« Nullement contraire aux
Écritures et très admissible par la
raison. » Voilà comment
l'archevêque Tillotson achève ses
réflexions sur le retour des miracles dans
les temps modernes.
On pourrait se demander ce que la raison
peut avoir à dire ici. Elle ne peut que
confirmer le témoignage de la foi. Ce n'est
pas, par la raison, c'est par l'autorité de
l'Écriture qu'il faut défendre les
miracles.
« J'ai encore beaucoup de
choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas
les porter maintenant ; quand le Consolateur
sera venu, l'Esprit de vérité, il
vous conduira dans toute la
vérité. »
(Jean
16 : 12, 13). Sous le
ministère du Consolateur, n'y a-t-il pas
accroissement de connaissance et
développement de doctrine plutôt que
diminution de l'un et de l'autre ?
« En vérité, en
vérité, je vous le dis, celui qui
croit en moi fera aussi les oeuvres ; que je
fais, et il en fera
de
plus grandes, parce que je vais au
Père. »
(Jean
14 : 12). Ici c'est
évidemment une augmentation de force qui
nous est annoncée plutôt qu'un
déclin ! Et tout chrétien
clairvoyant doit admettre que ces promesses ont eu
leur accomplissement dans l'extension donnée
à toute l'oeuvre de la
régénération pendant
l'économie du Saint-Esprit.
La règle introduite par le
christianisme est de plus en plus et non
de moins en moins. Or voici par quels mots
s'ouvre le livre des Actes : « J'ai
parlé de tout ce que Jésus a
commencé de faire et d'enseigner jusqu'au
jour où il fut enlevé au
ciel. »
(Act.
1 : 1. Texte grec). Cette
règle de progression nous permet de conclure
que les commencements du christianisme ont
été moindres que son
développement ultérieur et qu'ainsi
le plan du Seigneur était de faire par le
ministère de l'Esprit bien plus encore que
par son propre ministère. Pour ce qui
concerne l'oeuvre du salut et de la
régénération, ceci s'est
manifestement réalisé et continue
à s'accomplir. encore aujourd'hui. La
conversion de trois mille âmes en un
même jour, à la prédication de
Pierre, dépasse tout ce qui s'était
vu pendant le ministère terrestre de
Christ ; et
dans les Indes, la conversion de dix mille
âmes en un an, dans un même champ de
mission, dépasse aussi les résultats
de l'une des années du ministère de
Jésus.
Deux sources ont jailli du
ministère de notre Seigneur, deux
rivières bénies, celle de la
régénération et de la
guérison de l'âme, l'autre la
guérison du corps, et toutes deux ont
coulé de pair, pendant l'âge
apostolique. Serait-il raisonnable de croire, que
l'une des deux, la première, eût seule
dû poursuivre sa marche pendant toute
l'économie du Saint-Esprit, tandis que
l'autre aurait dû disparaître au bout
d'une génération ? Impossible de
l'admettre. Les faits, d'ailleurs, prouvent le
contraire.
Si les miracles étaient des
manifestations, contre nature autant que
surnaturelles de la puissance de Dieu, on pourrait
en effet s'attendre à les voir cesser, car
ce qui est anormal ne saurait s'autoriser d'aucune
loi de perpétuité. Les tremblements
de terre et les éruptions de volcans, ces
accès de fièvre de la nature, sont de
courte durée, tandis que les rayons du
soleil, la pluie et la floraison des arbres, signes
de l'état normal de la nature, reviennent
périodiquement chaque année. Les miracles de
guérison ne doivent-ils pas aussi compter au
nombre des bienfaits accordés à notre
humanité souffrante puisqu'ils viennent
rétablir l'ordre interrompu ? Loin
d'être de funestes catastrophes, ne sont-ils
pas plutôt les avant-coureurs de l'ordre
divin qui s'établira au moment de l'entier
accomplissement de notre rédemption ?
Nous ne saurions admettre un instant que le miracle
soit une infraction aux lois de la nature, ainsi
que le veulent quelques sceptiques. Plaignons-les
d'être devenus incapables de discerner entre
les gémissements d'une terre en souffrance
et la céleste harmonie des mondes telle
qu'elle se faisait entendre le jour où les
étoiles du matin éclataient en chants
d'allégresse et « où tous
les fils de Dieu poussaient des cris de
joie. »
(Job
38: 7.)
Les miracles de guérison qui
expulsent soit les maux du corps, soit les
possessions des démons, ne sont-ils pas une
réminiscence. du paradis avant la chute
aussi bien qu'une anticipation du paradis
retrouvé ? Quoique surnaturels, ils ne
sont pas contre-nature, En effet, comme l'a
très bien dit Christlieb, il est bien plus
contre-nature d'avoir des yeux et de ne pas voir,
des oreilles sans pouvoir
entendre et des membres dont on n'a pas la force de
se servir. Il est bien plus contre-nature de voir
l'inexorable mort briser les liens d'affection que
Dieu avait formés entre une mère et
son fils, entre un frère et une soeur, que
de voir Lazare ou le fils de la veuve de Naïn
affranchis des chaînes du sépulcre
à la parole toute puissante de Jésus.
Enfin n'était-il pas aussi contraire que
possible à l'ordre de la nature de voir le
Saint et le Juste cloué sur une croix et de
le voir ensuite ressusciter, vainqueur de la mort,
pour rentrer dans la gloire ?
Si donc les miracles de guérison
rétablissent l'ordre ici-bas au lieu de le
troubler, pourquoi auraient-ils dû cesser
absolument après avoir eu lieu un certain
temps ? Nous sommes actuellement dans
l'économie du Saint-Esprit et cette
économie doit rester invariablement la
même tout le long de sa durée. Le jour
de la Pentecôte, le Saint-Esprit est venu
prendre place dans l'Eglise pour y demeurer
jusqu'à la fin. Comme autrefois les premiers
disciples étaient directement placés
sous le ministère de Christ, nous sommes
à présent directement sous le
ministère du Consolateur. Depuis son premier
miracle à Cana, Jésus a
continué à faire des miracles jusqu'au moment où,
par un
mouvement de bonté, il étendit sa
main pour guérir l'oreille du serviteur du
grand-prêtre.
(Luc
22 : 51). Plus tard, le
Saint-Esprit opéra son premier grand miracle
par la main de Pierre « à la porte
du temple appelée la Belle »
(Act.
3 : 2) ; pourquoi
aurait-il cessé bientôt après
de manifester sa puissance miraculeuse ? Nous
savons que dans un endroit spécialement
nommé, le Seigneur « ne fit pas
beaucoup de miracles à cause de leur
incrédulité », et qu'il
s'agissait là de « sa
patrie » et de sa famille.
(Mat.
13 : 54, 58) ;
mais
nous savons aussi que partout où il trouvait
de la foi, il était prêt à
faire de nouveaux miracles. Ne devons-nous pas en
conclure qu'aujourd'hui, c'est encore
l'incrédulité des hommes qui
empêche le Seigneur d'agir par le
Saint-Esprit pour faire souvent des
miracles ?
En outre le but même des miracles
paraît réclamer fortement en faveur de
leur continuation. Tous ces miracles de
guérison devaient manifester la puissance de
Christ. S'il est « toujours le
même », pourquoi le moyen
originairement choisi pour démontrer sa
puissance divine, ne serait-il plus
employé ?
Remarquez en effet que toujours notre Seigneur
accompagne le
commandement de prêcher l'Évangile de
celui de guérir les malades et de chasser
les démons : « Jésus
parcourait toute la Galilée prêchant
la bonne nouvelle du royaume et guérissant
toute maladie et toute infirmité parmi le
peuple. » « Pendant votre route
prêchez et dites : Le royaume des cieux
est proche. Guérissez les malades,
ressuscitez les morts (1), purifiez
les lépreux,
chassez les démons. »
(Mat.
4 : 23 ; 10 :
7-8. Luc
9 : 1 ; 10 :
9). La guérison des
malades, la résurrection des morts et
l'expulsion des démons étaient en
quelque sorte les prémices du royaume de
Dieu et devaient en appuyer l'annonce.
C'est aussi ce qu'on peut voir dans
cette description de « la Création
qui gémit et souffre... »
« Nous aussi qui avons les
prémices de l'Esprit, nous aussi, nous
gémissons en nous-mêmes en attendant
l'adoption, la rédemption de notre
corps. »
(Rom.
8 : 22, 23). N'est-ce pas
dire en d'autres termes : Nous avons vu les
oeuvres de l'Esprit par la guérison des
malades, l'expulsion des démons et la
résurrection des morts, et c'est là
ce qui nous fait désirer d'autant plus le
couronnement, la plénitude de l'action de
l'Esprit dont ces miracles ne sont que les arrhes,
selon ce qui nous est dit encore :
« Celui qui a ressuscité Christ
d'entre les morts rendra aussi la vie à vos
corps mortels par son Esprit qui habite en
vous. »
(Rom.
8 : 11). Ces
« signes » étaient les
avant-coureurs de la rédemption du corps que
le Seigneur avait chargé ses messagers
d'annoncer en allant au loin prêcher
Jésus et la résurrection. Même
la nature muette qui « gémit et
souffre » devait se réjouir
à la vue de ces miracles.
Oui, nous le savons, nous, ce qu'elle attend
en gémissant, car
nous savons que « la création tout
entière gémit et souffre... en
attendant l'adoption, la rédemption de notre
corps. »
(Rom.
8 : 22). « Ceux
qui ont goûté la puissance du
siècle à venir »
(Héb.
6 : 5.) sont donc
appelés à prêcher le royaume de
Dieu en tenant dans leurs mains « les
grappes d'Escol » qu'ils en ont
rapportées, et à témoigner
ainsi de l'excellence d'un pays où
« aucun habitant ne dit : Je suis
malade. »
(Esa.
33 : 24). Alors non
seulement notre humanité souffrante se
réjouira de l'espérance d'un meilleur
état de choses, mais la nature même
sera consolée par ces rayons
précurseurs du millénium où
« la création sera affranchie de
la servitude de la corruption pour avoir part
à la liberté de la gloire des enfants
de Dieu (2). » (Rom.
8:
21).
Puisque ces preuves de la
vérité du christianisme étaient
inséparables des premières
prédications de l'Évangile, pourquoi
auraient-elles dû ne plus accompagner les
prédications ultérieures ?
Aujourd'hui les soupirs de la création
demandent une réponse ; le retour du
Roi doit encore être annoncé, et
l'évangélisation du monde doit
continuer à exécuter les ordres du
Maître. À tout ceci l'on répond
que « les signes » ne sont pas
nécessaires. Si la raison se contente de
cette réponse, la foi ne le peut pas ;
elle s'écrie que
« Jésus-Christ est le même
hier, aujourd'hui,
éternellement. »
(Héb.
13 : 8.) Nous
tenons donc les miracles pour « l'ombre
des biens à venir ; » et ces
biens à venir sont pour l'âme la
pleine et entière sanctification au retour
du Seigneur. D'ici là, notre
régénération, notre
renouvellement par le Saint-Esprit, est un miracle
permanent qui doit nous rappeler de jour en jour
son avènement et nous y préparer.
Pour le corps, les biens à venir consistent
dans la corporéité glorifiée,
c'est-à-dire dans notre résurrection,
notre transformation à la parfaite
ressemblance de Christ quand il paraîtra. En
attendant son retour, la guérison par la
puissance du Saint-Esprit nous en donne le gage et
le signe précurseur. Pouvons-nous supposer
qu'il fût dans le dessein
de Dieu de nous priver, après la
période apostolique, de ce qui nous fait
entrevoir ces biens célestes ?
Ici s'élèvent trois ou
quatre objections à ce que nous
avançons : « Si les miracles
de guérison sont possibles de notre temps,
on doit logiquement admettre la possibilité
d'autres miracles tels que ceux-ci : Puissance
de ressusciter les morts, de changer l'eau en vin
et de parler en langues inconnues. Mais il suffit
d'un instant de réflexion pour s'assurer que
la guérison divine repose sur une base toute
différente.
L'Écriture ne promet nulle part
le don de résurrection aux croyants de notre
temps. Il est vrai qu'une fois l'ordre de
ressusciter les morts avait été
donné
(Mat.
10 : 8.), mais il
s'adressait tout particulièrement aux
douze et cela pour une mission de durée
limitée. Cet ordre diffère donc
essentiellement de la promesse contenue dans Marc
XVI qui s'adresse à tous
les croyants et qui fait partie des charges en
vigueur pendant toute la durée de
l'économie de l'Esprit. Quand il s'agit de
promesses qui ne sont pas faites à
l'ensemble de l'Eglise, nous devons
reconnaître qu'elles ne sont pas pour nous et
notre temps, mais la guérison des malades repose au
contraire sur une
promesse très clairement adressée
à tous les croyants.
Le changement de l'eau en vin et la
multiplication des pains sont des miracles qui
appartiennent exclusivement à l'action
directe du Seigneur ; nous ne voyons par aucun
fait, ni par aucune promesse qu'ils dussent se
renouveler au delà de son ministère,
tandis que les miracles de guérison qui se
rattachent à l'oeuvre de rédemption
de Christ abondent dans le ministère des
disciples comme dans celui du Seigneur et peuvent
évidemment s'autoriser de l'Écriture.
La distinction qu'établit Godet entre les
miracles de guérison et les autres miracles,
nous paraît très exacte. Voici ce
qu'il dit :
« À la
vérité, en raison de la liaison
étroite de l'âme et du corps, quand
l'esprit de l'homme est ainsi divinement
vivifié, il peut exercer parfois sur le
corps qui lui sert d'organe et, par lui, sur des
corps étrangers, une merveilleuse puissance.
Ce genre de miracle est possible, par
conséquent, dans tous les temps de
l'Eglise ; il l'a été au
moyen-âge, il l'est encore à cette
heure. Ce qui ne paraît pas possible, ce sont
les miracles produits par l'action divine sur la
nature. L'ère de ces miracles-là a
été fermée avec l'oeuvre de la révélation dont
ils n'étaient que les
auxiliaires ». (Conférences
apologétiques ; IV, Le
surnaturel, p. 44, par F. Godet).
Quant aux miracles de prophétie,
il n'y a pas de raison pour croire qu'ils fussent
strictement limités aux temps apostoliques.
Nous n'oublions pas le texte important qui dit -
« Les prophéties prendront fin,
les langues cesseront, la connaissance
disparaîtra. Car nous connaissons en partie
et nous prophétisons en partie, mais quand
ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel
disparaîtra. »
(1
Cor. 13 : 8 -10). On a voulu
se servir de ce texte pour restreindre à
l'âge apostolique tous les miracles
également, disant qu'ils appartenaient
à « ce qui est partiel »
et qu'ainsi ils étaient destinés
à disparaître. Cependant remarquons
qu'il n'est parlé ici que de
prophéties, de langues et de connaissance et
qu'il n'est pas fait mention de guérisons
miraculeuses. Nous ne devons donc pas aller au
delà de ce que nous dit la Parole de
Dieu.
Tant que le péché et la
maladie ont encore la haute main dans le monde,
serait-il rationnel de supposer que la maladie
dût rester en dehors de l'oeuvre de
rédemption de Christ, et que le
péché seul dût être combattu par son oeuvre
rédemptrice, quoiqu'il n'en fût pas
ainsi au commencement ? Enfin serait-il
rationnel de croire qu'en attendant « la
moisson, » nous dussions être
entièrement privés de ses premiers
épis, des prémices de notre
rédemption ? Tant qu'on ne peut pas
répondre à ces questions, qu'on ne se
hâte pas de soutenir qu'il ne se fait plus de
miracles de guérison quand les preuves, du
contraire abondent.
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