Cantiques N° 60 et 55.
De la ruine de Jérusalem au retour de
l'exil. - C'est une période
particulièrement importante de la vie
religieuse d'Israël, que celle qui
s'étend de la fin du royaume de Juda et de
la ruine de Jérusalem jusqu'au moment
où les exilés reprennent le chemin de
leur patrie. Cette période couvre presque
tout le VI, siècle avant J. -C. ; elle
va de 597 (première déportation par
Nébucadnetzar) à 538 (édit de
Cyrus autorisant le retour à
Jérusalem et dans le pays de Juda.)
Cette période est importante
d'abord au point de vue spirituel ; si
étrange que cela paraisse, ce
déracinement subit, violent, d'un peuple, a
contribué à planter plus
profondément dans son coeur ses convictions,
ce qui constituait son originalité et la
sauvegarde de son originalité : la
foi religieuse. Il y a, dans le peuple juif,
une faculté de résistance à toute
absorption, à toute fusion, qui est
remarquable. Même aujourd'hui, où
cette notion s'est malheureusement effacée
en beaucoup de coeurs israélites, c'est elle
qui fait la caractéristique ombrageuse et
irréductible de ce peuple : Israël
est le peuple élu de Dieu. Et,
certainement, il l'a été ; il
l'est encore. Il fut le vase précieux et
indestructible, dans lequel l'Éternel a
déposé le breuvage divin, où
l'humanité entière devait venir se
rafraîchir et puiser de' nouvelles forces.
Mais nous reviendrons sur l'histoire spirituelle de
l'exil. Un coup d'oeil sur les événements politiques est
nécessaire auparavant. Car cette
période est importante aussi sous ce
rapport.
Pendant que les Judéens,
transportés en Babylonien vaquaient à
leurs occupations, à Tell Abib, sur les
rives du Kebar
(Ezéch.
1 : 3 ; 3 :
15) ou ailleurs, et que
les
autres, qui étaient demeurés dans
leur patrie, menaient une existence difficile et
amoindrie, les événements
poursuivaient leur course sur la scène
mondiale. Les grands États
obéissaient à leurs ambitions et
vidaient leurs querelles, sans se soucier des
souffrances de ce petit peuple, qui
n'exerçait aucune influence
matérielle et politique.
L'Assyrie était la
puissance formidable, au moment où Samarie
succombait sous ses coups (722) ; quand
Jérusalem fut livrée au pillage de
ses ennemis, la balance avait oscillé de
l'autre côté et Babylone
était la triomphatrice du moment.
C'est Nébucadnetzar, roi de
Babylone, qui s'empara de Jérusalem, fit
crever les veux de Sédécias, le
dernier souverain de Juda, et emmena dans sa
capitale les trésors du temple de
l'Éternel, après l'avoir
incendié et renversé. Soixante et dix
ans environ vont passer. Et si beaucoup des
exilés dorment leur dernier sommeil en terre
païenne, dans les sables de la Chaldée,
si beaucoup voient venir la mort sans que soit
réalisée leur espérance de
gravir à nouveau la colline de Sion
où l'on sacrifiait au Dieu des pères,
les événements se préparent et
se développent, événements qui
vont, enfin, accomplir les promesses des
prophètes et réaliser l'espoir ardent
de ces ardents patriotes.
Ils avaient entendu Ezéchiel, non seulement
promettre le
pardon, mais tracer les plans de la reconstruction
du Temple et en décrire d'avance la
splendeur (Ezéch. 40 et suiv.) Ils avaient
entendu encore cet admirable prophète, ce
serviteur de Dieu dont la voix est si puissante et
le coeur si vibrant, ce prophète dont nous
ne savons rien, pas même le nom et qui domine
cette époque et tous les siècles de
sa magnifique stature. Nous l'appelons le
« grand anonyme de l'exil, » le Second-Esaïe »
(Chap. 40
à 55 du livre d'Esaïe). C'est lui qui
entonne le chant d'allégresse et
d'espérance et dont la voix plane sur les
têtes des vieillards ou des jeunes gens pour
leur dire : « Consolez. consolez mon
peuple, dit votre Dieu. Parlez au coeur de
Jérusalem et annoncez-lui que son temps
d'épreuve a pris fin. »
(Esaïe
40 : 1-2).
Le peuple a frémi à ces
appels attendus ; il se souvient d'autres
appels, dont les pères avaient parlé
et qu'ils n'avaient pas écoutés. Il a
vu éclater la colère de Dieu, si
souvent annoncée et si souvent
méprisée. Verra-t-il
s'épanouir sa miséricorde et
refleurir son amour ? Et les regards scrutent
les événements, consultent les
circonstances. Bientôt les signes favorables
s'annoncent.
C'est d'abord Evilnérodac, roi de
Babylone (au dire de 2
Rois 25 : 27-30) qui tire Jojakin de sa prison et
qui lui accorde des
honneurs princiers. Dix ans avant la ruine de
Jérusalem, Jojakin avait été
emmené, en captivité, en 597.
(2
Rois 24 : 8-17) C'est ensuite
la fin du royaume babylonien. Un adversaire
redoutable a surgi, du côté du soleil
levant, Cyrus, roi des Perses, après
avoir vaincu les Mèdes, fonde un vaste
royaume sur l'antique terre d'Élam il
triomphe de Crésus, le roi des Lydiens
célèbre par ses richesses, et il se
prépare à agrandir son empire, en
menaçant même Babylone.
Les prophètes voient
cela.
Ils considèrent ces événements
à la lumière de leur foi : Dieu
est le souverain maître de l'univers, le
Créateur tout-puissant, l'organisateur
infiniment sage des événements et le
dispensateur de tous les biens. Il conduit tout
avec une puissance et une sagesse
irrésistibles. Les choses inanimées
sont dans ses mains, les païens eux-mêmes ne
sont que des instruments sous sa volonté. Il
a choisi les Assyriens pour châtier
« la couronne orgueilleuse des buveurs
d'Ephraïm »
(Esaïe
28) ; il a conduit
le roi de Babylone contre Jérusalem pour
punir la cité infidèle. Nous ne
sommes pas surpris d'entendre, maintenant,
l'anonyme de l'exil, le Second-Esaïe, parler
de la même façon, Il regarde par
delà les frontières ; il voit
grandir la puissance de Cyrus ; et pour lui
aucun doute possible : c'est Dieu qui l'a
voulu, et Cyrus n'agit qu'avec son
autorisation : « Ainsi parle
l'Éternel à son oint, à Cyrus,
qu'il a pris par la main droite, pour terrasser
devant lui les nations... : Je marcherai
devant toi et j'aplanirai les chemins
raboteux ; je briserai les portes d'airain et
je ferai tomber les barres de fer »
(Esaïe
45 : 1 et suiv.)
Cyrus, en effet, marche contre Babylone. En 539, il
bat l'armée de Nabonide et de son fils
Belsatzar ; bientôt après il
pénètre en vainqueur à
Babylone, qu'il épargna, contre la coutume
dit temps. L'année suivante, en 538, il
ouvrait le chemin du retour, aux
fidèles qui, dans les plaines fertiles de la
Babylonie, n'avaient jamais pu oublier
Jérusalem et son temple.
L'Éternel incline les coeurs. -
Cette pensée est bien celle des
prophètes ; celle des historiographes
juifs. Elle peut avoir ses dangers au point de vue
de l'exactitude scientifique ; elle est
puissamment féconde au point de vue
religieux et moral.
Le monde est-il un formidable amas, un
simple conglomérat d'atomes et le champ de
bataille de forces contradictoires et sans
direction ? Les êtres naissent ou
meurent, triomphent ou succombent, souffrent ou
jouissent, sans que rien de tout cela ne s'explique
à notre raison et à notre conscience.
Ou bien le monde est-il l'oeuvre d'une
volonté toute puissante, qui la dirige avec
sagesse vers des buts définitifs,
éternels ?
Aujourd'hui, c'est la guerre.
Nous ne discutons pas ses causes, ses origines
immédiates et décisives ; nous
n'apprécions pas la justice relative et
respective des deux camps en présence. Nous
contemplons le spectacle dans son ensemble, dans le
temps (il y a plus de deux ans que le fléau
fait rage) et dans l'espace (on
se bat en Asie, en Afrique, en Océanie et en
Europe, on s'est même battu dans les mers
américaines). Or, à nos yeux, cette
guerre est quelque chose de formidable, de
gigantesque, d'horrible, d'infernal.
Tout cela se passe-t-il en dehors de
Dieu ? Ne le pouvons-nous rencontrer que dans
les petites choses et les événements
minuscules de notre vie individuelle, alors qu'il
serait absent des événements qui
forment l'histoire universelle ? Un
prophète du Dieu d'Israël, qui n'est
pas seulement le Dieu de la colère, mais
celui de la justice et de l'amour, - un
prophète de l'ancienne alliance
n'hésiterait pas : Dieu est là,
qui « incline les coeurs » et
qui dirige tout dans les événements
d'aujourd'hui, comme au temps d'Esaïe, de
Jérémie ou de l'exil.
Les hommes ont oublié Dieu ;
ils ont servi les idoles l'Argent, la Luxure,
l'Orgueil. Leur conscience était
oblitérée et ne pouvait plus
même les guider au milieu des
difficultés de la vie :
« Malheur à ceux qui appellent le
bien mal et le mal bien ; qui font des
ténèbres la lumière et de la
lumière les
ténèbres »
(Esaïe
5 : 20). Puisque les
hommes ont péché, ils doivent
être châtiés. Et il se choisira
comme instruments ceux qui peuvent agir avec
force ; il endurcira les coeurs endurcis
déjà ; il aveuglera les yeux
fermés à la vérité,
comme il l'a fait pour Pharaon, lors de la sortie
d'Égypte, et pour d'autres. Et ainsi se
déchaînera le fléau.
Voilà comment pensaient les
prophètes : Dieu est partout à
l'oeuvre, et les grandes lois de la vie physique,
comme de la vie sociale et morale, ne sont que
l'expression de sa volonté.
Mais n'oublions jamais que toute menace de
châtiment était
accompagnée d'une promesse en cas de
repentir et de retour à l'Éternel.
Le. prophète proclamait l'amour de Dieu, en
même temps que sa justice. Aux hommes de
choisir. Aujourd'hui encore ils nous diraient les
paroles réconfortantes ; ils auraient
la gravité sereine et rayonnante du
Second-Esaïe : « Parlez au
coeur de mon peuple et dites-lui que son temps
d'épreuve a pris fin. »
Pour nous aussi, l'Éternel peut
incliner les coeurs, de manière à faire
cesser l'épreuve ; les coeurs de ceux
qui commandent et dirigent les peuples, en leur
montrant le chemin de la justice et de la
paix ; les coeurs des hommes dans la foule, en
les préparant à vivre une autre vie,
à entrer dans des voies qui ne puissent plus
aboutir aux abîmes où nous sommes
descendus.
Revenons à notre récit.
Pour le peuple des exilés aussi,
l'Éternel a incliné les
coeurs.
Par le long travail dans les âmes,
d'une génération à l'autre
jusqu'au moment du retour, il a
préparé un groupe de fidèles. Ceux-ci reconnaissaient le
bien-fondé des châtiments
reçus ; ils s'appliquaient à
servir Dieu, comme la Loi antique le demandait, et
à éviter les
infidélités qui avaient
provoqué la punition.
L'heure vint où ces exilés
pouvaient reprendre le chemin de leur patrie, sans
s'attribuer aucun mérite à ce retour.
Ils savaient que Dieu avait été juste
en punissant et qu'il était simplement
miséricordieux et bon, en pardonnant et en
rétablissant son peuple dans son
pays.
Alors, enfin, l'Éternel inclina
le coeur de celui qui pouvait être
l'instrument pour réaliser
l'espérance de son peuple ; et une
année après que Cyrus fut
entré à Babylone, il publia
l'édit libérateur
(Esdras
1) (1)
Le retour. - Comment tout cela s'est-il
réalisé ? Relisez les textes
indiqués en tête de cette
leçon. Nous ne nous y arrêterons pas.
Le récit du départ, la description de
ce cortège étrange, coloré,
mouvementé ; les cris de joie quand
apparaît Jérusalem, dans le
lointain ; les privations au cours de la
route ; les déceptions quand on
retrouve la patrie, non comme la vision
d'Ezéchiel l'avait montrée, mais en
partie déserte ; les cités
marquées par des murailles
éventrées, des amas de
décombres à côté
desquels se dressent quelques masures..., il est
aisé d'évoquer tout cela, de le
dépeindre vivement, largement, devant les
yeux de nos enfants.
Cyrus était-il déjà
un adepte de la religion idéaliste et morale,
qu'on appelle le mazdéisme
(2) ?
C'est
possible et cela expliquerait sa largeur à
l'égard des Israélites, adorant un
Dieu, qui n'est pourtant pas le sien.
Il autorise les émigrants
à rebâtir le Temple de
l'Éternel à Jérusalem ;
il leur rend les objets sacrés, que l'on y
avait dérobés, lors du pillage du
sanctuaire. Et l'on part la foule des petits gens,
les femmes, les enfants, des vieillards, surtout,
attachés au passé plus que personne.
À la tête des diverses caravanes, Sesbatzar, prince de Juda
(Esdras
1 : 8), Zorobabel, de la famille de David et Jésua,
fils de Jotzadak, qui va
devenir le grand-sacrificateur du nouveau Temple
(Esdras
1 : 8 ; 2 :
2 ; 3
- 2).
À Jérusalem
(Esdras,
chap. 3) c'est, d'abord, les
sacrifices sur l'autel, élevé
sur les fondements mêmes de l'ancien ;
puis, pendant un temps, chacun a vaqué
à ses propres affaires : il fallait
bien s'installer, se loger, se nourrir, vivre en un
mot. Mais voici qu'un prophète vient secouer
cette indifférence, plus apparente
peut-être que réelle ;
« Est-ce le moment pour vous d'habiter
dans vos maisons lambrissées, alors que ce
temple est en ruines ? Montez sur la montagne,
rapportez-en du bois et bâtissez le
Temple !
(3) »
(Aggée
1 : 4 et 8
)
On obéit ; la construction
est aussitôt entreprise. Ceux qui, tout
enfants, avaient vu le temple des pères et
qui le voyaient surtout à travers la
lumière qui auréole toujours les
souvenirs de l'enfance, - les vieillards
d'aujourd'hui, pleuraient en comparant les deux
sanctuaires (4). (Esdras
3 :
12) Mais les autres
faisaient « entendre des cris de joie et
d'allégresse. »
Et nous comprenons leur joie. Dieu
n'avait-il pas incliné les
coeurs ? N'avait-il pas rapproché
de lui, par l'épreuve, ses enfants
rebelles ; n'avait-il pas ranimé en
eux, et l'espérance, et
la foi ? N'avait-il pas suscité,
après une longue attente, celui qui avait
ouvert le chemin du retour ?
Dans nos épreuves personnelles,
au milieu des sombres événements que
nous traversons, apprenons à avoir la foi, la confiance,
l'espérance des Judéens en
exil. Ne nous laissons, ni séduire, ni
décourager ; mais prêtons
l'oreille à ceux qui nous disent : Remets à l'Éternel le soin
de ton
sort ; confie-toi en lui et il agira
(Ps.
37 : 5).
RG. B.
Récapitulez
leçon du 19
novembre. - Mon enfant, celui qui a pour
toi l'amour le plus grand, c'est
l'Éternel. Non seulement il te
donne tout ce dont tu jouis dans cette vie
en attendant de te recevoir dans ses
demeures célestes, mais en outre c'est lui qui pardonne
toutes les
iniquités, si tu te repens et
lui demandes pardon. Il usa d' une telle
miséricorde envers les Juifs
captifs à Babylone.
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