Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

Les Ordres monastiques. - La Hiérarchie. - Le Clergé selon l'Écriture

M. le Curé. - J'ai eu le rare privilège de recevoir la visite d'un ami qui m'a remis de mon émotion. C'est un fervent de la Papauté et un fidèle défenseur du système catholique romain.
Il m'a rappelé que l'infaillibilité du pape s'étendait aussi aux évêques, et qu'elle avait pour objet non seulement la promulgation des dogmes, mais encore la canonisation des saints, la rédaction de la liturgie et l'approbation des instituts monastiques (1).

M. A. - Il en résulte donc que le pape, en vertu de son infaillibilité, c'est-à-dire grâce à la promesse de Jésus-Christ : « Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles (2», autorise les couvents, les ordres religieux, les moines et les nonnes. Les fidèles doivent croire qu'il s'agit d'un enseignement de Jésus-Christ lui-même !

M. le Curé. - C'est notre foi, car notre Saint-Père le Pape est infaillible lorsque, parlant comme chef suprême de l'Eglise, il enseigne à tous les fidèles ce qu'ils doivent croire et ce qu'ils doivent pratiquer pour être sauvés (3).

M. A. - Puisqu'il est acquis, d'un commun accord, que la révélation divine est parfaite, je voudrais trouver quelque parole évangélique approuvant ou ordonnant la retraite de quelques fidèles dans des couvents, leur imposant le célibat et les voeux ...

M. le Curé. - Aucun texte ne peut être cité, j'en conviens. On a invoqué la retraite de Jean-Baptiste dans le désert, de Juda, celle de Jésus, mais je vous accorde que l'on ne peut baser là-dessus les institutions monastiques (4). Il suffit de dire que c'est une très ancienne tradition de l'Eglise.

M. A. - Elle n'est pas si lointaine qu'on ne puisse encore trouver la date de sa naissance et le nom des premiers moines... Saint Paul, l'anachorète de Thèbes, qui vivait vers l'an 250, est le premier solitaire connu (5; le premier couvent ne peut dater que de saint Pacôme, en l'an 330.

M. le Curé. - Les saintes âmes qui les ont imités, ont désiré la retraite pour mieux travailler à leur sanctification et à l'édification de l'Eglise, fuyant le monde et ses joies, se préservant de sa corruption

M. A. - Mais c'est de l'égoïsme pur cela ! C'est même en contradiction flagrante avec les ordres de Notre-Seigneur. Vous ne lirez pas dans votre Paroissien : « Allez ! Fuyez le monde ! Enfermez-vous dans un couvent ! Mais ceci - « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ; et leur apprenant à observer toutes les choses que je VOUS ai commandées (6). »

M. le Curé. - Les moines et les nonnes, retirés dans les couvents et dans les monastères, enseignent les nations par leur vie sainte, par leurs écrits, par leurs prières faites nuit et jour, par l'instruction qu'ils donnent à la jeunesse .....

M. A. - En se retirant du monde non seulement ils ont désobéi à Jésus, mais ils ont annulé une sublime prière de Notre-Seigneur en faveur de ses disciples:
« Père maintenant je vais à vous ; je ne vous demande pas de les enlever du monde, mais de les préserver du mal (7). »

M. le Curé. - Je crois que c'est le couvent qui les a préservés du mal...

M. A. - Plutôt que la prière de Jésus !
Je ne désire point prolonger votre embarras, nous laisserons ce sujet. Les couvents malgré leurs murs de forteresse n'ont pas toujours gardé le secret de leurs scandales...

M. le Curé. - Je sais que le Père Lacordaire disait dans son indignation : « La prière, l'humilité, la pénitence, le dévouement, s'enfuient comme des oiseaux timides ; les tombeaux des saints sont étrangers dans leur propre maison. (8) »

M. A. - D'ailleurs les journaux nous apprennent, aux pages d'annonces, que les moines ne passent pas uniquement leur temps à prier ou à assister aux saints Offices, mais que, au lieu de faire la guerre à l'alcoolisme, ils fabriquent des liqueurs fortes comme à la Grande Chartreuse, et font du commerce comme à Aiguebelle...

M. le Curé. - La perfection n'est pas de ce monde !...

M. A. - Nous aurions un mot à dire sur la hiérarchie de l'Eglise romaine.

M. le Curé. - Notre organisation est trop forte pour qu'on puisse songer à l'atteindre.

M. A. - Un homme intelligent ne vous reprochera jamais d'avoir si bien organisé l'Eglise catholique romaine...

M. le Curé. - Vous admettez donc notre hiérarchie ?... Eh bien, vous ne pouvez plus formuler de critique. Tout dépend du système chez nous : si le système subsiste inattaquable, aucun de nos dogmes n'est ébranlé.

M. A. - Permettez ; j'approuve l'ordre, l'administration de l'Eglise, mais je conteste les pouvoirs surnaturels donnés au clergé. (9)
Ayez des papes, des cardinaux, des évêques, des prêtres, des ministres du culte enfin, que vous appellerez comme vous le voudrez, mais ne leur conférez point par l'ordination des pouvoirs qui ne leur appartiennent pas.

M. le Curé. - Vous croyez que l'Évangile n'approuve pas les fonctions que nous exerçons ! Qu'elles ne sont pas en rapport avec celles des apôtres ! Qu'elles ne correspondent pas aux charges de la primitive Église !

M. A. - Vous auriez pu vous en convaincre au séminaire lorsqu'on vous a appris, par exemple, que les cardinaux n'existaient que depuis 853, qu'ils n'étaient que des prêtres administrant les principales paroisses de Rome appelées Cardinales.

M. le Curé. - Je l'ignorais encore... Néanmoins je me souviens que, comme leur nom l'indique les évêques, (obispoi) n'étaient que des surveillants.

M. A. - L'Évangile compléterait ces renseignements en vous disant que les anciens, les diacres, les presbytres ou prêtres ou pasteurs exerçaient des fonctions équivalentes.

M. le Curé. - Comment cela ?

M. A. - Nous ne pouvons entrer dans le détail ; mais souvenez-vous que saint Paul, ne distinguant par aucun lien hiérarchique l'évêque du diacre, disait aux Philippiens : que la charité des ministres de Jésus-Christ abonde de plus en plus avec le sentiment et la connaissance des choses divines, qu'ils soient purs et sincères (10).

M. le Curé. - Ce sont des qualités indispensables au ministre de la religion.

M. A. - Si votre Paroissien était plus complet, vous liriez :
« Que l'évêque (le prêtre ou le diacre) doit être irréprochable, n'avoir épousé qu'une seule femme, être sobre, ennemi des contestations, désintéressé, ne courant pas après un gain sordide, être pudique, etc., etc. » (11).

M. le Curé. - À part le célibat qui est contraire à ces textes, je puis dire que les autres qualités sont exigées de nos prêtres.

M. A. - Nous aurions beaucoup à dire là-dessus. Mais passons aux fonctions.

M. le Curé. - Je vous préviens qu'en attaquant la hiérarchie vous jetez l'Église dans l'anarchie.

M. A. - Je respecterai la division du travail telle que Dieu l'a établie :
« C'est lui qui a établi les uns apôtres, les autres prophètes, ceux-ci évangélistes, ceux-là pasteurs et docteurs (12). »

M. le Curé. - Quelle serait donc, selon vous, la vraie nature des fonctions du clergé ?

M. A. - D'abord et avant tout, les ministres de la religion doivent enseigner par leur propre vie, aux nations de la terre, les choses que Jésus a commandées. Leur première fonction c'est l'acte d'adoration appelé culte : mais ils ne doivent pas se charger à eux seuls de tous les rites et cérémonies, comme si le peuple chrétien ne pouvait jamais s'affranchir de leur tutelle. Les fidèles doivent prendre une part active dans le culte, le prêtre ou le pasteur dirigent seulement leur adoration.

M. le Curé. - Où trouvez-vous cela ?

M. A. - À toutes les pages du Nouveau Testament. Saint Paul le fondateur de tant d'églises disait aux Corinthiens :
« Nous nous déclarons vos serviteurs. (13) »

M. le Curé. - Ce culte dont vous parlez, en quoi consiste-t-il ?

M. A. - En un certain nombre de rites dont nous trouvons la trace dans le Nouveau Testament.

M. le Curé. - Des rites dans la Parole de Dieu ! La chose est nouvelle, excusez-moi de la trouver surprenante.

M. A. - Oui des rites dans le Nouveau Testament. L'un est relatif à la présidence des assemblées de fidèles dont la fréquentation est recommandée ; présidence exercée avec ordre et bienséance (14).

M. le Curé. - Vous parlez de « présidence », cela donne-t-il au fidèle la latitude d'intervenir dans le culte ?

M. A. - Sans aucun doute.
« Quand vous vous assemblez, dit saint Paul, l'un ayant le chant, un autre l'enseignement, un autre la révélation, un autre les langues, un autre l'interprétation, que tout se fasse pour l'édification. » (15)

M. le Curé. - C'est une révolution dans notre culte que vous proposez !
Vous dites que dans les assemblées les fidèles proposeraient des chants ; lesquels ?

M. A. - « Des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels ». (16)

M. le Curé. - Et pour l'enseignement ?

M. A. - Se défier de la Tradition, prêcher l'Évangile selon les conseils de Jésus et de saint Paul :
« Annonce la Parole de Dieu, insiste à temps et à contre-temps. (17) »

M. le Curé. - Tous les rites que vous indiquez se bornent à cela : Présider l'assemblée, chanter, instruire ?

M. A. - Non, certes ! Il y a encore la prière en commun, la Pâque, la Cène sous les deux espèces, le Dimanche consacré au Seigneur, etc., etc.

M. le Curé. - Ces rites sont communs aux fidèles et à leurs conducteurs spirituels. Il devrait en exister d'autres plus spécialement appliqués aux ministres du culte : telle est la raison de notre hiérarchie.

M. A. - Je vais vous en parler, mais vous remarquerez que un fidèle devenu évêque ou prêtre n'absorbe tout le culte, et que les rites qui lui sont particuliers ne lui confèrent aucun pouvoir surnaturel.

M. le Curé. - J'en doute beaucoup.

M. A. - Prenons par exemple le Sacrement du baptême....

M. le Curé. - Je vous accorde que toute personne peut baptiser un enfant en cas de nécessité urgence. C'est une décision du Concile de Trente.

M. A. - L'Eucharistie peut-elle être distribuée par un simple chrétien ? Et l'Extrême-Onction ? Et l'imposition des mains ? Lisez la Parole de Dieu et vous verrez combien la liberté des fidèles est grande dans l'Eglise apostolique.

M. le Curé. - Vous voulez - dites-vous - n'avoir d'autre culte que celui des apôtres, que reprochez-vous au nôtre en ce qui concerne les fonctions du clergé ?

M. A. - Je vous l'ai dit. L'Eglise catholique romaine concentre dans certaines classes de fonctionnaires, disons dans sa hiérarchie, l'activité, les fonctions, les devoirs dévolus aux fidèles, c'est-à-dire à l'Eglise et non au clergé seul.
Ce sont les fidèles et non les prêtres seuls qui doivent prier les uns pour les autres, se secourir les uns les autres.
Le chrétien pense, parle, agit sous sa propre responsabilité ; ses rapports avec Dieu sont, immédiats par Jésus-Christ, et non soumis à la médiation des prêtres.

M. le Curé. - N'en est-il pas ainsi dans l'Eglise romaine ?

M. A. - Pas dans la pratique. Une dame me disait un jour :
« Je n'ai point à raisonner ma religion ; si le « prêtre me trompe, cela le regarde. »

M. le Curé. - Je sais qu'on attend tout de nous, l'absolution, les Pâques, les Sacrements .....

M. A. - Eh bien, dans l'église de Jésus-Christ, dans les communautés chrétiennes fondées par les apôtres, il n'est pas un acte de culte, pas un seul, qui accompli dans un cas d'urgence par toute autre personne qu'un évêque ou un presbytre, n'ait été déclaré valable.

M. le Curé. - Dans l'Eglise catholique romaine, il aurait été nul de plein droit.

M. A. - Appelez-moi hérétique, élevez contre moi toutes les malédictions des Conciles, je ne puis penser autrement. J'estime qu'un fidèle, un vrai disciple de Jésus-Christ, est plus apte à diriger une assemblée de chrétiens et à administrer les Sacrements, qu'un prêtre coupable ou qu'un pasteur sans conviction.
Tous les titres, tous les diplômes, toutes les cérémonies pompeuses, ordination ou consécration, ne peuvent revêtir un homme de la parure de Jésus-Christ, ni lui octroyer une vocation ecclésiastique !

M. le Curé. - Je vous approuve en tremblant.... c'est un sillon profond que vous voulez tracer dans l'Eglise.. ... Il devra remonter le courant des siècles, arrêté, brisé par les Conciles.... J'aime encore mieux ce que nous avons, que .....

M. A. - Que la religion chrétienne, catholique, apostolique .....

M. le Curé. - Je ne dis pas cela. Je connais mieux mon catéchisme que vos raisonnements ; il me dit, pour renverser votre théorie, que les évêques sont les successeurs des apôtres, donc tout ce qu'ils font n'est que la suite du ministère de leurs saints prédécesseurs.

M. A. - Votre catéchisme ? Lisez-le à la page précédente, il dit textuellement que les évêques ne sont pas les successeurs des apôtres.

M. le Curé. - Comment, puisqu'ils ont la plénitude du sacerdoce !

M. A. - L'évêque de votre diocèse confesse naïvement qu'il manque aux prélats appelés évêques, le don des langues, le don des miracles, l'infaillibilité de doctrine, le don de prêcher et de fonder des églises dans l'univers entier...

M. le Curé. - Dès que nous approfondissons un sujet touchant la religion de Rome, nous voyons naître une armée de contradictions ! Ah ! je m'y perds ! Tout se brouille dans ma pauvre tête... Adieu !


(1) Exp. cat. Clerm., p. 112 et 113. 

(2) Exp. cat. Clerm., p. 112 ; Saint Math, 28-20 ; P. R. La Fête de la Sainte-Trinité, p. 402.

(3) Exp. cal. Clerm., p. 110.

(4) Luc 3-2, P. R. Le 4e dimanche de l'Avent, p. 181 ; Math. 4-1, P. R. Le 1er dimanche de Carême, p. 293.

(5) P. R.. le 12 février, Saint Paul, ermite conf., p. 654. La table des matières du Paroissien reconnaît que ce fut le premier ermite.

(6) Exp. cat. Clerm., p. 112 ; Math. 28-20, P. R. Fête de la Sainte-Trinité, p. 402.

(7) Jean, 17-12 à 15. P. R. Le dim. dans l'octave de l'Asc. Communion, p. 387.

(8) R. P. Lacordaire, Vie de saint Dominique.

(9) Voyez Saint Paul et comparez.
Organisation de l'Eglise. Tite 2-11 à 15. P. R. Nativité de N. S., P. 204. II Tim. 4-1 à 8. P. R. Saint Sylvestre, p. 238. II Tim. 3.1 à 11. P. R. Commun des Saintes Femmes, p. 573.

Discipline. Gal. 5-16 à 25. P. R. Le 14e Dim. après Pentecôte, P. 459-460. Rom. 8-12 à 17. P. R. Le 8, Dim. après Pentecôte, P. 441.

(10) Philipp. 1, 1 à 11. P. R., Le 22, Dimanche après la Pentecôte, P 481.

(11) 1 Tim. III, 1 à 13, II Tim. IV, 1 à 5. Tite 1, 6 à 9.

(12) Ephés. 4-11, P. R. Saint Simon et Saint Jade, apôtres, p. 879.

(13) Il Cor. 4-5

(14) Héb. 10/25. 1 Cor. 14/40

(15) 1 Cor. 14/26.

(16) Ephès. 5/19.

(17) Il Tim. 4/2. P. R. Saint-Sylvestre, p. 238.
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