Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

TÉMOIGNAGE DE L'EGLISE

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« Des témoins dignes de foi affirment que les dons miraculeux des temps apostoliques ont continué jusqu'au troisième siècle au moins, et leur témoignage ne laisse aucun doute à cet égard. » Voilà ce que déclare le Dr Gerhard Uhlhorn. Ce qu'il dit là a une grande portée, car si l'on peut prouver qu'il y ait eu des miracles deux cents ans après Jésus-Christ, il n'y a pas de raison pour nier qu'il s'en fasse encore au dix-neuvième siècle. Sans doute les temps apostoliques ont été tout particulièrement favorisés à cet égard. Tant que vécurent les hommes qui avaient vu le Seigneur et qui l'avaient accompagné pendant son ministère terrestre, il se peut bien qu'ils eussent le secret d'une puissance inconnue aux générations suivantes. Il faut bien reconnaître que cette période se distingue tout particulièrement par les dons du Saint-Esprit.

Et cependant notre Seigneur prend soin de nous dire qu'après, son départ il y aura augmentation plutôt que diminution de puissance spirituelle. « Mais vous recevrez la puissance du Saint-Esprit. » (Act. 1. 8) et (Jean 14 : 12). Jésus n'a donc point parlé d'arrêter le cours des manifestations divines qu'il avait opérées ; et si l'histoire de l'Eglise ne signale pas de brusque cessation des miracles à l'expiration des temps apostoliques, nous devons nous demander pourquoi les miracles ne devraient pas continuer tant que subsiste l'Eglise et que se prolonge le ministère de l'Esprit.

Si nous interrogeons les écrits des Pères de l'Eglise, nous y trouvons un grand nombre de témoignages qui attestent la continuation des dons miraculeux. Nous n'en citerons que quelques-uns qu'il sera facile de vérifier si on veut en prendre la peine. Justin Martyr qui mourut en l'an 165 dit :

« Plusieurs de nos chrétiens ont guéri et guérissent encore d'innombrables démoniaques, soit dans votre ville, soit partout ailleurs, les exorcisant au nom de Jésus-Christ qui fut crucifié sous Ponce-Pilate. Ils chassent les démons, les faisant sortir des possédés, quoiqu'ils eussent résisté à tout autre exorciste, ainsi qu'à ceux qui se servent d'incantations et de drogues. » - Apol. II Chap. VI.

Irénée qui mourut vers l'an 200 dit :

« Ceux qui sont sincèrement ses disciples, reçoivent de lui la grâce de faire en son nom des miracles, en faveur de tel ou tel, selon le don que chacun a reçu de lui. »

Tertullien qui vécut de l'an 160 à l'an 240, dit :

« Car le clerc de l'un d'eux, sujet à des crises dans lesquelles il était jeté par terre par un esprit malin fut affranchi de ce mal ; il en fut de même pour le parent d'un autre et pour le petit garçon d'un troisième. Et combien d'hommes de haut rang, sans parler des gens du peuple, ont été délivrés de démons et guéris de maladies. »

À la même époque Origène écrivait :

« Quelques-uns ont reçu par la foi une puissance merveilleuse qui se manifeste par la guérison des malades sur lesquels ils n'invoquent d'autre nom que celui du Dieu de toutes choses et de Jésus dont ils racontent l'histoire. Nous avons vu nous-même plusieurs personnes délivrées de maux graves, de troubles d'esprit, de folie, et d'innombrables maladies que n'avaient pu guérir ni les, hommes, ni les démons. »

La valeur de ces témoignages, et d'autres de même nature, est si généralement admise par les historiens de l'Eglise qu'il semblerait téméraire pour des hommes instruits de répéter cette phrase rebattue : L'âge des miracles a fini avec les apôtres.
Mosheim dit en parlant du quatrième siècle :

« Mais d'un autre côté, je ne puis pas me ranger à l'opinion de ceux qui soutiennent que les miracles ont entièrement cessé dans ce siècle. »

Le Dr Waterland dit que « les dons miraculeux continuèrent pendant le troisième siècle au moins. »

Dodwell déclare que quoique les miracles eussent généralement cessé avec le troisième siècle, le quatrième en offre encore quelques exemples bien clairement prouvés.

Le Dr Marshall, traducteur de Cyprien, dit que « les miracles continuèrent d'une manière évidente jusqu'au temps de Constantin. »

Beaucoup plus tard encore, en 429, Théodore de Mopsneste rend le même témoignage. Ce dernier dit : « Les miracles sont si fréquents au milieu de nous que plusieurs païens ont été guéris par des chrétiens de toute espèce de maladies. » Christlieb. Modern doubt p. 821.

L'ère qui s'ouvre à la conversion de Constantin amène la transition bien tranchée qui fit du christianisme, jusque-là pur et franc, un christianisme plus mondain et dégénéré. Depuis ce moment, l'Eglise ne dépend plus uniquement du Seigneur remonté au ciel, mais elle ploie sous le patronage de directeurs terrestres ; elle ne regarde plus au retour de Christ et à son royaume comme au but de ses voeux, elle se complaît dans son triomphe et sa grandeur terrestre. Plusieurs de ses prédicateurs vont même jusqu'à déclarer que le Royaume est venu et que les mots : « Il dominera d'une mer à l'autre, depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre » (Zac. 9 : 10) sont accomplis. (Eusèbe, L. X. 3, 4).

Si les miracles étaient jadis les insignes de la royauté de Christ, ainsi que nous l'avons déjà dit, s'ils étaient les gages de son retour et de sa domination sur toutes choses, il n'est pas surprenant qu'à mesure que ces vérités se sont effacées de l'esprit humain, les signes qui les rappelaient aient aussi disparu. Quoi qu'il en soit, c'est dans les trois premiers siècles que les historiens placent l'époque où s'était généralement conservée l'espérance apostolique, c'est-à-dire « la manifestation de la gloire du grand Dieu et notre Seigneur Jésus-Christ, » (Tit. 2 : 13) et où se rencontrait encore la foi apostolique à cette promesse : « Ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris. » (Marc, 16 : 18). Il n'est donc point étonnant que lorsque l'Eglise négligea de chercher « sa bourgeoisie » dans les cieux pour s'établir ici-bas avec un luxe et un éclat tout terrestres, elle ait perdu les dons surnaturels qui viennent du ciel. Lorsque peu à peu la mort et le repos de la tombe remplacèrent pour le croyant la foi au retour de Christ et devinrent le but de ses espérances, nous voyons s'introduire des miracles de guérison attribués au contact des os des saints et des martyrs au lieu des miracles de guérison opérés par Christ en réponse à la prière de la foi. Quelle ironie dans ce fait ! Voilà ce qu'amena l'ère de Constantin.

Mais plus tard, partout où se dessina un réveil de simplicité apostolique et de foi primitive, on vit reparaître les miracles évangéliques qui avaient caractérisé le temps des apôtres. On en constate la présence au berceau de toutes les réformations opérées par l'Esprit de Dieu. Les Vaudois, les Moraves, les Ligueurs, les Amis, les Baptistes et les Méthodistes en ont tous gardé le souvenir. Écoutez ce qu'en disent les Vaudois, ce peuple qui depuis tant d'années a vaillamment fait briller le flambeau de la Vérité au milieu des ténèbres dont le papisme avait recouvert les peuples. En 1431 l'un d'eux, Johannis Lukawitz écrit :

« Quant à l'onction des malades, nous tenons pour article de foi, et nous croyons sincèrement que les malades sont autorisés à demander et à recevoir l'onction d'huile accompagnée de prière, et que ceci peut être efficace pour la guérison du corps, selon le dessein et le but mentionnés par les apôtres. Nous enseignons que cette onction administrée selon que le faisaient les apôtres sera utile pour guérir les malades ».

Plus loin et après avoir condamné l'extrême-onction dont le papisme a fait un sacrement de mort tandis qu'elle était originairement un sacrement de vie, il ajoute encore :

« Cependant nous admettons l'onction des malades administrés selon le dessein et le but des apôtres, et telle qu'ils l'ont pratiquée eux-mêmes avec efficace, ainsi qu'en parlent les écrits de saint Marc et de saint Jacques. Si donc il se trouve à portée quelque pasteur possédant le don de guérison, nous exhortons tous ceux qui sont réellement malades à ne pas négliger de recevoir ce sacrement et de ne point le mépriser, car ceux qui méprisent tel ou tel sacrement institué par Christ s'exposent à être repris et châtiés selon les lois de l'Évangile. »

Les Moraves, appelés aussi les Frères de l'Unité, sont bien connus par leur piété, par leur simplicité et surtout par leur zèle missionnaire. Non seulement ils ont été de sérieux réformateurs, mais ils ont en outre été des réformateurs de réformateurs ; c'est par eux que Wesley a été éclairé et qu'il a amené un nouveau réveil chez les apostats de la réformation. Nous devons donc nécessairement voir leur zèle missionnaire accompagné de signes surnaturels, et c'est en effet ce qui a eu lieu à en croire des récits dignes de foi. Dans l'histoire très fidèle des Moraves par A. Bost, l'auteur expose clairement ses propres vues sur la continuation des dons apostoliques. Ce livre contient divers détails sur le caractère et la discipline des Églises moraves. Le célèbre Zinzendorf écrit ceci :

« Croire contre espérance est la racine du don des miracles et je dois ce témoignage à notre chère Église que les puissances apostoliques s'y voient ; nous en avons eu des preuves irrécusables dans la découverte très positive de certaines choses, personnes et circonstances, qui humainement ne pouvaient se découvrir, dans la guérison de maladies en elles-mêmes incurables, de cancers, de phtisies avancées jusqu'à l'agonie, etc., le tout au moyen de la prière, ou d'une seule parole. »

En parlant de l'année 1780 il dit :

« À cette époque (1730), il se manifesta dans l'Eglise différents dons surnaturels et il se fit des guérisons miraculeuses. Les frères et les soeurs croyaient enfantinement ce que le Seigneur avait dit de l'efficace de la prière, et lorsqu'un objet les intéressait fortement, ils lui en parlaient, puis il leur était fait selon leur foi. Le comte (Zinzendorf) s'en réjouissait de tout son coeur et louait dans le silence le Sauveur qui s'abaissait si volontiers vers ce qui est pauvre et petit. Il reconnaissait dans cette familiarité des Frères ; envers notre Seigneur Jésus-Christ un fruit de l'Esprit au sujet duquel on devait bien se garder d'inquiéter qui que ce fut et qu'au contraire on devait respecter. En même temps il ne voulait pas que les frères et soeurs fissent trop de bruit de ces choses et les regardassent comme extraordinaires, mais lorsque, par exemple, quelque frère était guéri de quelque maladie, même des plus graves, par une seule parole ou par quelque prière, il regardait cela comme une chose toute simple, rappelant même cette parole de l'Écriture que les signes n'étaient pas faits pour les croyants, mais pour les incrédules. »

Nous savons par là ce que pensent les Moraves des dons miraculeux et ceci est bien d'accord avec la foi simple, la filiale confiance au Seigneur qui se révèle chez eux pour d'autres choses. Les lignes suivantes donnent un aperçu de leurs expériences quant au retour des dons miraculeux.
Jean de Watteville avait une confiance enfantine à la promesse qu'a faite le Sauveur qu'il exaucerait ses enfants dans leurs prières. Il en eut plusieurs preuves dont nous ne citerons que celle-ci :

« Une soeur mariée tomba très malade à Herrnhout. Le médecin avait déjà perdu toute espérance et son mari était dans une profonde tristesse. Watteville se rendit chez la malade, vit qu'elle allait avec joie au devant de son délogement et la quitta après l'avoir fortifiée dans ces heureux sentiments. C'était alors encore l'usage que les frères non mariés parcourussent l'endroit le dimanche soir en chantant des cantiques devant les maisons des frères. Watteville fit chanter, sous la fenêtre de la malade, des cantiques qui allaient à la circonstance, tout en priant le Seigneur en son coeur qu'il voulût bien, s'il le jugeait bon, rétablir cette soeur. Il en conçut une si douce espérance de foi, qu'il entonna avec confiance ce verset :

Croix sacrée
Où meurt mon Sauveur
De mon âme rachetée
Enflamme l'ardeur !
Quand je serais aux abois
Qu'on vienne à nommer la croix
Sa pensée...

Quel ne fut pas l'étonnement de tous ceux qui entouraient le lit de cette mourante, lorsqu'on la vit se dresser sur son séant et se joindre vivement au chant de la dernière ligne en ces mots :

Me rendrait la voix.

En remontant dans sa chambre, il fut rempli d'étonnement et de joie en la voyant très bien ; elle guérit entièrement et ce n'est que trente-cinq ans plus tard qu'il accompagna au repos sa dépouille mortelle. » (Histoire de l'Eglise des Frères de Bohême et de Moravie, par A. Bost. 11, p. 272, 300 à 302).

Voici enfin ce que disent les Covenantaires d'Écosse. Quels témoignages que les leurs ! Quelle couleur antique, apostolique, toute différente de celle des temps actuels ! Qu'on lise les Héros d'Écosse, ce livre si débordant de récits aventureux et de foi héroïque qu'on croit presque lire les Actes des apôtres. Que de courage et de grandeur d'âme, quelle puissance de prière, quelles victoires remportées par la prédication et l'intercession ! On dirait qu'en l'écrivant, le but de Howie, l'auteur, ait été de censurer les générations suivantes, de leur rappeler lorsque leur foi serait affaiblie que c'est au péril de leur vie que ces pionniers du réveil leur ont fait connaître Christ, et de leur reprocher leur promptitude à sortir de la bonne voie pour « chanter et danser autour du veau d'or ». Il prévoyait aussi, comme il le dit dans sa préface, que devenus riches et incrédules, les descendants de ces vaillants chrétiens ne pourraient plus croire aux oeuvres extraordinaires de leurs pères, car il ajoute encore : « On pourra alléguer que plusieurs des récits réunis ici sentent le fanatisme, et que d'autres sont au delà de toute créance, mais ceux qui parleront ainsi le feront sans doute par ignorance de ce que le Seigneur fut jadis pour nos ancêtres et sans rien savoir eux-mêmes de la puissance du Saint-Esprit qui les faisait agir.

Si nous hésitions à ajouter foi aux merveilles d'intervention divine racontées dans ce livre, souvenons-nous qu'elles nous ont été transmises par des auteurs dont les noms sont historiques dans l'Eglise d'Écosse, par des noms tels que ceux de Knox, de Wishart, de Livingstone, Walch, Baillie, Peden et Craig. Oh ne peut pas se lasser de lire et de raconter toutes les grandes et saintes choses opérées par ces hommes de foi dans d'autres branches du service de Dieu ! Qui ne sait que John Livingstone prêchait avec une telle « démonstration d'esprit et de puissance » que dans une seule prédication cinq cents âmes furent converties. Et qui ne s'est senti repris de son indolence spirituelle en lisant que John Welch se relevait plusieurs fois pendant la nuit pour intercéder pour son troupeau, qu'il passait jusqu'à sept ou huit heures par jour à prier de la prière de Gethsémané pour son Église et pour les âmes qui se perdent.

Voilà ce que nous avons lu et ce que nous citons avec conviction ; mais qu'il est peu de gens qui sachent et qui osent raconter que le même John Welch pria sur le corps d'un jeune homme qui après une longue maladie avait fermé les yeux et expiré, ainsi qu'en étaient convaincus tout ceux qui l'entouraient; et que malgré les remontrances de ses amis, il avait continué à prier pendant trois heures, puis qu'il avait persisté à le faire pendant douze heures, vingt-cinq heures, trente-six heures, quarante-huit heures, et qu'enfin lorsqu'on avait insisté pour emporter ce pauvre corps froid et l'enterrer, il avait demandé qu'on le lui laissât une heure de plus, et qu'au bout de ce temps, il avait appelé ses amis et leur avait montré le jeune homme mort ramené à la vie. Tout ceci est raconté avec les plus grands détails dans le livre des Héros d'Ecosse.

Si l'on s'écrie avec surprise : Ceci serait-il encore possible de nos jours? qu'on s'adresse plutôt cette autre question : De telles prières, une telle insistance auprès de Dieu se voient-elles encore de nos jours? Aussitôt que nous aurons la foi qui opère les miracles, il nous sera facile de croire aux oeuvres miraculeuses.

Nous avons là un aperçu de ce qu'étaient les hommes de ce groupe de héros. Quels récits merveilleux nous viennent de ce temps-là! Prodiges de tous genres, prodiges de courage, de foi, de martyre et de vues prophétiques... C'est pendant les plus cruelles persécutions que leur foi avait pris naissance et s'était fortifiée ; mais si comme le dit un de leurs biographes, ils étaient accompagnés de l'ombre des prophètes, c'est-à-dire de la haine des méchants, on peut dire avec tout autant de vérité qu'ils furent couronnés de l'auréole des apôtres, c'est-à-dire de la puissance du Saint-Esprit.

C'est là que nous trouvons aussi l'histoire du saint et vénéré Robert Bruce : Un jour qu'il tardait à monter en chaire, on lui envoya un messager pour l'appeler. Celui-ci revint en disant : je crois qu'il ne viendra pas aujourd'hui, car je l'ai entendu dire à quelqu'un : Je te déclare que je n'irai pas à moins que tu ne viennes avec moi. Bientôt après on le vit arriver tout seul, riche des bénédictions de Christ, car sa prédication témoignait d'une véritable « démonstration d'esprit et de puissance. » On raconte de lui que lorsqu'on lui amenait des aliénés et des épileptiques incurables et qu'il priait pour eux, ils étaient complètement guéris. C'est là encore qu'on peut lire le récit de Patrick Simpson dont la femme était sujette à des crises de violence et de blasphème, véritable possession du démon. Par l'insistance de ses prières, elle fut miraculeusement guérie ; et tel livre de sa bibliothèque témoigne encore de sa reconnaissance par l'inscription suivante : « Rappelle-toi, ô, mon âme, et jamais n'oublie le 16 août 1601, la délivrance que Dieu t'accorda ce jour-là où il accomplit à ta demande cette parole de Zacharie : « N'est-ce pas là un tison arraché du feu ? » (Zac. 3 : 2).

Voici encore un exemple de guérison tiré de ce même livre et que nous donnons ici tel qu'il est, avertissant le lecteur que ce récit a été ainsi que d'autres, modifié dans les éditions ultérieures de cet ouvrage, afin de le rendre plus conforme aux vues religieuses de notre temps. Il est tiré de la vie de John Scrimgeour, pasteur de Kingshorn in Fife, éminent par la foi qui sait lutter avec Dieu :

M. Scrimgeour avait perdu plusieurs amis et plusieurs enfants dont la mort l'avait privé. Il lui restait une fille unique qu'il chérissait et qui fut atteinte d'écrouelles (ou scrofules). Minée par ce mal, elle était près de mourir lorsqu'une nuit on appela son père pour la voir expirer. Quand il la vit dans cet état, il sortit dans la campagne et là avec angoisse, il adressa au Seigneur des plaintes et des reproches, se servant d'expressions, que pour rien au monde il n'aurait osé répéter plus tard. Dans sa douleur, il s'écriait : Tu sais, Seigneur, que je t'ai toujours servi avec droiture de coeur et selon la mesure de mes forces. Jamais je n'ai hésité à déclarer tes oracles à la face même des hommes les plus haut placés ; tu sais aussi que cette enfant fait ma joie. Oh ! puissé-je obtenir de toi que ta main l'épargne... Pendant qu'il était là dans une grande angoisse, le Seigneur lui dit enfin : « Pour cette fois je t'ai entendu, mais à l'avenir n'use plus de cette hardiesse-là en pareille circonstance. » Lorsqu'il rentra à la maison, l'enfant était guérie. Assise dans son lit, elle prenait de la nourriture et quand il regarda son bras, il était parfaitement guéri. »

Quand on considère que ces choses ont été écrites par quelques-uns des plus saints hommes qu'ait jamais vu l'Eglise de Dieu, et qu'elles sont racontées comme les fruits de leur ministère de foi et de prière, il y a là de quoi faire réfléchir ceux qui continuent à affirmer avec assurance que l'âge des miracles est passé. Passé, il peut l'être en effet, s'il faut avouer aussi que l'âge de la foi soit passé, car c'est là qu'est le fond de la question. Les limites du surnaturel ne sont déterminées ni par la géographie, ni par la chronologie. Nous voudrions parfois faire reculer l'ombre de quelques degrés, sur le cadran pour retrouver l'âge des miracles; c'est oublier que celui en qui « il n'y a ni variation, ni ombre de changement » (Jac. 1 : 17) a dit : « Si tu peux croire », et non pas : Si tu étais né en Palestine et au premier siècle du christianisme. Non, mais « tout est possible à celui qui croit. » (Marc 9 : 23). C'est quand la foi antique se ravive sous le feu de la persécution ou sous la douloureuse discipline de la réprobation du monde, que nous apercevons de nouveau quelque reflet de l'âge apostolique, et c'est là ce qu'a offert le temps des Covenantaires plus encore que d'autres époques de l'Eglise.

Nul ne peut lire ces émouvants récits de souffrances et de victoires, de martyres et de miracles sans en être spirituellement ravivé. Il n'y a aucun danger que ce livre puisse exciter au fanatisme, car si en le lisant on se sentait inspiré à devenir un faiseur de miracles, on verrait aussi flamboyer à chaque page ces mots du Maître : « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? » (Marc 10 : 38).

Si nous interrogeons l'histoire des Huguenots, ces fidèles disciples de « l'Agneau » au milieu de générations perverties et empressées à suivre effrontément « le dragon », nous trouvons là aussi des aperçus des mêmes faits merveilleux. Le récit de leur obéissance à la foi et de leurs souffrances dans les Cévennes où ils s'étaient réfugiés à la révocation de l'édit de Nantes, est entremêlé de récits miraculeux, soit de guérisons divines, soit d'autres manifestations extraordinaires de l'Esprit dont leur foi était soutenue et vivifiée. Lorsqu'ils durent enfin s'exiler et qu'ils portèrent en Angleterre leurs métiers et leurs inventions pour le plus grand bien de ce pays, ils y introduisirent aussi çà et là l'art perdu des guérisons miraculeuses, excitant ainsi l'admiration de l'Eglise de Christ.

On sait aussi qu'à l'origine de la Société des Amis, on put souvent constater des manifestations surnaturelles du même genre. Quoi qu'on puisse penser des doctrines de cette secte, personne ne peut lire le journal de George Fox sans voir en lui un homme consacré à Dieu et dont l'influence fut bénie pour ranimer la vie religieuse des croyants dans un temps de mort spirituelle et de conformité au monde. Il avait demandé à Dieu de lui accorder un baptême de l'Esprit qui le rendit propre à s'adresser à toutes les classes et il avait été littéralement exaucé.
Comme un véritable apôtre des derniers jours, il circulait parmi tous les rangs de la société, réveillant les mondains, apaisant les animosités, réconciliant les ennemis, visitant les malades et s'occupant aussi des prisonniers. Il fut le digne modèle de ce que doit être dans tous les siècles le pasteur qui travaille pour le Seigneur « en temps et hors de temps. » (2 Tim. 4 : 2.)
Soit dans ses prédications, soit surtout par son service actif, il reconnaît et admet l'intervention du Saint-Esprit opérant par des faits miraculeux ; et quand il raconte ces manifestations surnaturelles, il le fait tout simplement comme si elles devaient nécessairement avoir lieu aussi bien que la conversion et la régénération.

Dans un récit d'évangélisation à Troy-Cross, dans le Lincolnshire, Angleterre, il dit :

« Il y avait dans cette ville un homme de haute condition qui depuis longtemps était malade et abandonné des médecins. Quelques amis me prièrent d'aller le voir. Je montai donc dans sa chambre et lui présentai la Parole de vie. Je me sentis pressé de prier pour lui et le Seigneur voulut bien lui rendre la santé. (Journal. B. 1. p. 111.)

« Pendant qu'il prêchait dans le Hertfordshire, on lui parla d'une femme malade, le priant d'aller à son secours. Il dit :

John Rush, du Bedfordshire, vint la visiter avec moi. Nous trouvâmes la maison remplie de ses amis ; ils nous dirent qu'elle n'était pas faite pour ce monde et me prirent de lui adresser quelques paroles d'encouragement pour l'aider à passer dans le monde à venir. Le Seigneur me dit de lui parler et il la guérit à la grande surprise de toute la ville et de la campagne. (Journal B vol. 1. p. 281).

Ce livre abonde en faits du même genre racontés sans ostentation ni amplification, mais presque toujours présentés comme des « miracles. »

Dans les premiers temps de l'Eglise baptiste, encore simple et sans erreurs, nous rencontrons la même foi et les mêmes manifestations miraculeuses. Là aussi, comme ailleurs, c'est dans les temps de grande détresse et lorsque les prisons se remplissaient des membres du troupeau persécuté, que les bondes des cieux s'ouvraient pour répandre des dons miraculeux.

Vavasor Powell qu'on appelait « l'étoile du matin des Baptistes du Pays de Galles » a déclaré qu'il croyait aux miracles dont nous parlons ici. C'était un homme de la fibre des Covenantaires. Il était doué d'une telle puissance de l'Esprit-Saint que sa prédication était suivie de réveils extraordinaires partout où il allait. Il eut aussi beaucoup à souffrir pour la foi, car il fut enfermé dans treize prisons différentes pour avoir parlé fidèlement de Christ.
Outre les bénédictions spirituelles signalées qui accompagnaient sa prédication, plusieurs personnes furent guéries de maladies graves par la prière de la foi qu'il adressait à Dieu pour les malades. Il prenait à la lettre la promesse de Jacques. 5 : 14, comme le montre le récit de sa propre guérison, et comme il l'a déclaré par ces mots : « L'onction des malades, administrée par les anciens au nom du Seigneur, est un sacrement de l'Évangile qui n'a point été révoqué. »

Dans l'Eglise méthodiste, nous trouvons, ça et là quelque indice de manifestations miraculeuses, entre autres un exemple très frappant de la guérison d'Anne Mathar, fille de Joseph Benson, le Commentateur méthodiste. C'est lui-même qui en donne le récit dans son journal. Elle était affligée d'un mal aux pieds depuis plusieurs années et n'avait pu faire un pas depuis très longtemps. Voici ce qu'en dit le journal de son père dont nous retranchons les détails sans importance :

 

« Octobre 4. Ce soir le Seigneur nous a donné une preuve extraordinaire de son amour et de sa puissance. Depuis plus de douze mois, ma chère Anne ne pouvait plus se servir de ses pieds, qui étaient tous deux privés de toute sensation, et qui ne pouvaient même supporter le plus léger poids. Je craignais beaucoup que les nerfs ne fussent contractés et qu'elle ne perdît pour toujours la faculté de marcher. Nous demandions sans cesse à Dieu que ce ne fût pas le cas, et que pour le bien de ses trois petits enfants il voulût bien la rétablir.

Aujourd'hui une partie de ma famille et quelques amis pieux allèrent prendre le thé chez elle. M. Mather l'apporta sur ses bras dans la salle à manger. Après le thé je parlai de la fidélité de Dieu à écouter les prières de ses enfants, et je rappelai plusieurs de ses promesses, insistant sur ce que Christ est « toujours le même, hier, aujourd'hui et éternellement, » qu'il avait fait autrefois tant de miracles, non seulement pour prouver qu'il était le Messie, mais aussi pour soulager l'humanité souffrante et que toujours il était plein de compassion pour les malheureux. Je dis ensuite à ma fille : Anne, avant de prier, chantons le cantique qu'aimait ta mère :

Ton bras, Seigneur, n'est point raccourci
Toujours il est puissant pour sauver... etc.

Après avoir chanté, nous nous mîmes à genoux autour d'Anne qui allaitait son enfant pour l'empêcher de crier. L'un après l'autre, nous rappelâmes à Dieu ses promesses, particulièrement celle-ci : « Si deux d'entre vous s'accordent pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée. » (Mat. 18 : 19). Aussitôt que nous nous relevâmes, Anne dit à la bonne de prendre l'enfant, et à l'instant, elle se leva en s'écriant : « Je puis marcher, je sens que je le puis ! » Elle fit alors quelques pas jusqu'au milieu de la chambre. Son mari, craignant qu'elle ne tombât, s'élança vers elle en lui disant : Mais que fais-tu là ? L'écartant de la main, elle lui dit : « Je n'ai pas besoin d'appui, je puis marcher seule. » Trois fois, elle alla d'un bout à l'autre de la chambre, puis elle s'agenouilla en disant : « Oh ! rendons grâce à Dieu ! » C'est ce que nous fîmes tous, Anne restant à genoux tout ce temps-là, environ vingt minutes. Ensuite elle se jeta à mon cou, versant un torrent de larmes, et embrassa aussi ses soeurs. Tous, nous pleurions de joie et de reconnaissance. Elle voulut aussi qu'on fit monter le jeune frère de son mari et s'écria dès qu'il entra : « Adam, je puis marcher ! » et pour lui montrer qu'elle le pouvait réellement, elle traversa la chambre.
Ensuite elle monta l'escalier sans aucun secours pour rentrer dans sa chambre, et là, elle s'agenouilla de nouveau avec son mari pour louer le Seigneur.

Plus tard, elle me donna les détails que voici : Lorsqu'on l'avait apportée dans la salle à manger, on avait mis sous ses pieds une petite chaise qu'elle ne sentit pas plus que si ses pieds fussent morts. Pendant que nous chantions le cantique, elle commença à croire que le Seigneur voulait la guérir ; elle sentit la chaise et la poussa de côté ; elle posa ses pieds par terre et en eut la sensation. Pendant que nous étions à genoux, elle eut la conviction qu'elle pouvait marcher et elle se serait levée aussitôt avec l'enfant dans ses bras, si elle n'avait craint qu'on ne lui reprochât son étourderie. Elle attendit donc la fin de nos prières et aussitôt elle se leva, se mettant à marcher comme je viens de le dire. »

Parmi les personnes présentes à cette émouvante scène se trouvait le Rev. James Mc Donald qui écrivit plus tard la biographie de M. Benson. En parlant de cette merveilleuse guérison, il dit : « Aucun de nous ne douta que la force de marcher si soudainement reçue ne lui fut communiquée par un acte de la toute-puissance divine ».

Ce récit fut aussi publié dans le Magasin méthodiste d'où est tirée cette citation.
Nous venons de présenter au lecteur des preuves si évidentes de la continuation des miracles qu'il ne serait guère possible de les tenir pour fausses. Quoi qu'on puisse en penser, ces faits sont trop avérés pour qu'il soit facile de les réfuter. On pourra objecter qu'ils sont hors de saison, c'est-à-dire que s'ils avaient eu lieu au temps des apôtres, on n'hésiterait pas à les admettre, mais que de notre temps, ils ne sont plus possibles.

Cependant il est encore des croyants prêts à croire que l'Eglise, comme l'arbre de vie « dont les feuilles servent à la guérison des nations, produit douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois. » (Apo. 22 : 2).

Tandis que j'écris ces pages, voici les mots d'un savant auteur qui me tombent sous les yeux : « Toute manifestation surnaturelle accompagne les temps apostoliques et les hommes apostoliques. »

Déplorons l'état de l'Eglise dépouillée de sa première grandeur et beauté. L'apostasie a remplacé la pureté de la doctrine, le papisme est venu ensuite, puis la corruption, puis enfin l'incrédulité, jusqu'à ce qu'elle soit dans l'état décrit par ces mots d'un prophète : « Ce qu'a laissé le gazam, la sauterelle l'a dévoré ; ce qu'a laissé la sauterelle, le jélek l'a dévoré ; ce qu'a laissé le jélek, le hazil l'a dévoré. » (Joël 1 : 4). Néanmoins il reste encore. de la vie dans l'Eglise, et comme toute sève ne s'est pas retirée de cet arbre divin, il repousse sans cesse de nouvelles feuilles, de nouvelles fleurs de piété primitive, et porte les fruits des grâces miraculeuses de Dieu. Ceci continuera jusqu'à la fin, car il appartient à l'Eglise de faire, comme corps de Christ, les oeuvres de Christ, et il appartient aux croyants, qui sont le temple du Saint-Esprit, de manifester sa présence par les dons et les fruits de l'Esprit.

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