Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XI

CONCLUSION

-------

La prière de la foi bien comprise et bien pratiquée est le degré le plus élevé que puisse atteindre la vie chrétienne ; et pourtant cette grâce se rencontre plus souvent chez les ignorants que chez les érudits : C'est parce qu'elle n'est accordée qu'à ceux qui s'abaissent jusqu'à prendre l'humble place de petit enfant et non à ceux qui cherchent à s'élever par l'intelligence à la stature d'homme fait. Nous rencontrons donc ici la même condition qui nous ouvre le royaume des cieux : « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point... » (Mat. 18 : 3). S'abaisser : voilà le secret d'une foi vivante et d'une confiance sans réserve et c'est là ce qui est beaucoup plus difficile que de chercher à gravir les cimes de la connaissance. Aussi l'Écriture nous présente-t-elle les petits enfants comme les héros de la foi ! « La victoire par laquelle le monde est vaincu, c'est notre foi. » (1 Jean 5 : 4). Qui sont ceux qui ont trouvé le secret de toute victoire spirituelle ? « Petits enfants, vous êtes de Dieu et vous les avez vaincus. Et pourquoi cela ? Parce que celui qui est en vous est plus puissant que celui qui est dans le monde. » (1 Jean 4 : 4). Oui, c'est précisément à mesure que nous serons mieux vidés de notre moi et plus ramenés à cette seconde enfance qui devrait toujours suivre la seconde naissance, que Dieu nous remplira davantage de sa présence, qu'il agira avec plus de puissance en nous et par nous.

Voici quelques mots d'un éminent philosophe chrétien qu'il vaut la peine de peser mûrement dans notre temps si riche de prières superficielles. Un ami de Coleridge raconte que se trouvant à son chevet peu de temps avant sa mort, il lui parlait de la prière dominicale, et que le malade s'écria tout à coup : « Oh ! cher ami, prier, oui, prier comme Dieu veut qu'on le prie, prier de tout son coeur, de toute sa force, avec intelligence et volonté, et croire avec une foi vivante que Dieu veut réellement écouter par Christ notre requête et nous accorder ce qui est selon sa volonté, voilà le plus grand exploit du croyant ici bas ! « Seigneur, enseigne-nous à prier. » (Luc 11 : 1.) Après avoir dit cela, il fondit en larmes et me demanda de prier pour lui.
Oui, c'est en effet le plus grand exploit du croyant, mais il ne dépend ni de l'énergie de l'homme, ni de son savoir. Prier de tout son coeur et de toute sa force, c'est prier avec un coeur qui se perd dans le coeur de Christ, avec une force qui ne « s'accomplit que dans la faiblesse. » (2 Cor. 12 - 9). C'est prier avec une raison qui s'incline devant la croix de Christ, avec le renoncement complet à toute volonté propre pour ne plus vouloir que la volonté de Dieu; voilà quel est le secret de toute force spirituelle.

Nous parlons ici du point culminant du christianisme et non de ses principes élémentaires. La foi qui saisit le salut n'est qu'un acte du coeur, tandis que « la prière de la foi qui sauve le malade » (Jac. 5 : 15), est le degré le plus élevé de la foi. La première se borne à recevoir. La seconde exige et implique le renoncement complet à soi-même. Si vous cherchez à obtenir le salut, le Maître vous dira seulement : « Prends la coupe des délivrances (ou du salut) et invoque le nom de l'Éternel. » (Psa. 116 : 13.) Si vous voulez que le Seigneur se serve de vous avec puissance soit pour guérir les malades, soit pour rendre la vie à ceux qui sont morts dans leurs péchés, vous l'entendrez vous poser cette question : « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire et être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? » (Mat. 20 : 22). La foi qui nous amène à la conversion, à être « délivré de la colère à venir » (1 Thes. 1 : 10 ) nous fait seulement recevoir Jésus-Christ, tandis que la foi par laquelle nous nous consacrons à être « un vase d'honneur, sanctifié, utile à son maître, propre à toute bonne oeuvre » (2 Tim. 2 : 21) requiert de nous que nous nous donnions à Jésus-Christ sans réserve, esprit, âme et corps.

Pour mieux comprendre tout ce que demande du croyant la prière efficace, souvenons-nous ici des trois conditions auxquelles l'Écriture promet une réponse « quoi que ce soit que nous demandions : »

« Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et cela vous sera accordé. » (Jean 15 : 7).

« Quoi que ce soit que nous demandions, nous le recevons de lui parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable. » (1 Jean 3: 22).

« Si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous exauce. » (1 Jean 5 : 14).

« Si vous demeurez en moi. » Il s'agit là d'une communion intime et sans interruption avec le Seigneur. Notre justification résulte de ce que nous sommes en Christ, tandis que notre force et notre communion dépendent du fait de « demeurer en Christ, » d'être en relation habituelle et constante avec lui. C'est vivre de sa vie et réaliser ainsi ce que dit Paul : « Je vis, non plus moi-même, mais Christ vit en moi. » (Gal. 2 : 20). Ceci ne peut se réaliser que dans la mesure où l'on est détaché du monde. « L'homme double de coeur est partagé » (Jac. 1 : 8) ; cherche à jouir des richesses et des plaisirs de la terre tout en voulant s'assurer les biens suprêmes du royaume des cieux et par conséquent il ne peut pas avoir une foi vivante. Aussi l'Écriture dit-elle de lui : « Que cet homme-là ne s'attende pas à recevoir aucune chose du Seigneur. » (Jac. 1 : 7.) Cette parole est dure, mais elle nous est constamment répétée de diverses manières dans les Écritures : « Ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? » s'écrie saint Jacques (Jac. 4 : 4) ; et souvent on peut dire inversement que l'inimitié envers le monde fait naître l'amour pour Dieu. Quand le croyant se voit séparé des jouissances terrestres qui le retenaient en bas, il lui est plus facile de « s'affectionner aux choses d'en haut » (Col. 3 : 2) ; et jamais le coeur de Dieu ne nous paraît mieux s'ouvrir pour nous que lorsque le monde nous ferme le sien. Il y a de la sagesse dans ce que disait l'ancien poète Vaughan en demandant à Dieu de lui donner pour la santé de son âme ces trois choses :

Une foi vivante, un coeur de chair, Et l'inimitié contre le monde.
Cette dernière grâce m'assure les deux autres
Et m'amène où tendent mes voeux.

C'est après avoir entendu Paul nous parler de sa double crucifixion : « par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde ». (Gal. 6 : 14) qu'il est facile de comprendre son « Je vis, non plus moi-même, mais Christ vit en moi. » (Gal. 2 : 20). Les uns en viennent à être morts au monde par le moyen de la souffrance et des privations qui coupent court à leurs rapports avec le monde, quoiqu'il soit toujours là. Pour d'autres c'est le monde qui est mort, parce qu'ils ont perdu les amis, les richesses, les jouissances qui composaient leur monde. Dans l'un et l'autre cas, si leur coeur désire réellement trouver Dieu, ils en seront « mis au large » pour aller plus librement à lui. Et ici, nous ne plaidons pas la cause d'un ascétisme maladif, nous exposons seulement ce que dit l'Écriture quant au secret de la prière efficace qui obtient l'intervention puissante de Dieu. En retraçant dans ce volume quelques exemples d'exaucements remarquables, nous avons déjà vu que presque tous les croyants dont les prières avaient été efficaces, s'étaient trouvés séparés du monde soit par leur propre volonté et leur consécration à Dieu, soit aussi par des épreuves, des maladies ou des persécutions qu'ils avaient subies pour l'amour de Christ.

« Parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable. » Cette seconde condition est tout aussi importante que la précédente. Obéissance implicite et sérieuse attention à observer tout ce que Dieu demande de nous, voilà ce qui nous est commandé. Disons plutôt qu'il s'agit là d'une fidélité à servir Dieu qui ne fait aucune distinction entre les divers commandements du Seigneur, car la véritable obéissance n'admet pas que tel commandement puisse être plus important que tel autre. Christ, notre modèle en toutes choses, nous a laissé ces deux paroles que nous ferons bien de rapprocher l'une de l'autre :
« Je fais toujours ce qui lui est agréable. » (Jean 8 : 29).
« Je savais que tu m'exauces toujours. » (Jean 11 : 42).

C'est bien là ce qui nous donne la clé de ce grand mystère. Bien obéir conduit à bien prier, non seulement parce que Dieu aime ceux qui lui obéissent, mais parce que ce sont ceux-là qui apprennent à connaître sa pensée, à comprendre mieux que personne ce qu'ils doivent demander et comment le demander. Un seul pas du côté de l'obéissance à la volonté du Père nous fera avancer dans la voie de la connaissance beaucoup plus que dix pas dans l'étude des secrets de Dieu. C'est à l'âme obéissante que se révèlent d'une manière merveilleuse la pensée et les desseins de Dieu. « Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant ? » (Job 11 : 7.) « Mais si quelqu'un veut faire sa volonté, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu. » (Jean 7 : 17).

Nous devons donc nous exercer à observer la plus stricte obéissance à la volonté du Seigneur. « Faites tout ce qu'il vous dira. » (Jean 2 : 5). L'observation de ce commandement ne reste pas sans récompense et permet de saisir cette promesse de Christ : « Afin que tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donne. » (Jean 15 : 16). Gardons-nous dans notre vie chrétienne de traiter légèrement tel ou tel commandement de Dieu, ne voulant voir là qu'une forme. Sans doute il y a des commandements relatifs à des formes extérieures qui furent donnés pour éprouver la fidélité des croyants, comme par exemple l'ordre donné à Naaman de se laver sept fois dans le Jourdain, et aussi le commandement donné aux premiers chrétiens d'oindre les malades pour leur guérison. La forme n'est rien en effet, mais c'est l'obéissance à se conformer pour l'amour de Christ aux moindres détails de ce qui est prescrit, qui est précieuse aux yeux de Dieu.

« Si nous demandons quelque chose selon, sa volonté. » Ceci signifie que nous devons être sincèrement et entièrement d'accord avec la volonté de Dieu, que nous devons même consentir à ce que notre volonté soit si bien absorbée dans la volonté de Dieu que celle-ci agisse seule en nous. Et n'en soyons pas effrayé comme si nous dussions entrevoir là toute une série de malheurs : ruine, mort et privation de tout ce qui nous est cher. Pourquoi donc a-t-on souvent associé ces tribulations avec les mots « Ta volonté soit faite. » Interrogez l'Écriture et voyez ce qu'est la volonté de Dieu : « Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification. » (1 Thes. 4: 3.) « La volonté de mon Père, c'est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle. » (Jean 6 : 40). « Qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tim. 2 : 4). Ces trois textes, et bien d'autres encore, nous montrent clairement que toujours la volonté de Dieu veut notre bien et non pas notre mal, notre vie et non notre mort. C'est bien plutôt tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu qui doit être détruit. « Toute plante que n'a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » (Mat. 15 : 13.) Le péché, la maladie, la mort, voilà ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Tenons-les pour autant de plantes qu'il n'a pas plantées, pour « de l'ivraie » semée dans son champ « par un ennemi », et c'est pour cela qu'elles doivent être arrachées ; aussi sommes-nous sûrs de travailler selon sa volonté quand nous cherchons à les détruire.

Que ne serait pas notre ministère si auprès du lit des malades, nous savions exposer cette grâce, cette volonté de Dieu ; si au lieu d'appuyer avec tant d'insistance sur la nécessité de se soumettre à la maladie et à la souffrance, comme étant inévitables, nous cherchions plutôt à élever l'esprit du malade au niveau de la volonté de Dieu, de ce Dieu en qui ne se trouve ni maladie, ni autre désordre ; et si en disant : « Ta volonté soit faite, » nous étions convaincu que prier selon la pensée de Dieu, c'est demander que la maladie soit détruite, que le malade soit délivré de tous ses maux, que le péché et le fruit amer du péché soient expulsés l'un et l'autre de ce pauvre corps torturé par l'angoisse et la souffrance. Prier ainsi, c'est assurément envisager les choses comme Dieu le veut, car si nous regardons en haut en disant : « Ta volonté soit faite sur la terre, ». nous entendons aussitôt cette réponse : « Comme au ciel. » Dans le ciel il n'y a certainement ni péché, ni maladie, ni mort ; par conséquent notre devoir est de demander qu'il n'y en ait pas non plus sur la terre. Et c'est là ce qui nous est prédit pour le temps où s'accomplira pleinement l'oeuvre de rédemption de Christ. Quand la volonté de Dieu se fera réellement sur la terre, voici ce qui en résultera : « Et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. » (Apo. 21 : 4).

Voilà donc quelle est la voie à suivre. Tracée d'En-Haut et suivie par notre divin modèle, elle nous est proposée à nous aussi. Au milieu de toutes les complications mystérieuses du mal ici-bas, attachons-nous donc à répéter avec persévérance et confiance « Ta volonté soit faite, » et à agir en conséquence. Comptons sur la bonne volonté de Dieu et nous la verrons s'accomplir en nous. Si nous agissons ainsi, la doctrine de la souveraineté de Dieu dont nous avons déjà parlé ne nous empêchera pas de demander avec foi la guérison du corps, pas plus que la doctrine de l'élection ne nous empêchera de demander avec pleine assurance le salut de l'âme.

Rappelons ici que les réflexions contenues dans ce chapitre final s'adressent plus spécialement aux croyants appelés à exercer un ministère de guérison divine auprès des malades. Nous leur recommandons de s'y préparer en cherchant de tout leur coeur à se consacrer à Dieu, à se séparer du monde et à se soumettre entièrement à la volonté de Dieu, trois choses que nous enjoint l'Écriture et qui sont les conditions essentielles de la prière efficace.

Quant aux malades qui sentent tout ce qui leur manque encore de ce côté-là, et qui craignent à cause de cela de ne pas pouvoir obtenir cette grâce, nous leur rappellerons cette parole du Maître : « Ne crains point, crois seulement. » (Marc 5 : 36). Christ s'adresse au pécheur coupable et perdu et le sauve tel qu'il le trouve. Il fait de même pour le malade qu'il trouve « dépouillé, blessé et demi-mort. » (Luc 10 : 30). Comme « le bon Samaritain qui s'approcha, banda ses plaies et y versa de l'huile et du vin, » Jésus se charge aussi de guérir le malade. Il se charge de lui tel qu'il le trouve et quelle que soit la gravité de son mal. Soit donc pour notre avancement spirituel, soit pour la guérison de notre corps, nous n'avons pas à commencer par améliorer quelque peu notre état pour être secouru et guéri. Puisse cette pensée rassurer le malade et lui rendre bon espoir !

O vous tous, qui êtes en proie à la souffrance ou l'angoisse, vous qui êtes arrêtés par la maladie, tandis que vos pieds et vos mains pourraient être alertes au service du Seigneur, affranchis par lui des chaînes qui les retiennent, et vous aussi, innombrables victimes du désordre, du péché et des maux qui en sont la conséquence, vous qui n'avez jamais encore consacré votre corps et votre âme au service de celui qui les a créés, écoutez tous cette voix divine qui vous crie du haut du ciel : « Je suis l'Éternel qui te guérit. » (Exo. 15 : 26).

Si les promesses de Dieu, si les appels de l'Écriture et les témoignages de guérison divine réunis dans ce volume peuvent faire briller quelque rayon d'espérance et de soulagement dans votre chambre de malade, nous serons amplement dédommagé de la peine que nous avons prise pour les réunir ici et abondamment consolé de tous les reproches auxquels nous nous sommes exposé en témoignant de la vérité d'une doctrine qui ne rencontre encore que raillerie ou indignation de la part du plus grand nombre. Pour clore ces pages, nous insérons ici la prière suivante tirée d'une très ancienne liturgie

SOUVIENS-TOI, SEIGNEUR, DE CEUX QUI SOUFFRENT, DE CEUX QUI SONT MALADES OU OBSÉDÉS D'ESPRITS MALINS, ET DAIGNE, O TOI qui ES DIEU, LES GUÉRIR ET LES DÉLIVRER PROMPTEMENT.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant