M. le Curé.
- Après notre dernière causerie,
j'enviais l'innocence de l'enfant, qui n'a pas
encore connu les erreurs dont le
péché est la cause ! J'aurais
voulu être baptisé adulte et mourir
aussitôt après car, quelque
énormes et nombreux qu'aient
été mes propres péchés,
je serais allé tout droit, au ciel, n'ayant
à subir ni la peine éternelle de
l'enfer, ni la peine temporelle du purgatoire
(1).
M.
A. -
L'Eglise primitive baptisait en effet les adultes,
mais elle n'attribuait pas à ce sacrement un
pouvoir aussi surprenant.
M.
le
Curé. - Il a une valeur telle que le
Concile de Trente a accepté comme valable
tout baptême administré au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit, même
par un hérétique
(2).
M.
A. -
Le Baptême fut institué par Notre
Seigneur, son importance ne soulève donc
aucune contestation : Allez, enseignez
toutes les nations, les baptisant au nom du
Père et du Fils et du Saint-Esprit (3).
Mais Jésus n'a pas dit que le
baptême effacerait le péché
originel.
M.
le
Curé. - Que serait alors le
Baptême ?
M A. - Le symbole de la
Rémission des péchés et de
l'entrée du fidèle dans l'Eglise de
Jésus-Christ.
M.
le
Curé. - Qu'est-ce qui le
prouve ? Les protestants en savent-ils plus
long que nos conciles ?
M.
A. -
Au lieu de soulever la querelle entre
Réformés et catholiques romains,
consultons l'Écriture.
Saint Paul écrivait à
Rome :
« Nous tous
qui avons
été baptisés en
Jésus-Christ, nous avons été
baptisés dans l'image de sa mort. Nous avons
été ensevelis avec lui par le
baptême, pour être comme lui dans un
état de mort, afin que, de
même que Jésus-Christ est
ressuscité par la puissance de son
Père, nous marchions aussi, après
notre résurrection, dans les voies d'une vie
toute nouvelle
(4). »
M.
le
Curé. - Ce passage est très
obscur pour moi et le ne lui trouve aucun rapport
avec notre baptême.
M.
A. -
Parce que votre baptême diffère de
celui des premiers chrétiens. Remarquez -
à titre de simple constatation - que le
baptême primitif avait lieu par
immersion.
L'état de mort
dont
parle l'apôtre désigne la mort au
péché, et non l'effacement du
péché originel d'un enfant qui vient
de naître. Le baptême est donc un acte,
accompli par un être moral, par lequel il
déclare vouloir mourir au
péché et marcher dans les
voies d'une vie toute nouvelle.
M.
le
Curé. - Qu'il s'agisse du
péché originel ou du
péché actuel : il n'y a rien
à condamner en ceux qui ont
été baptisés.
M.
A. -
Vous faites dire à saint Paul des choses
qu'il n'a jamais pensées ! Il ne faut
pas arranger l'Écriture pour les besoins de
votre cause ; le texte dit « Il
n'y a rien à condamner en ceux qui sont en
Christ ». (5) Cette
déclaration a un tout
autre sens.
L'entrée du fidèle
dans la communion du Christ peut
se témoigner extérieurement par le
baptême, mais cette cérémonie
correspond, pour être valablement, à
un acte intérieur appelé nouvelle
naissance, ou vie nouvelle en Christ.
M.
le
Curé. - Vous enlevez ainsi au rite du
baptême tout pouvoir.... ce qui n'est pas
compris dans l'institution du Sacrement.
M.
A. -
Notre Seigneur a été fort explicite
à cet égard dans plusieurs
circonstances. Il dit à
Nicodème :
« En
vérité, en vérité, Je
vous le dis, nul ne peut entrer dans le royaume de
Dieu, s'il ne naît de l'eau et du
Saint-Esprit. » (6)
C'est bien un appel à la
conscience, et non une invitation à recevoir
un baptême extérieur.
M.
le
Curé. - Donc, vous concluez que l'eau
bénite, l'eau du baptême n'a aucune
valeur en elle-même ? Que la
cérémonie au cours de laquelle on y
jette « le sel de la terre » et
le saint-chrême la veille de Pentecôte
ou le Samedi-Saint, est vaine et sans aucun pouvoir
purificateur ?
M.
A. -
Pour être purifié de son
péché, il faut autre chose que
l'aspersion d'eau bénite ; l'action du
Saint-Esprit est nécessaire.
M.
le
Curé. - C'est pour cela que nous
baptisons au nom du Père et du Fils, et du Saint Esprit.
M.
A. -
Pourquoi n'avez-vous point marché sur les traces de
saint
Pierre ? Il disait à
Jérusalem :
« Faites
pénitence et que chacun de vous soit
baptisé au nom de Jésus-Christ en
rémission des péchés et vous
recevrez le don du Saint-Esprit. »
(7)
La condition requise avant le
baptême c'était la pénitence
(ou repentance) ; à cet acte
d'humilité répondait la
rémission des péchés ;
enfin l'Esprit Saint entretenait la vie nouvelle du
converti. L'eau ne jouait aucun
rôle.
M.
le
Curé. - Allons donc ! on ne
baptisait pas sans eau !
M.
A. -
Sans doute ! mais si l'eau avait eu le pouvoir
que vous lui prêtez, le baptême de Jean
Baptiste aurait dû être institué
en sacrement.
M.
le
Curé. - Nullement. À
Éphèse quelques juifs avaient
reçu le baptême au bord du
Jourdain.
« Quel baptême
avez-vous reçu, leur demande saint
Paul : Celui de Jean, dirent-ils. - Paul
répartit : Jean a baptisé le
peuple du baptême de la pénitence, en
leur disant qu'ils devaient croire en celui qui
viendrait après lui, c'est-à-dire
Jésus. Après ces paroles, ils
furent baptisés au nom du Seigneur
Jésus. (8)
M.
A. -
Néanmoins vous reconnaissez qu'il n'y a qu'un
Seigneur, qu'une
foi
et qu'un baptême ! (9)
M.
le
Curé. - Cet unique Baptême,
c'est celui que nous pratiquons.
M.
A. -
Je remonte aux temps apostoliques et je dis :
le seul vrai baptême c'est celui que les
apôtres ont mis en usage, lequel n'attache
à l'eau aucune valeur
purificatrice.
M.
le
Curé. - Encore une fois, si le
baptême est un acte purement spirituel, il
n'est pas le baptême qui
sauve !
M.
A. -
Écoutez donc saint Pierre :
« Ce qui vous
sauve
maintenant vous-mêmes c'est un baptême
semblable à celui de Jésus-Christ
mort une fois pour nos péchés non pas
une purification des souillures de la chair, mais
l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu par
la résurrection de Jésus-Christ (10). »
M.
le
Curé. - D'abord vous citez en dehors
du Paroissien ! En outre vous rappelez la
pensée de saint Paul que je n'ai pas
comprise tout à l'heure. Je ne vois pas le
rapprochement que vous voulez établir entre
le baptême et la mort sanglante du
Christ ! Je ne connais que cette parole bien
claire :
« Celui qui
croira et
qui sera baptisé sera sauvé, mais
celui qui ne croira pas sera condamné
(11). »
M.
A. -
Nous ne sommes pas loin de nous comprendre ! Celui qui croira,
c'est la condition qui
précède le baptême. Or quelle
est cette foi qu'il faut avoir ?
M.
le
Curé. - La foi en Jésus-Christ
mort sur la Croix pour nous.
M.
A. -
Donc tous ceux qui sont baptisés d'eau et
qui ne peuvent faire cette profession de foi ne
sont pas sauvés. Si l'eau du baptême
purifiait du péché originel, si un
adulte mourant aussitôt après avoir
reçu ce sacrement allait tout droit au ciel,
cette profession de foi était inutile ;
le sacrifice de Jésus-Christ n'aurait pas sa
raison d'être. Ce n'est pas l'eau qui
purifie, c'est l'Agneau de Dieu qui ôte le
péché du monde
(12).
M.
le
Curé. - Vous confondez la
Rédemption et le Baptême ! L'eau
bénite nous purifie du péché
originel, du péché que nous apportons
en naissant ; le sang de Jésus-Christ
nous purifie des autres.
M.
A. -
Vous faites de très longues distinctions des
différentes sortes de péché,
je le sais. Mais que sont les péchés
commis par un pauvre petit être que l'on
porte à l'Église quelques jours
après sa naissance, au risque de lui faire
prendre quelque maladie mortelle !
Les fautes qu'il faut effacer et
qui
sont très graves, ce sont celles dont s'est
rendu coupable l'homme
doué de raison. Pourquoi les petits enfants
que vous baptisez, qui n'ont plus le
péché originel, ne sont-ils pas
plus saints ? Pourquoi dès leurs
premiers pas montrent-ils que le
péché est toujours en eux ?
L'eau du baptême ne l'a donc point
effacé ?
M.
le
Curé. - Il faudrait traiter en
détail la question de
l'hérédité, de
l'atavisme...
M.
A. -
Nullement, puisque l'eau du baptême efface le
péché originel ! Voyez-vous, il
est plus simple de revenir à la conception
évangélique :
« Le Sang de
Jésus-Christ qui, par l'Esprit-Saint, S'est
offert lui-même à Dieu, dans un
état de pureté parfaite, aura la
force de purifier nos consciences des oeuvres de
mort, pour que nous puissions servir le Dieu vivant (13). »
M.
le
Curé. - Tout se tient dans votre
système Rédemption,
Régénération,
Baptême ! Selon votre
interprétation, il ne faudrait baptiser que
ceux que l'on aurait instruits.
M.
A. -
Ce serait plus conforme à l'institution du
sacrement : Allez, instruisez, (ou plus
exactement : Faites disciples), baptisez.
Dès les premiers
siècles, l'Eglise a baptisé les
petits enfants pour témoigner qu'on les
recevait dans l'Eglise de Jésus-Christ...
(*)
M.
le
Curé. - Mais si ce baptême
n'effaçait pas leur
péché originel, quand les enfants
avaient-ils l'assurance de la rémission de
leur péché ?
M.
A. -
Au moment de leur première communion ;
le catéchumène, dans la primitive
église, confessait sa foi en présence
de l'assemblée et s'il était
sincère en communiant il participait au sang
du Christ versé pour ses
péchés, à son corps
immolé pour lui ; à ce moment
solennel, il déclarait devant Dieu qu'il
désirait rester dans la communion de son
Sauveur. (**)
M.
le
Curé. - C'est très beau cela.
Mais puisqu'il y a une telle harmonie entre le
Baptême d'eau et le sang de
Jésus-Christ versé sur la Croix,
comment se fait-il qu'aucun texte précis de
l'Écriture Sainte ne
l'indique ?
M.
A. -
Ouvrez votre Paroissien et vous
lirez :
« Jésus-Christ
est venu avec l'eau et le sang, non avec l'eau
seulement, mais avec l'eau et le sang (14). »
M.
le
Curé. - Votre point de vue est si
nouveau pour moi qu'il renverse toutes les notions
que j'ai reçues jusqu'à ce jour.
Permettez-moi une dernière objection. Que
deviendront les enfants morts sans baptême,
c'est-à-dire morts sans que leur
péché originel ait été
effacé ? -
M.
A. -
Le Concile de Trente, contraint par le dogme de
l'eau bénite purificatrice, a
prononcé un anathème qui me
paralyse :
« Si quelqu'un dit que
les
petits enfants sont véritablement
baptisés en la rémission des
péchés, mais qu'il faut
nécessairement pour avoir la vie
éternelle que cette rémission soit
purgée par le lavoir de la
régénération. Anathème
(15). »
M.
le
Curé. - Cela dit tout le contraire de
ce que vous m'avez expliqué... N'importe,
passons outre. La question des petits enfants a
beaucoup préoccupé les membres du
Concile. Nous pouvons bien nous en inquiéter
aussi.
M.
A. -
Je me refuse à croire, avec les
théologiens de Rome, que Dieu si bon, prive
de sa vue les chers petits êtres morts sans
baptême !
M.
le
Curé. - Nous affirmons que non
seulement il refuse de les voir, mais qu'en outre
ils ne sont pas sauvés, qu'ils sont
précipités en enfer..., ou,
peut-être, qu'ils habitent les Limbes
(16).
M.
A. -
Vous hésitez.... je vous en sais gré.
Je ne puis me défendre d'une émotion
profonde en pensant à ces pauvres parents
chrétiens que les circonstances ont
empêché de faire baptiser leur
nouveau-né en temps voulu et qui l'ont vu
pâlir, fermer ses doux yeux, bleus comme le
ciel, puis mourir !...
M.
le
Curé. - J'ai eu un petit frère
mort dans ces conditions. Ma pauvre mère en
a été si affectée qu'elle a rendu
le dernier soupir peu de jours
après...
M.
A. -
Damné ce pauvre petit être !
Damné ! Privé de la vue de
Dieu ! Il ne verra jamais Jésus qui l'a
tant aimé ! Damné ce
chérubin qui n'a ouvert la lèvre que
pour faire entendre des vagissements
plaintifs !
M.
le
Curé. - Le célibat des
prêtres a dû cautériser leur
coeur ! Ce que l'Eglise ordonne est
sacré pour nous !
M.
A. -
Ne préférez-vous pas
l'autorité de Jésus à celle de
l'Eglise ?
Notre Seigneur a donné les
enfants comme modèles d'innocence, alors que
le baptême n'existait pas :
« En
vérité, je vous déclare que si
vous ne vous convertissez et si vous ne devenez
comme de « petits enfants, vous
n'entrerez point dans le royaume des cieux
(17). »
M.
le
Curé. - Ces enfants étaient
circoncis mais j'avoue que la circoncision
était le signe de l'alliance de Dieu avec le
peuple d'Israël et non l'effacement du
péché originel.
M.
A. -
Notre Seigneur aimait les enfants ; il les
appelait pour les bénir ; il voyait en
eux l'image des anges, la pureté des
élus arrivés aux demeures
célestes :
« Laissez ces
petits
enfants et ne les empêchez pas de venir
à moi ; car le royaume du ciel est pour
ceux qui leur ressemblent (18). »
M.
le
Curé. - Ne les empêchez pas de
venir à moi ! ...
M.
A. -
Donc, les petits enfants morts sans baptême
sont des chérubins, des anges qui entourent
Jésus dans le ciel...
M.
le
Curé. - Ma pauvre mère !
Combien vos paroles l'auraient
consolée ! Expliquez-moi alors le sens
que les protestants donnent au
baptême ?
M.
A. -
Ils baptisent au nom du Père, parce que Dieu
les a tant aimés qu'Il a donné son
Fils pour les sauver et leur rendre leur titre
d'enfants de Dieu ; ils baptisent au nom du
Fils parce que le sang de l'Agneau de Dieu a
ôté le péché du
monde ; ils baptisent au nom du Saint-Esprit
parce que c'est la puissance de Dieu qui conduit le
chrétien dans toute la vérité,
le maintient dans la vie nouvelle en Christ et lui
permet de faire des progrès dans la
sanctification.
M.
le
Curé. - Ainsi compris, le sacrement
du Baptême a une grandeur suprême que
je n'avais point soupçonnée. Il
assure la rémission des
péchés ; il affirme la
réconciliation du fidèle avec
Dieu ; en réponse à sa foi, le
chrétien est sauvé !
Allez.... instruisez....
baptisez !
Oh ! pourquoi le Prince
de ce
monde a-t-il tout obscurci, pourquoi a-t-il
jeté partout la zizanie et rendu
inintelligibles les choses les plus simples ?
Une larme silencieuse coulait le long du visage de mon vénérable ami. J'ai respecté sa tristesse !
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |