mené une vie si aventureuse depuis
que je ne t'ai vue, qu'à peine si je me
reconnais moi-même quand j'y pense. Ce n'est
pourtant pas de cela que je veux te parler. Depuis
mon départ, une autre histoire s'est
passée dans l'intérieur de mon
âme, et c'est celle-là que je voudrais
essayer de te faire comprendre.
Il me semble qu'à partir de
l'après-midi où nous avons
causé ensemble, je me suis senti un autre
homme. Je me dis : « Cette vie
intérieure découle certainement de
quelque source secrète. » Et je
savais que de façon ou d'autre elle se
rattachait à la Bible que tu m'as
donnée, en sorte que je résolus de la
lire attentivement pour voir ce que je pourrais en
tirer.
Je commençai par le commencement,
qui me parut quelque chose d'étrange et d'un
peu fragmentaire, et cependant j'y trouvais maint
endroit allant droit au coeur d'un homme comme moi,
qui avais affaire à la vie. Un passage
surtout me frappa, celui où Jacob, quittant
sa famille pour aller chercher fortune dans une
terre étrangère, s'endormait dans un
champ solitaire avec une pierre pour oreiller. Cela
me semble une fidèle image
de ce qui arrive à tout jeune homme quittant
la maison paternelle pour se tirer seul d'affaire
dans ce monde si rude. Jacob était
là, tout aussi isolé que moi sur le
pont de mon vaisseau, et dormant sur cet oreiller
de pierre. Il vit dans son sommeil une
échelle entre le ciel et lui. Il comprit
qu'un chemin existait entre lui et Dieu.
« Le lendemain il se leva, et marquant
l'endroit avec la pierre, il fit ce voeu :
« Si Dieu demeure avec moi... le Seigneur
sera mon Dieu. »
C'était donc quelque chose qui
m'apparaissait comme une fondation tangible pour
commencer. Je me dis intérieurement :
« C'est là la grande
épreuve, et je veux en essayer. »
Je pris dans mon coeur la même
résolution que Jacob, et je me promis d'agir
pendant quelque temps comme si j'étais
certain que Dieu existât, d'implorer son
secours, et de voir ce qui arriverait.
À mesure que j'avançais
dans la lecture de l'Ancien Testament, je me
convainquais de plus en plus que les hommes de ces
temps avaient tenté cette épreuve, et
qu'elle leur avait réussi. De fait, je
remarquais moi-même plusieurs choses arrivant
de façon si remarquable que je ne pouvais
m'empêcher de penser que quelqu'un
écoutait réellement mes
prières.
Des pensées plus
élevées surgirent bientôt. Je
souhaitais d'être meilleur. J'avais le
sentiment d'une vie plus pure et
plus noble que celle que j'avais menée
jusqu'ici. Sur ces entrefaites je commençai
la lecture du Nouveau Testament, et l'idée
me vint que la même puissance qui m'avait
secouru dans ma vie extérieure m'aiderait
à accomplir ce que me suggéraient ces
aspirations. Peut-être les évangiles
ne m'eussent-ils pas tant intéressé
si j'avais commencé par les lire d'abord,
mais ma vie de l'Ancien Testament semblait m'y
avoir pour ainsi dire préparé, et
m'avoir amené à un point où je
sentais le besoin de quelque chose de plus
élevé, et je commençai
à remarquer que dans mes prières
j'implorais la grâce d'être patient,
courageux, désintéressé et
fidèle à mon devoir, plus souvent que
tout autre espèce de secours. Et alors ce
que j'avais lu dans le premier chapitre de saint
Matthieu : « il sera appelé
Jésus, c'est-à-dire Sauveur, car il
sauvera son peuple en le délivrant de ses
péchés » me parut clair. Je
commençai à vivre d'une nouvelle vie
dans laquelle je me sentais en sympathie avec
toi ; car, Marie, en lisant les
évangiles, je te reconnus et je compris que
tu avais été avec
Jésus.
La crise décisive de ma vie fut
cette affreuse nuit du naufrage. Aucune parole ne
pourrait dire ce que je sentis lorsque je ne vis
plus que ces terribles rochers, et l'angoisse que
j'éprouvai. Mais au milieu de tout cet
effroi, ces mots me revinrent à
l'esprit : « Jésus
était couché dans
le bateau et il dormait » et
aussitôt je sentis qu'il était
là. Et quand le vaisseau se brisa, je n'eus
plus conscience que de l'ardeur avec laquelle mon
âme s'élançait vers lui, comme
Pierre, lorsqu'il se jeta dans l'eau pour aller le
rejoindre.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai
déjà écrit, la façon
dont je fus sauvé... Je n'ai plus besoin
d'arguments pour me convaincre que la Bible est
divine. Il y a dedans beaucoup de choses que je ne
puis comprendre, mais tout ce que je puis dire,
c'est que j'ai essayé de suivre ses conseils
et que je les ai trouvés vrais et efficaces,
c'est que c'est un livre selon lequel je puis
vivre, et cela me suffit.
Et maintenant, Marie, je reviens un
autre homme que lorsque je t'ai quittée.
Après Dieu, c'est à toi que je le
dois, et si tu veux me permettre de te consacrer ma
vie entière, ce ne sera qu'un léger
retour de ce que tu as fait pour moi. Je t'ai
laissée entièrement libre. Mais je ne
sais quel espoir me dit que je trouverai vrai ce
que la Bible dit de l'amour, que « de
grandes eaux ne peuvent l'éteindre, ni un
déluge le noyer ».
À toi jusqu'à la mort,
JAMES.
(Extrait de La Fiancée du ministre, par Mme Beecher-Stove.)
Regardez-moi, le soir, la famille unie dans la
lecture commune. Observez cette femme, comme elle
écoute le touchant commentaire, la pieuse
réflexion du mari. Comme tous deux sentent
et comprennent d'un même coeur !
Leur profonde unité imprime au
coeur de l'enfant une autre Bible encore. Il
n'oublie jamais le regard attendri dont sa
mère surprit l'esprit saint dans les yeux de
son père. Voilà la tradition
forte ! Élevé dans sa famille
à ce puissant foyer, qu'il aille en
Amérique, qu'il s'enfonce dans les
forêts, loin de toute demeure humaine, qu'il
vive pionnier solitaire, il ne sera point seul. Il
a avec lui la tradition. Laquelle ? Celle de
la Bible.
Dans les nuits les plus sombres, la
lueur y revient sur la table de famille, la divine
lumière de ce tendre regard que son
père et sa mère échangeaient
devant lui, dans un moment de sainteté.
MICHELET.
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