Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IX

LE VERDICT DE LA LOYAUTÉ

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Récapitulons rapidement ce qu'ont exposé les chapitres précédents quant à la théorie, au témoignage et à la pratique de la doctrine qui nous occupe.

Quant à la théorie : Est-il bien de réclamer de Dieu un miracle de guérison ? Voici ce que répond un auteur éminent. « Demander à Dieu d'intervenir ici-bas, ou le prier d'opérer un miracle, c'est lui demander une seule et même chose. » (Jellet. Efficacité de la prière, p. 41). Ceci revient à dire que le miracle nous fait voir l'action directe, immédiate de Dieu bien distincte de son action médiate par le moyen des lois naturelles : Pourquoi donc hésiterait-on davantage à demander la guérison du corps que le salut de l'âme ? L'un et l'autre sont des miracles qui nous sont également promis d'une manière claire et certaine par la Parole de Dieu.

Toute hésitation à demander la guérison du corps nous paraît venir de ce que généralement on ne saisit pas la relation qui existe entre la rédemption de Christ et le corps de l'homme. Il est reçu de croire que « le vase d'argile » n'a rien à attendre de l'Esprit saint, ni guérison, ni beauté. On voit dans la vie de l'homme ici-bas celle de l'aigle enfermé dans une cage. L'âme emprisonnée dans le corps se débat contre les barreaux, impatiente de s'envoler au loin. Tout cela peut être plein de charme en poésie, mais ne vaut rien en théologie.

Sans doute l'Écriture nous dit que « dans cette tente, nous gémissons, accablés, » mais ce n'est pas nous dire que notre sentence de mort doive nous consoler de tout et que le suprême bonheur consiste à quitter le plus tôt possible notre « tente » terrestre. Il nous est dit que nous devons aspirer non à être « dépouillés mais, à être revêtus, afin que ce qu'il y a de mortel soit absorbé par la vie. » (2 Cor. 5 : 4). C'est la rédemption du corps et non sa destruction, c'est sa résurrection et non sa mort, que l'Évangile nous présente comme but et triomphe assuré. Et pourtant ce n'est plus là ce que croient de nombreux chrétiens.

L'Évangile nous assure que Jésus « transformera notre corps vil en le rendant semblable à son corps glorieux » (Phi. 3 : 21) ; mais cette belle promesse a été remplacée par l'opinion très répandue qu'à la mort, l'âme est à jamais débarrassée du corps qui la gênait. En se bornant à voir dans la mort la délivrance, on perd de vue la doctrine de la résurrection. C'est là ce qui a lieu pour une foule de chrétiens qui s'attachent. à la pensée de quitter le corps pour être avec Christ au lieu de saisir la victoire finale, lorsque Christ viendra « rendre la vie à nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous. » (Rom. 8. 11).

On comprend que pour les chrétiens qui tiennent la mort en haute estime, la maladie, qui en est le premier ministre, soit également accueillie avec respect. Et voilà pourquoi, quoiqu'on n'aime guère à être malade, un grand nombre de personnes redoutent pourtant de demander à Dieu la guérison. Elles craindraient d'avoir l'air de se révolter contre la volonté de Dieu et de rejeter le moyen bienfaisant que Dieu dans sa miséricorde leur fournit pour leur avancement spirituel. Ceux qui pensent ainsi devraient étudier les Écritures et se convaincre que toujours, elles nous parlent de la maladie comme étant l'oeuvre du diable. Depuis le jour où « Satan sortit de devant l'Éternel et frappa Job d'un ulcère malin » (Job 2: 7) jusqu'au moment où le Sauveur vint délivrer « une fille d'Abraham que Satan tenait liée depuis dix-huit ans » (Luc 13 : 16), toujours « celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable » (Héb. 2 : 14) a fait subir à notre race maudite, les avant-coureurs de sa condamnation à mort dans la maladie, dans la souffrance et le déclin du corps. Malheur à ceux qui se laissent tromper par lui et qui accueillent comme « leur portion » ces avant-coureurs de la mort plutôt que de saisir pour leur guérison les signes avant-coureurs de la pleine rédemption !

Et si l'on allègue que souvent Dieu permet la maladie pour le bien de ses serviteurs, comme aussi il permet qu'ils tombent dans le péché pour leur humiliation, nous répondons qu'il est impossible d'admettre que ni la maladie, ni le péché puissent être l'agent de Dieu. Voyons plutôt là ce que dit d'une manière originale un ancien théologien : « Dieu permet parfois que ses saints soient affilés sur la meule du diable. » Nous croyons que la prière : « Délivre-nous du malin, » comprend toute intervention de Satan et nous promet la délivrance de la maladie aussi bien que celle du péché, la délivrance de la souffrance, conséquence et peine du péché, aussi bien que celle du péché même.

Mais, demande-t-on encore, si ces promesses et ces grâces sont si positives, comment se fait-il que les cas de guérison accordés à la prière de la foi soient si rares ?
C'est sans doute parce que la prière de la foi est très rare aussi, et parce que, même lorsqu'elle a lieu, elle ne rencontre aucun appui de la part de l'Eglise dans son ensemble. De telles grâces devraient résulter de la foi et des prières du corps entier des croyants. C'est ainsi qu'il en était au commencement. Quand Pierre fut tiré de prison, « l'Eglise ne cessait d'adresser pour lui des prières à Dieu. » (Act. 12 : 5). Quand Paul demanda et reçut la guérison du père de Publius, sa prière était l'expression de la foi unanime de l'Eglise entière. (Act. 28 : 8). Mais il n'est pas facile à la prière individuelle d'un croyant isolé de remonter le courant des sentiments contraires de la majorité. Que pourra obtenir, par exemple, une âme qui se trouve seule à demander par ses prières le réveil d'une Église envahie par l'indifférence et l'incrédulité ? Dans ce cas-ci elle pourra sans doute s'appuyer de la promesse : « A plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent. » (Luc 11: 13). Toutefois il manque encore ici cette condition essentielle : « Ils étaient tous d'un accord dans un même lieu. » (Act. 2 : 1).

Pour faire avancer un grand vaisseau, suffira-t-il qu'un seul homme déploie au vent son mouchoir de poche, tandis que tous les matelots se refusent à ouvrir les voiles ? La foi d'un seul chrétien pourra-t-elle prévaloir et l'emporter sur l'absence d'adhésion de toute l'Eglise ? Quelques cas de bénédictions pourront bien se manifester isolément çà et là, mais de vastes manifestations de la puissance divine ne pourront se voir partout. Ne sait-on pas que si l'on communique à un bloc de glace une somme de chaleur insuffisante pour le fondre, tout ce calorique se dissipe et se perd ? Il en est de même de la foi ; elle ne peut être efficace et produire de bons effets dans l'Eglise quand elle est débordée par cent fois plus d'incrédulité.

Mais il y a plus encore : Dans ce domaine-là, comme en tout autre, Dieu se réserve d'agir en souverain et selon « qu'il l'a arrêté en son conseil. » (Esa. 14 : 27). Il peut, selon les cas, juger bon que tel malade soit aussitôt guéri en réponse aux prières des croyants, tandis que pour tel autre, il vaudra mieux que la guérison soit différée un certain temps.

Nous ne saurions donc trop insister sur la nécessité d'être sincèrement et entièrement soumis à la volonté de Dieu lorsqu'on implore de lui cette grâce-là, aussi bien que toute autre grâce divine. Il nous dit que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom. 8 : 28), mais nous ne devons pas en conclure que toutes opèrent de même. Il y a des bénédictions et des épreuves, des joies et des peines, des plaisirs et des douleurs, des santés florissantes et des maladies, des progrès et des rechutes, mais toutes ces expériences doivent concourir à notre plus grand bien. Telle est la véritable signification de cette promesse. Et si nous rappelons que Dieu surveille et dirige tout cet ensemble complexe de faits providentiels, et qu'il prévoit l'effet final que doit amener chacun des actes de sa Providence, nous reconnaîtrons qu'il importe de ne présenter nos requêtes que dans un esprit de soumission à la volonté de Dieu.

Lorsque saint Augustin pensa à quitter l'Afrique pour passer en Italie, sa pieuse mère redoutant pour cette nature ardente les séductions de Rome, pria le Seigneur avec larmes de l'empêcher de partir. Néanmoins il partit et ce fut à Milan qu'il trouva le salut de son âme. Voici ce qu'en dit saint Augustin lui-même dans ses Confessions. « Tu refusas, Seigneur, d'exaucer sa prière ce jour-là, afin de lui accorder ce qu'elle te demandait sans cesse pour moi. »

Ceci nous fait bien comprendre ce que nous cherchons à établir : Dieu retarde parfois la guérison que nous lui demandons, parce qu'il eut commencer par nous donner la santé de l'âme, le salut que nous lui demandons habituellement. Il se peut aussi qu'il permette la mort terrestre afin de sauver son enfant et de le mettre à l'abri dans les demeures de la vie éternelle. Que nous sommes peu capables de savoir ce qui nous vaut le mieux ! Isaac Barrow qui devint un éminent théologien était si méchant dans son enfance que son père, un père chrétien, avait demandé à Dieu dans le cas où il lui plairait de lui ôter un de ses enfants, qu'il choisit son fils, Isaac.
Que n'eût pas perdu l'Eglise, si cette prière avait été exaucée !

On raconte aussi que la mère de Charles 1er, agenouillée près du berceau de son fils condamné par la médecine, refusa toute consolation, ne demandant que la guérison de l'enfant. En effet sa vie fut épargnée, mais que sa mère eût pensé et prié différemment si elle avait pu prévoir qu'un jour sa tête tomberait sous le glaive du bourreau. Ces faits sont propres à faire réfléchir ; ils nous enseignent jusqu'où peut aller la prière de la foi en fait de guérison divine, c'est-à-dire qu'elle doit toujours être soumise à la souveraine et sage volonté de Dieu. La même règle s'étend à toute prière d'intercession.

Voici l'objection qu'a faite un membre du clergé : Avec de telles convictions quant à l'efficacité de la prière pour la guérison des malades, comment se fait-il que vous ayez encore des malades dans votre troupeau ?

Nous répondons par cette autre question : Avec vos convictions sur l'efficacité de la prière pour la conversion des âmes, convictions basées sur les déclarations de l'Écriture, puisqu'elle dit : « Dieu, notre Sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tim. 2 : 4), comment se peut-il qu'il reste encore des pécheurs non convertis dans le rayon de votre ministère ? Et pourtant tout pasteur ne voit-il pas avec douleur qu'un petit nombre seulement de ceux qu'il cherche à convertir se convertissent réellement. Mais faut-il en conclure que si tous ne veulent pas écouter, se repentir et se convertir, on ne doive plus prêcher, avertir et reprendre « afin d'en sauver au moins quelques-uns ? » (1 Cor. 9 : 22). Non, certainement. Croyons plutôt que quel que soit le nombre des conversions, notre devoir est de chercher de toute façon à « en sauver quelques-uns. » N'est-ce pas là aussi ce qu'il faut admettre quant à la promesse de guérison pour les malades.

C'est bien en effet ce qu'on admettrait sans peine s'il s'agissait de soutenir une théorie généralement accueillie ; mais quand l'évidence et l'opinion courante se réunissent du même côté, elles n'ont pas de peine à faire pencher la balance, tandis que si le témoignage d'un fait isolé doit lutter avec un lourd contrepoids d'incrédulité et de préjugés, il faut du temps pour qu'il parvienne à s'élever au-dessus des idées reçues. Si l'histoire de saint Augustin, de Luther, de Livingstone, de Fox, ou de Dorothée Trudel. se trouvait dans les Évangiles, comme on serait prêt à en défendre l'authenticité! « Sans doute, » dites-vous, « parce que les Évangiles sont inspirés et qu'ainsi il nous est impossible de douter des faits qu'ils rapportent. » Oui, mais ce sont les miracles, qui ont été donnés autrefois pour prouver la vérité de l'inspiration des Écritures et non pas l'inspiration pour accréditer les miracles !
Les premiers miracles ont été admis sur l'inspiration d'hommes et de femmes comme nous, qui après les avoir vus, en ont parlé à d'autres. C'est à mesure que leur authenticité a été reconnue, qu'ils ont servi à prouver la vérité du christianisme. Il nous est facile, à nous, de dire que les faits rapportés par les Évangiles sont surnaturels, parce que tout le système auquel ils se rattachent est surnaturel, mais c'est seulement retourner la question. Les premiers chrétiens ne pouvaient pas raisonner ainsi, puisque les prémisses sur lesquelles nous nous fondons n'existaient pas encore de leur temps. Les miracles du Nouveau Testament ne purent s'accréditer que de la même manière que tout fait contemporain, par le témoignage d'honnêtes et véridiques témoins qui racontèrent avec loyauté ce qu'ils avaient vu. Si donc nos théologiens veulent traiter de sottes inventions les faits racontés par saint Augustin, Luther et Baxter, qu'ils prennent garde de frayer ainsi la voie à l'école de Hume, car leurs élèves glisseront sans peine et très logiquement du refus de croire aux miracles modernes au refus de croire à tout autre miracle.

Ce n'est pas selon leur âge que les miracles acquièrent de la valeur. Un miracle moderne a autant de droit au respect qu'un ancien miracle pourvu qu'il soit tout aussi authentique. Comment serait-il possible d'admettre que Dieu ait fait de grands miracles il y a dix-huit siècles et de ne pas admettre que le même Dieu voulût en faire tout autant aujourd'hui. Prenons garde d'autoriser ainsi l'opinion trop répandue qui ne voit que des mythes dans les anciens miracles. Faut-il donc voir les miracles au travers du prisme de l'antiquité pour en reconnaître la valeur. Souvenons-nous qu'au temps de Jésus, les Juifs furent repris non pas de n'avoir pas cru aux miracles faits neuf cents ans auparavant par Élie et Élisée, mais de n'avoir pas cru aux prodiges opérés de leur temps. Les croyants qui défendent aujourd'hui les miracles du Nouveau Testament se comptent par centaines et ce n'est pas là qu'est le danger pour le christianisme ; c'est l'incrédulité quant aux miracles d'aujourd'hui et de demain qui ravage actuellement l'Eglise. L'incrédulité, reflet du rationalisme et du libéralisme, voudrait rejeter à tout prix notre plus précieux héritage. Combien de gens ne voient dans la régénération que l'amélioration de l'ancienne nature par la culture intellectuelle au lieu de reconnaître là une miraculeuse communication de vie divine.
Que de gens aussi ne voient dans le retour glorieux de Christ qu'une nouvelle phase à attendre du kaléidoscope de l'histoire. Pour le grand nombre aussi, Satan n'est que le symbole concret du mal. En niant l'existence des puissances infernales, on en vient à ne plus croire non plus à ce qui est surnaturel. Pour d'autres encore l'inspiration n'est qu'un degré supérieur d'exaltation intellectuelle et la résurrection n'est plus qu'une élimination, c'est-à-dire l'affranchissement spirituel qu'amène la dissolution chimique du corps après la mort. Quand on lit tout ce qu'ont osé dire là-dessus des professeurs chrétiens ces dernières années, on tressaille d'épouvante et on s'écrie avec Edward Irving : « Oh ! quel serpent plein d'astuce et d'adresse que l'esprit du libéralisme ! Il va mettre à mort nos enfants. Il en a déjà « tué ses dix mille. » Cette ville est malade à mort, elle succombe aux morsures mortelles qu'elle en a reçues. » Gardons-nous de suivre le courant moqueur qui se raille des prodiges et des miracles, de peur que nos yeux et nos oreilles ne deviennent incapables de discerner toute manifestation divine qui pourrait s'offrir à nous.

Quant au côté pratique de cette discussion, on se demande si l'exemple des malades guéris par la foi au grand Guérisseur peut être aujourd'hui de quelque utilité pour prouver la vérité du christianisme. Autant que nous avons pu l'observer, ce sont les malades guéris qui éprouvent avec force les effets de ce genre de guérison, car il est presque toujours accompagné pour eux d'une consécration marquée et d'une onction extraordinaire du Saint-Esprit. De tous les malades guéris dont j'ai eu connaissance en grand nombre, il n'en est pas un seul qui n'ait reçu une effusion frappante de la puissance du Saint-Esprit. Si ceux qui s'opposent encore à cette doctrine avaient pu être témoins des guérisons que nous avons vues depuis plusieurs années, nous croyons que les plus inflexibles d'entre eux ne voudraient au moins pas tirer de leur illusion ces malades si heureux d'être guéris et de savoir qu'ils le doivent à la main du Seigneur posée sur eux.

Voilà ce qui nous paraît être le verdict de la loyauté quant à cette question. Nous ne demandons pas qu'en fait de doctrines chrétiennes, la première place soit donnée à la foi en la guérison miraculeuse ; nous reconnaissons que le salut est bien plus important encore que les miracles ; mais nous soutenons que le miracle doit avoir sa place aussi comme reflet des choses plus élevées qu'il nous amène à mieux saisir.

Un jour que l'empereur Théodosius avait rendu la liberté à tous les prisonniers de son empire, il s'écria : Plût à Dieu qu'il me fût possible aussi d'ouvrir toutes les tombes et de rendre la vie aux morts ! Et nous, lorsque nous voyons aujourd'hui le Seigneur affranchir un malade de l'emprisonnement de la maladie, et surseoir la sentence de mort pour ceux qui en étaient depuis longtemps menacés, ne devons-nous pas voir là le gage de ce qu'a promis de faire notre Rédempteur, le gage de la résurrection qui fera sortir de la tombe tous les prisonniers au jour où il « rendra la vie à nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous ? » (Rom. 8 : 11). Ne sera-ce pas aussi pour nous l'écho de cette autre parole du Seigneur : « Retournez à la forteresse, captifs pleins d'espérance ! Aujourd'hui encore, je le déclare, je te rendrai le double. » (Zac. 9: 12).

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