M. A.
- En
terminant notre dernière causerie, vous me
disiez qu'il fallait garder comme conseil ce qui
n'était qu'un conseil et le suivre s'il
était opportun.
M.
le
Curé. - Après mûre
réflexion je persiste dans cette
pensée.
M.
A. - Alors il faut encore réformer
l'Eglise de Rome. Le célibat du Pape, des
évêques et des prêtres n'a point
été formellement
conseillé ; par contre leur mariage a
été spécialement
recommandé par saint Paul, que vous
invoquiez l'autre jour en faveur du voeu de
chasteté !
M.
le
Curé. - Je puis traiter cette
question de notre célibat sans aucun parti
pris à cause de mon âge... Pour de
jeunes curés elle a un intérêt
et une gravité que vous
connaissez.
M.
A. - On aurait dû suivre le conseil de
l'apôtre et accepter pour définitive
la décision du Concile de Nicée
(325), repoussant le célibat que quelques
ecclésiastiques demandaient.
M.
le
Curé. - Ceux qui avaient fait cette
proposition ne furent pas satisfaits et ils
continuèrent la campagne.
Au VIe siècle, Justinien 1er
gagné à leur cause,
décréta qu'il ne tiendrait plus pour
légitimes les enfants issus de l'hymen des
ecclésiastiques.
M.
A. - Le Concile de Tours (567) n'a pas
osé adopter cette mesure
illégale ; il s'est borné
à refuser aux moines et aux religieuses le
droit de contracter une union
matrimoniale.
M.
le
Curé. - Le Concile de Latran (1059)
en a mieux jugé. Sur la proposition de
Pierre Damien, il a publié un décret
interdisant aux fidèles d'entendre une messe
dite par un prêtre marié.
M.
A. - Les prêtres se mariaient donc encore
au moyen âge ?
M.
le
Curé. - Aucune décision
pontificale n'était survenue pour
défendre l'hymen ; c'est
Grégoire VII qui, au XIe siècle, a
publié le décret rendant obligatoire
le célibat des
ecclésiastiques.
M.
A. - Son autorité a reçu de
vigoureux échecs dans les
Conciles tenus à Erfurth, à
Mayence.
M.
le
Curé. - Un triste souvenir ce dernier
concile ! L'archevêque Siegfried
(1060-1081) qui soutenait le pape faillit
être mis à mort par le
clergé.
M.
A. Quelle, admirable unité dans
l'Eglise de Rome ! Les conciles varient
d'opinion, les papes ne sont point
écoutés mais combattus... Ainsi le
Concile de Worms a protesté comme les
autres.
M.
le
Curé. - Je sais même qu'un
autre pape, Pie II, a désapprouvé
Grégoire VII en disant :
Il se peut qu'il y ait quelques
raisons pour défendre le mariage aux
prêtres, mais il y en a de plus
élevées, de plus grandes et de plus
sérieuses pour leur accorder de nouveau la
liberté de se marier. »
M.
A. - Voici donc un pape qui reconnaît
que le mariage des prêtres existait avant la
décision de Grégoire. Le cardinal
Bellarmin disait de son côté que le
célibat n'était pas d'institution
divine ; le concile de Trente au lieu de
passer outre aurait mieux fait de réformer
une mesure ecclésiastique d'une valeur
morale douteuse.
M.
le
Curé. - On a cru que le
célibat donnait une majesté plus
grande au prêtre et le rendait plus apte
à entendre les secrets de famille au
confessionnal.
M.
A. - Tout se tient dans le système,
romain, un dogme en appelle un
autre... Mais prenons des exemples sacrés.
Le Souverain sacrificateur Zacharie manquait-il de
grandeur parce qu'il avait épousé
Elisabeth ?
M.
le
Curé. - Je ne puis dire cela, an
contraire, cette union fut bénie de
l'Éternel qui choisit cette heureuse famille
pour donner Jean-Baptiste au monde !
(1)
M.
A. -
Saint Pierre était marié. Les trois
premiers évangélistes nous racontent
la guérison de sa belle-mère malade
de la fièvre. Pendant ses voyages
missionnaires il prenait sa femme avec lui
(2).
M.
le
Curé. - Votre dernière
remarque n'est pas très sûre. Saint
Paul dit que les apôtres menaient partout
avec eux, une femme soeur,
c'est-à-dire une femme chrétienne qui
pourvoyait à leurs besoins, mais non une
épouse (3).
M.
A. -
Puisque saint Pierre (Céphas) est
cité, et que nous le savons marié, il
s'ensuit, qu'une femme soeur, comme
Céphas, c'est une épouse, mais
une épouse soeur de leur foi
.....
Cette situation
régulière était bien plus
digne aux yeux des païens, que l'association
d'une femme soeur et d'un apôtre, non
marié, et vivant néanmoins de la
même vie.
M.
le
Curé. - En fait de supposition, je
préfère la nôtre.
M.
A. -
Je ne suppose rien, ma certitude est appuyée
par le témoignage de saint Ambroise
(310-397) :
« Tous les apôtres,
- disait-il - excepté Jean et Paul, ont eu
des femmes. (4) »
M.
le
Curé. - Dans l'Église
apostolique, les évêques pouvaient-ils
se marier ?
M.
A. -
Évidemment, saint Paul écrivait
à Timothée :
« L'évêque doit n'avoir
épousé qu'une seule
femme. » Tite reçoit les
mêmes instructions
(5).
M.
le
Curé. - Il est regrettable que ces
textes n'aient pas trouvé place dans le
Paroissien !
M.
A. -
D'autres, plus sévères, condamnent
quiconque interdit le mariage, mais le Paroissien
les a omis soigneusement ...
M.
le
Curé. -
............ ?
M.
A. -
Lisez vous-même.
M.
le
Curé. - « Dans les
derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi,
s'attachant à des doctrines de
démons... défendant de se marier. (6) »
L'apôtre parle des
hérétiques encratites,
ébionistes, manichéens
M. A. - Ils ne sont pas le moins
du
monde désignés, dans tous les cas si
l'apôtre les a en vue il élargit sa
pensée. Quiconque, contrairement à
l'Écriture, défend de se marier,
abandonne la foi et professe une doctrine de
démons...
M. le Curé. - Je serais
tenté de vous approuver quand je songe aux
scandales nombreux qui affaiblissent
l'Église de Rome, tandis que les mariages
des pasteurs protestants, sans rien ôter
à leur ministère, sont le plus
souvent les exemples de familles chrétiennes
réalisées.
M. A. - Il y a aussi des
pasteurs
protestants célibataires, mais c'est par
choix. Leur vie privée n'a donné lieu
à aucun scandale. En somme, la
vérité selon l'Écriture, c'est
que dans cette délicate affaire la plus
grande liberté doit être
laissée à chacun.
L'hymen ou le célibat sont
des situations à débattre entre sa
conscience et Dieu, ni l'un ni l'autre ne sont
obligatoires ; l'un et l'autre sont
facultatifs.
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