Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

Du Culte de la Vierge. De l'Immaculée Conception.

M. le Curé. - Notre village est vide, nos braves gens sont partis en pèlerinage. Ils vont, ces simples en la foi, apporter leurs afflictions et leurs maux à N. D. de Lourdes.
Dans la grotte où elle apparut, vous les verriez, fervents, se prosterner dévotement, pauvres et riches, soldats et officiers, tous côte à côte, unis dans la vénération de celle qui fut la mère de Notre Sauveur.
N'allez pas troubler leur piété, n'allez pas dire à ces fidèles catholiques qu'ils ne sont pas approuvés de Dieu... laissez aux protestants leur froide incrédulité.

M. A. - C'est un reproche qu'ils ne méritent à aucun titre. Non seulement les protestants croient à la Vierge Marie - le contraire serait absurde - mais encore ils l'honorent grandement, ils l'appellent bienheureuse (comme le Livre sacré) puisqu'elle a eu le privilège si admirable d'être choisie pour mère de Notre Seigneur.

M. le Curé. - Pourquoi donc ne viennent-ils pas à nos pèlerinages ?

M. A. - Parce que, à l'exemple des apôtres, de l'Eglise apostolique et des Pères, ils affirment que l'Écriture sainte leur interdit de lui rendre un culte, un service quelconque.

M. le Curé. - La preuve ?

M. A. - En dehors des textes invoqués contre le culte des saints et qui s'appliquent aussi à la Vierge, je vous ferai remarquer que nul apôtre ne parle de la Vierge Marie. Le livre des Actes des apôtres seul nous dit une fois que la Mère de notre Sauveur priait dans la Chambre Haute en compagnie des disciples (1).
Jean, le disciple que Jésus aimait, auquel la Vierge Marie fut confiée, n'en parle jamais ni dans ses épîtres ni dans l'Apocalypse. Il est étrange qu'il n'ait point songé à saluer les églises de sa part ; et surtout, dans sa vision du ciel, il est plus que surprenant qu'il ne nous ait jamais désigné celle que vous décorez du titre majestueux de Reine du ciel !

M. le Curé. - Ceci ne m'avait pas frappé auparavant !... Le culte de la Vierge n'a-t-il point commencé avec la propagation de la foi chrétienne ?

M. A. - Selon toutes probabilités il a pris naissance au IVe siècle, lors de la conversion de Constantin.

M. le Curé. - Encore une renaissance du paganisme, comme le culte des saints ?

M. A. - Vous savez que le culte des déesses était fort en honneur à cette époque, Nous en avons un exemple dans le Nouveau Testament.
À Éphèse, les fanatiques de Diane soulevèrent une émeute contre saint Paul ; dans un lieu public, nul ne put se faire entendre parce que la foule vociféra pendant deux heures : « Grande est la Diane des Éphésiens ! » (2)

M. le Curé. - Les Pères de l'Eglise n'ont-ils pas protesté ?

M. A. - Saint Jean Chrysostome (407) a prêché contre le nouveau culte, Nestorius...

M. le Curé. - Ce n'était pas un Père, mais un hérétique ! Il refusait d'appeler - comme Anastase - la Vierge Marie : Mère de Dieu !

M. A. - Parce que, disait-il, la Vierge Marie est la mère de Jésus-Christ et non celle de Dieu qui est éternel...

M. le Curé. - Son but était de rabaisser la céleste fille d'Anne !

M. A. - C'est une erreur. Nestorius consentait à la dire Mère de Dieu, mais à la condition qu'on insistât sur le mot Mère et qu'on ne la divinisât pas.

M. le Curé. - Nestorius a été condamné comme hérétique par deux conciles à Alexandrie, en 430 et à Éphèse en 131. Là, il fut excommunié.

M. A. - Condamné à Alexandrie ! Quoi d'étonnant ! Le culte de la Vierge était passé dans les moeurs. Comme pour Diane on trouvait autour des autels à Marie de pieuses femmes, se déclarant « prêtresses de la Vierge » et pétrissant de petits gâteaux pour les lui offrir !...
Ce sont aujourd'hui, à quelques détails près, les « Enfants de Marie ! »

M. le Curé. - C'est un honneur d'avoir réussi à christianiser les cultes du paganisme !

M. A. - Tel n'était pas l'avis de saint Épiphane (497). Il s'écriait :
« Si Dieu ne permet même pas d'adorer les anges, combien moins permettrait-il que cet honneur fût déféré à la fille d'Anne, qui n'a point été engendrée autrement que selon la nature des hommes. Que Marie soit en honneur, mais que le Père, le Fils et le Saint-Esprit soient adorés (3). »

M. le Curé. - Mais nous n'adorons pas la Vierge !

M. A. - Nous verrons tout à l'heure en quoi consiste votre culte d'hyperdulie.

M. le Curé. - Le second Concile de Nicée (787) a déclaré qu'il n'y avait aucune superstition dans l'honneur rendu à la Mère du Seigneur et à son image.

M. A. - Il n'avait pas prévu les pèlerinages, le dogme de l'Immaculée-Conception, ni la place prépondérante que l'on fait prendre à la Vierge dans toutes les églises.
En plein Moyen Âge, on discutait encore là-dessus. Paschase Radbert (845), polémisant avec Ratramme, n'a pas encore l'idée de la conception immaculée de Marie ; il ne la dit pas « sainte », mais « sanctifiée » dès le sein de sa mère (4).

M. le Curé. - Malgré toutes les disputes, la Mère de Dieu triomphait ; c'est à cette même époque que les chanoines de Lyon préconisèrent la fête de la Conception de la Vierge.

M. A. - Un des éloquents prédicateurs de la première Croisade, Bernard de Clairvaux (1091-1153), disait que ce culte était « une nouveauté présomptueuse, mère de la témérité, soeur de la Superstition, fille de la légèreté » (5).

M. le Curé. - Cela n'a pas empêché Urbain II, au Concile de Clermont-Ferrand (1095), d'instituer l'Angelus et d'ajouter au bréviaire un office spécial pour la bienheureuse Vierge Marie.

M. A. - Depuis lors, si je ne me trompe, le samedi lui est consacré...

M. le Curé. - Et en 1545, Philippe de Néri, fondateur de l'ordre des Oratoriens, institua le Mois de Marie.

M. A. - La question de l'Immaculée-Conception était-elle résolue ?

M. le Curé. - Pas encore. On la discutait avec acharnement ; les Thomistes et les Dominicains refusaient d'admettre le dogme en question ; les Scotistes et les Franciscains, unis aux Cordeliers, le défendaient avec énergie.

M. A. - Ils l'emportèrent, car l'Université de Paris, en 1387 et en 1497, et le Concile de Bâle en 1439, donnèrent leur satisfecit.

M. le Curé. - Les esprits n'étaient pas encore calmés ; aussi, pour apaiser la tempête qui grondait sourdement, le pape Sixte IV tendit les mains aux deux partis divisés. Aux Cordeliers, il accorda la proclamation officielle de la fête de la Conception de Marie le 8 décembre, se gardant d'y mettre le mot « Immaculée », qui aurait remis le feu aux poudres ; aux Dominicains, il déclara que, pour la question dogmatique, à savoir si la Vierge fut immaculée ou non, on pouvait à la fois soutenir le pour et le contre.

M. A. - Le Concile de Trente s'est-il prononcé ?

M. le Curé. - La discussion a été obscure et embrouillée. Fra Paolo Sarpi la relate fidèlement je crois. Diego-Lainez, général de la Compagnie de Jésus, aurait voulu la définition du dogme de l'Immaculée Conception, les autres docteurs n'osèrent pas se prononcer. On en référa au pape Paul III.

M. A. - Quel fut le résultat ?

M. le Curé. - On est resté dans le vague, prétextant que dans la question du Péché originel on ne s'était pas occupé de la position de la Vierge Marie :
« Le Concile déclara que ce n'est pas son intention de comprendre en ce décret (où il est question du péché originel) la Sainte et Immaculée Vierge Marie Mère de Dieu ; mais qu'il faut observer les constitutions de Sixte IV pape (6). »

M. A. - Donc le Concile avoue que l'on peut soutenir le pour et le contre ! Je n'aime pas ce, manque de franchise, quand on anathématise de gaieté de coeur. On doit être plus nettement fixé sur ses dogmes.

M. le Curé. - Cela créa de grands embarras dans l'Église. Grâce aux Jésuites qui ne se tinrent pas pour battus, une campagne fut menée en, faveur de l'Immaculée Conception. Quelques papes les favorisèrent de leurs décrets accompagnés d'indulgences, tels furent Pie V (1570), Sixte-Quint (1590), Clément VIII (1601), Paul V (1616), Grégoire XIV....

M. A. - Clément VIII dut restreindre le mouvement populaire : il régla les litanies pour les processions, car leur nombre croissait démesurément (7).

M. le Curé. - Alexandre VII constatait que la croyance à l'immaculée conception de Marie était universelle.

M. A. - Pourquoi n'a-t-il pas défini le dogme ?

M. le Curé. - Je l'ignore ! Il a laissé cet honneur à Pie IX qui, le 20 novembre 1854, l'a déclaré article de foi dans la Constitution Ineffabilis Deus :
« Nous définissons que la doctrine qui regarde la très sainte Vierge Marie comme ayant été dès le premier instant de sa conception, préservée de toute tache du péché originel, par la grâce particulière et le privilège du Dieu Tout-Puissant et par les mérites de Jésus-Christ, le Sauveur de la race humaine, est une doctrine, révélée de Dieu, et, en conséquence, doit être observée fermement et constamment par tous les fidèles. »

M. A. - Que dites-vous ? Une doctrine révélée de Dieu ! Et il a fallu 1854 ans pour s'en apercevoir ! Vérifions avec notre Paroissien la solennelle déclaration de Pie IX ......

M. le Curé. - À cette époque il peut encore errer il ne sera infaillible qu'en 1870...
Nous demandons à la Sainte Mère de Dieu de prier pour nous ; nous réclamons avec confiance sa puissante protection ; nous sommes persuadés que par l'intercession de cette sainte et glorieuse Vierge, nous serons délivrés des afflictions présentes et nous jouirons un jour des joies éternelles (8).

M. A. - Comptez-vous sur elle pour la rémission de vos péchés ?

M. le Curé. - La Vierge sainte demande et obtient pour nous la délivrance des afflictions, le pardon, l'absolution et la rémission de tous nos péchés (9).

M. A. - Elle a donc des prérogatives divines ! C'est pour cela que vous l'appelez Reine du Ciel, Reine des Anges... Sur la terre, à Bethléem, à Nazaret, sa vie humble et cachée ne faisait pas prévoir une telle gloire !

M. le Curé. - Comme son divin Fils, elle fut un modèle d'humilité.

M. A. - Mais comme Lui elle n'avait pas les paroles de vie éternelle qui enthousiasmaient saint Pierre ; elle ne pouvait parler comme Lui de la gloire qu'il avait auprès du Père avant que le monde fût (10).

M. le Curé. - Elle a préféré garder toutes ces choses et les repasser dans son coeur... Son humilité profonde lui fait répondre à l'ange qui la vient visiter :
« Voici la servante du Seigneur (11). »

M. A. - Ajoutez encore ce qu'elle dit à sa cousine Elisabeth :
« Dieu a regardé la bassesse de sa servante (12). »
À ce moment on lui aurait montré la gloire terrestre dont l'Eglise catholique romaine l'a 'entourée, qu'elle aurait refusé de se reconnaître...

M. le Curé. - Je vous prends en défaut à votre tour ! Vous prétendez connaître la Bible ! Mais lisez donc si la Vierge Marie n'a pas prévu l'honneur qu'on lui réserverait :
« Toutes les générations - dit-elle - m'appelleront bienheureuse (13). »

M. A. - Non, elle n'a pas prévu qu'on lui dédierait des cathédrales, qu'on la ferait apparaître aux quatre coins de la France ... Elle a compris que tous les peuples de la terre, lorsqu'ils connaîtraient le Fils qu'elle allait leur donner, s'uniraient pour reconnaître que Marie, objet du choix de l'Éternel, devait être la plus pure, la plus digne des filles d'Israël... Bienheureuse, bienheureuse pourront-ils dire, bienheureuse entre toutes les femmes, la Mère du Sauveur des hommes !

M. le Curé. - Je vous défie de faire dire ces choses à un protestant !

M. A. - Il n'en est pas un seul qui refuserait de les répéter. Tous ont une grande vénération pour la Vierge Marie ; les pasteurs dans leurs sermons la donnent comme un sublime modèle d'humilité et de vertu ; les auteurs protestants ont des pages qui l'exaltent... Ce grand honneur qu'ils rendent à la bienheureuse fille d'Anne ne va pas jusques au culte d'hyperdulie...

M. le Curé. - Je ne saisis pas la différence ...

M. A. - Les protestants ne demandent pas à la Vierge d'intercéder pour eux ; ils n'ont qu'un seul intercesseur auprès du Père, savoir Jésus-Christ, le Juste. Ils ne vont pas s'agenouiller dans les chapelles dédiées à Marie ; ils ne se prosternent pas devant son image...

M. le Curé. - C'est votre interprétation hérétique de cette parole : « Tous les siècles m'appelleront bienheureuse », qui vous a induit en erreur. Ne la détournez pas de son sens naturel, et vous serez conduit au culte d'hyperdulie.

M. A. - Je ne discute pas de parti pris ; le sens que j'ai donné au texte qui nous occupe est emprunté à Notre Seigneur...

M. le Curé. - Je serais curieux d'en être exactement informé !

M. A. Pendant le ministère de Jésus, Une femme voyant les oeuvres qu'il faisait, s'écria :
« Heureux le sein qui vous a porté »
Le Christ répondit aussitôt :
« Bien plutôt heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent (14). »
Le privilège de ceux qui conforment leur vie à l'enseignement du Seigneur est plus grand que celui de Marie : Bienheureux plutôt...

M. le Curé. - Jamais je n'avais eu l'idée de mettre ces deux passages en parallèle...
Ils atteignent la prévision du culte que nous avons rendu à la Vierge, mais ils laissent intacte son intercession...

M. A. - Elle a donc le pouvoir de s'immiscer dans le ministère de son divin Fils ?...

M. le Curé. - Avec une autorité sans égale. Elle demande et obtient la grâce de tout pécheur qui l'invoque.

M. A. - Je vais vous signaler deux circonstances de la vie de Notre Seigneur où la Vierge Marie fut appelée à comprendre que le ministère confié à son Fils ne regardait que Lui seul.
Une première fois, c'est à Jérusalem. Jésus avait douze ans ; il était resté pendant trois jours dans le temple, discutant avec les docteurs de la loi. Après l'avoir longtemps cherché, puis retrouvé. Joseph et Marie lui dirent leurs inquiétudes, Jésus répondit :
« Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe de ce qui regarde le service de mon Père (15). »

M. le Curé. - .... Jésus pouvait faire allusion à ses devoirs religieux plutôt qu'à son ministère.

M. A. - Il serait facile de vous prouver que la fête et les services religieux étaient terminés depuis trois jours... Mais arrivons à la deuxième circonstance. C'était à Cana, en Galilée, la mère de Notre Seigneur sollicita discrètement un miracle :
« Ils n'ont plus de vin », dit-elle.
Et Jésus répondit
« Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et  moi ? »

M. le Curé. - Est-ce que cela signifie : « Laissez-moi la liberté que demande mon ministère ? »

M. A. - En parlant ainsi, Notre Seigneur n'a fait que répéter ce qu'il a déjà dit en sortant du temple : que la volonté de son Père était la seule règle qu'il eût à suivre dans l'exercice de son ministère.

M. le Curé. - Vous êtes toujours hérétique dans vos explications !

M. A. - Croyez-vous ? Je n'ai cité que l'abbé Glaire (16)...
Depuis ce jour la Vierge Marie n'a plus tenté de s'occuper du ministère de son Fils.

M. le Curé. - Lorsque Notre Seigneur était sur la Croix, expirant pour l'humanité coupable, il nous a donné Marie pour Mère, dans la personne de son disciple :
À sa Mère il dit : « Femme voilà ton fils ; puis il dit au disciple : Voilà votre mère (17). »
C'est de ce moment solennel que datent nos relations avec notre Bonne Mère.

M. A. - Je ne vois dans cette émouvante scène qu'un acte d'amour. Jésus confie sa mère au disciple qu'il aimait et non à toute l'humanité ! Les paroles « Femme voilà ton fils », ne conféraient aucun ministère à la Vierge Marie ni en faveur de Jean qui au contraire devait la protéger, ni pour l'humanité que Jésus achevait de sauver.

M. le Curé. - Qu'est-ce qui le prouve ?

M. A. - Le texte lui-même qui ajoute ces simples mots : Et depuis ce jour-là le disciple la recueillit dans sa maison.

M. le Curé. - Je relève en votre faveur que les apôtres et l'Église primitive n'ont pas célébré de culte, ni réclamé l'intercession de la Vierge. Mais j'estime que les grands pouvoirs de Marie proviennent surtout de sa conception immaculée.

M. A. - À quel endroit de l'Écriture sainte en est-il parlé ?

M. le Curé. - Nulle part, c'est une tradition. L'Église célèbre la fête de l'Immaculée-Conception parce que la très sainte Vierge a été, par un privilège spécial, exemptée du péché originel (18).

M. A. - La pure et pieuse fille d'Anne ne l'a jamais cru...

M. le Curé. - Encore une nouvelle hérésie !

M. A. - ... Elle dit à Élisabeth :
« Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur (19). »

M. le Curé. - Je ne vois pas où vous voulez en venir...

M. A. - Qu'est-ce qu'un Sauveur ?

M. le Curé. - C'est celui qui sauve...

M. A. - De quoi Jésus nous a-t-il sauvés ?

M. le Curé. - Du péché originel et du péché actuel.

M. A. - Quelqu'un exempt du péché originel et du péché actuel aurait-il eu besoin d'un Sauveur ?

M. le Curé. - Évidemment non !

M. A. - Donc la Vierge Marie qui déclare se réjouir d'avoir un Sauveur...

M. le Curé. - .......

M. A. - ... N'était pas exempte du péché originel, Saint François d'Assise, un fervent de Marie, disait :
« Ce lis de pureté et d'innocence a été blanchi dans le sang de l'agneau (20). »

M. le Curé. - Il écrivait cela avant la définition du dogme... Sixte IV aussi n'était pas sûr de la conception immaculée...

M. A. - Comment interpréterez-vous la Purification de la Vierge ? Immaculée dans sa conception donnant au monde le Fils de Dieu, elle était dispensée de droit divin, des exigences de la loi lévitique !

M. le Curé. - Elle est allée au temple par humilité et par obéissance, ne se mettant point en peine d'être jugée impure par les hommes. (21)

M. A. - En somme vous n'avez aucune preuve catégorique à m'opposer pour établir sur des bases solides le dogme de la conception immaculée, l'Écriture Sainte et l'histoire se sont élevées contre vous.

M. le Curé. - La preuve catégorique, irréfutable, c'est que la très sainte Marie est restée toujours vierge après la naissance de Jésus ; elle n'a pas eu d'autre enfant.

M. A. - Nous n'en finirions plus si nous voulions étudier toutes les combinaisons que les théologiens catholiques romains ont essayées pour expliquer tous les passages analogues à celui-ci :
« Je ne vis à Jérusalem, dit saint Paul, aucun des autres apôtres, si ce n'est Jacques, frère du Seigneur. (22) »

M. le Curé. - Il faut savoir lire. Ce terme affectueux est mis à la place de cousin. Il s'agit ici de Jacques, fils de Marie, soeur de la Vierge, et de Cléophas appelé aussi Alphée.

M. A. - Je réponds à ce seul argument. Parmi les douze apôtres choisis par Jésus, nous trouvons Jacques, fils de Zébédée, et Jacques, fils d'Alphée, le cousin de Jésus ...

M. le Curé. - C'est ce dernier qu'on appelle par amitié « le frère du Seigneur »,

M. A. - Les disciples croyaient-ils en Jésus ?

M. le Curé. - Quelle question ! Ils ont tout quitté pour le suivre !

M. A. - Or, l'Évangile selon saint Jean nous dit que « les frères mêmes de Jésus ne croyaient pas en lui (23) »

M. le Curé. Hélas ! il parle de ses cousins !

M. A. - Mais vous venez d'admettre que son cousin Jacques, fils d'Alphée, était au nombre des douze !... Donc il croyait en lui et Jean nous parle réellement des propres frères de Jésus qui n'y croyaient pas...

M. le Curé, - Jacques, le cousin de Jésus, croyait, ce sont les autres qui ne croyaient pas...

M. A. - Jean en aurait fait la remarque ; mais ce qui prouve davantage encore qu'il est réellement question de Jacques, frère du Seigneur, c'est que, pour établir sa foi chancelante, Jésus lui apparaît particulièrement :
« Jésus, nous apprend saint Paul, s'est fait voir à Jacques et puis à tous les apôtres ». (24)
Ce n'est pas du cousin de Jésus dont parle saint Paul, ni de Jacques, fils de Zébédée, ceux-ci sont compris dans les apôtres ; il est bien question de Jacques, frère du Seigneur, bien désigné en dehors du collège des douze.

M. le Curé. Jamais je n'avais fait pareille remarque ! Quelle révolution à opérer ! O douce Vierge, que vas-tu devenir !

M. A. - Elle gardera la place qu'elle a toujours occupée ; elle sera aimée comme mère du Sauveur, parée de ses réelles vertus, et non d'une immaculée conception imaginaire ; elle sera honorée comme dans l'Évangile : modeste vierge en Israël et mère tendre ; femme pieuse qui s'efface derrière l'oeuvre de son Fils qu'elle appelle son Sauveur, qui se joint aux premiers chrétiens, non pour occuper une place prépondérante, mais pour prier avec eux. (25)

 

M. le Curé. - 0 vision sublime ! Mes yeux s'éclairent, je vois Marie, la vraie Marie de l'Évangile, modèle de foi, de piété, d'humilité, d'amour... Les statues tombent en poussière, les décrets des conciles s'effacent, le culte d'hyperdulie a vécu ! Je vois la foule des pèlerins qui se pressait dans les sanctuaires, se tenir autour de la Vierge, prête à obéir... Alors la voix céleste de Marie se fait entendre, tandis qu'elle désigne son Fils, et elle dit comme jadis à Cana : « Faites tout ce qu'il vous dira ! » (26)... Désormais j'obéirai à la Vierge Marie en me prosternant aux pieds de son divin Fils.


(1) Actes 1-14

(2) Actes 19/28.

(3) Epiph. c. hoeres, 79, de Collyrid.

(4) « Sanctificata in utero matris ».

(5) Bernard de Clairv. Oeuvres. Mabillon, 1690, 2 vol. in-folio. Lettre 174. Le cardinal Pallavicini (Livre VII) et le cardinal de Bonald (mandement du 21 novembre 1843) veulent atténuer la portée de cette lettre énergique en disant que saint Bernard l'avait écrite parce que le pape n'avait pas été consulté sur la célébration de la nouvelle fête ! Nous donnons cette excuse pour ce qu'elle vaut.

(6) Conc. Trente. Ve S. sous Paul III, 17 juin 1546. Premier décret.

(7) Justin Machiovensis a publié un ouvrage in-folio de 1.200 pages où chaque litanie est le sujet d'un commentaire.

(8) P. R. Prière du soir, Oremus, p. 15. Exp. cat. Clerm., p. 445. 

(9) P. R. Confiteor, p. 17.

(10) Jean 6-40 à 68. P. R. Pour les Anniversaires. Messe des Morts, p. 964. Voyez encore Jean 7-5.

(11) Luc 1. P. R. Annonciation de la Sainte Vierge, p. 679. Exp. cat. Clerm., P. 444.

(12) Luc 1/48. P. R. Visitation de la Sainte Vierge. Magnificat, p. 776.

(13) Luc 1-48. P. B. Visitation de la Sainte Vierge. Magnificat, p. 776.

(14) Luc 11. P. R. Le IIIe Dimanche de Carême, p. 302.

(15) Luc 2. P. R. La Maternité de la sainte Vierge, p. 864.

(16) Jean 2/4. La Fête du saint Nom de Jésus, p. 260. Le mot femme ne renfermait jamais chez les Hébreux une idée de mépris... 

(17) Jean, 18. Commun des Fêtes de la Vierge, p. 579.

(18) Exp. cat. Clerm., p. 420. 

(19) Luc 1, Visitation de la Vierge, p. 773.

(20) R. P. Huguet. Mois de Marie de Saint François d'Assise, p. 25. 

(21) Exp. cat. Clerm., p. 435 ; Exercices de Dévotion à la très sainte Vierge par un Père de la Compagnie de Jésus, p. 108.

(22) Gal. 1. P. R. La Commémoration de saint Paul, p. 769.

(23) Jean 7, 3 à 5.

(24) 1 Cor. 15-7. P. R IXe Dimanche après la Pentecôte, p. 450.

(25) Luc 2-19 ; Luc 1 ; Actes 1-14

(26) Jean 2/5.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant