Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TROISIÈME PARTIE

De l'Intercession



CHAPITRE PREMIER

Du Culte des Saints


M. le Curé. - Par ce sentier solitaire qui court sous les chênes nous monterons sans fatigue jusqu'à la chapelle vénérée de Saint-Germain. Je veux vous montrer la foi naïve de nos fidèles exprimée en de touchantes inscriptions.

M. A. - Cette foi, ce culte rendu aux saints auxquels vous donnez une si grande importance, sont-ils de précepte divin ? Ont-ils existé dans l'Eglise apostolique ?

M. le Curé. - Tant qu'il n'y avait pas eu de saints, on ne pouvait les honorer ; tel est le cas de l'Eglise pendant le premier siècle.

M. A. - Les apôtres, descendants des patriarches et des prophètes, auraient pu invoquer Hénoch « qui, par la foi, fut enlevé au ciel » ; ou Abraham appelé le père du peuple d'Israël ; ou encore après la transfiguration annoncer l'intercession de Moïse et d'Elie (1)...

M. le Curé. - Les apôtres ne l'ont pas fait parce que Jésus était toujours au milieu d'eux.

M. A. - Pourquoi ne l'ont-ils pas fait après l'Ascension de Notre-Seigneur ? Outre les « saints » de l'Ancienne Alliance ils avaient saint Étienne, le premier martyr chrétien (2), mort vers l'an 36 ou 37; saint Joseph et la Vierge Marie...
D'où vient, dis-je, que nul apôtre ne les mentionne ?

M. le Curé. - Je ne sais que vous dire, sinon que le Saint Concile de Trente déclare que l'honneur rendu aux saints est un usage de l'Eglise catholique et apostolique depuis les premiers temps de la religion chrétienne (3).
Consultez l'histoire !

M. A. - La plus ancienne trace de respect exagéré que je trouve pour les reliques des saints remonte au second siècle. Quelques chrétiens d'Antioche rapportèrent les os de saint Ignace mort martyr ; un fait analogue se produisit pour saint Polycarpe (169), mais il s'agissait d'un pieux devoir accompli et non d'un culte. Il n'est pas question de miracles.

M. le Curé. Ce « pieux devoir » est devenu un culte sacré !

M. A. - Puisqu'il faut tout dire, c'était un emprunt fait au culte des morts du paganisme. Les chrétiens fidèles protestaient, car ils redoutaient la superstition naissante ; saint Antoine de Côme, au IIIe siècle, ordonna de tenir secret le lieu de sa sépulture afin que l'on ne fût pas tenté de rechercher ses restes mortels pour leur rendre un culte.
Saint Athanase fit murer les reliques des martyrs pour mettre un terme au culte que les fidèles commençaient à leur rendre.

M. le Curé. - Ces mesures d'ordre avaient pour but de préserver les chrétiens d'abus possibles. Mais rien ne prouve l'origine païenne...

M. A. - Écoutez Tertullien. Voici ce qu'il disait aux chrétiens du IIIe siècle en critiquant les dieux des Romains : « Qui vous permet d'attribuer à des hommes ce qui est réservé à Dieu seul ? Qu'il suffise aux martyrs de souffrir pour leurs propres péchés. Qui donc a jamais payé pour la mort d'autrui, sinon le Fils unique de Dieu (4). »

M. le Curé. - Tertullien à lui seul n'est pas une autorité. Ainsi Justin, martyr au IIe siècle, Irénée, au IVe, Lactance, au IVe ont parlé souvent des saints et des martyrs...

M. A. - Oui, pour dire que les saints et les martyrs attendaient le jour du jugement dernier pour entrer dans le ciel (5)... Donc, il leur était impossible d'intercéder pour qui que ce fût.

M. le Curé. - Je repousse votre opinion parce que les païens n'avaient pas de saints et que la pensée de les honorer est toute chrétienne.

M. A. - J'ai appris que deux empereurs romains, idolâtres, furent appelés l'un saint Gallien, l'autre saint Valérien.

M. le Curé. - Soit ! Vous prenez en défaut les connaissances historiques du Concile de Trente, vous ne trouvez encore aucun honneur rendu aux saints au IVe siècle, recommandé par l'Eglise ; vous prouvez que les Pères d'un consentement unanime blâment ce culte...
Puisque vous êtes si sûrement documenté, prouvez-moi l'origine païenne de ce culte des saints !

M. A. - En 313, l'empereur Constantin, devenu chrétien, publia un édit proclamant le Christianisme comme religion d'État. Ce fut un coup de foudre ; les païens, redoutant la persécution, entrèrent alors en masse dans l'Église.
Ils introduisirent un certain nombre de leurs coutumes religieuses, en particulier leur vénération pour leurs dieux domestiques.

M. le Curé. - Le pape aurait dû protester !

M. A. - C'était Damase. Au lieu d'arrêter net ce mouvement dangereux, il convoqua un Concile tenu à Constantinople en 381, où l'on se préoccupa surtout de conserver la confiance des païens nouveaux convertis.
On jugea opportun de ne pas froisser leur culte pour les morts, et on imagina de remplacer leur vénération des dieux lares par le culte des saints du Christianisme !

M. le Curé. - Votre rapprochement est frappant, car la dévotion aux saints date précisément de ce Concile.

M. A.. - En somme, c'était le même culte, quelques noms seuls étaient changés..

M. le Curé. - Quelques noms seuls !... Pas tous ?...
Nous n'avons cependant aucun ancien dieu païen parmi nos saints...

M. A. - Je n'en doute pas. Mais quelques personnages bibliques étaient connus et honorés des païens. L'empereur Septime Sévère avait, dans sa lararia (6), placés côte à côte Abraham et Orphée, Alexandre le Grand et Jésus-Christ.

M. le Curé. - Et personne à cette époque n'a protesté ?

M. A. - Saint Augustin a eu ce courage :
« Ne vous faites point une religion par un culte rendu à des créatures mortes ; car si elles ont vécu saintement, ce ne sont pas elles qui recherchent cet honneur, mais elles nous demandent d'honorer Celui par la lumière duquel elles se réjouissent de pouvoir participer à ses mérites.
Ainsi donc, ces âmes doivent bien être honorées à cause de l'imitation qu'elles font de ses mérites et non pas être adorées pour cause de religion (8). »

M. le Curé. - Je l'approuve, nous n'adorons pas les saints..

M. A. Nous en dirons un mot dans un instant.
Au VIe siècle, l'évêque de Marseille fit enlever toutes les images de saints des églises de son diocèse.

M. le Curé. - Ni l'évêque d'Hippone, ni celui de Marseille ne furent écoutés. En 608, le pape Boniface IV obtint de l'empereur Phocas la désaffectation de l'ancien temple de Jupiter-Vengeur, élevé par Agrippa, ainsi que l'autorisation de le consacrer à la Vierge et aux saints.

M. A. - Ceci confirme ce que je vous disais.
Un temple païen est devenu une église chrétienne, les noms seuls ont été changés.
L'empereur Léon III, par son édit de 726, essaya de mettre un frein à ce nouveau culte ; il défendit de se prosterner et de s'agenouiller devenu les images des saints...

M. le Curé.. - Vous atténuez le crime de ce maudit iconoclaste !

M. A. - Je reste dans la vérité historique.
Le patriarche de Constantinople souleva le peuple qui refusa d'obéir ; alors, Léon III, en 730, c'est-à-dire quatre ans plus tard, fit brûler les statues des saints et effacer les peintures murales dans les églises...

M. le Curé. - Que de massacres s'en sont suivis !

M. A. - À qui la faute ?

M. le Curé. - Le pape Grégoire Il protesta. Le Concile de Rome sous Grégoire III, en 732, condamna l'empereur.

M. A. - Longtemps encore la lutte se poursuivra.
Constantin Copronyme, fils et successeur de Léon III, convoqua un nouveau Concile à Constantinople. en 754, où 338 évêques déclarèrent d'un commun accord que le culte rendu aux images et aux saints était une renaissance du paganisme.

M. le Curé. - Léon IV avait aussi suivi cette politique ; mais après sa mort, Irène, impératrice régente, s'entendit secrètement avec le pape Adrien I, et les images furent de nouveau rétablies en 780. Sept années après, le deuxième Concile de Nicée décréta que le fait de se prosterner devant les statues ou les images des saints n'était ni une superstition, ni une hérésie.

M. A. - Deux conciles, celui de Francfort (794) et celui de Paris (825), refusèrent de se soumettre aux décisions de Nicée.

M. le Curé. - Des docteurs érudits tels que Claude de Turin (825), Agobard, archevêque de Lyon (816), gagnèrent la cause des saints.
L'impératrice Théodora convoqua un grand Concile à Constantinople, en 842 qui répéta les canons de Nicée.

M. A. - Dès ce IXe siècle, le culte des saints prend un développement extraordinaire... C'est encore et toujours le moyen âge !

M. le Curé. - Cela est vrai... La canonisation de nouveaux saints date de cette époque. Le pape Léon III l'institua...

M. A. - Sur les conseils de Charlemagne et pour éviter les abus des béatifications hâtives et populaires.

M. le Curé. - En réalité, c'est Alexandre III (1181), qui s'est réservé le pouvoir exclusif de la canonisation.

M. A. - Et celui de l'authenticité des reliques ?

M. le Curé. - Rien ne vous échappe ! ... Eh bien, oui, il y a eu des scandales. Plusieurs reliques antérieures au XIIIe siècle sont plus ou moins authentiques ! Pour éviter des erreurs connues, dues à l'engouement du peuple, le Concile de Latran (1215), sur les sages avis d'Innocent III, réserva au pape seul le pouvoir de les garantir vraies. Enfin, le Concile de Trente, dans sa dernière session, a tout réglé : abus, doctrine et canons.

M. A. - Donc, vous êtes tenu d'enseigner que les saints régnant avec Jésus-Christ offrent leurs oraisons à Dieu pour les hommes, et que c'est une chose bonne et utile de les invoquer humblement et de les supplier (9)...

M. le Curé. - C'est tout à fait cela.

M. A. - Eh bien, pour comprendre votre doctrine, permettez-moi de vous demander qui vous appelez un saint ?...

M. le Curé. - Je donne le nom de saints à tous les fidèles, parce qu'ils sont appelés à être saints, et qu'ils sont consacrés à Dieu par le baptême (10).

M. A. - Nous sommes d'accord. Le Nouveau Testament exprime une pensée analogue ; tous les convertis de Jérusalem sont appelés saints par Ananie de Damas : « Seigneur j'ai appris de plusieurs combien Saul de Tarse a fait de maux à vos saints dans Jérusalem (11). »

M. le Curé. - Saint Paul désigne ainsi les chrétiens d'Éphèse, de Colosses, de Thessalonique ; il dit à ces derniers :
« La volonté de Dieu est que vous soyez saints... Dieu ne vous a pas appelés pour être impurs mais pour être saints (12). »

M. A. - Dans aucun de ces passages il ne peut être question des saints canonisés par Rome. Et, chose digne de remarque, ni saint Joseph, ni saint Étienne martyr, ni la Vierge Marie, ne sont invoqués !

M. le Curé. - Je l'ai constaté avec vous. Mais comme vous le savez il y a d'autres saints, les béatifiés, ils règnent dans le ciel, nous sommes en communion avec eux...

M. A. - Voilà ce qu'enseigne votre Église, mais c'est en dehors du christianisme.
Lorsque saint Pierre était dans la prison où Hérode l'avait jeté, l'Eglise intercédait pour lui, auprès de Dieu directement sans invoquer les saints :
« L'Eglise faisait sans cesse des prières à Dieu pour lui (13). »

M. le Curé. - Pour eux, les apôtres n'avaient pas besoin de saints ! Après leur mort on leur demanda les mêmes faveurs qu'ils accordaient de leur vivant, en obéissance à cette parole du Christ :
« Si quelqu'un est mon serviteur mon Père l'honorera. »
Il s'ensuit que si Dieu, tout grand, tout majestueux, tout Dieu qu'il est honore les saints, qui ont été ses serviteurs, il est indubitable que nous devons aussi les honorer (14).

M. A. - Dieu honore-t-il seulement les saints canonisés par Rome ou bien tous ceux qui sont ses serviteurs ?

M. le Curé. - La promesse donnée par Notre Seigneur s'applique à tous les chrétiens qui servent Dieu.

M. A. - L'honneur qui leur est réservé s'applique-t-il aux seuls saints béatifiés par les Papes ou à tous les chrétiens fidèles ?

M. le Curé. - L'honneur s'applique à tous les chrétiens qui servent Dieu fidèlement.

M. A. - Alors, le plus humble d'entre les chrétiens reçoit les mêmes faveurs de Dieu, que le plus vénéré d'entre vos saints...

M. le Curé. Je vous l'accorde, mais ne niez pas non plus l'honneur que Dieu leur rend aussi.

M. A. - Je ne le nierai pas à la condition que vous me prouverez que tous les saints que vous avez canonisés ont été reçus en grâce. Par exemple, votre très saint Père Alexandre VI Borgia... Mais je n'admettrai jamais qu'un saint béatifié, quel qu'il soit, possède la toute science, le pouvoir d'être partout... Ces attributs lui seraient nécessaires pour entendre toutes les prières qui lui sont adressées d'un bout à l'autre du monde. Jusqu'ici j'avais cru que ces attributs n'appartenaient qu'à Dieu.

M. le Curé. - Saint Thomas d'Aquin a déjà répondu à cette objection. Il dit que Dieu communique lui-même aux saints toutes les prières qui lui sont adressées.

M. A. - Dans ce cas nous n'avons pas besoin des saints pour que nos supplications parviennent aux oreilles de Dieu. Le proverbe populaire a raison il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints !
Dieu demeure donc à la merci de ses saints ! S'ils exaucent, il exauce ; sinon, non !

M. le Curé. - Le Saint Concile de Trente réplique alors que nous honorons les saints, serviteurs de Dieu, afin que l'honneur que nous leur rendons rejaillisse sur leur Maître (15).

M. A. - Ceci c'est le principe. Vous dites même qu'en honorant les saints il faut avoir soin de les imiter, car le plus grand honneur qu'ils attendent de vous et sans lequel tout le reste est fort peu de chose, c'est que vous les imitiez (16)

M. le Curé. - Vous reconnaissez que notre culte est très raisonnable...

M. A. - De la théorie passons à la pratique. Je me demande si c'est « honorer » ou « imiter » les saints que de « baiser leurs images, se découvrir devant elles, se prosterner et s'agenouiller à leurs autels (17) ».

M. le Curé. - Ces hommages ne s'adressent point aux saints ni à leurs images, mais à Jésus-Christ que nous adorons...

M. A. - Quand un catholique baise le pied de saint Antoine de Padoue, s'agenouille devant la statue de saint Joseph, ou se prosterne devant la sainte Vierge, il rend un culte à ces saints et non à Jésus-Christ !

M. le Curé. - Sans doute ! Mais il ne vénère ces saints que parce qu'ils sont la ressemblance de Jésus-Christ...

M. A. - Quel labyrinthe ! Mais alors il vaut mieux aller tout droit à Jésus, obéissant à son conseil :
« En vérité je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'ici vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite (18). »

M. le Curé. - Ces paroles étaient pour les apôtres, tout ce qu'ils demanderont leur sera accordé, si nous implorons leur intercession nos prières seront exaucées.

M. A. - Cela est vrai pour tous les croyants et non pour les apôtres seuls, car la promesse de Jésus est universelle :
« Quiconque demande reçoit et qui cherche trouve ; et l'on ouvrira à celui qui frappe (19). »

M. le Curé. - Si nos fidèles ne s'approchent pas de Dieu directement c'est qu'ils n'osent pas...

M. A. - Je vous prends en défaut. Le Paroissien s'oublie quelquefois, témoin cet introït où l'âme s'élève immédiatement à Dieu :
« Le Seigneur a exaucé ma voix de son saint temple, alléluia ; et les cris que j'ai poussés en sa présence sont parvenus jusqu'à lui (20). »
Lisez encore cette offertoire :
« Béni soit le Seigneur qui n'a pas rejeté ma prière, ni ôté sa miséricorde de dessus moi (21). »

M. le Curé. - Ici l'offertoire est plutôt une louange qu'une prière... l'exaucement a pu avoir lieu par l'intercession des saints...

M. A. - Ne sentez-vous pas qu'en plaçant partout et toujours cette médiation des saints vous diminuez la valeur de celle de Jésus ! Oubliez-vous que saint Paul disait :
« Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés (22). »

M. le Curé. - Cette opinion particulière à saint Paul, juste en soi, ne condamne nullement l'invocation des saints.

M. A. - Récuserez-vous de la même manière, l'appel énergique de Notre Seigneur :
« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés et je vous soulagerai (23) »

M. le Curé. - Venez à moi... Oui, sans doute, mais dans tout procès il faut des avocats et dans le nôtre avec Dieu, les saints sont nos avocats auprès de Jésus-Christ.

M. A. - Un seul avocat suffit pour défendre une cause. Le succès est assuré si l'avocat est, de l'aveu de tous, le plus grand, le plus digne, celui auquel le juge suprême ne peut rien refuser. Lequel choisirons-nous parmi les centaines de saints canonisés ?....

M. le Curé. - Cela dépend de l'inclination de chacun. Les uns invoqueront saint Pierre...

M. A. Mais il a renié son maître !

M. le Curé. - D'autres prieront saint Thomas...

M. A. - Mais il a douté de son maître !

M. le Curé. - Ce sera au moins saint Jean, l'ami de Jésus, celui qui reposait sa tête sur le sein de son maître...

M. A. - Il refuse cet honneur... Si quelqu'un pèche, dit-il, nous avons pour avocat auprès du Père Jésus-Christ le Juste. (24)

M. le Curé. - ... Vous avez lu les canons du Concile de Trente ... Si quelqu'un vient à enseigner ou tenir une opinion contraire à ces décrets... qu'il soit maudit !

M. A. - Ceux qui enseignent une opinion contraire à ces décrets, c'est Jésus-Christ, c'est saint Pierre, c'est saint Paul, c'est saint Jean, c'est tout l'Évangile ! ...

M. le Curé. - Votre interprétation des textes, bien qu'ayant toutes les apparences de la vérité, peut être erronée. Vous ne pouvez citer aucun commandement net et précis condamnant tout honneur ou vénération rendue aux saints.

M. A. - il existe, mais il passe inaperçu dans la manière dont l'Eglise romaine s'est permise d'arranger les dix commandements donnés par Dieu à Moïse.
Vous dites :
"Un seul Dieu tu adoreras Et aimeras parfaitement. »
Dieu avait dit sur le mont Sinaï :
« Je suis l'Éternel ton Dieu, tu n'auras point d'autre dieu devant ma face, tu ne feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles et tu ne les serviras point (25). »

M. le Curé. - Ce commandement s'élevait contre l'idolâtrie... La loi a été accomplie par Jésus-Christ, depuis lors les choses ont changé.

M. A.. - Ce commandement est demeuré, répété par Notre Seigneur.
Lorsque Jésus fut tenté au désert, il repoussa Satan en disant :
« Il est écrit. Vous adorerez le Seigneur votre Dieu et vous ne servirez que lui seul (26). »

M. le Curé. - Vous ne servirez que lui seul...
Cela me parait vous donner raison... tout culte, tout service, hormis celui dû à Dieu, est défendu !

M. A. - Donc cela anéantit tout culte de dulie ou d'hyperdulie, malgré les malédictions du Concile de Trente !

M. le Curé. - L'Évangile nous laisse-t-il au moins les images ? L'art chrétien serait-il un attentat contre la majesté de Dieu ?

M. A. - Représentez des saints, des scènes bibliques et vous ferez une oeuvre excellente, mais...

M. le Curé. - Les images que nous répandons n'ont d'autre but que d'élever notre esprit au Ciel afin d'y honorer Jésus-Christ (27).

M. A. - Mais si vos images n'ont que ce but-là, dites à vos fidèles de ne pas baiser les saints, de ne pas s'agenouiller devant leurs statues, ou se prosterner lorsqu'elles sont promenées processionnellement !
Dites-leur que pour aller jusqu'à Dieu il ne faut pas s'arrêter d'abord devant la Vierge Marie, puis devant les saints de sa prédilection...

M. le Curé. Vous allez me dire encore Jésus a dit : « Je suis la voie... Venez à moi. Personne ne peut aller à mon Père que par moi (28)... » Mais les saints sont, sinon les avocats, au moins les conseillers de Dieu....

M. A. - Qui a connu les pensées du Seigneur, s'écrie saint Paul, ou qui l'a aidé de ses conseils ? (29)

M. le Curé. - Eh bien laissons encore le culte des images ! Mais je vous tiens avec les Reliques, elles ont accompli de très grands miracles.

M. A. - Elles n'en font plus guère aujourd'hui !

M. le Curé. - Parce que les fidèles ne les visitent plus.

M. A. - Puisque les reliques ont des pouvoirs si fameux, comment se fait-il que l'on n'a pas gardé un pan du vêtement de Jésus qui a guéri l'hémorroïsse, un peu de la salive qui a servi à la guérison d'un sourd-muet... (30).

M. le Curé. - C'est une question à laquelle je ne puis répondre... on a gardé le linge avec lequel sainte Véronique essuya la sueur qui perlait sur le divin visage de Jésus...

M. A. - Je m'étonne qu'il ne fasse pas plus de miracles que Lourdes !...
On n'a gardé ni vêtement, ni salive parce que ce n'est ni l'un ni l'autre qui ont opéré les guérisons ...

M. le Curé. - Qu'est-ce donc ?

M. A. - C'est la foi.
À la femme qui a touché son vêtement Jésus dit :
« Ma fille ayez confiance : votre foi vous a guérie (31). » s
À l'aveugle de Jérico, Jésus dit :
« Recouvrez la vue... Votre foi vous a sauvé (32). »

M. le Curé. - Ce n'est pas autre chose qui a accompli les miracles attribués aux Reliques.

M. A. - Nous y voici ! Vous accordez à quelques ossements plus ou moins authentiques les mêmes pouvoirs qu'à Jésus !

M. le Curé. - Soit ! C'est la foi en Jésus et en Jésus seul qui sauve et qui guérit....

M. A. - Et grâce à elle je suis plus sûr de mon salut, parce qu'elle a les promesses de la vie présente et de celle qui est à venir ; j'ai la confiance que mon âme est rachetée régénérée.
Les saints ne m'ont rien promis, ils ne me connaissent pas, tandis que Jésus ...

M. le Curé. - .... a sauvé les hommes, je veux bien, mais les saints peuvent bien parler en notre faveur, comme Abraham intercéda pour Sodome !

M. A. - Pourquoi dresser encore cette barrière !
« Jésus est toujours en état de sauver tous ceux qui, par sa médiation, s'approchent de Dieu, puisqu'il vit toujours pour intercéder en notre faveur (33). »

M. le Curé. - Quel dommage qu'au Concile de Trente on n'ait pas discuté comme nous le faisons !

M. A. - Au moment de la lecture des Canons pour l'intercession des Saints, un chrétien aurait dû s'écrier :
« Arrêtez ! Arrêtez ! Ne parlez pas des Saints ! Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ! (34) »

M. le Curé. - Il eût été chassé, anathématisé !

M. A. - Eh bien, ce grand proscrit, c'est saint Paul !

M. le Curé. - Alors je ne refuse pas de l'être avec lui.


(1) Héb. 11-5 ; Jean 8-53. P. R. Le dimanche de la Passion, p. 309. Math. 17. P. R. Le 2e dimanche de Carême, p. 298. 

(2) Actes 7. P. R. Saint Étienne martyr, p. 222.

(3) Conc. de Trente, IXe s., sous Pie IV (25e) 3 décembre 1563. Le second Décret.

(4) Tertull. De pudicit. C. 22. Apol. C. 13. C. dii romani.

(5) Just. mart., Dial. av. Triphon; Irénée, contra Hoeres, 25; Lactance, Institutiones, lib. I, C. III.

(6) On appelait lararia le temple ou la chapelle que les particuliers réservaient dans leur habitation aux statues et images de leurs dieux lares ou dieux domestiques.

(8) Aug. de Vera religione, C. 55.

(9) Conc. de Trente, Sess. précitée. 

(10) Exp. cat. Clerm., p. 116.

(11) Actes 9. P. R. La Conversion de saint Paul, p. 626. 

(12) Ephés. 5-3. P. R. Le IIIe dimanche de Carême, p. 300. Ephés. 3-8. P. R. Le XVIe dimanche après la Pentecôte, p. 464 ; Coloss. 1-12. P. R. Le XXIVe dimanche après la Pentecôte, p. 486 ; 1 Thessal. 4-3. P. R. Le 25 janvier, Saint Bonnet, p. 607 ; Héb. 11-33. P. R. Saint Fabien et saint Sébastien, p. 615 ; Héb. 13. P. R. Saint Genès, p. 732.

(13) Actes 12. P. R. Saint Pierre et saint Paul, p. 764.

(14) Jean 12. P. R. Saint Ignace, p. 635 ; Curé Henri, Instruct. familières, op. cit., p. 18.

(15) D'après Jérôme. Ep. 53, ad. Riperium Presbyt. 

(16) Henri, Inst. famil., op. cit., p. 24, tome I. 

(17) Conc. Trente. Session précitée.

(18
) Jean 16-23. P. R. Le 5e dimanche après Pâques, p. 375. 

(19) Luc 11-7. P - R. Les trois jours des Rogations, p. 379. 

(20) Psaume 18-7. P. R. Les trois jours des Rogations, p. 377. 

(21) Offertoire. Le 5e dimanche après Pâques, p. 376.

(22) Rom. 10. P. R. Saint André, p. 590.

(23) Mat.11. P. R. Saint Paul ermite, p. 655
(
24) 1 Jean 2-1.

(25) Exode 20-4.

(26) Mat. 4-10. Deut. 6-13. Exode 20-4. P. R. Le 1er dimanche de Carême, p. 293.

(27) Henri, Inst. fam., op. cit., p. 20, tome I.

(28) Jean 14-6. P. R. 1er mai, Saint Philippe et saint Jacques, p.698. Math. 11-26. P. R. 12 février, Saint Paul, ermite, p. 655.

(29) Rom. 11. P. R. La fête de la sainte Trinité, p. 401.

(30) Luc. 8-44.

(31) Math. 9-22. P. R. Le 23e Dimanche après la Pentecôte.

(32) Luc 18-42. P. R. Le Dimanche de la Quinquagésime, p. 283. 

(33) Héb. 7. P. R. Commun d'un Confesseur Pontife, p. 534.

(34) Ephés. 3. P. R. Le 16e Dimanche après la Pentecôte, p. 465. - Voyez Rom. 10-13 ; Actes 2-21.
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