Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

Du Sacrement de Mariage

 & 1. - LA QUESTION DU SACREMENT



M. A. - Je viens d'apercevoir sous la grande allée d'ormeaux du château de Ch..., l'élégant cortège nuptial de Mlle de T... C'était charmant, tout le monde avait l'air si heureux !

M. le Curé. - J'ai eu le privilège de présider la cérémonie sainte. Le Sacrement du mariage a uni les époux jusqu'en l'Éternité.

M. A. - Est-ce Jésus-Christ qui a institué le mariage ?

M. le Curé. - Je n'ai pas dit cela...

M. A. - Vous dites qu'un sacrement est un signe sensible institué par Notre Seigneur, et vous appelez le mariage un sacrement ...

M. le Curé. - Je comprends votre observation mais c'est Grégoire VII qui a décrété que le mariage était un sacrement. Le Concile de Trente anathématise quiconque dit que le mariage n'est pas véritablement et proprement un des sept sacrements de la loi évangélique (1).

M. A. - Avant l'ère chrétienne le mariage n'existait-il pas, saint et vénéré ?

M. le Curé. - Oui, mais c'est Jésus qui l'a élevé à la dignité de sacrement (2).

M. A. - Ah ! ce n'est plus Grégoire VII ? Où trouvez-vous cela ?

M. le Curé. - Dans une épître de saint Paul.

M. A. - De sorte que, comme pour la confirmation, comme pour l'extrême-onction, vous ne pouvez citer aucune parole de Jésus relative à l'institution du sacrement de mariage.

M. le Curé. - Le texte tiré de saint Paul est d'une précision telle qu'il ne souffre aucune discussion.
En parlant du mariage, il dit :
« Ce sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l'Église (3). »

M. A. - Étudions ce texte. Pour nous préserver de toute erreur recourons au vieux texte grec, original, du manuscrit du Vatican. Quel mot y a-t-il à la place de « sacrement » ?

M. le Curé. - Je cherche... attendez.... ah voici : to musterion.

M. A. - Dans cette même épître aux Éphésiens nous retrouvons deux fois ce même mot : chapitre premier, verset 9 et chapitre III, verset 5. Comment l'abbé Glaire l'a-t-il traduit ?

M. le Curé. Par son équivalent français : mystère.

M. A. - Ouvrons encore la première épître à Timothée, chapitre III, verset 9, le mot musterion s'y trouve, et il est traduit avec l'approbation du Saint-Siège par..

M. le Curé. - Mystère.

M. A. - Donc vous connaissez le sens que saint Paul donnait à ce mot et vous allez traduire directement du grec en français notre passage des Éphésiens.

M. le Curé. - Je ne me sens pas libre de le faire, car, précisément au seul endroit qui concerne le mariage, on a traduit sacrement et non mystère.

M. A. - Ne soyez pas en souci de ce que les traducteurs ont fait. Lisez vous-même.

M. le Curé. - Évidemment, je suis contraint par le texte même de traduire ainsi :
« Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à l'Église. »

M. A. - Nous ne sommes pas au bout de nos peines, il faut comprendre la pensée de l'apôtre. Saint Paul, dans tout le chapitre V, établit une comparaison mystique entre l'union des époux et l'union du Christ, avec son Église. Ce dernier hymen est un mystère, on dit de l'Église qu'elle est l'épouse du Christ, et l'apôtre effleurant à peine la profondeur d'une semblable pensée s'écrie :
« Ce mystère est grand, je dis cela par rapport (à l'union) de Christ avec son Église. »

M. le Curé. - Votre interprétation est admirable ! On perd toute la saveur chrétienne et intime de la pensée de l'apôtre, on la rend même très obscure en disant : « Ce sacrement est grand » au lieu de dire : « Ce mystère est grand ».

M. A. - Cette union du Christ avec son épouse ne peut être que sainte et pure : l'hymen des époux sera beau et grand s'il lui ressemble.
Uni à Christ le chrétien s'écrie : « Ce n'est pas moi qui vis, mais le Christ vit en moi (4). »
Cette union sainte prépare, développe, agrandit l'union des époux...

M. le Curé. - Ne craignez-vous pas d'affaiblir la sainteté du mariage si vous cessez de le considérer comme un sacrement ?

M. A. - Le mariage est d'institution divine, qu'y a-t-il de plus sacré ?
« L'Éternel Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui (5). »
Les mariages protestants sont aussi sérieux, aussi respectés, aussi sacrés que les mariages catholiques, bien que pour eux l'hymen ne soit pas « un signe sensible institué par Notre Seigneur ».

M. le Curé. - Je sais que la cérémonie de la bénédiction nuptiale dans un temple protestant est solennelle et émouvante, mais j'ignore le sens qu'on lui donne.

M. A. - Après avoir rappelé l'institution divine du mariage, le ministre lit les textes qui contiennent sur ce grave sujet l'enseignement du Christ et des apôtres. Il déclare que l'union des époux est sainte comme l'union de Jésus avec son Église, qu'elle est faite d'amour et de respect, qu'elle est honorable entre toutes choses, inviolable en ce sens que la fidélité de l'un et de l'autre époux ne doit souffrir aucune atteinte (6).

M. le Curé. - Je soupçonne, plutôt que je ne connais, le bonheur d'un hymen contracté entre deux fidèles chrétiens.

M. A. - C'est, pourquoi l'institution divine s'est trouvée replacée sous son véritable jour par Jésus-Christ. Il n'en a pas fait un sacrement nouveau mais il en a montré la pureté et le caractère moralisateur. La société se réformerait bientôt si tous les mariages bénis étaient des mariages chrétiens.

M. le Curé. - Votre conception est fort belle, elle n'attache, il est vrai, aucune vertu surnaturelle (don de la grâce) à la cérémonie religieuse... Mais vous placez les époux devant Dieu avec tant de sérieux que - si ce n'était l'anathème du Concile de Trente - je me rangerais de votre côté...

(1) Conc. Trente, VIIIe sess. sous Pie IV, 11 novembre 1562. 

(2) Exp. Cat. Clerm, p. 409.

(3) Ephes. 5-32, P. R. Hesse pour un mariage, p. 931.

(4) Gal. 2-20

(5) Genèse 2-18.

(6) Ephés. 5. Héb. 13-4 ; 1 Cor. 7-10 à 18, etc.
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