Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES SOURCES

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CONSÉCRATION

Le mot.

C'est pendant longtemps, des années de ma vie, que j'ai cherché, mollement comme quelqu'un qui ne pense pas trouver ; cette parole bonne qu'il faut dire uniquement, en répétant le coup joyeux le long du jour, comme le forgeron sur l' enclume, monotone et utile, bruit du travail et mot, et son qui façonne les âmes, je la cherchais, et je ne la trouvais pas parce que ce n'était pas constamment, avec un coeur qui n'a plus que son désir.

Dieu dit de chercher, non que l'on puisse trouver, mais seulement pour qu'on cherche ; et quand on trouve, il nous laisse croire que c'est nous qui avons trouvé et ne nous apprend pas tout de suite qu'il avance l'objet sous notre main, et que, lorsque nous forons la montagne, un peu à l'aventure, il a commencé le tunnel à l'autre bout pour que nous nous rencontrions plus tôt dans la lumière.

Alors j'ai trouvé, longtemps après, ayant un peu cherché seulement de temps en temps, - parce que Dieu continuait sans s'interrompre de chercher, de me chercher, ne se donnant nul repos, lui qui ne perd jamais rien de vue.

J'ai trouvé ce seul mot tellement clair et intelligent, centre des rayons qui sont les vérités d'où sortent, fulgurants, les éléments du vrai, innombrables, et diversement dirigés, tandis qu'il est le centre, isolé et relié, j'ai trouvé que c'était l'amour. C'est pourquoi je viens vous dire, ô hommes, avec l'obstination de l'homme qui ne sait que cela qu'il a trouvé dans son champ, que c'est l'amour, l'amour qui est arrivé à son heure, et que le blé jauni est l'amour, prêt pour les faucilles, et que le son de trompette prolongé jusqu'à toutes les oreilles et l'air familier que reconnaîtront ceux qui attendent le moment, mais qui ne veulent partir que s'ils reconnaissent le signal, c'est amour, l'amour, l'amour, et que cela viendra, comme je vous le dis, peut-être plus tard que demain, mais aussi sûr que demain.

PIERRE JEANNET.


 
Donner... se donner.

Donner... se donner ! Toute la distance entre les piétés stériles et la foi chrétienne est dans ces deux mots.

... Pour éclairer un peu ce grand sujet, voici quelques images.
Prenons-en une d'abord dans le monde inanimé.

Nous ne sommes pas des financiers ; nous avons tous entendu pourtant une fois dans notre vie, le mot « usufruit ». Avoir l'usufruit d'une fortune, c'est pouvoir utiliser les intérêts d'un capital sans posséder le capital. Il arrive qu'un vieil oncle, en mourant, lègue à la Mission tout son avoir, réservant toutefois à sa nièce l'usufruit de sa fortune. Sa nièce pourra toucher régulièrement, à la banque, les rentes qui lui reviennent, mais il lui sera toujours interdit de mettre la main sur le capital. L'argent n'est pas à elle ; seuls les intérêts lui appartiennent.

Il arrive par contre que tel parrain sans descendance constitue sa filleule héritière de ses biens. Alors tout est à elle : le capital et les intérêts ; elle en peut user à son gré et sans limites. La fortune est donnée dans son tout avec ce qu'elle rapporte.

Une autre image, moins matérielle. Voici venir l'automne. Un négociant qui n'a pas de verger achète les fruits d'un pommier chez le paysan son voisin. Les pommes sont à lui ; l'arbre ne lui appartient pas. Il pourrait ni le transplanter, ni le greffer, ni l'abattre. Il a les fruits, c'est tout. L'arbre n'est pas donné, il donne seulement ses produits.
Le propriétaire de l'arbre, au contraire, est le maître de la situation absolument : de plante et récolte il dispose en souverain.

Une dernière image enfin, plus proche de nous.
Une jeune fille vient d'être demandée en mariage. Attirée par une situation qui s'annonce brillante, mais sans amour, elle accepte et se fiance. Les fiançailles sont l'occasion de jolies fêtes de famille ; les jeunes gens, suivant la tradition, se voient souvent, se promènent au clair de lune, se font de gracieux cadeaux. il apporte des fleurs ; elle brode un cosy pour la théière... Ce sont des fiancés modèles.
Est-ce bien sûr ? Non ! Tout est là sauf l'essentiel. Oui, ils se comblent d'attentions, mais ces attentions mêmes ont quelque chose d'offensant et de faux, car ils ne se sont pas donnés l'un à l'autre, chacune réserve son coeur : ils ne s'aiment pas.
Et ce mariage de raison, qui peut avoir toutes les apparences favorables, être assorti et correct, ce mariage ne sera pas heureux, ce mariage est une affaire ou un arrangement mondain. Tout est donné entre les époux, sauf le coeur.

Ai-je besoin, par contraste, de vous décrire les vraies, les pures fiançailles, celles où les coeurs se donnent sans partage ? S'informe-t-on alors si les fortunes sont grandes, si les conventions sont ménagées ? Eh ! non, qu'importent toutes ces questions accessoires ; les fiancés s'aiment ; cet amour fait leur bonheur : le reste est secondaire ou suivra de soi-même.




Vous avez compris ces images transparentes.
Il y a une piété qui offre à Dieu l'usufruit du vivant capital que constitue notre personnalité ; il y a, au contraire, une foi joyeuse qui lui donne le capital et tous ses intérêts.

Il y a une religion qui consent à céder à Dieu les fruits de cet arbre qu'est notre coeur, mais qui refuse l'arbre porteur des fruits. Il y a, par contraste un libre culte qui donne la racine, le tronc, les branches et les fruits.

Il y a un formalisme qui croit pouvoir conclure avec Dieu - si vous permettez cette expression risquée - une espèce de mariage de raison sans amour. Il y a par contre une sainte ferveur qui unit le coeur du Créateur au coeur racheté de sa créature.

Il y a une piété qui donne ; il y a une foi qui se donne.

FRANZ BURNAND.

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