Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Assemblée annuelle de la Société des Écoles du Dimanche du Canton de Vaud.


Si la cathédrale de Lausanne est la propriété de l'État, en revanche, depuis 1536, ses cloches appartiennent à la ville. Voilà pourquoi, le lundi 18 septembre, ce fut avec l'autorisation de la Municipalité qu'elles sonnèrent à toute volée pour accueillir les huit cents moniteurs et monitrices, venus des diverses parties de notre canton. Il n'est pas étonnant qu'ils fussent si nombreux : il faisait beau la capitale a un attrait spécial ; depuis longtemps notre fête, n'y avait pas été célébrée ; et les communications sont devenues si faciles que l'on peut en quelques heures y arriver de Sainte-Croix, du Vully, de Coppet et des localités qu'arrose la Sarine. Le temps n'est plus où les jeunes Gruyériennes demandaient en pleurant à leurs fiancés partant pour la croisade en Terre-sainte, si la mer qu'ils auraient à traverser était aussi grande que le lac près duquel il fallait passer pour aller à Notre-Dame de Lausanne. Il est probable qu'elles y venaient par le col de Jaman, mais c'est à pied qu'elles devaient faire leur pèlerinage ; elles ne pouvaient utiliser la belle ligne de chemin de fer qui le traverse, comme ont pu en jouir, le 18 septembre, les moniteurs et monitrices de Rougemont, l'Etivaz, Château-d'Oex et Rossinières.

Donc à 9 1/2 heures, la plupart des arrivants et arrivantes étaient réunis à la cathédrale pour entendre M. le pasteur 0. Barblan, résident de l'Assemblée général invoquer sur nos travaux la bénédiction divine et nous appliquer les premières paroles du psaume 27: « L'Éternel est lumière ». Nous avons besoin, dit-il, de nous inonder de cette lumière dont parle le psalmiste, et que nous voulons transmettre à nos enfants.

Pendant que l'on distribue des bulletins de vote pour les élections statutaires, M. Duvoisin, libraire à Lausanne, lit le procès-verbal de la 23e assemblée, tenue l'an dernier à Renens. Ensuite M. le pasteur Eug. Bridel, président du Comité cantonal, et le caissier, M. Krayenbühl, notaire, présentent, sur la marche de la Société cantonale et sur l'état de ses finances, les rapports imprimés in extenso dans le présent numéro de l'Éducation chrétienne.

On y lira, en particulier, un éloge mérité adressé à M. le pasteur G. Meylan, rédacteur du Messager et des Vignettes depuis le départ l'an dernier du regretté M. le pasteur D. Meylan, et des remerciements non moins mérités adressés au personnel de l'Agence religieuse. Le rapport des commissaires-vérificateurs des comptes est présenté par M. J. Graeser, négociant à Lausanne.

À la partie administrative succéda, selon l'usage, un culte présidé par M. le professeur Ph. Bridel, qui prit pour texte de son allocution les paroles du Sauveur : « Laissez venir à moi les petits enfants. » Nous ne voulons pas déflorer par une sèche analyse cette prédication qui paraîtra, elle aussi, dans l'Éducation chrétienne, et qu'il faudrait pouvoir faire connaître à bien des gens aux yeux desquels ne se justifie pas l'enseignement religieux donné à l'enfance.

De la cathédrale, toute l'assemblée se transporta, par la Riponne et le pont Chauderon, au Casino de Montbenon, où un repas avait été préparé et toutes les mesures prises pour que chacun y trouvât une place, moyennant la présentation de la carte de fête. Le Comité et les invités étaient sur le podium, de manière à pouvoir être facilement vus et entendus, et bientôt au bruit des assiettes et des fourchettes succédèrent les toasts, tous écoutés avec plaisir et applaudis. M. Eug. Bridel, commence la série en saluant jeunes et anciens moniteurs et monitrices, ainsi que les délégués des autorités civiles et ecclésiastiques qui avaient bien voulu nous honorer de leur présence, et communique une lettre de M. le conseiller d'État Chuard, chef du Département de l'Instruction publique et des Cultes, lettre par laquelle il exprime ses regrets de ne pouvoir, comme il le désirait, venir en personne nous dire toute la sympathie qu'il éprouve pour l'oeuvre des Écoles du dimanche.

Son remplaçant M. L. Gauthier, chef du service des Cultes, qui prend ensuite la parole, remercie ouvriers et ouvrières à l'École du dimanche qu'il appelle « un précieux auxiliaire de l'école publique ». L'État, dit-il, s'occupe surtout du côté matériel de l'éducation ; mais tout cela serait vain si le côté moral était laissé de côté : donc plus haut, toujours plus haut pour le progrès de la patrie vaudoise et du royaume de Dieu.

M. Charles Burnier, municipal, se félicite d'avoir fait sonner les cloches de la cathédrale pour recevoir monitrices et moniteurs ; ils accomplissent une belle tâche, et tout le pays est avec eux. Il relève le contraste qui existe entre des réunions telle que la nôtre et celle qui ont lieu actuellement dans les pays en guerre ; nous sommes favorisés entre tous de pouvoir nous unir dans un seul sentiment d'amour pour Dieu, la patrie, nos semblables, l'humanité.

M. le pasteur Genton, délégué des Conseils de paroisse de Lausanne de l'Eglise nationale, voit dans l'École du dimanche l'application du principe protestant du sacerdoce universel qui nous appelle à être tous ouvriers dans le champ de Dieu à la gloire de notre Maître : « que ferions-nous sans vous, moniteurs et monitrices ? Merci pour votre collaboration et pour celle du Comité cantonal ».

M. le pasteur Herzog parle au nom de l'Eglise libre vaudoise et spécialement de celle de Lausanne, qui s'associent avec joie à la manifestation de ce jour. Il rappelle le souvenir de membres anciens qui s'occupèrent d'école du dimanche : Mme Théodore Rivier, dès 4820, Louis Bridel, en 1835, les missionnaires Creux et Berthoud. Ces deux dernières allocutions donnent occasion au président de notre Comité cantonal de constater que l'École du dimanche est un moyen d'union entre les Églises, qui disent par elle : Nous voulons être un seul peuple de frères.

C'est dans la chapelle des Terreaux, où une assemblée aussi nombreuse que celle de la matinée eut un peu de peine à trouver des places en suffisance, qu'eut lieu la réunion de l'après-midi, présidée par M. le pasteur de Haller. Après avoir ouvert la séance par la prière, il céda la chaire à M, le pasteur P. Vittoz pour une étude sur « le Christ souffrant » avec nous, par nous pour nous, en nous ; sujet toujours actuel, mais rendu plus palpitant que Jamais et paraissant avoir été inspiré au conférencier par les épouvantables événements qui se passent actuellement dans le monde. Au cas où ce travail, présenté une première fois au camp de l'Union chrétienne, rie pourrait être publié par l'Éducation chrétienne, on le trouvera dans l'ouvrage intitulé. « Comptes rendus de Vaumarcus, 1916... »

On eut encore le plaisir d'entendre les délégués des cantons voisins, MM. les pasteurs Mottu, de Genève, Schnegg, du Locle et Krieg, de Grandval, remercier le Comité vaudois pour ses publications, spécialement (en y ajoutant un rebaille m'en mai) pour la remise à prix réduit de recueils de cantiques, et donner des nouvelles intéressantes de leurs écoles. Elles y sont aux prises avec quelques-unes des difficultés qu'elles rencontrent dans le canton de Vaud et avec d'autres qui leur sont spéciales. À Genève, où beaucoup de moniteurs ont été pris par la mobilisation et de monitrices par la Croix-Rouge, on a institué des conférences ayant pour but de suppléer au petit nombre par une préparation plus complète. Dans le canton de Neuchâtel, le milieu ambiant des cités industrielles fait de l'école du dimanche en quelque mesure une école missionnaire. Dans le Jura bernois, la mobilisation en a privé plusieurs de leurs locaux... et l'une de ses meilleures monitrices, cueillie par un missionnaire, s'en est allée avec lui faire l'école du dimanche aux petits païens. Peut-être en entendant raconter ce fait, quelqu'une des auditrices présentes dans la chapelle des Terreaux eut-elle le pressentiment que son tour viendrait aussi !

La journée se termina au Casino de Montbenon, où les moniteurs et monitrices de Lausanne offrirent une collation après avoir, à la cathédrale, avec l'organiste, M. Harnisch, et plus tard aux Terreaux, contribué à l'édification commune en exécutant, sous la direction de M. le pasteur Siordet, quelques beaux choeurs qui avaient alterné avec les chants de l'assemblée. Avant le départ, de chaleureux remerciements leur furent adressés par M. le pasteur A. de Mestral, dont les paroles, malheureusement couvertes par le bruit des tasses et le remuement des chaises, furent perdues pour nous qui étions à une autre extrémité de la salle. Mais par les applaudissements qui suivirent, et pour l'avoir entendu en d'autres occasions, nous savons qu'il a dit les choses les plus aimables. Quel est d'ailleurs le moniteur ou la monitrice du Jura, du plateau, du bord du lac ou des Alpes vaudoises qui n'applaudirait pas aux deux mots de la fin, poussés par l'orateur avec une énergie exceptionnelle et, ceux-là, entendus de tous : Vive Lausanne !

L. N.

Résultat des élections statutaires du 18 septembre 1916
MM. A. de Haller, E. Krayenbühl et Gailloud sont confirmés dans leurs fonctions de membres du comité cantonal ; MM. J. Vincent, Aug. Duvoisin et 0. Barblan dans leurs fonctions de membres du bureau de l'assemblée générale.
MM. Pidoux-Duinuid et Chaubert-Félix sont élus vérificateurs des comptes pour l'exercice prochain.





Vers la
cime.

(Suite et fin.)

Toucher l'imagination, la conscience, c'est bien ; mais il faut plus. le coeur aussi doit être entraîné ; le coeur, cette faculté que l'homme possède de s'attacher, de se lier à une chose ou à une personne. Or l'enfant fait de bonne heure l'expérience de cet attachement ; s'il ne peut pas donner des raisons de la préférence marquée par lui pour telle ou telle personne, cela ne l'empêchera pas de se réjouir de voir son père, sa mère, son ami, ou de se lamenter de ne les point trouver. Sentiment instinctif et que l'on juge inutile de, corriger ou d'étendre, parce que, obéissant à des lois mal connues, nous éprouvons très tôt notre maladresse à vouloir l'endiguer, Ne craignons pas les maladresses, craignons plutôt de ne rien faire ; prenons donc le coeur de l'enfant et mettons-le en face de la vie du Sauveur, protecteur des petits, toujours juste en tout, partout, bon d'une bonté dont nos enfants ont de la peine à trouver un équivalent autour d'eux. Il y a bien des chances pour que nous obtenions un résultat sur ce terrain. Devant le Christ se dépensant pour les autres, aimant les plus déshérités, guérissant les malades, mourant, injustement condamné, pour tous les hommes, quelque chose de grand vibrera dans le coeur qui a faim et soif d'être aimé. Et je serai bien étonné que pas un atome de ce que nous appelons habituellement l'amour ne reçoive du Christ-amour une secousse de vie. Pitié, sympathie et aussi attachement pour la victime du Calvaire naîtront ; peut-être plus tard, à l'heure des grandes décisions, le jeune homme ou la jeune fille se sou viendront-ils de ce qu'ils ont ressenti pour le Christ alors qu'ils étaient sur les bancs de l'école du dimanche. À propos d'un choix à faire, d'une détermination grave à prendre, d'une tentation à surmonter, ils sentiront peser sur eux comme un obstacle à mal choisir, ce je ne sais quoi qui un dimanche matin, à l'église, les avait tenus vers le Christ pour s'attacher à lui. Tant il est vrai que, même pour les choses religieuses et morales, les souvenirs d'enfance ne s'effacent jamais.

Sans doute, cet amour fait d'admiration. de reconnaissance, de sympathie n'est pas encore l'amour que Jésus demandait à Pierre. Mais ne l'oublions pas ; nous ne parlons ici que de nos enfants ; nous essayons de comprendre leur être intérieur et nous disons : il y a un christianisme pour l'enfance il est des vertus chrétiennes qui répondent aux besoins, à la nature de l'enfant et que nous ne pouvons pas dépasser sans risquer de faire fausse route. Nous croyons que les trois capacités de vie intérieure dont nous avons parlé constituent le minimum de ce que nous avons à mettre en mouvement. Plus tard, quand la vie aura fait son oeuvre, lorsque l'enfant sera devenu jeune homme ou homme fait, le développement de l'amour se poursuivra ; le don de la vie suivra cet attrait produit par le Christ ; la recherche de la justice, de l'amour, de la vérité sera la suite naturelle de l'élan du coeur ; encore faudra-t-il que le néophyte s'applique à ce développement et qu'il maintienne ses relations avec Celui que jadis il aima comme on aime étant enfant. Mais même si ce premier amour n'avait pas la suite que Jésus lui-même réclame, même s'il ne devait posséder ni son couronnement ni sa fin glorieuse, je crois qu'il ne serait pas complètement perdu. Dans les tourmente, où la recherche du port s'impose avec une insistance que nous connaissons, nous les aînés, dans la nuit où le besoin de lumière éclate, nos enfants ne ressembleront, jamais à ce soldat blessé auquel un infirmier demandait : « Quelle est votre religion ? - Ma religion ?... - Oui, êtes-vous protestant, catholique ? Et qui répondit : - Je ne sais pas. - Mais enfin, est-ce un pasteur ou un curé qui vous a baptisé ? - Je sais pas, je m'en souviens pas. » Lentement, ainsi que monte derrière les montagnes encore indistinctes la pâle clarté de l'aurore, du fond d'une enfance pieuse, sortira peu à peu la figure du Crucifié ; imprécise comme une chose que les ténèbres voilent, elle se fera plus nette, et vers elle le regard se dirigera, un mot parti du coeur expirera sur les lèvres tremblantes, un espoir naîtra de ce que ce visage autrefois aimé est resté le même avec sa ferme volonté de sauver.

Et maintenant comment provoquer cet amour chez nos enfants ? Le but que nous avons essayé de fixer implique-t-il une méthode d'instruction spéciale pour être atteint ? Nous ne le croyons pas. Il est bien évident qu'il est des récits du Nouveau Testament qui prêtent mieux que d'autres à l'admiration, à la reconnaissance et à l'attachement pour la personne du Christ. Il va sans dire également que nous ne sommes pas uniformément doués pour exposer un sujet ou un autre, et que tel moniteur ou même tel pasteur réussira pleinement là où son collègue n'aura aucun succès. Cette diversité des dons ne nous effraie nullement, pas plus que nous ne redoutons la diversité quand elle apparaît dans les caractères si différent qui composent nos groupes. Il faut que nous en prenions notre parti : nous n'osons pas espérer produire chez tous avec une même leçon le même résultat ; mais rappelons-nous qu'il y a de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent ; aussi n'eussions-nous Intéressé, réveillé qu'un seul de nos élèves, nous devons nous réjouir de ce fait tout en demandant à Dieu de nous aider à trouver le chemin des autres coeurs. Non, nous n'allons pas opérer des tranchées dans nos Bibles afin de délimiter d'une façon péremptoire et définitive ce qui peut produire l'amour ; nous choisirons, certes, car toute la Bible n'a pas la même valeur éducative, et de ce côté là avouons que le Comité des écoles du dimanche a généralement la main heureuse, que les leçons qui nous sont proposées sont susceptibles de servir de canal à l'amour. Nous ne craignons pas davantage l'Ancien Testament qui garde son rôle de préparateur et d'annonciateur. Si nous ne sommes pas un défenseur de cette formule étrange : le Christ tout entier dans la Bible tout entière, nous croyons que l'Ancien Testament conduit à l'amour manifesté en Jésus-Christ.

De ce guide, nous ne nous passerons point, car s'il a plu à Dieu de le donner aux hommes, il ne nous convient pas de le rejeter. Nous ne nous lamenterons pas sur nos talents trop modestes, sur la difficulté réelle cependant de s'adresser à des enfants, et nous ne crierons pas grâce parce que ceux à qui nous parlons dimanche après dimanche n'ont pas tous à un même degré la spécialité de se captiver pour les affaires de leur Père céleste. Non, nous accepterons la situation qui nous est faite, utilisant les multiples occasions que nous avons de susciter l'amour, et cela avec les procédés dont nous disposons présentement. Et voici pourquoi nous ne demandons rien de nouveau en fait de méthode d'instruction. L'enfant est attiré par une foule de détails auxquels nous ne songeons pas nous-mêmes. Nous croyons forcer son attention sur une idée centrale, et nous nous apercevons que son imagination a été saisie par un petit fait, une illustration, une image pour nous d'importance secondaire et qui s'est gravée elle seule dans son esprit. Un simple récit, un trait d'une histoire l'a emporté sur tout le reste et a suffi pour éveiller en lui Lin monde de pensées et de sentiments. Ou bien, tandis que vous vous donnez une peine infinie à mettre en relief une idée morale ou religieuse, l'obéissance, la bonté, la droiture, etc., votre auditeur ne suit plus vos explications ; une chose l'a frappé, le fait réfléchir, sa faute du matin lui apparaît dans sa laideur, ou bien ce que vous dites n'est pas pour lui aujourd'hui ; tranquillement assis à sa place, il est en réalité là-bas, bien loin, sur la place de jeux ou ailleurs, dans la partie organisée pour l'après-midi. Un autre dimanche, votre parole aura plus d'effet. Faites du culte pour la jeunesse une heure d'édification ou une heure d'instruction proprement dite, là n'est pas l'important ; les deux méthodes peuvent être bonnes. Et puis n'oublions jamais que les voies de Dieu sont aussi nombreuses que mystérieuses. Ici surtout pour ce qui concerne l'attirance de l'enfant par l'oeuvre et la personne de Jésus, il faut rappeler la vieille déclaration hébraïque : « Mes voies ne sont pas vos voies, mes pensées ne sont pas vos pensées, » dit l'Éternel. Il faut savoir semer non avec la vision du blé qui lève, mais avec l'espérance qu'il lèvera. Dieu seul marque l'heure de chacun, cette heure ne nous appartient pas, à nous de la préparer pour le moment où elle sonnera, afin qu'elle soit celle de la victoire, je veux dire celle où l'enfant trouvant son Père, lui dira : « J'avais autrefois entendu parler de loi, mais maintenant mon oeil t'a vu. »

Si nous ne nous présentons pas devant vous comme un révolutionnaire trouvant stérile tout un passé de méthodes qu'il estime surannées, nous désirons néanmoins attirer votre attention sur un point qui nous apparaît d'une importance capitale. Feu le professeur de Loës le soulignait un jour avec force quand, de sa voix lente et grave, il proclamait : « Sans amour, rien d'utile ne saurait être fait au service du Dieu qui est amour. » La grande force qui convaincra, ce n'est jamais la méthode, mais bien l'esprit qui passe dans le cadre nécessaire ; ce n'est pas le sujet ou la personne dont nous avons à parler, mais la manière dont nous parlerons de ce sujet ou de cette personne. Il me souvient que tout enfant, j'avais comme monitrice une vieille demoiselle dont aucune leçon ne m'est restée, mais ce qui ne s'effacera jamais de ma mémoire, c'est tout le sérieux qu'elle apportait à sa tâche, toute la vénération dont elle entourait sa Bible, tout le respect et tout l'amour qu'elle nourrissait pour Dieu et Jésus-Christ. Sa piété était-elle étroite ou large, Je l'ignore, mais J'ai compris et retenu avec elle que l'on pouvait aimer les choses invisibles. Nous voulons, que nos enfants aiment le Christ, aimons d'abord ces enfants et qu'ils sentent que nous voulons leur bien véritable ; aimons nous-mêmes Celui que nous leur présentons, qu'ils distinguent notre admiration, notre reconnaissance, notre attachement pour lui ; que dans notre attitude, dans les accents de nos paroles ils découvrent des sincères qui croient ce qu'ils disent parce qu'ils en vivent. Comme le voyageur dont bous parlions au début de notre entretien, écoutons la voix qui nous appelle venant d'en haut, et après lui avoir répondu : « Seigneur, me voici, tu sais que je t'aime, » allons paître les agneaux. Non, ce n'est pas la quantité de nos exhortations qui fera éclore l'amour, mais leur qualité ; tout ce qu'elles apporteront d'entrain, de chaleur, de conviction, de vie sera semblable à la sève sans laquelle le plus bel arbre ne peut que mourir ; l'amour seul produit l'amour.

J'ai fini, Mesdames et messieurs ; sur le chemin qui mène à la cime, nous voulons rester tous, enfants, jeunes gens, pères, mères. Nous le voulons au nom de Jésus-Christ et j'ajoute au nom de notre patrie et du monde chrétien auquel nous nous rattachons. Car aimer Christ, ce n'est point demeurer fixé dans l'irréel, mais prendre pied sur notre terre au nom de principes qui nous dépassent et sont plus forts que nous. Et nous avons besoin d'une génération dont le coeur monte, ne se courbant devant personne que Dieu et Celui qui nous l'a révélé. Il faut à notre terre helvétique des fils qui aiment autre chose que la force brutale, l'argent, le plaisir ; et cette autre chose est renfermée dans le Christ. Il faut à l'Europe décidée à sortir de la tourmente présente, renouvelée, des consciences qui, non contentes d'avoir salué la paix, se donneront comme tâche suprême de la maintenir par la justice et l'amour. Peut-on dire que l'on aime le Christ sans être un chercheur de toutes ces valeurs dont la disparition jette sur nos vies le voile du deuil et l'étreinte de la douleur ? Parce que nous voyons tout ce qui se cache d'aberration sous le mot christianisme, quand celui-ci n'est qu'une adhésion à des formules ou une devanture derrière laquelle s'abritent les marchandises les plus hétéroclites, parce que s'est révélée l'impuissance des Églises et des chrétiens à maintenir le monde dans l'amour, ait nom des fautes commises, au nom des besoins présents et futurs, l'oeuvre s'impose : aimer le Maître, aimer sa personne, son oeuvre, les aimer pour les servir et puis les faire aimer. Continuons le labeur commencé, et que Dieu nous soit en aide !

EDM. B.

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