Une veuve, mère de trois
garçons qui tous trois s'étaient
voués à la marine et voguaient sur
les grandes eaux en de lointains parages, se
demandait avec anxiété, dans son
isolement et son âge avancé, ce qui
avait bien pu déterminer chez ses fils le
goût des grands voyages et de pareilles
aventures, alors que, de toute leur jeunesse, ils
n'avaient jamais vu la mer. Au-dessus de la
cheminée était suspendu un tableau
qu'ils avaient pu contempler dès leur plus
tendre enfance, représentant un vaisseau
assailli par la tempête et les matelots
réfugiés bien haut dans les
agrès, tandis que les vagues immenses
battaient le pont du navire. Un ami, montrant du
doigt à la vieille mère ce tableau,
lui dit : « Voilà, madame, ce
qui a envoyé vos enfants se balancer sur les
flots. »
Bien des carrières ont
été de la sorte longuement
préparées ou décidées
par des causes du même genre qui nous
paraîtraient incapables de produire pareils
effets ; une image dans un livre souvent
feuilleté, un objet, une arme qui orne la
muraille, une chanson qui impressionne et qu'on a
rimée en famille, un air fréquemment
reproduit sur le piano, éveille
secrètement certains instincts, excite
l'imagination, oriente les pensées, les
désirs, contribue à façonner
la mentalité, et, le moment venu, l'occasion
se présentant, survient une décision
imprévue, tantôt pour le bien,
tantôt pour le mal.
Veillons donc sur notre environnement, sur
nos lectures, nos propos, nos récits
répétés au foyer ou à
la table de famille ; ayons un
intérieur propre à éduquer
sainement les esprits des nôtres, à
susciter des aspirations élevées, de
nobles ambitions, des goûts purs, des
sentiments généreux,
désintéressés ; ayons de
la tenue, songeons à l'avenir.
A. BR.
J'avais souvent désiré de savoir
combien de fois le nom de Dieu, sous ses diverses
appellations, se trouve dans les saintes
Écritures. Pour diminuer les risques
d'erreur, je les ai parcourues deux fois
attentivement : les 39 livres de l'Ancien
Testament et les 27 du Nouveau Testament.
Le nom de Dieu se trouve 10039 fois dans
l'Ancien Testament, et 1686 dans le Nouveau, total
11725, y compris les quatre mentions de ce nom dans
le livre d'Esther, d'après
l'interprétation émise dans le Messager de mars 1912. À ce
compte,
il n'y a pas un seul des 66 livres de la Bible
où le nom de Dieu ne se trouve pas. Mais
nous ne pouvons pas dire, comme nous y serions
portés, qu'il est dans toutes les
pages.
Dans notre grande Bible,
révisée, de la Société
biblique de France, on ne trouve pas le nom de Dieu
dans 30 pages de l'Ancien Testament et dans 12 du
Nouveau Testament. C'est peu, dans un livre de 1305
pages.
La page où le nom de Dieu est le plus
souvent cité se trouve à la page 200
du Deutéronome ; on l'y trouve 42 fois.
Le livre des Psaumes est au premier rang à
cet égard le nom de Dieu y est 1274 fois. Le
Cantique des Cantiques est au dernier ; le nom
n'y est qu'une fois.
Je ne peux dire l'impression
réconfortante que j'aie reçue
à lire, à tout instant, et presque
sans relâche, ce saint nom, qui descend du
ciel comme par avalanches, et le malaise que j'ai
éprouvé à parcourir quelques
pages, très rares, quarante-deux, où le nom
de notre Dieu est passé sous silence. Il
faut dire que ce sont des pages consacrées
aux généalogies, aux
dénombrements, à la tente, à
la construction du temple, au rituel des sacrifices
et à l'histoire des pays
étrangers.
On pourra me dire que j'aurais pu mieux
employer mon temps ; j'estime, non - Dieu m'en
garde - que j'aurais pu faire plus mal, mais que je
n'aurais pu faire mieux doit-on regretter de
consacrer du temps à connaître Dieu
qui nous le donne ?
Pendant que je faisais cette recherche
relative au nom de Dieu dans la Bible, une
chrétienne, de Hambourg, se livrait à
la recherche du nom de Jésus dans le Nouveau
Testament. Elle y a trouvé 997 fois le nom
de Jésus-Christ, et 555 fois celui de
Christ, total : 1552.
J. BASTIDE.
Le Messager des Messagers, reproduit par le
Christianisme au vingtième
siècle.
Un chercheur plus que patient, a
travaillé huit heures par jour pendant trois
ans consécutifs, pour nous apprendre que la
Bible contient : 66 livres, 1189 chapitres,
31173 versets, 773 656 mots, 3 566 560 lettres,
6855 fois le nom de Jéhova, 46 227 fois la
particule et.
(Les amoureux du livre, par F. Fertiault).
L'assemblée annuelle des monitrices et
des moniteurs des Écoles du Dimanche du
district d'Aigle a eu lieu mardi : 10 mai dans
le temple d'Ormont-dessous, que des mains amies
avaient orné, de bouquets et de fleurs de
montagne. Environ quatre-vingts personnes
étaient présentes. M. le pasteur Henri Narbel leur souhaita
la bienvenue au
nom du Conseil de paroisse, des autorités,
de la population. Puis il fit entendre à ses
auditeurs de sérieux et énergiques
avertissements, à propos de la parole de
Jésus à Pierre « Pais mes
brebis ! » Nous avons, dit-il entre
autres, à veiller sur nos enfants, que tant
de dangers menacent, dans la rue, à la
campagne et à la montagne, même dans
leurs familles ; - à nourrir leurs
âmes, et à les guider. Marchons devant
nos groupes et
entraînons-les par notre exemple, notre foi,
notre amour pour Jésus-Christ.
À 11 1/2 h. se tint
l'assemblée administrative, M. Jean
Rambert, pasteur à Bex, fit revivre le
souvenir de la séance de l'année
dernière, à Yvorne ; puis, sur
l'invitation de M. le pasteur E.
Péclard, on décida que la
prochaine réunion aurait lieu, Dieu voulant,
à Villeneuve en 1917, le premier dimanche de
juin.
À midi, pique-nique. Des tables
avaient été placées dans ce
but autour de la cure. Quelques chanteurs
retournent ensuite au temple, et,
accompagnés de l'harmonium, entonnent
plusieurs beaux cantiques, en attendant que
commence la séance de
l'après-midi.
Dans celle-ci, M. Ed. Platzhoff,
pasteur à Lavey, parle de la
préparation faite par le pasteur ou le
directeur de l'école aux moniteurs, en vue
de l'instruction des groupes. Cette réunion
de préparation comprendra deux
parties : une explication
générale du texte, puis une
discussion sur la manière de l'approprier
aux enfants. L'on pourrait inviter à ces
séances aussi d'autres personnes, des
catéchumènes en particulier. L'auteur
montre, d'une façon captivante, comment les
sujets, suivant leur nature, doivent être
traités. Évitons les abstractions,
illustrons les sujets, questionnons les enfants,
montrons-leur des gravures, une carte de la
Palestine, certains objets ; renseignons-les
sur les coutumes et la façon de vivre
à l'époque de Jésus ; ils
comprendront mieux alors beaucoup de
récits.
Chaque moniteur, la préparation
terminée, réfléchira encore au
sujet à la maison, lira l'Éducation chrétienne ou le Semeur
vaudois, et adaptera ce qu'il a
entendu à l'âge de ses enfants.
Le but de l'École du Dimanche, ajoute
M. Jean Rambert, est de mettre l'enfant en
présence de Jésus-Christ. Il faut
donc, quand nous lui parlons, qu'il se sente devant
un moniteur qui aime Jésus et vit avec lui.
Notre influence sur nos élèves sera
ainsi bien plus profonde que nous ne pouvons le
supposer.
M. Emmanuel Augsbourger, pasteur
à Aigle : Montrons cet amour pour le
Seigneur, par la joie que nous mettrons à
remplir notre tâche. Présentons-nous
aussi devant nos groupes avec dignité, avec
gravité ; jusque dans le sourire de la
mère à son petit enfant, il y a
quelque chose de grave. Que nos Écoles
soient bien disciplinées : apprenons
aux enfants le respect de la maison de Dieu.
M. Mercier, pasteur à Ollon,
recommande aux moniteurs de penser au sujet
déjà avant la réunion de
préparation, et de développer
celui-ci de la façon la plus vivante
possible.
M. H. Narbel. L'École du
Dimanche doit donner sans doute, à ses
élèves, des connaissances
bibliques ; mais elle a surtout à agir
sur le coeur des enfants, à leur inspirer le
sentiment du devoir, à les mettre en contact
avec Jésus-Christ.
M. Paul Chapuis, pasteur à
Ollon : L'histoire biblique racontée
aux enfants atteindra ce but, parce que c'est une
histoire sainte, où l'on voit à
l'oeuvre l'Esprit de Dieu.
Après une prière de M. Augsboarger, les assistants sont
affectueusement invités à la cure,
où le thé leur est offert par les
soins du Conseil de paroisse et du pasteur,
auxquels les plus chaleureux remerciements sont
adressés.
L. FAVEZ.
Gilly.
Jeudi, 24 août, les moniteurs et
monitrices de la Côte (districts de Rolle et
d'Aubonne) avaient leur réunion annuelle. Le
rendez-vous était donné à
Gilly, dans la Maison pour convalescentes. Cet
asile, on le sait, fondé par M. et Mme
Eynard-Lullin. de Genève, et
entièrement entretenu par cette
généreuse famille, est rempli, durant
les six mois de la belle saison, de convalescentes,
jeunes filles, en particulier, à partir de
la cinquième année.
Le temps était fort beau, aussi
avait-on disposé chaises et tables sous le
magnifique platane du jardin. Ce dôme de
verdure a déjà plus d'une fois
entendu prédications et chants de
cantiques ; il pourrait sans doute narrer plus
d'une opinion théologique et
répéter maint verset de choral. Un
auditoire, malheureusement clairsemé, eut
ainsi l'occasion d'entendre six pasteurs et un
laïque. Hélas ! faut-il
déplorer l'absence de moniteurs ou accepter
comme règle naturelle le féminisme
absolu en matière d'enseignement à
l'école du dimanche ?
M. le pasteur de la Harpe, de Perroy,
développa d'une façon
intéressante le sujet que lui inspira une
brochure récemment parue, de M. Stuart
Roussel, sur Éducation et conversion.
Il insista avec raison sur l'importance d'une
préparation soignée, et puisque tout
ce que l'on fait mérite d'être bien
l'ait, à combien plus forte raison ne
s'agit-il pas de soigner chacun des détails
de l'enseignement à l'école du
dimanche. Avis donc aux moniteurs
négligents, qui ne donnent à leur
tâche que le minimum de temps ou de peine. M.
de la Harpe émet, à propos de la
conversion, des théories
basées sur des observations faites à
Londres et dans quelques grands centres.
« L'adolescence, dit-il, qui est le
passage de l'enfance à un âge de
raison, est le moment favorable à la
conversion ; la transformation corporelle ne
s'accomplit pas sans une profonde modification
psychique déterminée par
l'éveil de certains sentiments
affectifs. »
M. Frank Yersin, pasteur à Rolle,
donne lecture d'un intéressant travail sur
l'organisation des écoles du dimanche. Trois
types sont en présence : l'école
familiale, puis celle qui compte un personnel de
moniteurs, mais où l'enseignement est
donné par le pasteur, enfin celle où
les monitrices surtout dispensent l'enseignement.
Successivement, il fait le procès de chaque
méthode, attribuant à celle-ci tels
avantages, à celle-là tels autres. La
question de discipline arrête assez longtemps
le conférencier, qui préconise le
système de la liberté. La contrainte
exercée pour assurer la fréquentation
lui parait regrettable, à tous
égards. Il faut transformer l'école
du dimanche non pas en un établissement
pénitentiaire, avec moniteurs comme
garde-chiourme, mais en une école d'amour
où fleurissent les grâces aimables. Ce
point de vue, qui pourrait bien être une
utopie, provoque une assez longue discussion. M.
Borle, pasteur à Aubonne, estime que la loi
ecclésiastique doit être
observée et que les enfants
récalcitrants à l'obligation de
l'école du dimanche méritent
d'être renvoyés du catéchisme.
M. Peter insiste sur le côté aimable
que doit revêtir l'école du dimanche
et sur l'importance du chant. Enfin, Mlle Davaine,
de Bursinel, secrétaire de la
Conférence, donne lecture de son rapport
annuel fort bien rédigé, et fait
revivre en particulier, pour quelques minutes, la
réunion de l'an dernier à Rolle.
Le Comité cantonal, qu'on avait
oublié d'inviter l'autre fois, a eu grand'
peine à trouver un
délégué. Le premier membre
désigné est en villégiature au
Jura neuchâtelois ; un second
répond d'un chalet reculé des Alpes
qu'il lui serait bien difficile de quitter ces
hauteurs pour accourir aussi loin. Mais M. le
pasteur Gailloud s'est trouvé heureusement
pour représenter le Comité. Avec
beaucoup de coeur, il retrace le programme moral
des écoles du dimanche et ce qu'on attend
d'elles. Sont-elles pleinement fidèles
à leur mission ? C'est ce qu'il serait
difficile d'affirmer. Combien, encore, de lacunes
et de déficits ! Pourtant l'heure est
grave et décisive ; l'Europe
décimée a besoin de se
reprendre ; l'arbre émondé
poussera bientôt de jeunes rameaux. À
qui s'imposera la tâche
éducatrice ? Aux écoles du
dimanche, sans doute, mais en premier lieu aux
familles. Que nos écoles soient donc des
aides efficaces à la
famille, pour en resserrer les liens et y maintenir
en temps et hors de temps l'obligation des devoirs
moraux.
Un appel des assistants est suivi de courts
rapports sur les diverses écoles des deux
districts. Cette brève chronique orale,
toujours la bienvenue, fait plaisir ; elle
resserre les liens d'amitié et encourage
à la tâche. C'est comme la voix dans
la forêt criant :
« Ami ! » et l'écho
répondant en sourdine :
« Toujours amis ! »
L'heure passe, et à travers les
feuilles du platane, les rayons dorés du
soleil passent obliquement. La réunion
officielle est terminée ; maintenant,
le rendez-vous amical commence. Coude à
coude, autour de la longue table ornée de
gracieuses fleurettes, on goûte au thé
obligeamment offert par les monitrices de la
paroisse. On cause ; propos légers et
joyeux qui passent comme les papillons aux ailes
diaprées. On regrette les absents ; ou
songe au prochain revoir, un dimanche
après-midi de juin 1917, sous les ombrages
de Perroy, ... peut-être. Puis, comme toute
chose a une fin, il faut s'apprêter à
dire adieu. Lecture est faite d'une poésie
composée spécialement pour la
circonstance par Mme H. Gailloud ; on se serre
la main et, dans la splendeur du jour finissant, on
reprend la route qui descend à travers
prés et vignes vers le lac couleur d'azur.
Une auditrice.
À la Conférence des Écoles du dimanche de la Côte, réunie le 24 août 1916 sous le platane séculaire de la Vaison de convalescence de Gilly.
Dans un sermon prêché dernièrement à Liverpool, le Rév. Stanley Rogers a déclaré que presque tous les hommes d'État qui dirigent la politique anglaise dans cette grande crise nationale font profession de sentiments religieux, et que beaucoup d'entre eux ont puisé leurs inspirations chrétiennes à l'école du dimanche et dans les cultes de nos Églises. M. Rogers, qui a eu le privilège d'être le camarade d'études de M, Asquith, a raconté qu'à cette époque le futur premier ministre de la couronne britannique était le membre le plus zélé d'une réunion de prières instituée entre jeunes gens, et il a ajouté que son vieil ami était resté fidèle à ses convictions premières et qu'il s'efforçait toujours de marcher dans la crainte de Dieu.
(Semaine religieuse.)
Mesdames et Messieurs, nos chers
collaborateurs,
Les associations religieuses de notre canton
eurent longtemps l'habitude - plusieurs parmi vous
s'en souviennent encore - de convoquer leurs
séances annuelles, à Lausanne, au
début de l'automne, les groupant en une
même semaine, que l'on appelait alors
couramment « la semaine des
réunions de Septembre ».
Il y avait assurément quelque chose
d'imposant et de très tonifiant dans ces
grandes assises de l'activité
chrétienne du pays, qui permettaient de
jeter un coup d'oeil d'ensemble sur la somme des
efforts tentés, en terre vaudoise, pour
l'avancement de la cause de l'Évangile.
Aussi bien, venait-on nombreux de tous les points
du canton dans la ville que l'on a nommée
souvent la « Sion vaudoise »,
pour assister à la série de
réunions dont nous venons d'évoquer
le souvenir. Ceux d'entre nous qui sont aujourd'hui
des hommes et des femmes d'âge mûr
n'ont pu oublier les fortes impressions
reçues jadis dans ces journées de la
fin de Septembre, où l'on sentait si
nettement palpiter l'âme religieuse de notre
cher canton.
Comme de juste, la Société des
Écoles du Dimanche occupait sa place, et une
large place, dans cette revue annuelle des forces
chrétiennes agissantes du pays. C'est ainsi
que, dès sa fondation et jusqu'en 1901 -
à part une seule
exception - notre Société a toujours
tenu son assemblée générale au
chef-lieu du pays vaudois.
Au moment où votre comité
cantonal crut opportun de rompre avec la tradition
et de convoquer désormais nos
assemblées, tour à tour, dans
diverses régions de notre canton, afin de
permettre à celles-ci d'entrer en contact
plus direct avec l'oeuvre que nous poursuivons,
notre président d'alors écrivait dans
son rapport la phrase que voici :
« Sans abandonner Lausanne, nous
prévoyons que le voyage sera long et
varié. »
Sa prophétie se réalisa :
le voyage fut long, puisqu'il dura trois
lustres ; il fut varié, puisque, dans
ses pérégrinations, notre
Société a successivement
visité Montreux, Saint-Loup, Le Sentier,
Morges, Chexbres, Yverdon, Lutry,
Château-d'Oex, Payerne, Nyon, Aigle,
Sainte-Croix et Renens, autant de localités
dans lesquelles nous avons joui d'un chaleureux
accueil, dont nous aimons à garder le
souvenir.
Après quinze ans de
randonnées, de la plaine à la
montagne, des bords du Léman à ceux
du lac de Neuchâtel, des Alpes au Jura, nous
voici revenus à notre point de
départ, nous nous retrouvons à
Lausanne.
Comme le voyageur, au terme d'une longue
absence, revoit avec une allégresse
émue le lieu de sa naissance et de ses
premiers souvenirs d'enfant, ainsi est-ce avec une
joie très vive que, répondant
à la si cordiale invitation des moniteurs et
monitrices du chef lieu, notre
Société se rassemble aujourd'hui dans
la ville où elle vit le jour et à
laquelle l'unissent les souvenirs d'un passé
béni.
Chers amis lausannois, recevez l'expression
de notre chaude gratitude, pour l'accueil fraternel
que vous nous faites en ce jour - gratitude que
nous désirons exprimer aussi, avec force,
à l'autorité cantonale et au conseil
de la paroisse de la Cité, grâce
auxquels nous avons le privilège d'ouvrir
l'assemblée de
ce jour sous les voûtes séculaires de
la cathédrale de Lausanne, merveilleuse
création de la piété des
âges révolus, auguste témoin de
toutes les péripéties de l'histoire
religieuse du bon pays vaudois, sanctuaire
vénéré qui servit de berceau
à la réforme du XVIe siècle et
dont les murs gardent encore l'écho de la
voix des Viret, des Farel, des Calvin, des
héros qui furent nos pères en la
foi.
La Société voyageuse, qui
rentre aujourd'hui dans sa ville natale, y revient,
par la bonté de Dieu, grandie, mûrie,
enrichie.
Il y a quinze ans, les écoles du
dimanche de notre canton réunissaient 30000
élèves, elles en groupent aujourd'hui
tout près de 37000. En 1901, lors de notre
dernière assemblée
générale à Lausanne, nous
venions de racheter à la famille de son
fondateur le Messager de l'École du
Dimanche - ce journal nous avait
été remis avec une clientèle
de 26000 abonnés, il en compte actuellement
plus de 35 000 et son tirage est même
monté à 40 000 exemplaires avant que
la guerre nous eût fait perdre,
momentanément croyons-nous, quelques
milliers d'abonnés, surtout en France et en
Belgique. Durant ces quinze dernières
années, nous avons acquis la
propriété des Vignettes pour les
petits, qui se tirent maintenant à plus de
14 000 exemplaires ; nous avons racheté
l'Agence religieuse, dont nous sommes aujourd'hui
l'unique propriétaire ; nous avons
revisé par deux fois notre recueil de
cantiques ; nous avons fourni, à prix
réduits, des milliers d'exemplaires de la
Bible aux élèves de nos Écoles
et aux catéchumènes de notre
Canton ; en 1911, au moment du jubilé
Viret, nous lavons eu le plaisir d'offrir
gratuitement aux enfants du pays, 37000 exemplaires
d'une brochure retraçant la vie du
réformateur vaudois ; puis, à
diverses reprises, en outre, nous avons pu nous
accorder le privilège de faciliter à
nos moniteurs et monitrices
l'acquisition d'ouvrages utiles à leur
enseignement. Au cours des quinze ans qui
séparent notre dernière
réunion de Lausanne de celle d'aujourd'hui
nous avons vu augmenter, dans une proportion
très considérable, le nombre des
participants à nos assemblées
générales annuelles, qui
réunissent maintenant une moyenne de 500
sociétaires au moins ; nous avons vu
l'avoir de notre Société, qui
était de 6000 fr. en 1901, s'élever
à 39 000 fr. avant la réduction que
lui a forcément fait subir la diffusion
gratuite de notre dernière édition du
Recueil de cantiques au sein de nos écoles
vaudoises ; enfin, pendant la période
dont nous venons de retracer quelques-uns des faits
saillants, le nombre des membres de notre
Comité, qui était de neuf il y a
quinze ans, a dû être porté
à onze, cela pour répondre aux
exigences d'une tâche qui allait sans cesse
en grandissant.
Il nous plaît de jeter avec vous ce
rapide regard sur le chemin parcouru par notre
société de 1901 à 1916, non
point, croyez-le bien, dans un esprit de
puérile et coupable à vanité,
mais pour rendre hommage au Dieu, dont la
bonté a mis du vent dans nos voiles et pour
vous presser de dresser avec nous, à ce
contour de route que marque la présente
journée, notre Eben-Ezer, notre pierre du
secours, en redisant avec le prophète de
jadis : « Jusqu'ici l'Éternel
nous a secourus. »
Après avoir interrogé avec
vous les annales d'un passé quelque peu
lointain, il nous faut faire l'histoire de ce
passé beaucoup moins éloigné,
qui se nomme notre dernier exercice.
Cette histoire sera brève, notre
activité, durant les douze mois qui viennent
de s'écouler, n'ayant été
marquée par aucun de ces
faits extraordinaires qui donnent du relief
à un exercice.
Dans la première séance de
Comité qui suivit notre Assemblée
générale de Septembre 1915 à
Renens, nous avons eu la joie de faire accueil au
nouveau collègue que vous veniez de nous
donner en la personne de M. le pasteur Georges
Meylan. Notre ami a bien vite su prendre sa place
au milieu de nous et nous avons déjà
largement bénéficié de son
activité dévouée et
intelligente. Elle a surtout été mise
à contribution pour la rédaction du Messager, dont il a bien
voulu se
charger ; nous le remercions vivement ici,
entre autres choses, d'avoir conservé dans
l'administration de ce journal les traditions
d'irréprochable régularité,
auxquelles nous avait accoutumés son cher
prédécesseur et qui sont
indispensables à la bonne marche d'un
périodique. On se représente
difficilement, quand on n'a pas personnellement mis
la main à l'oeuvre, ce qu'il faut
dépenser de prévoyance et
d'énergie, pour qu'une publication qui tire
à près de 36 000 exemplaires arrive
toujours à l'heure voulue entre les mains
des directeurs de nos nombreuses écoles, non
seulement dans le Canton de Vaud, mais encore dans
toute notre Suisse romande et au-delà de nos
frontières.
Pendant que nous parlons du Messager,
disons que, cette année encore, vu la
persistance de la crise économique qui
sévit dans notre pays, nous avons offert,
comme l'an dernier - et cela pour les Vignettes
aussi - une diminution sur le prix des abonnements
aux écoles qui pourraient en éprouver
le besoin. C'est avec une discrétion qui les
honore et dont nous les remercions, que nos
écoles ont profité de cette
facilité et nous avons pu nous rendre compte
que, dans les cas relativement rares où des
rabais furent réclamés de nous, la
demande était en général
sérieusement motivée. Ajoutons que
nous avons eu la bonne fortune, cette année,
alors que le tirage de nombreux
périodiques est en décroissance, de
voir augmenter dans une proportion sensible le
nombre des abonnés du Messager, des Vignettes et de l'Éducation
Chrétienne.
Nous ne croyons pas nécessaire de
vous parler longuement de notre état
financier, puisque vous allez entendre à son
sujet le rapport spécial de notre
caissier.
Nous laisserions même cette question
entièrement de côté, si nous ne
jugions intéressant de signaler à son
propos les faits suivants
1° Nous avons décidé,
dès cette année, de boucler au 31
Décembre et non plus au 30 Juin comme
ci-devant, les comptes de l'Agence religieuse,
faisant ainsi concorder les exercices de cette
dernière avec ceux de notre
Société. Le présent exercice
de l'Agence comprendra de ce fait dix-huit
mois.
2° Notre situation financière
favorable nous a permis a) d'allouer un subside de
200 fr. au « Comité pour
l'étude missionnaire » en vue de
la publication d'un petit opuscule illustré, Causeries sur le
Japon, destinées
à des enfants de 8 à 12 ans ; b)
de reprendre le projet de publier un
« Pain quotidien illustré pour
les enfants », nous avons lieu
d'espérer que ce petit volume pourra
être mis en vente à l'époque du
nouvel-an.
Au commencement de l'automne dernier, une
démarche provenant du Groupe de Jeunesse de
l'Eglise Libre de Lausanne, sollicitait de nous, en
faveur des moniteurs et monitrices de cette ville,
l'organisation d'une série de séances
sur des sujets de pédagogie enfantine. C'est
avec une joie bien naturelle que nous avons
répondu affirmativement à un voeu
aussi intéressant et, durant quatre dimanches des
mois de
Novembre
et de Décembre, à cinq heures de
l'après-midi, dans le local de l'Union
chrétienne des jeunes gens, sous ce titre
général : « Conseils
pratiques aux moniteurs et monitrices de nos
Écoles du dimanche », nous avons
fait donner par M. U. Briod, maître à
l'école d'application et par MM. les
pasteurs G. Meylan, A de Haller et Eug. Bridel, une
succession de quatre causeries sur les sujets
suivants : « Le caractère de
l'enfant, comment il aide le moniteur ».
« Le caractère de l'enfant,
comment il complique la tâche du
moniteur ». « La
préparation d'un sujet ».
« L'exposition d'un
sujet ».
Les moniteurs et monitrices de Lausanne ont
répondu en grand nombre à l'appel qui
leur était adressé : l'essai a
donc été encourageant et il est fort
probable que nous le renouvellerons.
Désirant que les Lausannois ne
fussent pas seuls à bénéficier
des travaux de nos conférenciers, nous avons
offert, par la voie de l'Éducation
Chrétienne, de faire
répéter ces causeries dans les
régions du canton qui pourraient le
souhaiter. Il nous est parvenu quelques demandes
à ce sujet, nous nous sommes
empressés d'y faire droit.
Notre plus important objet de
préoccupations, au cours du dernier
exercice, fut la mise sur pied, puis la diffusion,
de la dix-huitième édition de notre
« Recueil de cantiques » que
nous vous annoncions, en Septembre dernier, comme
prête à paraître quelques
semaines plus tard.
Cette édition, tirée à
20 000 exemplaires, fut remise par l'imprimeur
à notre Agence durant les premiers jours de
Novembre 1915. Nos écoles vaudoises
profitèrent largement de la faculté
qui leur était octroyée de pouvoir
échanger pendant trois mois, gratuitement et
sans aucun frais de port, contre
des exemplaires de cette édition nouvelle,
les recueils des 15e, 16e et 17e éditions,
dont elles feraient remise à notre Agence.
Durant ces trois mois uniques, où l'on
pouvait acheter « sans argent, sans rien
payer », suivant la formule biblique, nos
écoles se rendirent acquéreurs de
14343 exemplaires de notre recueil de
cantiques ; d'autre part, 4600 volumes
étaient vendus à des personnes ou
à des écoles qui ne jouissaient pas
des immunités accordées à nos
écoles vaudoises ; bref,
quatre-vingt-dix jours après le lancement
d'une édition de vingt milliers de recueils,
il ne restait plus que 1200 de ceux-ci sur les
rayons de l'Agence. Étourdissant
succès de librairie, dont le secret vous est
connu ; il tient tout entier dans ces trois
mots du poète latin : Date plenis
manibus : « Donnez à
pleines mains ».
Le coût de cette dix-huitième
édition s'est élevé à
10 000 fr., dont le paiement s'échelonnera
sur trois exercices.
À fin Mars 1916, notre solde
d'édition était descendu à 600
exemplaires ; encore quelques semaines et nos
rayons feraient voir leur sapin veuf de
volumes.
Il fallait, à toute force, se
remettre à imprimer et c'est ainsi qu'il y a
trois semaines, l'Agence ouvrait ses portes aux
arrivages d'une nouvelle édition - de 15000
exemplaires, cette fois - la dix-neuvième
édition, conforme en tous points à la
dix-huitième, moins les quelques rares
erreurs que contenait celle-ci et qui avaient
été corrigées par M. le
pasteur Daniel Meylan et par Mlle Esther Vionnet,
nos amis toujours secourables.
De ces quinze mille nouveaux volumes, cinq
mille ont déjà pris leur envol vers
les écoles du canton de Genève, de
Neuchâtel et du Jura bernois, aux
comités cantonaux desquelles nous avions
offert de remettre notre recueil au prix
coûtant, s'ils nous faisaient, dans un
délai déterminé, une commande
globale pour les écoles de leur ressort.
Nous désirions, par ce moyen, faire
un geste de cordialité et de reconnaissance,
à l'adresse de nos bons amis des cantons
voisins qui sont, depuis nombre d'années,
les fidèles clients de notre
Société ; nous désirions
aussi chercher à établir un lien de
plus, entre les écoles du dimanche du pays
romand, par l'introduction dans toutes ces
écoles du même recueil de cantiques.
« Les coeurs sont bien près de
s'entendre, quand les voix ont
fraternisé », a dit le vieux
chansonnier. Avec nos frères romands
l'entente des coeurs était
déjà dès longtemps
réalisée, il ne nous manquait plus
que la fraternisation des voix : elle est
aujourd'hui un fait consommé.
L'expédition des nombreux milliers de
recueils dont nous venons de vous entretenir, a
procuré - vous le croirez sans peine - un
surcroît considérable de travail
à notre dévoué agent, M. Henri
Baud. Il y a fait face avec une ardeur, une
exactitude et une bonne grâce, pour
lesquelles nous tenons à lui exprimer ici
nos meilleurs remerciements. Des remerciements sont
mérités aussi par Mme Baud, qui a
remplacé avec intelligence son mari durant
les trois mois de mobilisation de celui-ci au cours
de l'été et par notre excellente
employée, Mme Morville, qui a
célébré, au mois de Juillet,
l'anniversaire de ses vingt ans d'activité
dans notre Agence. Vous nous approuverez
unanimement de n'avoir pas laissé passer
cette date, sans marquer à notre
fidèle collaboratrice, par l'envoi d'une
adresse et d'une gratification, la reconnaissance
que nous inspiraient ses longs et bons
services.
Nous avons fini de vous mettre au courant
des faits et gestes de notre Comité durant
l'année dernière. Mais il nous semble
que nous ne pouvons nous arrêter sans vous
avoir fait entendre quelques mots d'une nature
moins administrative.
Il est utile d'esquisser, comme nous venons
de le faire, l'histoire du passé ;
jamais l'homme sérieux, jamais le
chrétien, ne se livre à une revue
semblable du temps écoulé, sans qu'il
en ressorte pour lui de nombreuses et salutaires
leçons. Seulement, il n'y a pas que le
passé ; il y a aussi le présent,
il y a l'avenir, qui demandent à être
considérés d'un regard viril, avec
une âme résolue et un coeur
confiant.
Comment nous apparaissent à cette
époque tragique de l'histoire du monde, et
le présent, et l'avenir ?
Aujourd'hui, c'est l'heure des
ébranlements et des ruines, l'heure
où dans tous les domaines - politiques,
sociaux, religieux - nous voyons se fissurer et
menacer de s'effondrer les assises, que nous avions
considérées jusqu'ici comme les plus
solides ; aujourd'hui, c'est l'heure où
tous les éléments constitutifs de
l'humanité nous apparaissent comme en
fusion ; l'heure où, sur la route que
suit le flot humain, se dressent, à chaque
contour, des questions dont la gravité, dont
la solennité, revêtent un aspect
singulièrement troublant.
Et demain ? Demain, c'est le temps
où il faudra, à tout prix,
reconstruire sur les ruines actuelles ; le
temps où, du creuset en ébullition,
il faudra savoir extraire quelque chose de
bon ; le temps où nous devrons donner
une solution bienfaisante aux problèmes qui
se posent aujourd'hui.
Pour cette tâche gigantesque, il faut
une génération d'une trempe morale
toute particulière, des hommes et des femmes
fermement gagnés à cet
Évangile du Christ, que nous savons
être le seul principe vraiment
régénérateur des
Sociétés comme des individus.
Moniteurs et monitrices de nos écoles
du dimanche, vous êtes personnellement
responsables - pour votre large part - de ce que
sera, dans notre cher canton de Vaud, cette génération
destinée
aux grandes tâches qui
s'imposent. Si vous voulez ne pas faillir à
votre mission, si vous voulez être mis
à la hauteur des exigences actuelles, ne
vous contentez pas de posséder un peu de
bonne volonté, un peu de zèle, un peu
d'amour, un peu de foi - allez puiser largement
à la source des forces éternelles et
triomphantes, renouvelez votre consécration
personnelle au service de Dieu, à la cause
de l'Évangile de Christ, haussez vos coeurs,
ceignez vos reins pour la bataille, et, sans
faiblir, fixez vos regards sur Jésus, le
chef et le consommateur de la foi.
Le rapporteur, EUG. BRIDEL, pasteur.
Ce rapport a été adopté par le Comité dans sa séance du 14 septembre 1916.
L'exercice 1915 boucle par un déficit de
3396 fr. 30, diminuant d'autant l'avoir de la
Société qui s'élève
ainsi au 31 décembre 1915 à 36 217
fr. 42, représentés, ainsi qu'il est
dit au Bilan.
Le compte des diverses publications n'offre
pas de mouvements sensibles. Nous attirons
toutefois l'attention des moniteurs et monitrices
sur l'édition des Glanures et celle du
Berceau du Sauveur dont il reste un certain stock
et que nous recommandons à ceux qui n'en
possèdent pas encore d'exemplaires.
Le Messager toujours en faveur,
solde
par un bénéfice de 4899 fr. 35, qui
permet d'amortir le déficit
présenté par l'Education
Chrétienne, lequel du reste s'explique par
le rabais consenti sur le prix de l'abonnement de
cette publication qui, sans ce motif, comblerait
facilement ses frais.
Les frais généraux accusent
une augmentation de 241 fr. 68.
Ils seraient en diminution sur l'exercice
précédent, si le Comité,
ému par les circonstances actuelles, n'avait
alloué un don de 200 fr. pour les enfants
des internés français
rapatriés à travers la Suisse et un
autre de 500 fr. en faveur de l'Orphelinat d'Uccle
en Belgique.
Malgré ces dépenses
humanitaires, le compte de «Frais
généraux » reste en diminution
sur les années précédentes
Le compte de Profits et Pertes a dû
supporter les frais d'échange gratuit de la
nouvelle édition de cantiques. C'est une
somme d'au moins 8000 francs que nous avons pris
à charge et dont déjà 5072
francs sont payés sur l'exercice
courant.
En suite des arrangements intervenus avec
nos imprimeurs qui ont bien voulu consentir
à un échelonnement de paiement, cette
dépense se répartira partie sur 1915
et partie sur 1916 et 1917. Nous sommes heureux de
cette facilité qui nous permet
d'éviter la réalisation en ce moment
de valeurs de notre portefeuille qui, quoique
excellentes et de tout repos, subissent une
dépréciation de cours qui aurait
entraîné une perte sensible en les
négociant.
Ces valeurs reprendront leur cours normal
à l'issue des hostilités.
Elles figurent à notre Bilan avec une
moins-value de 730 fr. entre leur estimation au 31
décembre 1914 et celle au 31 décembre
1915.
Le caissier, E. KRAYENBÜHL, notaire.
On ne manquera pas d'objecter qu'il est pour le
moins téméraire de fixer un point si
important en se basant sur une péricope
empruntée à un chapitre qui, de
l'avis de tous les théologiens, est
postérieur à la rédaction de
la composition primitive, et que, par
conséquent, l'entretien de Jésus avec
Pierre est sujet à caution. Il eût
mieux valu chercher une base plus sûre qui
permît de construire sur elle un
édifice inébranlable. À cela
nous répondrons que nous sommes loin de
figurer au nombre des adorateurs de la lettre et
que, la parole de Jésus à Pierre
n'eût-elle pas été
prononcée, il aurait fallu l'inventer. Elle
est le miroir de Christ lui-même et de tous
ses efforts vis-à-vis de ses disciples, elle
est le résumé admirable de son
attitude constante à l'égard des
siens. Dans toutes les circonstances de sa vie, il
a cherché à
s'attacher la personne de ses disciples ; s'il
leur a donné l'ordre de le suivre, c'est
afin qu'ils voient et qu'en voyant, ils parviennent
à aimer leur Maître ; s'il leur a
laissé une tâche écrasante,
c'est parce que lui savait qu'il pouvait compter
sur leur amour. Et puis, comment mieux
résumer la vie du Christ que par ce mot
unique : amour ? Ses pensées et
ses actes sont pénétrés de
l'amour le plus saint qui se puisse imaginer ;
je dirais volontiers qu'ils ne valent que par
l'amour dont ils sont les
révélateurs. Si le Christ a cru
à la puissance de l'amour au point de lui
conformer toute son existence, il serait vraiment
étrange qu'il demandât à ses
représentants une autre vertu. Il leur a
laissé l'exemple de l'amour afin qu'ils
soient des propriétaires et aussi des
semeurs de l'amour. M'aimes-tu ? voilà
où Christ a voulu amener ses disciples de
jadis et ceux de tous les temps, et j'ajoute
l'amour pour le Christ doit être le but
à poursuivre par nous quand nous nous
occupons d'enseignement chrétien et de
formation de vies chrétiennes.
Mais encore, ne convient-il pas que nous
nous arrêtions un instant au moins sur cet
amour pour le Christ que nos efforts doivent faire
naître chez nos enfants ? Certes, nous
savons tous que qui dit amour, surtout pour ce qui
concerne nos rapports avec notre Sauveur, dit oubli
de soi-même, don complet de sa personne,
offrande de tout ce qu'on a et de tout ce qu'on
est. Mais tous nous avons expérimenté
que si un tel amour se rencontre chez quelques
adultes, il est rare de trouver un seul de nos
élèves parvenu à ce sommet. En
seize ans de ministère, nous n'avons pas su
voir un seul représentant de notre jeunesse
animé d'un sentiment aussi profond, De ce
déficit, nous n'accusons que
nous-mêmes et nos trop nombreuses faiblesses
mais aussi l'amour si exigeant qui nous est
réclamé. Mais ce n'est pas parce que
l'idéal nous paraît trop
élevé que nous allons le diminuer en le taillant à
la hauteur de nos enfants ; nous cherchons
simplement à nous rendre compte de quoi se
compose cette consécration de l'être
entier au Christ et quelles sont les parties
constitutives de l'amour érigé en fin
suprême. Pour que l'enfant parvienne à
se donner à une chose ou à une
personne et à devenir le partisan d'un
projet ou d'un individu, il faut en premier lieu
que sa faculté d'admiration soit mise
en mouvement. Doué d'une imagination souvent
extravagante, il sait s'intéresser à
autre chose qu'à ses jeux.
Si le monde de la nature n'est pas pour lui
un livre hermétiquement clos, celui de
l'humanité le captive au point de
l'enchanter ou de le faire pleurer. Voyageuse et
vagabonde, s'attachant souvent à des
détails sans importance, mais aussi à
des choses qui en valent la peine, son admiration
doit nous être un adjuvant
précieux ; il nous revient la
tâche de la canaliser en vue des choses de
Dieu. Et certes nous avons un
« Admirable » à lui
présenter, admirable dans sa jeunesse, dans
son âge mûr comme dans ses oeuvres et
son enseignement, admirable dans toute sa
personnalité transcendante aussi bien que
dans sa vie. Faire admirer à l'enfant cet
autre lui-même qu'est Jésus
couché dans la crèche, sorti de ce
qui n'a ni apparence ni éclat pour parvenir
à la domination de la terre et des cieux,
faire admirer cet être sans tache, aussi
héroïque que soumis, aussi
obéissant que révolté, aussi
doux que violent, ce ne sera point pour nous peine
perdue. Quand nous aurons réussi par notre
exposé à sortir nos
élèves de cette espèce
d'engourdissement intellectuel ou moral dont nous
les voyons trop fréquemment comme
accablés ; quand, au fond de leurs
prunelles, luira cette clarté que nous
connaissons bien, clarté
révélatrice d'un intérêt
qui se produit dans l'âme, et que nous
sentirons ces jeunes vies touchées, puis
prises par la beauté ou la grandeur de celui
dont nous leur parlons,
disons-nous que nous avons réussi à
déclencher le déclic de l'amour. Ce
ne sera qu'une impression, direz-vous,
peut-être ; mais je crois que cette
impression peut être comparée à
celle produite sur une plaque photographique par la
lumière du jour. Il restera quelque chose de
cette ouverture de l'âme à celui qui
s'appelait la lumière du monde.
Ah ! je n'oublie pas que l'admiration
n'est pas l'amour. J'admire la force colossale de
l'empire germanique, mais je n'ai pas encore
réussi à fléchir les genoux
devant elle ; que Dieu me préserve
à jamais d'une semblable courbette !
N'est-il pas indispensable que l'admiration
éveillée entraîne avec elle la
conscience, et que, de une façon plus ou
moins nette, sortent les jugements de valeur ?
Admirer et rester en contemplation devant le
Christ, devant la croix par exemple, nous savons
bien ce que pareille attitude peut provoquer
d'apaisement, de joie, de contrition salutaire, de
relèvement inespéré. Des
hommes faits ont trouvé dans un égard
vers le Christ le changement moral que le monde
estimait impossible. Et ce n'est pas nous qui
blâmerions celui qui se contenterait de
présenter le Christ tel qu'il est, certain
d'avance que ce mort vivant saura lui-même
éveiller pour lui l'amour dont nous nous
occupons. Notre culte raisonneur et ergoteur,
donnant trop de place à la parole humaine,
ne pourrait que gagner à faciliter les
moments de tête à tête avec le
Sauveur du monde. Il nous sera cependant permis de
nous demander pourquoi l'admiration pour le Christ
fait naître plus souvent qu'on ne l'imagine
l'amour pour sa personne et pour son oeuvre. Ne
serait-ce pas que l'on n'admire jamais le Christ
comme on contemple un paysage ou un
spectacle ? Il y a en notre Roi tant de
puissance morale, de souveraineté religieuse
que, nous qui sommes venus pour voir, nous nous
trouvons en face de quelqu'un qui nous regarde et
dont toute la vie nous entraîne dans les
profondeurs de notre être pour nous y faire
découvrir qui nous sommes et nous apprendre
à nous mieux connaître. L'admiration
pour Christ doit mettre en branle notre conduite,
et par là j'entends nos grandeurs et nos
bassesses, nos turpitudes et nos
dévouements, notre égoïsme et
notre amour, le bien que nous faisons et le mal que
nous accomplissons ; et c'est parce que le
Christ remet de l'ordre dans ce chaos, parce qu'il
condamne ce qui doit disparaître et
ressuscite ce qui doit vivre, que de l'admiration
qui nous a poussés vers lui, nous passons
à un stade supérieur, celui de la
reconnaissance. Pour nos enfants, ce travail
que le Christ opère sur les consciences est
à l'état embryonnaire. Ils le
soupçonnent plus qu'ils ne le ressentent,
non certes que l'enfant n'entende rien à ce
qui est juste et injuste, bon et méchant,
bien au contraire ; mais pour lui
l'expérience de cette action salutaire du
Christ sur sa vie morale est difficile à
saisir ; aussi n'ayant pas le fait, il a de la
peine à éprouver le sentiment de
reconnaissance qui en découle naturellement.
Ne perdons pas courage pour cela ; le
jardinier soignant un jeune arbre n'attend pas du
fruit dès le début, il se contente de
prodiguer les ressources de son art de
manière à ce qu'un jour il
goûte le fruit. À nous de passer avec
nos élèves de l'admiration pour le
Christ à la reconnaissance pour l'oeuvre de
purification qu'il poursuit en toute âme.
(À suivre.)
EDM. B.
1 Nous donnons ces deux petits faits divers à titre de curiosité, non comme exemple à imiter. (Réd.)
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