Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

Du Sacrement de Mariage

§ 3. - DU CÉLIBAT DES PRÊTRES.



 M. A. - En terminant notre dernière causerie, vous me disiez qu'il fallait garder comme conseil ce qui n'était qu'un conseil et le suivre s'il était opportun.

M. le Curé. - Après mûre réflexion je persiste dans cette pensée.

 M. A. - Alors il faut encore réformer l'Eglise de Rome. Le célibat du Pape, des évêques et des prêtres n'a point été formellement conseillé ; par contre leur mariage a été spécialement recommandé par saint Paul, que vous invoquiez l'autre jour en faveur du voeu de chasteté !

M. le Curé. - Je puis traiter cette question de notre célibat sans aucun parti pris à cause de mon âge... Pour de jeunes curés elle a un intérêt et une gravité que vous connaissez.

 M. A. - On aurait dû suivre le conseil de l'apôtre et accepter pour définitive la décision du Concile de Nicée (325), repoussant le célibat que quelques ecclésiastiques demandaient.

M. le Curé. - Ceux qui avaient fait cette proposition ne furent pas satisfaits et ils continuèrent la campagne.
Au VIe siècle, Justinien 1er gagné à leur cause, décréta qu'il ne tiendrait plus pour légitimes les enfants issus de l'hymen des ecclésiastiques.

 M. A. - Le Concile de Tours (567) n'a pas osé adopter cette mesure illégale ; il s'est borné à refuser aux moines et aux religieuses le droit de contracter une union matrimoniale.

M. le Curé. - Le Concile de Latran (1059) en a mieux jugé. Sur la proposition de Pierre Damien, il a publié un décret interdisant aux fidèles d'entendre une messe dite par un prêtre marié.

 M. A. - Les prêtres se mariaient donc encore au moyen âge ?

M. le Curé. - Aucune décision pontificale n'était survenue pour défendre l'hymen ; c'est Grégoire VII qui, au XIe siècle, a publié le décret rendant obligatoire le célibat des ecclésiastiques.

 M. A. - Son autorité a reçu de vigoureux échecs dans les Conciles tenus à Erfurth, à Mayence.

M. le Curé. - Un triste souvenir ce dernier concile ! L'archevêque Siegfried (1060-1081) qui soutenait le pape faillit être mis à mort par le clergé.

 M. A. Quelle, admirable unité dans l'Eglise de Rome ! Les conciles varient d'opinion, les papes ne sont point écoutés mais combattus... Ainsi le Concile de Worms a protesté comme les autres.

M. le Curé. - Je sais même qu'un autre pape, Pie II, a désapprouvé Grégoire VII en disant :
Il se peut qu'il y ait quelques raisons pour défendre le mariage aux prêtres, mais il y en a de plus élevées, de plus grandes et de plus sérieuses pour leur accorder de nouveau la liberté de se marier. »

 M. A. - Voici donc un pape qui reconnaît que le mariage des prêtres existait avant la décision de Grégoire. Le cardinal Bellarmin disait de son côté que le célibat n'était pas d'institution divine ; le concile de Trente au lieu de passer outre aurait mieux fait de réformer une mesure ecclésiastique d'une valeur morale douteuse.

M. le Curé. - On a cru que le célibat donnait une majesté plus grande au prêtre et le rendait plus apte à entendre les secrets de famille au confessionnal.

 M. A. - Tout se tient dans le système, romain, un dogme en appelle un autre... Mais prenons des exemples sacrés. Le Souverain sacrificateur Zacharie manquait-il de grandeur parce qu'il avait épousé Elisabeth ?

M. le Curé. - Je ne puis dire cela, an contraire, cette union fut bénie de l'Éternel qui choisit cette heureuse famille pour donner Jean-Baptiste au monde ! (1)

M. A. - Saint Pierre était marié. Les trois premiers évangélistes nous racontent la guérison de sa belle-mère malade de la fièvre. Pendant ses voyages missionnaires il prenait sa femme avec lui (2).

M. le Curé. - Votre dernière remarque n'est pas très sûre. Saint Paul dit que les apôtres menaient partout avec eux, une femme soeur, c'est-à-dire une femme chrétienne qui pourvoyait à leurs besoins, mais non une épouse (3).

M. A. - Puisque saint Pierre (Céphas) est cité, et que nous le savons marié, il s'ensuit, qu'une femme soeur, comme Céphas, c'est une épouse, mais une épouse soeur de leur foi .....
Cette situation régulière était bien plus digne aux yeux des païens, que l'association d'une femme soeur et d'un apôtre, non marié, et vivant néanmoins de la même vie.

M. le Curé. - En fait de supposition, je préfère la nôtre.

M. A. - Je ne suppose rien, ma certitude est appuyée par le témoignage de saint Ambroise (310-397) :
« Tous les apôtres, - disait-il - excepté Jean et Paul, ont eu des femmes. (4) »

M. le Curé. - Dans l'Église apostolique, les évêques pouvaient-ils se marier ?

M. A. - Évidemment, saint Paul écrivait à Timothée : « L'évêque doit n'avoir épousé qu'une seule femme. » Tite reçoit les mêmes instructions (5).

M. le Curé. - Il est regrettable que ces textes n'aient pas trouvé place dans le Paroissien !

M. A. - D'autres, plus sévères, condamnent quiconque interdit le mariage, mais le Paroissien les a omis soigneusement ...

M. le Curé. - ............ ?

M. A. - Lisez vous-même.

M. le Curé. - « Dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, s'attachant à des doctrines de démons... défendant de se marier. (6) »
L'apôtre parle des hérétiques encratites, ébionistes, manichéens

M. A. - Ils ne sont pas le moins du monde désignés, dans tous les cas si l'apôtre les a en vue il élargit sa pensée. Quiconque, contrairement à l'Écriture, défend de se marier, abandonne la foi et professe une doctrine de démons...

M. le Curé. - Je serais tenté de vous approuver quand je songe aux scandales nombreux qui affaiblissent l'Église de Rome, tandis que les mariages des pasteurs protestants, sans rien ôter à leur ministère, sont le plus souvent les exemples de familles chrétiennes réalisées.

M. A. - Il y a aussi des pasteurs protestants célibataires, mais c'est par choix. Leur vie privée n'a donné lieu à aucun scandale. En somme, la vérité selon l'Écriture, c'est que dans cette délicate affaire la plus grande liberté doit être laissée à chacun.
L'hymen ou le célibat sont des situations à débattre entre sa conscience et Dieu, ni l'un ni l'autre ne sont obligatoires ; l'un et l'autre sont facultatifs.


(1) Luc 1/40. P. R. 11 juillet. Visitation de la Sainte Vierge, p. 774. 

(2) Math 8/14. Marc 1/30 Luc 4/38. 1 Cor 9/5.

(3) Abbé Glaire, note 1 Cor 9/5.

(4) Ambroise. Commentaires sur Ep. aux Cor., ch. XI.

(5) I Tim, 3-2. Tite 1-6.

(6) I Tim. 4-3
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