Cantiques N° 15 et 59.
Il est profondément regrettable que
les livres des « petits
prophètes » soient au nombre de
ceux de la Bible qu'on lit le moins ; c'est
à peine si l'on accorde parfois une
pensée accompagnée d'un sourire
à la baleine de Jonas ;... les
autres ? - néant. Il vaut la peine de
les regarder de près. Souvent, on parle
à nos enfants des hauts faits des grands
d'ici-bas, rois ou prophètes, et nos enfants
peuvent se dire qu'ils ne seront jamais ni l'un ni
l'autre. Voici un homme, Amos, qui va les
intéresser ; c'est un berger, un simple
berger, mais un croyant convaincu, un homme
énergique dans sa simplicité. Nos
enfants aiment l'histoire du brave Guillaume Tell
qui refusa de saluer le chapeau du tyran Gessler...
aimeraient-ils moins l'histoire, - parfaitement
authentique celle-là, - de ce berger de
Tekoa qui va se mesurer, poussé par sa
conscience, avec les grands d'ici-bas, Amatsia le
grand prêtre, et Jéroboam II le roi
d'Israël ?
Nous ne manquons pas de gens qui donnent des
conseils de sagesse, qui disent avec une angoisse
réelle : ciel ! où
allons-nous ? et qui déplorent les
égarements de leurs concitoyens. Mais nous
manquons d'individualités fermes et fortes,
au service de Dieu, pour chercher avec courage
à arrêter le mal ; nous manquons
d'humbles prophètes comme Amos, à
l'âme pénétrée de la justice de Dieu, de l'amour du
Christ, et du péché de
l'humanité.
I. Une fête. - C'est à
Béthel, sur les confins de Benjamin et
d'Ephraïm, au centre du pays (voir Gen.
28: 19 ; Os.
12 :
5) ; pour les
fidèles, cette localité ne passait
pas pour jouir d'une bonne réputation. Peu
après le schisme, Jéroboam y avait
établi un veau d'or et un haut lieu (1
Rois 12 : 29). Il avait
habité un vieux faux prophète qui
réussit à dérouter un homme de
Dieu
(1 Rois
13 : 11 sq.) ;
des
enfants y insultèrent le prophète
Élisée
(2
Rois 2 : 23) et c'est un
habitant de Béthel, Hiel, qui eut l'audace
de rebâtir Jéricho (1 Rois 16: 34). Au
temps d'Amos, c'est-à-dire sous le
règne du roi Jéroboam Il (783-743),
le pays était en pleine
prospérité matérielle ;
les armées du roi d'Israël avaient
battu celles du roi de Damas et
singulièrement agrandi leurs
frontières. Les récoltes avaient
été bonnes, et
« assuré de l'appui de Dieu, le
peuple multipliait en son honneur les sacrifices et
les fêtes ! »
Il ne sera pas difficile de dépeindre
à nos enfants une de ces fêtes ;
d'abord, en grande pompe, le culte,
accompagné de très nombreux
sacrifices, dont la chair sert aux dîners de
réjouissance de la foule ; on mange, on
boit, on s'amuse, on danse, et la
cérémonie
dégénère en orgie ; et
cela dure plusieurs jours ; et le grand
prêtre Amatsia pontifie au milieu de toutes
ces débauches, il ferme les yeux ; il
peut avoir dit - « Arrière les
rigoristes, les pharisiens maussades !
N'est-ce pas une belle fête ? On a
égorgé tant de milliers de
têtes de bétail en l'honneur de
l'Éternel. Après cela, il faut bien
que le peuple jouisse et s'amuse. » Le
roi Jéroboam Il ne semble pas avoir
participé à la fête ; les
majestés n'aiment que médiocrement
les réjouissances populaires.
Doit-on désapprouver les
réjouissances populaires ? Certes pas.
Il en est qui laissent des souvenirs excellents et
très bienfaisants. Certaines
cérémonies religieuses et
patriotiques font du bien à tous ceux qui y
prennent part. Trois choses gâtent les
fêtes : leur fréquence, leur
durée et leur fin. Ce n'est pas l'usage,
mais l'abus qu'il faut condamner, et ce n'est pas
quand le peuple s'amuse le plus qu'il travaille le
mieux... et surtout qu'il prie ; il n'est
personne qui n'en ait fait l'expérience.
Il. Un trouble-fête. - Depuis
quelque temps, on parlait à Samarie d'un
étranger venu de Juda, qui entreprenait une
croisade contre les
moeurs
et les réjouissances d'Israël ; au
premier moment, personne n'y prit garde. Sa voix
austère se perdait an milieu des cris et des
danses. De Samarie, où on ne l'écoute
pas, n'a-t-il pas le courage, - d'autres diraient
le toupet, -. de se rendre à Béthel,
en pleine cérémonie, et de dire au
grand prêtre, bien en face, et devant
tous : le pays est perdu ; la dynastie
royale est condamnée, et, en exil
même, les survivants tomberont sous le
glaive ?
Était-ce un fou ? un audacieux,
un anarchiste ? Non, un prophète de
l'Éternel. Rien de la majesté d'Elie
entrant en souverain dans le palais d'Achab,
l'accostant dans ses jardins de Jizréel ou
haranguant le peuple réuni sur le Carmel. Un
simple berger. « Je ne suis ni
prophète, ni fils de prophète, je
suis berger et je fais la cueillette des figues du
sycomore. Mais Dieu m'a pris derrière mes
brebis et m'a dit : Va, prophétise
contre mon peuple d'Israël »
(chap.
7 : 10 sq.). Si le
message d'Amos a été court, il n'en
suppose pas moins une longue préparation
morale, car le prophète a beaucoup
prié pour son peuple afin que
l'Éternel l'épargne
(chap.
4 : 6-11) ce message a
été surtout terrible, car il faisait
entendre cet arrêt de Dieu :
« Je ne pardonnerai plus »
(chap.
7: 1-9). L'heure de la justice
a sonné.
Amatsia, le grand prêtre, en entendant
les paroles d'Amos, aurait voulu le
pulvériser ; il se contenta de le
traiter avec mépris, de le renvoyer à
ses troupeaux, à son pays, dans des termes
qui excluent toute charité. Amos peut
retourner chez lui, reprendre sa vie de berger,
dans sa bourgade de Tekoa (deux lieues au sud de
Bethléem) ; son oeuvre est
terminée ; lui-même ne verra
peut-être pas la réalisation des
menaces qu'il vient de prononcer, pas plus que le
Seigneur Jésus n'a vu de cette terre la
ruine de Jérusalem qu'il avait
annoncée
(Mat.
24 : 2).
III. Les raisons d'Amos. - On peut
bien
penser qu'il en avait de sérieuses pour
intervenir d'une façon aussi intempestive et
sévère. Il n'y a rien chez lui de ce
mécontentement, fait d'aigreur et de
dépit, qui provoque des reproches amers et souvent
immérités ; Amos n'est pas de
ceux qui déversent leur bile sur des gens
qui pensent ou prient autrement que lui. Pour que
le prophète en vienne à quitter son
troupeau et s'expose aux pires châtiments
pour son audace, il faut que ce soit par ordre d'en
haut, et non d'après sa propre opinion. Les
raisons du berger de Tekoa n'auraient-elles plus
leur même valeur aujourd'hui ?
Pour Amos, Dieu est le Dieu de la justice,
et les enfants d'Israël pratiquent
l'injustice ; grisés par leurs
succès, « ils s'est
constitué chez eux deux classes violemment
tranchées, les riches et les
pauvres » ; les riches rendaient la
justice en faveur du plus offrant et
« tenaient » les pauvres, soit
par des prêts d'argent, soit, après le
prêt, par la menace d'une vente des biens et
des personnes. Et Amos veut être un
réformateur social, et restaurer la bonne
vieille vie patriarcale en train de
disparaître. Il en veut aussi au culte que le
peuple offre à son Dieu ; ce ne sont
pas les sacrifices nombreux et les fêtes
religieuses qui assurent aux fidèles les
faveurs de leur Dieu. Dieu hait ces fêtes, il
ne sait que faire des sacrifices ; ce n'est
pas à Béthel qu'il faut venir, mais
à l'Éternel qu'il faut revenir ;
avant tout le bien, la justice. - N'est-ce pas,
bien plus tard, la parole de Jésus :
« D'abord, cherchez le royaume de Dieu et
sa justice ?... »
(Mat.
6 : 33.) - Amos s'est
longuement préparé par la
réflexion, par la prière - quand il a
senti que la coupe débordait, il est venu,
il a parlé, de la part de son Dieu, avec
énergie et conviction. Et si son message a
retenti approximativement au milieu du
huitième siècle avant
Jésus-Christ, en 721, le royaume
d'Israël avait cessé de vivre.
Applications. - L'état moral
d'un peuple et sa prospérité
matérielle sont souvent aux antipodes l'un
de l'autre. En 1914, l'Europe était en
pleine prospérité
matérielle ; et maintenant ?
Il doit y avoir opposition constante entre
la conscience chrétienne qui demande toujours mieux, et le
désir de
jouissance des hommes qui demande toujours
plus.
Nous n'avons que faire de censeurs moroses,
mais nous avons besoin d'hommes de courage et de
foi qui sachent s'opposer aux
excès, aux dérèglements du
peuple, même si ceux-ci sont
décorés de beaux noms et
encouragés par des chefs.
Ce que Dieu nous demande, ce ne sont pas des
sacrifices qui rapportent (jouissances de repas),
mais des sacrifices qui coûtent, le don de
notre coeur.
Avant tout, c'est à Dieu que nous
devons obéir, et non pas aux hommes ;
le chrétien n'a pas à suivre le
courant, mais à le remonter, et il le
fera dans la mesure où il aimera son Dieu
pour servir son pays.
Enfin et surtout, du courage moral, et
maintenant plus que jamais.
M.
Récapituler
leçon du 1er
octobre. - Il y eut beaucoup d'autres
prophètes après Elie et
Élisée. L'un d'eux fut Amos,
qui vivait au milieu des
méchants.
(Amos 5: 1 à 7, 21 à 27 ; 7: 7 à 15 ; comparer 2 Rois 14 : 23 à 29.)
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