Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME PARTIE

Des Moyens de Grâce



CHAPITRE PREMIER

Du Sacrement du Baptême


M. le Curé. - Après notre dernière causerie, j'enviais l'innocence de l'enfant, qui n'a pas encore connu les erreurs dont le péché est la cause ! J'aurais voulu être baptisé adulte et mourir aussitôt après car, quelque énormes et nombreux qu'aient été mes propres péchés, je serais allé tout droit, au ciel, n'ayant à subir ni la peine éternelle de l'enfer, ni la peine temporelle du purgatoire (1).

M. A. - L'Eglise primitive baptisait en effet les adultes, mais elle n'attribuait pas à ce sacrement un pouvoir aussi surprenant.

M. le Curé. - Il a une valeur telle que le Concile de Trente a accepté comme valable tout baptême administré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, même par un hérétique (2).

M. A. - Le Baptême fut institué par Notre Seigneur, son importance ne soulève donc aucune contestation : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (3).
Mais Jésus n'a pas dit que le baptême effacerait le péché originel.

M. le Curé. - Que serait alors le Baptême ?

M A. - Le symbole de la Rémission des péchés et de l'entrée du fidèle dans l'Eglise de Jésus-Christ.

M. le Curé. - Qu'est-ce qui le prouve ? Les protestants en savent-ils plus long que nos conciles ?

M. A. - Au lieu de soulever la querelle entre Réformés et catholiques romains, consultons l'Écriture.
Saint Paul écrivait à Rome :
« Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans l'image de sa mort. Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême, pour être comme lui dans un état de mort, afin que, de même que Jésus-Christ est ressuscité par la puissance de son Père, nous marchions aussi, après notre résurrection, dans les voies d'une vie toute nouvelle (4). »

M. le Curé. - Ce passage est très obscur pour moi et le ne lui trouve aucun rapport avec notre baptême.

M. A. - Parce que votre baptême diffère de celui des premiers chrétiens. Remarquez - à titre de simple constatation - que le baptême primitif avait lieu par immersion.
L'état de mort dont parle l'apôtre désigne la mort au péché, et non l'effacement du péché originel d'un enfant qui vient de naître. Le baptême est donc un acte, accompli par un être moral, par lequel il déclare vouloir mourir au péché et marcher dans les voies d'une vie toute nouvelle.

M. le Curé. - Qu'il s'agisse du péché originel ou du péché actuel : il n'y a rien à condamner en ceux qui ont été baptisés.

M. A. - Vous faites dire à saint Paul des choses qu'il n'a jamais pensées ! Il ne faut pas arranger l'Écriture pour les besoins de votre cause ; le texte dit « Il n'y a rien à condamner en ceux qui sont en Christ ». (5) Cette déclaration a un tout autre sens.
L'entrée du fidèle dans la communion du Christ peut se témoigner extérieurement par le baptême, mais cette cérémonie correspond, pour être valablement, à un acte intérieur appelé nouvelle naissance, ou vie nouvelle en Christ.

M. le Curé. - Vous enlevez ainsi au rite du baptême tout pouvoir.... ce qui n'est pas compris dans l'institution du Sacrement.

M. A. - Notre Seigneur a été fort explicite à cet égard dans plusieurs circonstances. Il dit à Nicodème :
« En vérité, en vérité, Je vous le dis, nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu, s'il ne naît de l'eau et du Saint-Esprit. » (6)
C'est bien un appel à la conscience, et non une invitation à recevoir un baptême extérieur.

M. le Curé. - Donc, vous concluez que l'eau bénite, l'eau du baptême n'a aucune valeur en elle-même ? Que la cérémonie au cours de laquelle on y jette « le sel de la terre » et le saint-chrême la veille de Pentecôte ou le Samedi-Saint, est vaine et sans aucun pouvoir purificateur ?

M. A. - Pour être purifié de son péché, il faut autre chose que l'aspersion d'eau bénite ; l'action du Saint-Esprit est nécessaire.

M. le Curé. - C'est pour cela que nous baptisons au nom du Père et du Fils, et du Saint Esprit.

M. A. - Pourquoi n'avez-vous point marché sur les traces de saint Pierre ? Il disait à Jérusalem :
« Faites pénitence et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ en rémission des péchés et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » (7)
La condition requise avant le baptême c'était la pénitence (ou repentance) ; à cet acte d'humilité répondait la rémission des péchés ; enfin l'Esprit Saint entretenait la vie nouvelle du converti. L'eau ne jouait aucun rôle.

M. le Curé. - Allons donc ! on ne baptisait pas sans eau !

M. A. - Sans doute ! mais si l'eau avait eu le pouvoir que vous lui prêtez, le baptême de Jean Baptiste aurait dû être institué en sacrement.

M. le Curé. - Nullement. À Éphèse quelques juifs avaient reçu le baptême au bord du Jourdain.
« Quel baptême avez-vous reçu, leur demande saint Paul : Celui de Jean, dirent-ils. - Paul répartit : Jean a baptisé le peuple du baptême de la pénitence, en leur disant qu'ils devaient croire en celui qui viendrait après lui, c'est-à-dire Jésus. Après ces paroles, ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus. (8)

M. A. - Néanmoins vous reconnaissez qu'il n'y a qu'un Seigneur, qu'une foi et qu'un baptême ! (9)

M. le Curé. - Cet unique Baptême, c'est celui que nous pratiquons.

M. A. - Je remonte aux temps apostoliques et je dis : le seul vrai baptême c'est celui que les apôtres ont mis en usage, lequel n'attache à l'eau aucune valeur purificatrice.

M. le Curé. - Encore une fois, si le baptême est un acte purement spirituel, il n'est pas le baptême qui sauve !

M. A. - Écoutez donc saint Pierre :
« Ce qui vous sauve maintenant vous-mêmes c'est un baptême semblable à celui de Jésus-Christ mort une fois pour nos péchés non pas une purification des souillures de la chair, mais l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu par la résurrection de Jésus-Christ (10). »

M. le Curé. - D'abord vous citez en dehors du Paroissien ! En outre vous rappelez la pensée de saint Paul que je n'ai pas comprise tout à l'heure. Je ne vois pas le rapprochement que vous voulez établir entre le baptême et la mort sanglante du Christ ! Je ne connais que cette parole bien claire :
« Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné (11). »

M. A. - Nous ne sommes pas loin de nous comprendre ! Celui qui croira, c'est la condition qui précède le baptême. Or quelle est cette foi qu'il faut avoir ?

M. le Curé. - La foi en Jésus-Christ mort sur la Croix pour nous.

M. A. - Donc tous ceux qui sont baptisés d'eau et qui ne peuvent faire cette profession de foi ne sont pas sauvés. Si l'eau du baptême purifiait du péché originel, si un adulte mourant aussitôt après avoir reçu ce sacrement allait tout droit au ciel, cette profession de foi était inutile ; le sacrifice de Jésus-Christ n'aurait pas sa raison d'être. Ce n'est pas l'eau qui purifie, c'est l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde (12).

M. le Curé. - Vous confondez la Rédemption et le Baptême ! L'eau bénite nous purifie du péché originel, du péché que nous apportons en naissant ; le sang de Jésus-Christ nous purifie des autres.

M. A. - Vous faites de très longues distinctions des différentes sortes de péché, je le sais. Mais que sont les péchés commis par un pauvre petit être que l'on porte à l'Église quelques jours après sa naissance, au risque de lui faire prendre quelque maladie mortelle !
Les fautes qu'il faut effacer et qui sont très graves, ce sont celles dont s'est rendu coupable l'homme doué de raison. Pourquoi les petits enfants que vous baptisez, qui n'ont plus le péché originel, ne sont-ils pas plus saints ? Pourquoi dès leurs premiers pas montrent-ils que le péché est toujours en eux ? L'eau du baptême ne l'a donc point effacé ?

M. le Curé. - Il faudrait traiter en détail la question de l'hérédité, de l'atavisme...

M. A. - Nullement, puisque l'eau du baptême efface le péché originel ! Voyez-vous, il est plus simple de revenir à la conception évangélique :
« Le Sang de Jésus-Christ qui, par l'Esprit-Saint, S'est offert lui-même à Dieu, dans un état de pureté parfaite, aura la force de purifier nos consciences des oeuvres de mort, pour que nous puissions servir le Dieu vivant (13). »

M. le Curé. - Tout se tient dans votre système Rédemption, Régénération, Baptême ! Selon votre interprétation, il ne faudrait baptiser que ceux que l'on aurait instruits.

M. A. - Ce serait plus conforme à l'institution du sacrement : Allez, instruisez, (ou plus exactement : Faites disciples), baptisez.
Dès les premiers siècles, l'Eglise a baptisé les petits enfants pour témoigner qu'on les recevait dans l'Eglise de Jésus-Christ... (*)

M. le Curé. - Mais si ce baptême n'effaçait pas leur péché originel, quand les enfants avaient-ils l'assurance de la rémission de leur péché ?

M. A. - Au moment de leur première communion ; le catéchumène, dans la primitive église, confessait sa foi en présence de l'assemblée et s'il était sincère en communiant il participait au sang du Christ versé pour ses péchés, à son corps immolé pour lui ; à ce moment solennel, il déclarait devant Dieu qu'il désirait rester dans la communion de son Sauveur. (**)

M. le Curé. - C'est très beau cela. Mais puisqu'il y a une telle harmonie entre le Baptême d'eau et le sang de Jésus-Christ versé sur la Croix, comment se fait-il qu'aucun texte précis de l'Écriture Sainte ne l'indique ?

M. A. - Ouvrez votre Paroissien et vous lirez :
« Jésus-Christ est venu avec l'eau et le sang, non avec l'eau seulement, mais avec l'eau et le sang (14). »

M. le Curé. - Votre point de vue est si nouveau pour moi qu'il renverse toutes les notions que j'ai reçues jusqu'à ce jour. Permettez-moi une dernière objection. Que deviendront les enfants morts sans baptême, c'est-à-dire morts sans que leur péché originel ait été effacé ? -

M. A. - Le Concile de Trente, contraint par le dogme de l'eau bénite purificatrice, a prononcé un anathème qui me paralyse :
« Si quelqu'un dit que les petits enfants sont véritablement baptisés en la rémission des péchés, mais qu'il faut nécessairement pour avoir la vie éternelle que cette rémission soit purgée par le lavoir de la régénération. Anathème (15). »

M. le Curé. - Cela dit tout le contraire de ce que vous m'avez expliqué... N'importe, passons outre. La question des petits enfants a beaucoup préoccupé les membres du Concile. Nous pouvons bien nous en inquiéter aussi.

M. A. - Je me refuse à croire, avec les théologiens de Rome, que Dieu si bon, prive de sa vue les chers petits êtres morts sans baptême !

M. le Curé. - Nous affirmons que non seulement il refuse de les voir, mais qu'en outre ils ne sont pas sauvés, qu'ils sont précipités en enfer..., ou, peut-être, qu'ils habitent les Limbes (16).

M. A. - Vous hésitez.... je vous en sais gré. Je ne puis me défendre d'une émotion profonde en pensant à ces pauvres parents chrétiens que les circonstances ont empêché de faire baptiser leur nouveau-né en temps voulu et qui l'ont vu pâlir, fermer ses doux yeux, bleus comme le ciel, puis mourir !...

M. le Curé. - J'ai eu un petit frère mort dans ces conditions. Ma pauvre mère en a été si affectée qu'elle a rendu le dernier soupir peu de jours après...

M. A. - Damné ce pauvre petit être ! Damné ! Privé de la vue de Dieu ! Il ne verra jamais Jésus qui l'a tant aimé ! Damné ce chérubin qui n'a ouvert la lèvre que pour faire entendre des vagissements plaintifs !

M. le Curé. - Le célibat des prêtres a dû cautériser leur coeur ! Ce que l'Eglise ordonne est sacré pour nous !

M. A. - Ne préférez-vous pas l'autorité de Jésus à celle de l'Eglise ?
Notre Seigneur a donné les enfants comme modèles d'innocence, alors que le baptême n'existait pas :
« En vérité, je vous déclare que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme de « petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (17). »

M. le Curé. - Ces enfants étaient circoncis mais j'avoue que la circoncision était le signe de l'alliance de Dieu avec le peuple d'Israël et non l'effacement du péché originel.

M. A. - Notre Seigneur aimait les enfants ; il les appelait pour les bénir ; il voyait en eux l'image des anges, la pureté des élus arrivés aux demeures célestes :
« Laissez ces petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume du ciel est pour ceux qui leur ressemblent (18). »

M. le Curé. - Ne les empêchez pas de venir à moi ! ...

M. A. - Donc, les petits enfants morts sans baptême sont des chérubins, des anges qui entourent Jésus dans le ciel...

M. le Curé. - Ma pauvre mère ! Combien vos paroles l'auraient consolée ! Expliquez-moi alors le sens que les protestants donnent au baptême ?

M. A. - Ils baptisent au nom du Père, parce que Dieu les a tant aimés qu'Il a donné son Fils pour les sauver et leur rendre leur titre d'enfants de Dieu ; ils baptisent au nom du Fils parce que le sang de l'Agneau de Dieu a ôté le péché du monde ; ils baptisent au nom du Saint-Esprit parce que c'est la puissance de Dieu qui conduit le chrétien dans toute la vérité, le maintient dans la vie nouvelle en Christ et lui permet de faire des progrès dans la sanctification.

M. le Curé. - Ainsi compris, le sacrement du Baptême a une grandeur suprême que je n'avais point soupçonnée. Il assure la rémission des péchés ; il affirme la réconciliation du fidèle avec Dieu ; en réponse à sa foi, le chrétien est sauvé !
Allez.... instruisez.... baptisez !
Oh ! pourquoi le Prince de ce monde a-t-il tout obscurci, pourquoi a-t-il jeté partout la zizanie et rendu inintelligibles les choses les plus simples ?

Une larme silencieuse coulait le long du visage de mon vénérable ami. J'ai respecté sa tristesse !


(1) Exp. cat. Clerm., p. 271 et 273. 

(2) Pour tout ce qui a trait au Concile de Trente, nous avons consulté la traduction faite par Gentien Hervet d'Orléans, sur les minutes d'Ange Massarel, secrétaire officiel du Concile ; parue à Lyon, 1683. - Voyez Baptême, sess. VII, Canons. 1 à 14, surtout canon 4. 

(3) Math - 28/19. P - R - La Fête de la sainte Trinité, p. 402.

(4) Rom. 6/3 à 5. P. R., Le VIe Dimanche après la Pentecôte, P. 435. 

(5) Exp. cat. Clerm., p. 272, cite Rom. 8-1.

(6) Jean 3-5. P. R. 3 mai, Invention de la Sainte Croix. p. 702.

(7) Actes, 2-38.

(8) Actes 19-3. P. R. La Vigile de Pentecôte, p. 389.

(9) Ephés. 4-5. P. R. Le 27e Dimanche après la Pentecôte, p. 467. 

(10) 1 Pierre 3-18 à 21

(11) Marc 16-16, Ascension de N. S., p. 382.

(12) Jean 1-29. P. R. L'octave de l'Épiphanie, p. 255. 

(13) Héb. 9-14, Le Dimanche de la Passion, p. 307.

(*) Note de "Regard" : Doctrine que l'on ne trouve pas dans la Bible.

(**) Note de "Regard" : Doctrine que l'on ne trouve pas dans la Bible.

(14) 1 Jean 5-6. Le Dimanche de Quasimodo, p. 360.

(15) Session VII, Canon 11.

(16) Exp. cat. Clerm., p. 273. Cat. de Besançon, p. 89, etc.

(17) Matt. 18-3, P. R., 29 septembre, Saint Michel-Archange, p. 854.

(18) Matt. 19-14, P. R., 20 juillet, Saint Jérôme-Emilien, p. 787.
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