Si nous admettons avec les historiens de
l'Eglise que depuis la fin du troisième
siècle les miracles y ont été
moins fréquents, nous devons
reconnaître pourtant que dans tous les
âges suivants, il s'est trouvé des
fidèles qui ont témoigné de
l'existence de miracles opérés
ça et là. Nous en appelons à
ce que rapportent divers théologiens qui,
non contents de défendre la doctrine de la
continuation des miracles, ont pu appuyer ce qu'ils
en disaient en citant des exemples dignes de
foi.
Saint Augustin, au Ve siècle,
dans l'un des chapitres de De civitate Dei,
nous montrent clairement qu'il se ralliait à
la doctrine de la perpétuité des
miracles. Voici ce qu'il dit :
« Quant aux miracles qui ont
été faits pour amener le monde
à croire en Christ, et qui ne cessent de se
produire encore parmi les croyants... »
Et il énumère tout au long plusieurs
miracles, principalement des miracles de guérison,
qu'il tenait
pour avoir eu lieu de son temps et dont il avait eu
plus ou moins connaissance. » Il vivait
dans un temps où la superstition
commençait à obscurcir
l'Eglise ; aussi les récits de miracles
qu'il nous fait sont-ils parfois entachés
des superstitions du temps :
« Encore à présent, il se fait des miracles en Son Nom, soit par les sacrements, soit par la prière, et aussi sur les tombes des saints, mais ils n'acquièrent pas la même renommée que les anciens miracles. Le saint Livre qui devait faire connaître ceux-ci et qui en a répandu de tous côtés le souvenir, leur donne une place dans la mémoire de tous les hommes, tandis que les miracles plus récents ne sont guère connus que dans la ville ou le voisinage immédiat des endroits où ils ont eu lieu. »
Dans le même chapitre il appuie par un
exemple ce qu'il vient de dire. Nous donnons ici un
abrégé de ce récit qui est
très étendu, aussi bien que
très touchant et plein de naturel. Il
raconte la guérison d'Innocentius,
chrétien sincère et de haut rang,
habitant Carthage. Atteint d'une pénible
maladie, il avait subi plusieurs opérations
sans résultat. Alexandrinus,
célèbre chirurgien, avait
déclaré qu'il n'y avait plus d'espoir
de guérison à moins
qu'on ne tentât une nouvelle opération
qui fut décidée pour le lendemain. La
veille au soir, plusieurs des principaux de
l'Eglise étaient venus le voir ; il les
pria d'assister à cette opération,
craignant qu'elle n'amenât sa mort.
« Parmi ceux qui étaient
présents, » dit saint Augustin,
« se trouvait l'évêque
Aurélius, actuellement seul survivant. C'est
un homme dont on ne peut parler qu'avec
éloge et respect. Souvent lorsque plus tard
nous nous entretenions ensemble des oeuvres
merveilleuses de Dieu, nous nous sommes
rappelé ce qui se passa ce jour-là et
je sais qu'il a conservé le souvenir intact
de ce que je raconte ici. »
Voici le reste du récit tel que
l'a écrit saint Augustin :
« Nous nous mîmes à genoux pour prier, comme nous l'avions fait d'autres fois. Lui aussi se sentit poussé à s'agenouiller, comme si quelqu'un l'eût forcément jeté à terre et il se mit à prier. Avec quelle ferveur, quelle émotion il pria alors, avec quel torrent de larmes, quelle agitation de tout le corps ! Sa respiration même semblait suspendue par ses soupirs et ses sanglots. Je ne sais si les autres gardèrent assez de sang-froid pour pouvoir prier. Quant à moi, je ne le pus pas. Je ne pus dire que ces mots au dedans de moi : Seigneur, quelle prière de tes enfants exauceras-tu, si ce n'est celle-ci ? car on eût dit qu'il allait perdre la vie en priant ainsi. Nous nous relevâmes; et après la bénédiction de l'évêque, nous quittâmes le malade en lui promettant d'être avec lui le lendemain et l'exhortant à être calme.
« Le moment redouté arrive. Les serviteurs de Dieu se réunissent autour du malade. Les chirurgiens entrent aussi. On prépare tout ce que requiert la circonstance, et à la terreur de tous, on sort les terribles instruments de chirurgie. Ceux des assistants, qui ont le plus d'autorité, cherchent à soutenir et fortifier le patient par des paroles d'encouragement. On le place dans la position convenable pour l'opération, et le chirurgien, son instrument à la main, inspecte le siège du mal. Il regarde, palpe, examine de toute façon et finit par déclarer que le mal est parfaitement guéri. Aussitôt éclatent de toute part la joie, les louanges, les actions de grâces adressées au Dieu tout puissant et miséricordieux. Impossible de décrire cette scène émouvante, toute de joie et de larmes. »
En lisant avec soin ces lignes, on verra
qu'outre le témoignage rendu ici par
l'auteur, tout concourt à prouver
l'authenticité de ce miracle. Tous les
détails donnés montrent clairement qu'il
croit
lui-même à la guérison
accordée à la prière de la
foi.
Martin Luther dont les prières
remportaient de telles victoires, qu'on disait de
lui : Il obtient de Dieu tout ce qu'il veut,
serait sans doute un bon avocat de cette cause s'il
avait à la défendre. Et nous savons
qu'en effet il a eu à s'en occuper.
Le témoignage de Luther en faveur
de la guérison divine est l'un de ceux qui
ont le plus d'importance et de force dans les temps
modernes. Nous trouvons en Luther un ardent
défenseur des miracles dont il parle avec
toute l'énergie d'un coeur saxon.
« Que de fois, s'écrie-t-il, des
démons n'ont-ils pas été
chassés au nom de Christ, et des malades
guéris soit par la prière, soit au
nom du Seigneur ! » Et il joignait
l'action à la parole, car un jour qu'on lui
amena une jeune fille en lui disant qu'elle
était possédée du
démon, il posa la main sur sa tête et
fit appel à cette promesse du
Seigneur : « Celui qui croit en moi,
fera aussi les oeuvres que je fais, et il en fera
même de plus grandes. »
(Jean
14 : 12). Ensuite il
demanda à Dieu avec les autres ministres de
l'Eglise, de vouloir bien chasser le démon
et le faire sortir de cette jeune fille. Une
parfaite guérison lui fut
accordée. Il en fut de même dans
d'autres cas où il avait prié pour
des malades.
Le même auteur raconte aussi la
guérison de Philippe Mélanchton,
remarquable entre toutes, et qui paraît bien
avérée. Mélanchton,
tombé malade en voyage, avait envoyé
un messager à Luther pour l'en
informer ; voici le reste du
récit :
« Luther arriva et trouva Philippe près de rendre l'âme. Il était presque sans connaissance, ses yeux étaient éteints et fixes, il avait perdu la parole et n'entendait plus. Il ne reconnaissait plus personne et ne pouvait prendre aucune nourriture ni solide ni liquide. À cet aspect, Luther fut consterné et se tournant vers ses compagnons de route il s'écria : Seigneur Dieu ! Comme le diable m'a détruit cet instrument ! Puis allant vers la fenêtre, il cria à Dieu avec ferveur, le priant de supporter son insistance et lui disant que ce qu'il venait de faire là l'obligeait à insister auprès de lui par des supplications. Il lui répéta toutes les promesses que lui fournissaient les Écritures. Il osa même lui dire que s'il voulait qu'il pût encore recourir à lui avec confiance, il fallait qu'il l'écoutât et qu'il lui répondît tout de suite.
Après cette prière, il prit la main de Philippe et sachant bien quelle était l'angoisse de son coeur et de sa conscience, il lui dit :
Courage ! Philippe, tu ne mourras pas. Quoique Dieu ne manque pas de bonnes raisons pour te faire mourir, « il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. » N'écoute donc plus l'esprit du mal, et ne te laisse pas mourir ; mais aie confiance au Seigneur qui a la puissance de faire mourir et de faire vivre. Tandis qu'il lui parlait encore, Philippe parut reprendre ses sens et respirer, puis la force lui revint peu à peu et il finit par être entièrement guéri. »
Si le lecteur se hâtait de dire que cette guérison peut être attribuée à des causes naturelles, nous devons lui rappeler que Luther et Mélanchton pensaient tout autrement. Voici ce que Mélanchton écrivait à un ami :
« Je serais un homme mort, si je n'avais pas été rappelé à la vie par l'arrivée de Luther. »
Luther s'exprime de la même manière en écrivant à des amis :
« Philippe est très bien rétabli de sa grave maladie. Elle a été plus grave que je ne l'avais cru. Je l'ai trouvé mort, mais par un miracle de Dieu, à présent il vit. »
Puis en faisant allusion à sa présence à la diète il ajoute :
« Travail et fatigue en pure perte, dépense d'argent pour rien ; mais quoique je n'aie rien pu faire, j'ai retiré Philippe du bord de la tombe et je vais le ramener avec joie chez lui, etc. »
Tel est le témoignage du grand réformateur, et s'il le fallait il serait facile de l'appuyer d'autres exemples encore, témoignant tous de la puissance de ses prières pour guérir les malades.
La guérison de Myconius est bien connue ; lui-même en avait écrit ceci :
« Sauvé de la mort en l'an 1541 par les requêtes, les prières et les lettres du Révérend père Luther. »
Voici comment Luthardt raconte ce fait:
« Myconius, vénéré superintendant de Gotha, était au dernier degré de la consomption et ne pouvait plus parler. Luther lui écrivit qu'il ne devait pas mourir : « Que Dieu me préserve d'apprendre votre mort tant que je suis en vie, et qu'il vous donne de me survivre. C'est ce que je lui demande avec ferveur et je l'obtiendrai ; il m'accordera mon désir. Amen. » Myconius a dit ensuite : Quand je lus cette lettre, je fus saisi d'une si forte émotion qu'il me semblait entendre Christ me dire lui-même : « Lazare, sors de là. » Depuis ce moment Myconius fut en effet préservé de la mort par la puissance des prières de Luther et il ne mourut qu'après Luther. »
Le coeur de lion du réformateur
était révolté des grotesques
miracles de l'antéchrist, mais son coeur de
chrétien croyait aux promesses de Dieu, dont
il éprouvait la réalité et sur
lesquelles il s'appuyait dans ses prières.
Quelle victoire pour lui quand il pouvait
démontrer la vérité de
l'Écriture en disant de quelque passage de
la Bible : Pour ceci, je sais avec certitude
que c'est vrai.
Richard Baxter, au XVIIe siècle,
mérite une confiance particulière
quant au sujet que nous traitons. Il exprimait ses
convictions avec tant de liberté et de
hardiesse, que Boyl a dit de lui :
« Il ne craint le déplaisir de
personne, et ne recherche l'assentiment de
personne. » Il était si pieux que
Joseph Alleine faisait précéder les
citations qu'il faisait de lui par ces mots :
« Ainsi que le dit très bien le
saint Mr Baxter, cet homme de Dieu »...
Baxter a très clairement défendu la
cause de l'intervention miraculeuse de Dieu en
faveur de ses fidèles. En parlant de ce
qu'il appelle les actes signalés de la
Providence de Dieu, » il dit :
« Je suis convaincu que parmi les croyants, attentifs à l'intervention de Dieu, il ne s'en trouve guère qui ne puisse raconter quelque expérience merveilleuse de la puissance de Dieu à son égard, de sa fidélité à accomplir ses promesses en faveur de ses serviteurs. Soit par la guérison de quelque maladie sans espoir, soit par un prompt secours dans quelque péril imminent, la délivrance arrive si soudainement et d'une manière si contraire au cours ordinaire de la nature qu'on doit reconnaître alors que tout autre moyen eût échoué. »
Après avoir parlé de cas frappants tirés de la vie des réformateurs, il ajoute :
« Mais pourquoi aller chercher des exemples si loin ? Pourquoi recourir à ceux que nous fournit l'histoire de l'Eglise ? Tout chrétien sincère ne sait-il pas ce que c'est que de lutter avec Dieu par la prière en lui rappelant ses promesses ? Chacun ne pourrait-il pas nous raconter de merveilleuses réponses accordées à sa foi ? Je sais que l'incrédulité et l'athéisme ne manqueront jamais d'objections à opposer aux interventions divines les plus remarquables. La nature humaine qui ne connaît pas Dieu et qui est inimitié contre lui, ne veut pas reconnaître sa main même dans les manifestations les plus évidentes. Généralement, on préfère tout attribuer au hasard, aux causes naturelles ou à telle autre idole de néant ; mais quand Dieu accorde au moment même de la prière, contre toute probabilité humaine, et sans le secours, d'aucun moyen terrestre, des exaucements pleins de miséricorde, n'est-ce pas nous dire clairement du haut des cieux : « J'accomplis en ta faveur ce que je t'ai promis en Christ. »
« Que de fois j'ai reconnu l'efficacité de la prière de la foi pour guérir des malades qui étaient abandonnés des médecins. C'est là ce que j'ai éprouvé plus de dix fois pour moi-même quand tout remède échouait et que la médecine et la raison avaient déclaré qu'il n'y avait plus d'espoir ; c'est alors que j'ai été rétabli par l'efficace de ferventes prières. « Ma chair et mon coeur défaillaient, mais Dieu est le rocher de mon coeur et mon partage à toujours. » (Ps. 73 : 26). Et quoiqu'à présent il me laisse dans un état de faiblesse et de maladie sans doute salutaire et que je puisse craindre encore d'autres assauts de l'ennemi, je me sens pressé par les expériences très certaines que j'en ai faites, de reconnaître ici, à la gloire du Dieu tout-puissant, qu'il est fidèle à ses promesses, à sa parole infaillible, et que c'est un grand privilège de pouvoir recourir à lui par l'esprit de supplication jusqu'à « l'importuner. » (Luc 18 : 5). Je ne doute pas qu'un grand nombre de chrétiens attentifs à observer l'intervention de Dieu, ne puissent attester aussi cette prépondérance de la prière. »Richard Baxter donne ensuite un récit détaillé de sa merveilleuse guérison que nous citons tout au long :
« Entre autres exemples que je pourrais citer en grand nombre, ma conscience m'impose le devoir de vous donner celui-ci qui confirme ce que je viens d'écrire. Je souffrais d'une tumeur sur l'une des amygdales de la gorge. Elle était ronde et dure comme un pois ; la crainte que cette grosseur ne devint un cancer me donnait plus d'inquiétude que le mal lui-même. Je recourus donc à des dissolvants et ensuite à des adoucissants, le tout en vain pendant environ trois mois. Enfin ma conscience me reprocha d'avoir gardé le silence sur d'anciennes guérisons que j'avais obtenues de Dieu par la prière, et dont je n'avais rien dit par orgueil, par crainte de me rendre ridicule en faisant parade des miséricordes de Dieu envers moi, comme si j'étais particulièrement favorisé du ciel.
« Un jour que je devais prêcher sur la guérison divine, je me sentis pressé de dire : « Que de fois j'ai reconnu l'efficace de la prière de la foi pour guérir les malades quand la médecine avait perdu tout espoir... » Je m'étendis sur ce sujet ajoutant encore d'autres choses que je ne répète pas ici. Quand je m'étais rendu à l'église, ma tumeur était encore là comme à l'ordinaire, je la sentais très bien et souvent je l'avais regardée dans la glace ; mais aussitôt que j'eus achevé ma prédication je sentis qu'elle avait disparu. Courant à la glace je constatai qu'il n'en restait plus trace, et qu'on ne pouvait en voir ni cicatrice, ni vestige quelconque. Impossible de savoir ce qu'elle était devenue. Je suis certain de ne l'avoir ni avalée, ni crachée, et il n'est guère possible de croire qu'elle se fût dissoute après avoir été dure comme un os pendant trois mois malgré tous les dissolvants employés en gargarismes. Je crois utile de raconter cette guérison-là, parce qu'elle a eu lieu au moment même où je disais ce que je viens d'écrire ici.
« Que de grâces tout aussi merveilleuses m'ont encore été accordées ! Je sais en outre que d'autres en ont également obtenu en réponse à leurs prières. »
John Albert Bengel s'est acquis l'estime et l'affection de tous ceux qui aiment la Parole de Dieu et qui ont étudié ses commentaires de la Bible. Il a l'art d'exposer avec force et, ce qui vaut mieux encore, il est doué d'une foi énergique. Ses ouvrages, dit Dorner, furent le premier signal de la nouvelle exégèse dont l'Eglise avait si grand besoin. S'il trouve dans la Bible des choses qui lui paraissent dépasser ses facultés critiques, jamais il n'y trouve rien qui dépasse les facultés de sa foi. Aussi ses interprétations ne cherchent-elles pas à ramener l'Écriture aux mesures de la portée et de l'expérience humaine mais toujours elles sont une franche adhésion à la Parole de Dieu qu'il tient pour parole de vérité. Jamais la Bible n'est atténuée en passant par sa bouche ; jamais elle n'en sort amoindrie comme si elle devait payer droit de péage à l'incrédulité moderne. Il aime à dire : « La foi saisit tout ce que Dieu lui offre et s'avance ainsi victorieusement. » Ces mots peignent mieux que tout le reste comment il traitait l'Écriture. La foi de Bengel ne chancelait donc pas quant à la promesse de guérison divine que contient le Nouveau-Testament. Il croyait à cette promesse, il le disait ouvertement et savait s'en réjouir. En parlant du don de guérison. voici ce qu'il dit :
« Il semble avoir été donné de Dieu pour rester dans l'Eglise comme spécimen de ses autres dons, précisément comme jadis la manne recueillie prouvait chaque jour la puissance de Dieu à faire des miracles... (Commentaire sur saint Jacques, V. 17.)
« O bienheureuse simplicité, interrompue ou perdue par l'incrédulité. Et pourtant même de nos jours, la foi confère à chaque croyant une puissance miraculeuse cachée.
Tout exaucement de prière est réellement un miracle quoiqu'il n'en ait ni l'apparence, ni l'éclat. C'est donc la faiblesse de la foi des croyants, c'est l'incrédulité du monde qui empêchent la puissance miraculeuse de se manifester de nos jours et ce n'est pas que l'Eglise soit à présent si bien établie qu'elle n'ait plus besoin de miracles. Dans les premiers temps de l'Eglise, les miracles ont été son appui, tandis qu'à présent ils sont l'objet de sa foi. » (Commentaire sur saint Marc, XVI, 14).
Puis pour confirmer ce qu'il vient de dire il cite le trait suivant :
« À Léonberg, ville du Wurtemberg, en 1644, une jeune fille de vingt-trois ans était si impotente qu'elle pouvait à peine se traîner à l'aide de béquilles ; mais un jour que le diacre Raumier parlait en chaire des miracles opérés au nom de Jésus, elle fut soudainement rétablie et reprit l'usage de ses jambes. »
Il ajoute encore que :
« cette guérison eut lieu en la présence du duc d'Eberhardt et de ses courtisans et qu'on en conserva le récit dans les archives comme authentique et hors de doute. »
Edward Irving a aussi rendu témoignage
à la doctrine dont nous plaidons la cause.
C'était un homme remarquablement
bien doué et dont le principal don
paraît avoir été celui de la
foi. Tout ce qu'il trouvait écrit dans la
Bible, il le croyait avec toute l'intense
énergie de sa nature. Il vivait dans un
temps de grande mort spirituelle ; aussi
désirait-il ardemment de voir le
christianisme reprendre plus de vie. Il savait que
pour cela il fallait exciter l'Eglise à
retrouver les dons qu'elle avait perdus. Restaurer,
c'est faire revivre, disait-il avec feu. Ses
paroles scandalisaient, et finirent par lui faire
une mauvaise renommée. On l'accusa d'offrir
sur l'autel du feu étranger parce qu'il
cherchait à ramener dans son Église
l'Esprit de la Pentecôte. N'était-il
pas grand besoin d'un renouvellement de vie dans un
temps où les chefs de l'Eglise avaient
tellement étouffé la Parole de Dieu
par leurs traditions que lorsqu'ils discutaient
avec Irving, ils en appelaient ouvertement de la
Bible à l'interprétation humaine.
Qu'on se souvienne de ce que fit Jojakim, roi de
Juda : « Lorsque Jehudi eut lu trois
ou quatre feuilles, le roi coupa le livre avec le
canif du secrétaire et le jeta dans le feu
du brasier, où il fut entièrement
consumé. »
(Jér.
36 : 28).
Hélas ! ne peut-on pas accuser la
théologie moderne d'en
avoir fait autant du douzième chapitre de la
première Épître aux Corinthiens
et de telle autre page de l'Écriture
où nous lisons que Dieu a donné
à l'un « la parole de sagesse...
à un autre le don de guérison par le
même Esprit, à un autre le don
d'opérer des miracles, à un autre la
prophétie ? »
Avec un zèle qui manquait parfois
de pondération, Irving a accusé
l'Eglise d'avoir usé du canif de
l'incrédulité pour retrancher ces
textes de l'Écriture, lorsqu'elle a
déclaré que ces grâces
n'appartiennent pas à l'Eglise
d'aujourd'hui. Il allait plus loin encore :
« La parole de l'Éternel fut
adressée à
Jérémie : Prends un autre livre
et tu y écriras toutes les paroles qui
étaient dans le premier livre qu'a
brûlé Jojakin, roi de
Juda. » Irving se crut chargé de
la même mission, non pas de faire une
nouvelle révélation, mais de remettre
en lumière d'anciens textes qui parlaient
des « dons spirituels. » Par
là il encouragea son troupeau à
rechercher et même à exercer, selon
que Dieu l'accorderait, les dons de
prophétie et de guérison. Ce fut
là sa principale audace et ce qui attira sur
sa splendide carrière l'éclipse de la
défaveur publique.
Nous nous sommes toujours senti
attiré vers lui à
cause de son héroïque attachement
à la Parole de Dieu et de son empressement
à suivre Christ « hors du camp en
portant son opprobre. »
(Héb.
13 : 13.) Quand le
Maître viendra rétribuer ses
serviteurs, celui-ci recevra certainement du
Seigneur double récompense pour tout ce qu'a
souffert son coeur brisé avant de descendre
dans la tombe.
Dans ses écrits, Irving a
traité cette doctrine de main de
maître. Il voyait dans l'Eglise
« le corps de Christ », et dans
les dons de l'Eglise la plénitude de celui
qui est « tout en tous. » Il
soutenait que l'Eglise doit manifester en tout
temps quelque chose de la puissance miraculeuse qui
appartient à la Tête, car puisqu'elle
souffre avec celui qui a souffert sur la croix,
elle doit par son union avec lui, recevoir et
manifester la puissance surnaturelle qu'il
possède sur le trône de Dieu. Ceci lui
paraissait essentiel pour que l'Eglise pût
être le fidèle témoin du Christ
qui tient à présent le sceptre de la
création après en avoir porté
le fardeau.
Il déplorait que dans la
prédication, la logique et la
rhétorique eussent si fort supplanté
les dons de l'Esprit. « Il faut, dit-il, que
le don des miracles
reparaisse promptement dans l'Eglise, sinon elle
sera envahie par la philosophie ; alors la foi
devra faire place à la loi des causes et des
effets qui maîtrisera l'esprit comme elle
domine déjà la raison.
Il disait que le but des miracles est
non seulement de continuer à manifester la
puissance du Christ actuellement vivant et
glorifié, mais de nous donner aussi un
avant-goût de son royaume à venir. Il
a signalé avec clarté le sens des
divers signes ou miracles promis dans Marc
16 : 17, 18, montrant
qu'ils avaient été promis par le
Seigneur comme les prémices du
« royaume de Dieu », et qu'ils
devaient perpétuellement accompagner la
prédication de ce
« royaume. » Il conclut en
déclarant que ces miracles ont cessé
par suite de l'incrédulité de
l'Eglise et que ce n'est point par la
volonté de Dieu qu'ils ont été
révoqués.
« Ces dons ont cessé, a-t-il écrit, précisément comme la verdure, les fleurs et les fruits cessent à l'arrivée de l'hiver. Ce sont les glaces et les rafales survenues dans l'Eglise qui l'ont empêchée de manifester tout son éclat ; mais si l'hiver est sans feuilles et sans fleurs, en augure-t-on qu'il n'y aura plus ni fleurs, ni fruits ?
Avec confiance en la parole de Dieu qui veut que tout se reproduise selon son espèce, on prépare en hiver pour la saison suivante ; de même quoique l'Eglise soit tombée bien bas, s'il est vrai qu'elle soit les prémices et les arrhes de la puissance de rédemption dont Christ vivifiera plus tard toute la nature, elle possède encore en elle cette vie divine qui se manifestera dans des jours meilleurs. »
C'est cette conviction qui le poussait à parler avec tant de force et à demander à Dieu avec ferveur que l'Eglise recouvrât ses anciens dons. Si ses efforts lui ont valu souffrance et persécution, nous savons aussi qu'il en est résulté de beaux fruits. Il ne s'en tenait pas à la théorie, à exhorter son troupeau à se confier en Jésus pour le corps aussi bien que pour l'âme, mais il nous a raconté comment il s'était confié lui-même au Seigneur lorsque saisi par un mal grave, par le vertige et la sueur de la mort, il se cramponna un jour à la chaire pour attendre que Dieu accomplît aux yeux de son troupeau cette promesse : « La prière de la foi sauvera le malade » (Jac. 5 : 15), et qu'alors son Rédempteur vint à son secours et lui donna de prêcher ce jour-là avec une rare « démonstration d'Esprit et de puissance. » ,
Thomas Erskine a aussi parlé de cette
doctrine avec conviction et profonde connaissance.
Ceux qui ont lu ses ouvrages savent de quelle
finesse et clarté d'esprit il était
doué. Avocat de profession, il est plus
généralement connu comme
théologien et révéré
comme chrétien. C'était comme le dit
le Dr Hanna dans la préface du recueil des Lettres d'Erskine,
« un
chrétien affable qui marchait habituellement
avec Dieu. »
En parlant de guérisons
miraculeuses et d'autres dons, il dit :
« Je persiste à croire que pour tous ceux qui s'en tiennent à ce que dit le Nouveau Testament, il serait plus difficile d'expliquer la disparition de ces dons que d'admettre la possibilité de leur retour. » (Letters, p. 408).
Dans sa correspondance avec le Dr Chalmers, qui trouvait qu'il ne fallait pas vouloir actuellement des miracles du Seigneur, mais qu'il valait mieux s'en tenir aux manifestations ordinaires de l'Esprit, il lui répond qu'il faut vouloir ce que Dieu a ordonné :
« Si Dieu nous a donné ces choses comme moyens d'avancement, ce n'est pas de l'humilité de dire : Je n'en ai pas besoin. Quand Dieu dit à Achaz de demander un signe et qu'il répondit : « Je ne demanderai rien. Je ne tenterai pas l'Éternel », il fut sévèrement repris de cette fausse humilité. » (Esa. 7: 12, 13.)
Erskine était convaincu que les dons miraculeux avaient été donnés à l'Eglise d'une manière permanente :
« C'est une grande et générale erreur de penser que les dons miraculeux n'avaient d'autre but que de prouver l'inspiration des Écritures et de témoigner de leur authenticité, de croire par conséquent qu'ils ont cessé aussitôt que le canon des Écritures a été complet, tandis que leur but est de témoigner de la toute-puissance de Christ comme Tête de l'Eglise qui est son corps. Si la foi de l'Eglise était restée pure et vivante, jamais les dons de l'Esprit n'auraient cessé.
Jamais Christ n'a révoqué la promesse de Marc 16 : 17, 18. »
C'est donc avec un vif intérêt qu'il épiait tout indice du retour de ces dons, croyant en apercevoir déjà quelques exemples dans le mouvement religieux de son temps, soit pour la guérison divine, soit pour le don des langues. Nous en citons ici un exemple tiré de ses Lettres :
« En mars 1830 et dans la ville de Port Glasgow on the Clyde, vivait une famille du nom de Mac Donald, se composant de deux frères, James et George, et de leurs soeurs. L'une d'elles, Marguerite, de vie sainte, était très malade et près de la mort. Sur son lit de maladie elle avait reçu un remarquable baptême du Saint-Esprit et avait demandé à Dieu d'accorder à ses frères la même grâce. Un jour que James était auprès d'elle et qu'elle intercédait pour lui, priant Dieu de lui envoyer au moment même la Vertu d'en-haut, l'Esprit descendit sur lui, manifestant sa présence d'une manière merveilleuse. Toute sa personne fut illuminée, et avec un air d'indescriptible majesté, il s'approcha du lit de Marguerite et lui dit : « Lève-toi, et tiens-toi debout. » Il répéta encore ces mots, la prit par la main, et elle se leva. Sa guérison fut instantanée et complète. Le récit de cette guérison fit sensation. On vint de loin pour voir la malade guérie. Je visitai la famille et après m'être informé du fait avec soin et en détail, je l'écrivis, très convaincu de la réalité de ce miracle. »
Le docteur Horace Bushnell raconte ce qui s'est passé chez l'un de ses amis dont le caractère véridique est très connu
« Un de ses enfants qu'il avait emmené loin de chez lui, prit la fièvre scarlatine, et aussitôt il se demanda : Que faire ? Mais je le laisse parler :
Le Seigneur m'avait guéri moi-même, mais voudrait-il guérir mon fils ? J'en parlai avec un frère en la foi qui ne croyait pas à la guérison divine et qui m'engagea à faire chercher le médecin. J'envoyai donc un de ses domestiques à cheval pour le faire venir. Avant l'arrivée du docteur, je reçus plus de lumière sur ce sujet. Je vis que j'étais tombé dans un piège en me détournant de la puissance de guérison du Seigneur pour recourir à la médecine. Condamné par ma conscience, je fus saisi de la crainte que si je persévérais dans cette voie d'incrédulité, mon fils mourrait comme son frère aîné, car les symptômes de la maladie étaient les mêmes.
Le médecin arriva, il dit que mon fils, avait la fièvre scarlatine et qu'il fallait vite faire chercher des remèdes. Tandis qu'il écrivait sa prescription, je résolus de remettre l'enfant au Seigneur seul. Dès que le docteur fut parti, je dis à la bonne d'emmener l'enfant et de le mettre au lit ; puis tombant à genoux, je confessai le péché que j'avais commis en m'écartant de la puissance de guérison du Seigneur. Je priai Dieu avec ferveur lui demandant de me pardonner et de me montrer son pardon en réprimant la fièvre. (Luc 4 : 89). J'eus la conviction que ma prière était exaucée, et me relevant j'allai à la chambre de l'enfant tout au bout d'un long corridor pour voir ce que le Seigneur aurait fait. En ouvrant la porte, je vis mon petit garçon assis sur son lit et aussitôt il me dit : Je suis guéri et je voudrais dîner. Une heure après, il était habillé et mangeait son dîner. Quand les remèdes arrivèrent, on les jeta par la fenêtre.
Le lendemain quand le docteur revint, il me vit au jardin et me dit : J'espère que votre fils ne va pas plus mal.
- Il est très bien, merci, lui répondis-je.
- Que dites-vous là ?
- Je vais vous l'expliquer ; entrez.
- Je lui racontai alors ce qui s'était passé ; il ouvrit de grands yeux et dit : Puis-je voir l'enfant ?
- Certainement, docteur, car je vois bien que vous ne me croyez pas.
Nous montâmes dans la chambre des enfants où mon fils jouait avec son petit frère. Le docteur lui tata le pouls, et dit : Il n'a plus de fièvre.
- Il trouva la langue en bon état et ajouta : Oui, il est guéri. Le mal en était sans doute à la crise décisive. »
Le nombre de ces témoignages pourrait s'accroître encore de beaucoup d'autres appuyés des noms de Hugli Grotius, théologien hollandais, de Lavater, le Fénelon de la Suisse, comme on l'a appelé, de Hugh Mac Neil, éminent pasteur évangélique anglais du siècle passé, de Thomas Boys, M. A. of Trinity College, Cambridge, et d'autres encore dont je ne parle pas ici faute de place.
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