En poursuivant notre causerie, nous avions
traversé un bois de pins et nous
étions arrivés au sommet d'une
colline dominée par un ancien couvent,
fermé comme les murs d'une prison. Alors, le
désignant de la main,
M.
le
Curé me dit :
- Dans les institutions diverses
de
notre Église romaine, une chose m'a toujours
étonné. Nos conciles ont fait du
mariage un sacrement, donc c'est une chose
sacrée ; ensuite, sans
soupçonner même la contradiction
qu'ils soulevaient, ils ont
décrété que le voeu de
chasteté - qui, remarquez-le, n'est pas un
sacrement, - était supérieur au
mariage !
M.
A. -
C'est, placer une institution humaine au-dessus
d'une institution divine !
M.
le
Curé. - En effet, le décret
s'exprime sévèrement
ainsi :
« Si quelqu'un dit que
l'état de mariage est à
préférer à l'état de
virginité ou de chasteté, et qu'il ne
vaut pas mieux, ou que ce n'est pas la chose la
plus heureuse de demeurer en virginité et
chasteté que d'être marié,
qu'il soit anathématisé
(1). »
M.
A. -
Si la plupart des fidèles catholiques
romains avaient écouté à la
lettre cette curieuse décision du Concile.
il ne resterait aujourd'hui que peu de
chrétiens pour la défendre ; le
catholicisme s'éteindrait faute de
catholiques !
M.
le
Curé. - On s'est appuyé pour
discuter sur une parole de saint
Paul :
« Pour ce qui
regarde
les vierges, je n'ai point reçu de
commandement du Seigneur, mais voici le conseil que
je donne, comme ayant reçu du Seigneur la
grâce d'être son fidèle
ministre. Je crois donc que cet état est
avantageux à cause des misères de la
vie présente ; je veux dire qu'il est
avantageux à l'homme de ne se point
marier (2). »
M.
A. -
Je ne trouve là aucun anathème.
L'apôtre est absolument de bonne foi, n'ayant
reçu aucun commandement de Dieu, il
donne un simple conseil. Il se garde bien de
déclarer la virginité
supérieure au mariage ; il dit
seulement que le célibat est plus
avantageux...
M.
le
Curé. - Pour quelle
raison ?
M.
A. -
« A cause des misères de la vie
présente », c'est-à-dire
à cause des persécutions cruelles
dont les églises naissantes étaient
l'objet ou allaient l'être ; la guerre
des Romains en Judée, la prise de
Jérusalem par Titus, les cruautés des
Décius et des Néron.
M.
le
Curé. - Saint Paul prévoyait
donc comme prochaine la réalisation de la
prophétie du Christ, où
l'Église chrétienne devait voir dans
le lieu saint l'abomination de la désolation
(3).
M.
A. -
Nous ne pouvons qu'approuver la prudence de
l'apôtre et l'opportunité de son
conseil.
Donc, si, relativement au
célibat, il a en des idées quelque
peu exclusives, il n'a pas voulu cependant le
placer au-dessus de l'hymen, il n'a pas
opposé son conseil au commandement de Dieu
disant : « Il n'est
pas bon que l'homme soit
seul ».
M.
le
Curé. - En effet, saint Paul dit
très nettement : « Si vous
épousez une femme, vous ne péchez
point » (4).
M.
A. -
Quelques versets plus loin, il prend soin de
garantir la légitimité de l'union
matrimoniale :
« Si quelqu'un pense
qu'il
doit marier sa fille, qu'il fasse ce qu'il voudra,
il ne péchera point si elle se
marie »
(verset
36).
M.
le
Curé. - Il est certain que la plus
grande liberté existait alors...
M.
A. -
Dieu a institué le mariage, et par là même, Il le
sanctifiait.
La famille chrétienne, nous l'avons dit,
à son rôle moralisateur à
remplir sur la terre, sa mission sainte et
bénie. Si quelques âmes sont
naturellement portées à la
virginité, qu'elles demeurent dans cet
état ; si l'oeuvre du Seigneur exigeait
ce sacrifice, qu'elles l'accomplissent ;
l'état supérieur à l'autre
sera toujours celui de la fidélité
à Dieu.
M. le Curé. - Je suis
toujours lié par l'anathème du
Concile ! Mais je constate une fois encore
votre fidélité à
l'Écriture, votre respect de la
Vérité, et j'estime avec vous qu'on
aurait dû garder comme conseil ce qui
n'était qu'un conseil, au lieu d'en faire un
anathème !
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