Tout témoignage venant de ceux qui prêchent l'Évangile aux païens est ici d'un grand poids, car la rigide logique qui veut expulser le miracle du christianisme moderne, ne nous paraît pas étendre au paganisme cet esprit de prohibition. En effet si l'on admet que les miracles appartiennent aux premiers temps du christianisme et non à son développement ultérieur, n'est-on pas obligé de reconnaître que les missions en pays païens sont aujourd'hui le berceau du christianisme pour ces contrées-là ? Il n'y a guère de différence entre Paul à Malte et Judson aux Indes. L'un et l'autre sont des messagers de l'Évangile envoyés à des peuples idolâtres et superstitieux. Ceci étant admis, pourquoi ne serait-il pas permis à Judson de faire dans quelque maison des Birmans ce que fit Paul lorsqu'il entra dans la maison de Publius, qu'il imposa les mains à son père malade et le guérit ? (Act. 28 : 1, 8). Et si on dit que les miracles ne sont plus nécessaires à présent que nous avons l'histoire de l'Eglise chrétienne et l'influence de grandes nations chrétiennes pour soutenir et prouver la vérité de l'Évangile, qu'on se souvienne que c'est là ce que ne possèdent pas les païens, et qu'ainsi les miracles, étant inhérents aux premiers jours du christianisme, devraient apparaître de nouveau dans le champ de la mission. C'est bien en effet ce qu'ont admis plusieurs auteurs, et nous sommes heureux, par exemple, de voir qu'un théologien aussi éminent que le professeur Christlieb de Bonn, se range très franchement à cette opinion, lorsqu'il dit après avoir admis la force de l'argument qui s'oppose aux miracles en pays chrétiens :
« Notre époque se signale pourtant par la fondation de nouvelles Églises. L'oeuvre des missions, est en apparence au moins, plus étendue qu'elle ne le fut jamais ; aussi les miracles ne devraient pas être absents de ce domaine-là, et en effet ils ne le sont pas. Nous ne pouvons donc pas dire qu'il ne se fasse plus de miracles de nos jours. L'histoire des missions modernes offre des exemples de faits miraculeux qui rappellent les temps apostoliques. Ces deux époques présentent les mêmes obstacles à surmonter dans le monde païen, et pour convaincre l'esprit obscurci de l'homme, il faut que les mêmes manifestations de puissance divine viennent confirmer la vérité de l'Évangile. Nous pouvons donc nous attendre à des miracles dans ces cas-là. »
Ensuite, comme s'il craignait moins d'être
accusé de crédulité que
d'être taxé de scepticisme, il cite
plusieurs exemples auxquels il croit pouvoir
ajouter foi. Ceux-ci ne sont que des
échantillons de centaines d'autres qu'on
pourrait également citer, si l'on
n'était arrêté par l'excessive
réserve et la timidité avec laquelle
tant de chrétiens abordent ce sujet. Avec le
sentiment de défiance qui prévaut
généralement à cet
égard, comment attendre que les
témoins de faits surnaturels soient
pressés d'en parler, quoiqu'ils soient
très certains de ce qu'ils ont vu.
Voici néanmoins quelques exemples
de guérison divine dans le champ des
missions. les trois premiers se trouvent dans
l'ouvrage du Dr Christlieb dont nous venons de
parler.
« Lisez ce que raconte Hans Egède, le premier missionnaire évangélique au Groënland. Avant de pouvoir parler la langue des esquimaux, il leur avait fait voir des gravures représentant les miracles de Christ, mais comme beaucoup de gens qui au temps de Jésus, ne recherchaient que la guérison du corps, ils le pressèrent aussitôt de leur prouver la puissance du Rédempteur du monde en guérissant leurs malades. Après avoir beaucoup prié et soupiré devant le Seigneur, il se décida à leur imposer les mains avec prière ; et voici qu'au nom de Jésus-Christ ils furent guéris ! Le Seigneur employa ce moyen visible pour se révéler à ce peuple trop dégradé et matériel pour saisir directement les grâces spirituelles. »
« Dans une mission allemande au Sud de l'Afrique, en 1852, un natif, véritable chrétien, rencontra un ancien ami qui était devenu impotent des deux jambes, Saisi d'un sentiment particulier de confiance et de foi, il se retira dans le hallier voisin pour prier, après quoi allant tout droit à l'impotent, il lui dit : Le même Jésus qui a fait marcher autrefois le boiteux, peut le faire encore aujourd'hui. Je te dis donc au nom de Jésus : Lève-toi et marche ! Avec une foi d'enfant, l'impotent se leva et se mit à marcher au grand étonnement de tous ceux qui le connaissaient. »
Citons encore un trait remarquable concernant le missionnaire allemand Nommensen qui travaillait dans l'Île de Sumatra.
« Un païen qui cherchait à faire mourir Nommensen avait secrètement mêlé un poison mortel au riz préparé pour le dîner du missionnaire. Celui-ci le mangea sans défiance, tandis que le païen le surveillait s'attendant à le voir tomber mort ; mais la promesse de Marc XVI, 18, s'accomplit en sa faveur, et il n'en éprouva aucun mal. Cette preuve évidente de la puissance merveilleuse du Dieu des chrétiens convainquit le païen qui fut converti. Ce ne fut que lorsqu'il avoua lui-même son crime à Nommensen que celui-ci sut de quel danger il avait été préservé. »
Les doctrines qui avaient été
négligées et rejetées
finissent par se faire accepter quand elles se
trouvent dans la Bible et qu'on étudie ce
qu'en dit l'Écriture. Cette promesse de
Jésus « Voici les miracles qui
accompagneront ceux qui auront cru »
(Marc
16 : 17), doit donc
nécessairement s'accomplir çà
et là en dépit des coutumes et des
préjugés. Et d'ailleurs ce texte qui
concerne directement les missions en pays
païens ne saurait manquer de frapper les
prédicateurs indigènes. Sans
connaître l'art de subtiliser les
déclarations de l'Écriture, ils ne
trouveront rien de mieux que de recevoir à
la lettre ce que Dieu nous dit là. Oh !
que ne verrons-nous pas lorsqu'un chrétien
qui n'a pas appris à
douter réclamera de Dieu l'accomplissement
de quelqu'une de ses promesses. C'est alors que
nous entendrons parler de miracles frappants
(1).
Un missionnaire qui a travaillé
plusieurs années en Chine, raconte que les
Chinois devenus chrétiens savent très
bien découvrir dans le Nouveau Testament les
promesses de guérison miraculeuse et y
recourir pour être guéris. Ceci
l'avait amené lui-même à
changer d'opinion à cet égard et
voici ce qu'il écrit :
« Pleinement convaincu que les dons de l'Esprit ne devaient pas être retirés à l'Eglise, j'ai la certitude que notre foi doit les réclamer aujourd'hui. Le salut que tous doivent rechercher est un salut qui affranchit du péché et de la puissance de Satan dès ici-bas. Dès qu'on en viendra à le reconnaître, on s'assurera ainsi la possession de toutes les grâces qui résultent de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La guérison divine fait partie de ce salut-là tout aussi bien que la prédication de l'Évangile. Le ministère de guérison ne saurait donc être retranché des devoirs du missionnaire. »
Voici l'expérience qu'en a faite un missionnaire très considéré chez les Karens :
« Comme je voyageais dans le district de Pégou, je me sentis pressé de dévier de mon chemin pour aller jusqu'à un village où se trouvaient quelques chrétiens. À peine entré chez l'un d'eux, je vis arriver un Karen qui m'était inconnu mais qui me salua comme un chrétien. Il me dit aussitôt qu'ayant appris mon arrivée, il venait me demander d'aller prier près de son fils qui était très malade et près de mourir. Pour appuyer sa demande il citait Jac. V, 14, 15. Naturellement je me rendis aussitôt chez lui, accompagné des trois ou quatre chrétiens de la maison où je venais d'entrer. Le malade avait quatorze ou quinze ans. Il était tellement estropié et impotent par suite d'un état scrofuleux que jamais il n'avait pu marcher et qu'il devait se traîner péniblement sur ses genoux et ses mains. Depuis plusieurs semaines, il était si affaibli par la maladie qu'il ne pouvait plus se soulever et qu'il avait toute l'apparence d'un mourant. Nous priâmes pour lui, chacun à notre tour et le malade ajouta aussi quelques mots. Six ou sept frères prièrent pour lui ; après quoi nous le quittâmes en lui laissant une fiole de médecine venant de notre petite pharmacie. Six mois après, son père vint à la ville et me dit que son fils était guéri, si bien guéri que jamais il n'avait été aussi bien, qu'il marchait sur ses pieds et que les familles païennes n'hésitaient pas à dire qu'il avait été sauvé par nos prières.
- Et vous-même, lui dis-je, qu'en pensez-vous ?
- C'est Dieu qui l'a fait, c'est Dieu qui l'a guéri, s'écria-t-il, puis il ajouta : Ceci n'est pas chose nouvelle pour moi. J'ai assisté plus d'une fois aux guérisons obtenues par votre beau-père, lorsqu'en réponse à ses prières, Dieu guérissait les malades. C'est pour cela que je vous ai demandé de venir prier près de mon fils. À présent le voilà guéri ! »
Dernièrement d'autres missionnaires ont publié le récit de leur propre guérison en réponse à la prière de la foi dans des cas de maladies sans espoir. Nous n'en citerons qu'une ici, celle du Rev. Albert Norton, récit adressé au Dr Stanton de Cincinnati. Après avoir décrit la terrible maladie qu'il eut à Elichpoor, aux Indes, en 1879, un abcès au foie qui s'était ouvert dans le poumon droit, et qui le faisait cruellement souffrir, état compliqué aussi par une fièvre intermittente de malaria, il ajoute :
« Je ne pensais plus qu'à mourir sans souffrir, lorsque je fus saisi d'un vif désir de vivre encore pour ma famille et pour prêcher les trésors incomparables de l'Évangile. Cette pensée me vint aussitôt : Pourquoi Dieu ne te guérirait-il pas ? Ma chère femme était la seule âme croyante du voisinage, avec un ignorant Kerkou qui demeurait alors à dix-huit milles de nous. À ma demande, elle prit de l'huile et m'en oignit, puis joignit ses prières aux miennes pour demander à Dieu de me guérir sans retard. Pendant que je priais à haute voix et sans éprouver de changement dans mon corps, j'eus la certitude que Dieu avait entendu et exaucé nos prières. Nous nous mîmes donc à louer Dieu tout de suite et bientôt la vive douleur du côté droit et la fièvre m'avaient quitté. Je pus aussitôt lire la Bible et chercher quelques passages dans mon Nouveau Testament grec. Ni douleur, ni fièvre ne reparurent et depuis ce moment les forces me revinrent rapidement. Peu de jours après, je pus marcher et parcourir sans fatigue un kilomètre. Pendant ma maladie je n'ai usé d'aucun remède et je n'ai eu d'autre médecin que Jésus. À lui soit louange et gloire ! Pourquoi trouver étrange qu'il guérisse nos corps ?
N'est-il pas écrit de lui : « Il a pris nos infirmités et il s'est chargé de nos maladies ? » (Mat. 8 : 17). N'est-il pas dit de notre Seigneur que « c'est lui qui guérit toutes nos maladies, » aussi bien « qu'il pardonne toutes nos iniquités. » Ps. 103 : 3.) (Le grand Médecin, par Rev. W.-E. Boardman).
Souvenons-nous pourtant que dans ces
cas-là, lorsque Dieu a étendu sa main
pour guérir, son but principal était
de favoriser la prédication de
l'Évangile. Les miracles sont
« les signes » qui accompagnent
l'Évangile, mais n'en sont pas la substance
même. Leur but est de confirmer la Parole de
Dieu bien plutôt que de soulager le corps. Et
c'est là ce qui permet de croire qu'ils
doivent se voir encore en pays païens.
L'aveugle lit sa Bible au moyen de
lettres en relief qu'il touche de ses doigts ;
de même pourquoi Dieu ne donnerait-il pas
plus de relief à son Évangile en
l'accompagnant de signes et de
miracles pour se faire connaître aux
païens qui ne peuvent pas encore discerner
spirituellement ce qu'il est. Que pourrait-on
objecter à ce mode
d'évangélisation qui n'est autre que
le mode primitif et apostolique selon ces
mots : « Et eux, étant partis
prêchèrent partout, le Seigneur
opérant avec eux, et confirmant la parole
par les miracles qui l'accompagnaient. »
(Marc
16 : 20). Ce n'est pas
pour la satisfaction de la chair, mais pour la
gloire de Dieu et l'avancement de la
vérité que Dieu opère des
guérisons, que « l'Éternel
découvre le bras de sa sainteté aux
yeux de toutes les nations. »
(Esa.
52 : 10). Selon son bon
plaisir, il atteint le même but par des
miracles de tout autre genre, comme par exemple
lorsqu'il a doué les martyrs d'une force
surnaturelle qui leur faisait dominer la souffrance
(2).
Perpétue et
Félicité allant au-devant d'une mort
cruelle avec sérénité et joie
et se déclarant publiquement insensibles
à la douleur, voilà ce qui fit
impression sur les païens et les attira
irrésistiblement à la vérité. Ceci n'est
autre qu'un miracle de guérison d'un autre
genre, c'est la main du Seigneur dépouillant
la mort de ses souffrances au lieu de lui arracher
ses victimes. Toujours notre prière doit
être que « la parole du Seigneur se
répande et soit glorifiée »
(2
Thes. 3 : 1), soit par notre
vie, soit par notre mort, soit par notre
guérison, soit par notre patience à
souffrir. Mais Dieu soit loué de ce qu'il
veut voir ses enfants en bonne santé et non
pas malades. Les prêtres de Bahal cherchaient
à se le rendre favorable en « se
faisant des incisions avec des épées
et des lances »
(1 Rois
18 : 28), tandis
qu'Elie
venait de manifester ce qu'était son Dieu en
rappelant à la vie le fils de la veuve de
Sarepta et en le rendant à sa mère.
(1 Rois
17 : 17-24). Les
idolâtres qui s'imposent dans leur culte tant
de supplices et de tortures ont besoin d'apprendre
que notre Dieu est un Dieu qui donne la vie et non
la mort.
Oh ! puissent les païens
apprendre à connaître Christ comme le
divin Guérisseur ! N'est-ce pas
là le voeu qu'on forme pour eux quand on lit
les récits des maladies répugnantes
dont ils souffrent et des tromperies, des
traitements cruels que leur imposent leurs
médecins ? Outre la tyrannie de mauvais
prêtres, toute
nation païenne subit encore le joug
« d'inventeurs de mensonges, tous
médecins de néant. »
(Job
18 : 4).
Comment imaginer et décrire la
joie d'un païen qui, après avoir
vainement cherché à apaiser sa
conscience, finit par trouver Christ et le pardon
de ses péchés ! Voici ce que
s'écriait un pauvre Fidjien :
« Grand-Esprit décharge-nous du
poids de nos péchés. Si nous les
portions sur l'épaule, nous pourrions les
décharger nous-mêmes, mais c'est sur
nos coeurs qu'ils pèsent et toi seul, tu
peux nous en délivrer ! » De
quel prix fut pour cet homme la
révélation qui lui présenta
Christ, « celui qui a porté
lui-même nos péchés en son
corps sur le bois. »
(1
Pier. 2 : 24). Et que
n'éprouverait pas un malade en pays
païen s'il pouvait prendre possession de cette
autre déclaration divine « Il
s'est chargé de nos maladies »
(Mat.
8: 17). Lorsque « de
la plante du pied jusqu'à la tête,
rien n'est en bon état, que ce ne sont que
blessures, contusions et plaies vives »
et qu'après avoir dépensé tout
son bien en frais de médecins trompeurs, ces
plaies « n'ont été ni
pansées, ni bandées, ni adoucies par
l'huile »
(Esa.
1 : 6), quelle gloire ce
malade ne rendrait-il pas à son Dieu-Rédempteur,
s'il
pouvait savoir que Jésus guérit, s'il
pouvait entendre de sa bouche ces mots : Sois
guéri de ton mal. »
(Marc
5: 34)
Y aurait-il présomption à
attendre de grands résultats de la
prédication de l'Évangile parmi les
païens, si elle était
accompagnée des
« miracles » promis dans Marc
16 : 17, 18 ? La
maladie est l'ombre noire qui accompagne et suit le
péché et nulle part ceci n'est aussi
évident que chez les peuples païens. Si
l'on voyait çà et là cette
ombre noire écartée par la main du
Seigneur, ne serait-ce pas le moyen certain de leur
faire recevoir l'Évangile ? Dieu nous
garde de vouloir en ceci ce que lui-même ne
voudrait pas donner ; mais souvenons-nous que
l'ordre d'aller évangéliser le monde
mentionne aussi les signes qui doivent accompagner
la prédication. Nous voyons là le
baptême, « ce signe » qui
rappelle la mort et la résurrection de
Christ, aussi bien que notre justification, et
pourtant que de rudes combats se sont livrés
dans l'Eglise pour qu'il y fût maintenu. Nous
voyons là tout aussi clairement la
guérison des malades, « ce
signe » qui nous parle d'un Christ
glorifié et à jamais vivant, et
pourtant que d'hésitations et de
perplexités il fait naître en
nous !
Oui, il
est
là, « mais qui est suffisant pour
ces choses ! »
(2
Cor. 2 : 16.). Oserions-nous
répéter franchement, à propos
de nos frères missionnaires qui travaillent
au milieu de prêtres hostiles et de tribus
sanguinaires, cette prière des
apôtres : « Seigneur, vois
leurs menaces et donne à tes serviteurs
d'annoncer ta parole avec une pleine assurance, en
étendant ta main pour qu'il se lasse des
guérisons, des miracles et des prodiges par
le nom de ton saint serviteur
Jésus. »
(Act.
4 : 29, 30). Si nous ne
pouvons pas encore prononcer cette prière,
ne pouvons-nous pas au moins nous joindre à
celle-ci qu'inspirèrent à un pieux
commentateur les derniers mots de l'Évangile
de saint Marc : Crions au Seigneur qu'il
fortifie ses messagers fidèles, afin qu'ils
puissent « imposer les mains aux
malades » et qu'avant le retour de Christ
s'accomplissent largement cette promesse :
« et les malades seront
guéris. »
(Marc
16 : 18).
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