La prière de la foi bien comprise et bien
pratiquée est le degré le plus
élevé que puisse atteindre la vie
chrétienne ; et pourtant cette
grâce se rencontre plus souvent chez les
ignorants que chez les érudits : C'est
parce qu'elle n'est accordée qu'à
ceux qui s'abaissent jusqu'à prendre
l'humble place de petit enfant et non à ceux
qui cherchent à s'élever par
l'intelligence à la stature d'homme fait.
Nous rencontrons donc ici la même condition
qui nous ouvre le royaume des cieux :
« Si vous ne devenez comme de petits
enfants, vous n'entrerez point... »
(Mat.
18 : 3).
S'abaisser :
voilà le secret d'une foi vivante et d'une
confiance sans réserve et c'est là ce
qui est beaucoup plus difficile que de chercher
à gravir les cimes de la connaissance. Aussi
l'Écriture nous présente-t-elle les
petits enfants comme les héros de la
foi ! « La victoire par laquelle le
monde est vaincu, c'est notre foi. » (1
Jean 5 : 4). Qui sont ceux
qui ont trouvé le secret de toute victoire
spirituelle ? « Petits enfants, vous
êtes de Dieu et vous les avez vaincus. Et
pourquoi cela ? Parce que celui qui est en
vous est plus puissant que celui qui est dans le
monde. »
(1
Jean 4 : 4). Oui, c'est
précisément à mesure que nous
serons mieux vidés de notre moi et plus
ramenés à cette seconde enfance qui
devrait toujours suivre la seconde naissance, que
Dieu nous remplira davantage de sa présence,
qu'il agira avec plus de puissance en nous et par
nous.
Voici quelques mots d'un éminent
philosophe chrétien qu'il vaut la peine de
peser mûrement dans notre temps si riche de
prières superficielles. Un ami de Coleridge
raconte que se trouvant à son chevet peu de
temps avant sa mort, il lui parlait de la
prière dominicale, et que le malade
s'écria tout à coup :
« Oh ! cher ami, prier, oui, prier
comme Dieu veut qu'on le prie, prier de tout son
coeur, de toute sa force, avec intelligence et
volonté, et croire avec une foi vivante que
Dieu veut réellement écouter par
Christ notre requête et nous accorder ce qui
est selon sa volonté, voilà le plus
grand exploit du croyant ici bas !
« Seigneur, enseigne-nous à
prier. »
(Luc
11 : 1.) Après avoir
dit cela, il fondit en larmes et me demanda de
prier pour lui.
Oui, c'est en effet le plus grand
exploit du croyant, mais il ne dépend ni de
l'énergie de l'homme, ni de son savoir.
Prier de tout son coeur et de toute sa force, c'est
prier avec un coeur qui se perd dans le coeur de
Christ, avec une force qui ne
« s'accomplit que dans la
faiblesse. »
(2
Cor. 12 - 9). C'est prier avec une
raison qui s'incline devant la croix de Christ,
avec le renoncement complet à toute
volonté propre pour ne plus vouloir que la
volonté de Dieu; voilà quel est le
secret de toute force spirituelle.
Nous parlons ici du point culminant du
christianisme et non de ses principes
élémentaires. La foi qui saisit le
salut n'est qu'un acte du coeur, tandis que
« la prière de la foi qui sauve le
malade »
(Jac.
5 : 15), est le
degré le plus élevé de la foi.
La première se borne à recevoir. La
seconde exige et implique le renoncement complet
à soi-même. Si vous cherchez à
obtenir le salut, le Maître vous dira
seulement : « Prends la coupe des
délivrances (ou du salut) et invoque le nom
de l'Éternel. »
(Psa.
116 : 13.) Si vous voulez
que le Seigneur se serve de vous
avec puissance soit pour guérir les malades,
soit pour rendre la vie à ceux qui sont
morts dans leurs péchés, vous
l'entendrez vous poser cette question :
« Pouvez-vous boire la coupe que je dois
boire et être baptisés du
baptême dont je dois être
baptisé ? »
(Mat.
20 : 22). La foi qui nous
amène à la conversion, à
être « délivré de la
colère à venir »
(1
Thes. 1 : 10 ) nous fait
seulement recevoir Jésus-Christ,
tandis que la foi par laquelle nous nous consacrons
à être « un vase d'honneur,
sanctifié, utile à son maître,
propre à toute bonne oeuvre »
(2
Tim. 2 : 21) requiert de nous
que nous nous donnions à
Jésus-Christ sans réserve, esprit,
âme et corps.
Pour mieux comprendre tout ce que
demande du croyant la prière efficace,
souvenons-nous ici des trois conditions auxquelles
l'Écriture promet une réponse
« quoi que ce soit que nous
demandions : »
« Si vous demeurez en
moi
et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce
que vous voudrez et cela vous sera
accordé. »
(Jean
15 : 7).
« Quoi que ce soit que
nous
demandions, nous le recevons de lui parce que nous gardons
ses commandements
et que
nous faisons ce qui lui est
agréable. »
(1
Jean 3: 22).
« Si nous demandons
quelque
chose selon sa volonté, il nous
exauce. »
(1
Jean 5 : 14).
« Si vous demeurez en
moi. » Il s'agit là d'une
communion intime et sans interruption avec le
Seigneur. Notre justification résulte de ce
que nous sommes en Christ, tandis que notre force
et notre communion dépendent du fait de
« demeurer en Christ, »
d'être en relation habituelle et constante
avec lui. C'est vivre de sa vie et réaliser
ainsi ce que dit Paul : « Je vis,
non plus moi-même, mais Christ vit en
moi. »
(Gal.
2 : 20). Ceci ne peut se
réaliser que dans la mesure où l'on
est détaché du monde.
« L'homme double de coeur est
partagé »
(Jac.
1 : 8) ; cherche
à jouir des richesses et des plaisirs de la
terre tout en voulant s'assurer les biens
suprêmes du royaume des cieux et par
conséquent il ne peut pas avoir une foi
vivante. Aussi l'Écriture dit-elle de
lui : « Que cet homme-là ne
s'attende pas à recevoir aucune chose du
Seigneur. »
(Jac.
1 : 7.) Cette parole est
dure, mais elle nous est constamment
répétée de diverses
manières dans les Écritures :
« Ne savez-vous pas que l'amour du monde
est inimitié contre Dieu ? »
s'écrie saint Jacques
(Jac.
4 : 4) ; et souvent
on peut dire inversement que l'inimitié
envers le monde fait naître l'amour pour
Dieu. Quand le croyant se voit séparé
des jouissances terrestres qui le retenaient en
bas, il lui est plus facile de
« s'affectionner aux choses d'en
haut »
(Col.
3 : 2) ; et jamais le
coeur de Dieu ne nous paraît mieux s'ouvrir
pour nous que lorsque le monde nous ferme le sien.
Il y a de la sagesse dans ce que disait l'ancien
poète Vaughan en demandant à Dieu de
lui donner pour la santé de son âme
ces trois choses :
- Une foi vivante, un coeur de chair, Et l'inimitié contre le monde.
- Cette dernière grâce m'assure les deux autres
- Et m'amène où tendent mes voeux.
C'est après avoir entendu Paul nous
parler de sa double crucifixion :
« par qui le monde est crucifié
pour moi, comme je le suis pour le
monde ».
(Gal.
6 : 14) qu'il est facile
de comprendre son « Je vis, non plus
moi-même, mais Christ vit en moi. »
(Gal.
2 : 20). Les uns en
viennent à être morts au monde par le
moyen de la souffrance et des privations qui
coupent court à leurs rapports avec le monde,
quoiqu'il soit toujours là. Pour d'autres
c'est le monde qui est mort, parce qu'ils ont perdu
les amis, les richesses, les jouissances qui
composaient leur monde. Dans l'un et l'autre cas,
si leur coeur désire réellement
trouver Dieu, ils en seront « mis au
large » pour aller plus librement
à lui. Et ici, nous ne plaidons pas la cause
d'un ascétisme maladif, nous exposons
seulement ce que dit l'Écriture quant au
secret de la prière efficace qui obtient
l'intervention puissante de Dieu. En
retraçant dans ce volume quelques exemples
d'exaucements remarquables, nous avons
déjà vu que presque tous les croyants
dont les prières avaient été
efficaces, s'étaient trouvés
séparés du monde soit par leur propre
volonté et leur consécration à
Dieu, soit aussi par des épreuves, des
maladies ou des persécutions qu'ils avaient
subies pour l'amour de Christ.
« Parce que nous gardons ses
commandements et que nous faisons ce qui lui est
agréable. » Cette seconde
condition est tout aussi importante que la
précédente. Obéissance
implicite et sérieuse attention à
observer tout ce que Dieu demande de nous,
voilà ce qui nous est commandé.
Disons plutôt qu'il s'agit là d'une
fidélité à servir Dieu qui ne fait aucune
distinction
entre les divers commandements du Seigneur, car la
véritable obéissance n'admet pas que
tel commandement puisse être plus important
que tel autre. Christ, notre modèle en
toutes choses, nous a laissé ces deux
paroles que nous ferons bien de rapprocher l'une de
l'autre :
« Je fais toujours ce qui lui
est agréable. »
(Jean
8 : 29).
« Je savais que tu m'exauces
toujours. »
(Jean
11 : 42).
C'est bien là ce qui nous donne
la clé de ce grand mystère. Bien
obéir conduit à bien prier, non
seulement parce que Dieu aime ceux qui lui
obéissent, mais parce que ce sont
ceux-là qui apprennent à
connaître sa pensée, à
comprendre mieux que personne ce qu'ils doivent
demander et comment le demander. Un seul pas du
côté de l'obéissance à
la volonté du Père nous fera avancer
dans la voie de la connaissance beaucoup plus que
dix pas dans l'étude des secrets de Dieu.
C'est à l'âme obéissante que se
révèlent d'une manière
merveilleuse la pensée et les desseins de
Dieu. « Prétends-tu sonder les
pensées de Dieu, parvenir à la connaissance
parfaite du
Tout-Puissant ? »
(Job
11 : 7.) « Mais
si quelqu'un veut faire sa volonté, il
connaîtra si ma doctrine est de
Dieu. »
(Jean
7 : 17).
Nous devons donc nous exercer à
observer la plus stricte obéissance à
la volonté du Seigneur. « Faites
tout ce qu'il vous dira. »
(Jean
2 : 5). L'observation de
ce commandement ne reste pas sans récompense
et permet de saisir cette promesse de Christ :
« Afin que tout ce que vous demanderez
à mon Père en mon nom, il vous le
donne. »
(Jean
15 : 16). Gardons-nous
dans notre vie chrétienne de traiter
légèrement tel ou tel commandement de
Dieu, ne voulant voir là qu'une forme. Sans
doute il y a des commandements relatifs à
des formes extérieures qui furent
donnés pour éprouver la
fidélité des croyants, comme par
exemple l'ordre donné à Naaman de se
laver sept fois dans le Jourdain, et aussi le
commandement donné aux premiers
chrétiens d'oindre les malades pour leur
guérison. La forme n'est rien en effet, mais
c'est l'obéissance à se conformer
pour l'amour de Christ aux moindres détails
de ce qui est prescrit, qui est précieuse
aux yeux de Dieu.
« Si nous demandons
quelque
chose selon, sa
volonté. » Ceci signifie que
nous devons être sincèrement et
entièrement d'accord avec la volonté
de Dieu, que nous devons même consentir
à ce que notre volonté soit si bien
absorbée dans la volonté de Dieu que
celle-ci agisse seule en nous. Et n'en soyons pas
effrayé comme si nous dussions entrevoir
là toute une série de malheurs :
ruine, mort et privation de tout ce qui nous est
cher. Pourquoi donc a-t-on souvent associé
ces tribulations avec les mots « Ta
volonté soit faite. » Interrogez
l'Écriture et voyez ce qu'est la
volonté de Dieu : « Ce que
Dieu veut, c'est votre sanctification. »
(1
Thes. 4: 3.) « La
volonté de mon Père, c'est que
quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie
éternelle. »
(Jean
6 : 40). « Qui
veut que tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la
vérité. »
(1
Tim. 2 : 4). Ces trois
textes, et bien d'autres encore, nous montrent
clairement que toujours la volonté de Dieu
veut notre bien et non pas notre mal, notre vie et
non notre mort. C'est bien plutôt tout ce qui
est contraire à la volonté de Dieu
qui doit être détruit.
« Toute plante que n'a pas plantée
mon Père céleste sera
déracinée. »
(Mat.
15 : 13.) Le
péché, la maladie, la mort,
voilà ce qui est
contraire à la volonté de Dieu.
Tenons-les pour autant de plantes qu'il n'a pas
plantées, pour « de
l'ivraie » semée dans son champ
« par un ennemi », et c'est
pour cela qu'elles doivent être
arrachées ; aussi sommes-nous
sûrs de travailler selon sa volonté
quand nous cherchons à les
détruire.
Que ne serait pas notre ministère
si auprès du lit des malades, nous savions
exposer cette grâce, cette volonté de
Dieu ; si au lieu d'appuyer avec tant
d'insistance sur la nécessité de se
soumettre à la maladie et à la
souffrance, comme étant inévitables,
nous cherchions plutôt à élever
l'esprit du malade au niveau de la volonté
de Dieu, de ce Dieu en qui ne se trouve ni maladie,
ni autre désordre ; et si en
disant : « Ta volonté soit
faite, » nous étions convaincu que
prier selon la pensée de Dieu, c'est
demander que la maladie soit détruite, que
le malade soit délivré de tous ses
maux, que le péché et le fruit amer
du péché soient expulsés l'un
et l'autre de ce pauvre corps torturé par
l'angoisse et la souffrance. Prier ainsi, c'est
assurément envisager les choses comme Dieu
le veut, car si nous regardons en haut en
disant : « Ta volonté soit
faite sur la terre, ». nous entendons
aussitôt cette réponse : « Comme au
ciel. » Dans le ciel il n'y a
certainement ni péché, ni maladie, ni
mort ; par conséquent notre devoir est
de demander qu'il n'y en ait pas non plus sur la
terre. Et c'est là ce qui nous est
prédit pour le temps où s'accomplira
pleinement l'oeuvre de rédemption de Christ.
Quand la volonté de Dieu se fera
réellement sur la terre, voici ce qui en
résultera : « Et la mort ne
sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni
douleur. »
(Apo.
21 : 4).
Voilà donc quelle est la voie
à suivre. Tracée d'En-Haut et suivie
par notre divin modèle, elle nous est
proposée à nous aussi. Au milieu de
toutes les complications mystérieuses du mal
ici-bas, attachons-nous donc à
répéter avec
persévérance et confiance
« Ta volonté soit
faite, » et à agir en
conséquence. Comptons sur la bonne
volonté de Dieu et nous la verrons
s'accomplir en nous. Si nous agissons ainsi, la
doctrine de la souveraineté de Dieu dont
nous avons déjà parlé ne nous
empêchera pas de demander avec foi la
guérison du corps, pas plus que la doctrine
de l'élection ne nous empêchera de
demander avec pleine assurance le salut de
l'âme.
Rappelons ici que les réflexions
contenues dans ce chapitre final
s'adressent plus spécialement aux croyants
appelés à exercer un ministère
de guérison divine auprès des
malades. Nous leur recommandons de s'y
préparer en cherchant de tout leur coeur
à se consacrer à Dieu, à se
séparer du monde et à se soumettre
entièrement à la volonté de
Dieu, trois choses que nous enjoint
l'Écriture et qui sont les conditions
essentielles de la prière efficace.
Quant aux malades qui sentent tout ce
qui leur manque encore de ce
côté-là, et qui craignent
à cause de cela de ne pas pouvoir obtenir
cette grâce, nous leur rappellerons cette
parole du Maître : « Ne crains
point, crois seulement. »
(Marc
5 : 36). Christ s'adresse
au pécheur coupable et perdu et le sauve tel
qu'il le trouve. Il fait de même pour le
malade qu'il trouve
« dépouillé, blessé
et demi-mort. »
(Luc
10 : 30). Comme
« le bon Samaritain qui s'approcha, banda
ses plaies et y versa de l'huile et du
vin, » Jésus se charge aussi de
guérir le malade. Il se charge de lui tel
qu'il le trouve et quelle que soit la
gravité de son mal. Soit donc pour notre
avancement spirituel, soit pour la guérison
de notre corps, nous n'avons pas à commencer
par améliorer quelque peu
notre état pour être secouru et
guéri. Puisse cette pensée rassurer
le malade et lui rendre bon espoir !
O vous tous, qui êtes en proie
à la souffrance ou l'angoisse, vous qui
êtes arrêtés par la maladie,
tandis que vos pieds et vos mains pourraient
être alertes au service du Seigneur,
affranchis par lui des chaînes qui les
retiennent, et vous aussi, innombrables victimes du
désordre, du péché et des maux
qui en sont la conséquence, vous qui n'avez
jamais encore consacré votre corps et votre
âme au service de celui qui les a
créés, écoutez tous cette voix
divine qui vous crie du haut du ciel :
« Je suis l'Éternel qui te
guérit. »
(Exo.
15 : 26).
Si les promesses de Dieu, si les appels
de l'Écriture et les témoignages de
guérison divine réunis dans ce volume
peuvent faire briller quelque rayon
d'espérance et de soulagement dans votre
chambre de malade, nous serons amplement
dédommagé de la peine que nous avons
prise pour les réunir ici et abondamment
consolé de tous les reproches auxquels nous
nous sommes exposé en témoignant de
la vérité d'une doctrine qui ne
rencontre encore que raillerie ou indignation de la
part du plus grand nombre. Pour clore ces pages, nous
insérons ici la
prière suivante tirée d'une
très ancienne liturgie
SOUVIENS-TOI, SEIGNEUR, DE CEUX QUI
SOUFFRENT, DE CEUX QUI SONT MALADES OU
OBSÉDÉS D'ESPRITS MALINS, ET DAIGNE, O TOI qui ES DIEU, LES GUÉRIR
ET
LES
DÉLIVRER PROMPTEMENT.
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