Cantiques : n° 115 et 118.
La situation. - Les hommes dont Dieu se
sert sont choisis pour leurs talents divers. Chacun
a sa tâche à accomplir. Celle d'Esdras fut d'ordre
religieux et moral
avant tout ; Néhémie,
homme de foi et de prière, sera le
restaurateur des murailles de
Jérusalem.
Nous sommes à un siècle du
retour de l'exil et des espérances qu'il
avait provoquées. Rentrer à
Jérusalem c'était non seulement
s'établir à nouveau sur le sol
qu'avaient aimé et cultivé les
ancêtres, mais encore se rapprocher de Dieu,
renouer avec la tradition religieuse et
préparer, enfin, la venue, sans doute
très prochaine, du règne
messianique.
Après un premier assoupissement
et affaissement de l'enthousiasme du retour, on
avait repris et mené à bien la
construction du temple (519-515). Et puis le temps
qui passait, sans restaurer le trône de David
et sans y placer un descendant de la famille
royale, secouait ses cendres sur les coeurs. Des
prophètes parlaient encore, avec plus ou
moins d'autorité et le feu Zacharie, et
l'auteur de la fin du livre
d'Esaïe (le troisième Esaïe :
ch. 56-66). C'est lui qui décrit la
magnificence de la nouvelle Jérusalem :
« Lève-toi,
Jérusalem ; fais éclater ta
splendeur, car ta lumière est apparue et la
gloire de l'Éternel s'est levée sur
toi ; ... je ferai de toi un sujet d'orgueil
à jamais, la joie des
générations futures. »
(Esa.
60 : 1 et 15.)
Mais la situation politique restait la
même. Des révolutions semblaient
ébranler parfois le trône des
souverains perses, les maîtres de Juda ;
des peuples se jetaient les uns contre les autres.
Était-ce le « jour de
l'Éternel », dont l'aurore
sanglante se levait ? Dieu allait-il
châtier enfin l'insolence des païens,
qui avaient martyrisé son peuple ? Que
de nations, aujourd'hui, attendent dans une
même pensée l'heure de la
libération et de la
rétribution : AIsaciens-Lorrains,
Polonais, Belges, Serbes, Arméniens, etc...
Toutes les victimes de l'injustice et de la
violence.
Mais au lieu de la gloire prédite
par le prophète, Jérusalem
n'était qu'une cité de province, loin
de la grande circulation, sans éclat et
n'avant pas même d'enceinte protectrice, ni
de portes solides et sûres. Un siècle
a passé et les murailles ont encore leurs
brèches du jour néfaste de la
conquête les portes ont disparu dans
l'incendie. Et les ravages des mauvaises saisons
ont élargi et accru encore ce
désastre et cette désolation.
Telle est la nouvelle qui arrive
jusqu'à Néhémie et qui va
troubler profondément son coeur.
Nous avons déjà dit que
des relations permanentes existaient entre les
colonies d'exilés en Babylonie et ceux qui
étaient rentrés dans leur patrie. De
temps à autre, un groupe se mettait eu route
pour retourner au pays de Juda. Mais, habiles
commerçants déjà, d'autres
Juifs reprenaient parfois le chemin de la
Babylonie, pour y négocier quelques
affaires.
Un jour donc, à Suse, la capitale
d'Élam, où séjournait la cour
du roi Artaxerxès, Hanani, frère de
Néhémie et quelques autres compagnons
de voyage, arrivèrent de Jérusalem.
Néhémie est heureux d'avoir des
nouvelles directes. Loin du pays, - de ce pays
qu'il n'a jamais vu, que son père même et sa
mère n'ont pas connu, mais qu'il aime comme
ils l'ont aimé et parce que c'est là
qu'est la maison de son Dieu, -
Néhémie nourrit une ardente affection
pour cette patrie lointaine. Tout ce qui la touche
l'intéresse ; et ses douleurs sont
sensibles à son coeur de fils
affectueux.
Or les nouvelles qu'on lui apporte ne
sont pas fameuses. À Jérusalem il n'y
a ni vie matérielle aisée, ni gloire
lumineuse. « Ceux qui sont revenus de la
captivité, disent les voyageurs, vivent
là-bas, dans la province, dans une grande
misère et dans une situation humiliante. Les
murs de Jérusalem sont en ruines et ses
portes ont été consumées par
le feu. »
(Néh.
1 : 3.)
Il s'agit bien certainement là
d'une situation qui remonte à la prise de
Jérusalem par Nébucadnetzar. Jamais,
depuis lors, les murailles n'ont été
reconstruites. La situation est donc bien peu
brillante et les espérances des
exilés ont été
amèrement déçues.
La prière de
Néhémie. - La nouvelle que lui
apporte son frère a consterné
Néhémie. Cela a beau se passer bien
loin de lui ; cette ville, il ne l'a jamais
vue, ces gens de là-bas, il ne sait qui ils
sont ; un autre se dirait :
« Je ne vais pas me faire du mauvais sang
pour des inconnus ; je suis bien, fort bien
même ; ma vie est facile, en une belle
ville et à la cour du roi ; qu'ils se
tirent d'affaire comme ils pourront, à
Jérusalem ! » Ce langage
vulgaire est celui de l'égoïsme, et
même s'il essaie de parler avec plus de
retenue, cet égoïsme n'en est pas.
moins dangereux. Néhémie ne
connaît pas de telles pensées.
Il se retire dans sa demeure ; il
pleure de douleur et d'affection pour sa patrie. Il
jeûne enfin. Surtout il s'adresse à
l'Éternel.
(Néh.
1 : 4.)
« Invoque-moi au jour de la
détresse, je t'en délivrerai et tu me
glorifieras. »
(Ps.
50 : 15.) Oui, à qui
s'adresser, sinon à Dieu, à celui
dont l'amour et la puissance nous garantissent un
secours efficace ? La prière est le
secours, le vrai moyen de sortir d'une situation
difficile. La prière à la fois humble
et fervente, comme l'est celle de
Néhémie.
Humble ; il ne
demande pas
l'appui de son Dieu, pour son peuple, pour lui,
comme un dû. Non. « Moi, ainsi que
la maison de mon père, nous avons
péché »
(Néh.
1 : 6). La
prière doit être humble ; nous ne
méritons rien, sinon le châtiment pour
tant de faiblesses, d'indifférence,
d'infidélités ; au nom de quoi,
sinon au nom de son amour, pourrions-nous demander
quelque chose à Dieu ?
Fervente aussi. Il
croit à
l'amour, il croit au pouvoir de son Dieu. Il sait
qu'il peut obtenir une bénédiction et
il veut l'obtenir. Il rappelle donc à Dieu
que tout n'est pas infidélité dans ce
peuple éprouvé ; il a connu le
repentir après le rude châtiment qui
l'a frappé ; il y en a, dans ce peuple,
qui « prennent plaisir à
vénérer » le nom de
l'Éternel.
Prions avec cette humilité et
cette ferveur, indispensables ; car Dieu
n'entend pas plus les prières orgueilleuses
que celles qui sont molles et
hésitantes.
Mais la prière de
Néhémie nous révèle
encore une autre qualité chez cet
homme : l'énergie, l'action. Il
aurait pu se borner à implorer, sur la
cité sans murailles et sur son malheureux
peuple, les grâces lointaines de Dieu. Il
aurait, pu s'en remettre entièrement
à lui, du soin de protéger et de
relever ce peuple éprouvé. Mais
Néhémie n'est pas de ceux qui se
déchargent entièrement sur les
autres, fût-ce sur Dieu. Car si nous devons
avoir pleine confiance en lui, notre devoir est
d'être « ouvriers avec
Dieu ». Prier Dieu qu'il envoie des
ouvriers dans sa moisson, c'est aussi lui offrir
d'être ouvrier dans cette moisson, comme il
le jugera bon. Implorer son appui pour les
Arméniens fugitifs, pour les orphelins de la
guerre, c'est aussi ouvrir son porte-monnaie et
donner. Demander son secours pour ceux qui
souffrent, c'est en même temps se lever, afin
de faire sa part dans l'oeuvre secourable.
Néhémie l'entend bien
ainsi. Il s'en remet à Dieu et compte sur sa
puissance miséricordieuse. Mais il fera
lui-même quelque chose. Il ne demande pas
à Dieu de reconstruire les murailles et de
poser les portes de Jérusalem, en une nuit,
par un acte mystérieux de son pouvoir. Il va
se lever et entreprendre cette
oeuvre, au nom de l'Éternel et avec son
secours. On ne peut comprendre autrement la
conclusion de sa prière. « Daigne
aujourd'hui accorder le succès à ton
serviteur et lui faire obtenir la faveur de cet
homme »
(Néh.
1 : 11).
« Cet homme » est le
roi de Perse, dont Néhémie
espère obtenir les faveurs, afin
d'entreprendre de relever les murailles de
Jérusalem.
L'échanson. -
Néhémie occupait, en effet, une haute
situation à la cour. Ce qui prouve à
quel point les Israélites avaient su mettre
à profit leur séjour sur la terre
étrangère et s'y créer une
position enviable. Néhémie
était échanson d'Artaxerxès.
En ces temps, où la violence et le meurtre
mettaient si souvent fin à un règne,
où le poison moins visible pouvait
aisément être employé à
l'égard de ceux dont ou voulait se
débarrasser, le poste d'échanson,
chargé d'offrir les boissons au roi,
était un poste de confiance. À cette
confiance dont jouissait l'échanson,
s'ajoutait l'avantage d'approcher du roi
fréquemment et avec facilité.
Le roi Artaxerxès remarqua peu
après les événements que nous
avons rapportés, que son échanson
avait l'air préoccupé, triste
même ; et il lui en demanda le motif
(2 :
2). Néhémie
en expose la raison à son souverain en ces
termes, qui disent son ardent patriotisme :
« Comment n'aurais-je pas le visage
triste quand la ville, le lien des tombeaux de mes
pères, est dévastée et que ses
portes ont été
dévastées par le feu »
(2 :
3). Et il présente
sa demande d'aller à Jérusalem afin
de « rebâtir la ville »,
par quoi il faut entendre avant tout la
reconstruction des murailles qui la mettront
à l'abri d'un coup de main.
Le roi céda à la
requête de Néhémie et lui
accorda aussi les protections nécessaires
sous forme de lettres aux gouverneurs qui se
trouveraient sur son chemin ; il lui donna en
outre l'autorisation d'exiger la fourniture des
matériaux indispensables à
l'érection des murailles et à la
confection des portes de Jérusalem.
La prière de
Néhémie, toute
pénétrée de confiance en Dieu
et d'amour pour sa patrie, avait été
exaucée. Mais Néhémie savait
qu'il avait encore à se montrer digne de la
faveur de son Dieu, en travaillant avec
fermeté à l'oeuvre qu'il allait
entreprendre en son nom. Nous verrons comment il
s'est acquitté de sa mission.
RG. B.
Récapituler
leçon du 3
décembre. - Il y avait un petit
Israélite dont les parents
n'étaient pas rentrés dans
leur pays avec Esdras. Il s'appelait
Néhémie, c'est-à-dire
« celui qui console »,
et je vais vous raconter dans quelle
occasion particulière il eut
surtout besoin d'être
consolé.
( Néhém. 1 : 1-11 ; 2 : 1-8.)
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