La réunion annuelle a eu lieu aux
Croisettes, le 25 juillet.
Malgré le « temps orageux
et menaçant, presque toutes les
écoles du district étaient
représentées, quelques-unes par un
nombre considérable de monitrices et
moniteurs.
Le joli temple des Croisettes, si
heureusement restauré et accueillant, se
trouve rempli, les escaliers de la chaire et de la
galerie doivent servir de sièges, quelques
retardataires en sont réduits à
occuper les fenêtres, en dehors.
C'est M. J. Siordet, de St-Paul, qui ouvre
la réunion en méditant la
bénédiction de Dieu à
Abraham : Toutes les familles de la terre
seront bénies en toi et en la
postérité. Le moniteur, la monitrice,
l'enfant, intermédiaires à leur tour
de la bénédiction de Dieu pour ceux
qui les entourent. telle est la pensée que
M. Siordet a admirablement
développée.
C'est une méditation qu'il y aurait
grand intérêt à communiquer
à un plus grand nombre, bien que la lecture
ne puisse pas reproduire l'action personnelle du
sympathique orateur.
M, Duvoisin, président, a
salué les délégués,
remercié d'avance nos hôtes des
Croisettes, et rappelé la tâche qui
attend les Lausannois en septembre, quand il faudra
organiser la fête cantonale.
Le travail incombait à M. le pasteur
Besançon, de Lutry : Vers la cime ou
comment apprendre aux enfants à aimer le
Seigneur. Partant du chapitre XXI de saint Jean, M.
Besançon constate les difficultés de
cette tâche. Pour atteindre le but il s'agit
moins de choisir une méthode que d'aimer
soi-même. Nous chercherions en vain à
résumer cette étude
particulièrement riche et soignée
dans sa forme. C'est quelque chose qu'il faut
relire et méditer, et nous espérons
que M. Besançon voudra bien donner son
travail au rédacteur de l'Éducation
chrétienne.
La réunion s'est terminée sur
la terrasse du temple, en face d'un panorama
magnifique, qu'un soleil inattendu venait
illuminer. Nos hôtes des Croisettes y ont
offert une collation. Après des chants et
quelques paroles fraternelles, les groupes se
dispersent, aiguillonnés par la menace de
l'orage qui revient. Ils. emportent tous le
meilleur souvenir de cette assemblée si bien
préparée et si bien remplie ;
ils en expriment toute leur reconnaissance au
Comité et à la paroisse des
Croisettes.
G. -F. M.
Morges.
Le dimanche 25 juin, à 2 h. 30, les amis
des Écoles du dimanche du district de Morges
ont eu leur assemblée annuelle dans le
temple de Bussigny orné, avec goût de
verdure et de fleurs.
M. le pasteur Baumann (Crissier),
après quelques paroles de bienvenue, a
prononcé une prédication sur Jean 7:
38 : « Celui qui croit en moi, des
fleuves d'eau vive couleront de lui. » -
Les chrétiens vrais sont comme ces bisses du
Valais qui vont chercher l'eau
sur les monts, au pied des glaciers, irriguent
toutes les pentes arides des vallées et font
que tout est vert, plantureux et fertile. Chaque
lopin de terre en a sa part. Sans les bisses, tout
serait bridé. Des coeurs chrétiens
jaillissent des sources de vie. Nous l'avons
constaté plus d'une fois en présence
de personnes qui vivaient de la vie de Christ.
Elles produisaient sur nous une impression
bénie. Leur serrement de main, une parole de
leur bouche, leur manière d'être et
d'agir, tout de leur part nous encourageait, nous
réconfortait. Ces sources de vie ne montent
pas des profondeurs du coeur naturel. Cela vient
d'en haut. Le monde ne s'y trompe pas. Combien de
telles personnes, pères ou mères,
moniteurs ou monitrices, sont nécessaires
à notre jeunesse, à laquelle nous
laisserons un héritage si redoutable.
D'une manière particulière,
nous sommes appelés, moniteurs et
monitrices, à jouer le rôle de sources
d'eau vive. Il peut nous en coûter. Nous
pouvons dire - Je n'ai pas de talent, je ne veux
rien. Le Seigneur cherche justement des riens, des
faibles pour confondre les forts. Voyez ce que Dieu
peut faire des riens : Jésus,
près de Sichem, s'est adressé
à une femme, et quelle femme ! Elle en
est venue à rendre son témoignage, et
ceux de Sichem ont entendu Jésus et ont
cru.
Mais, si Dieu est si disposé à
faire découler de nous des sources vives.
comment se fait-il que nous soyons si secs ?
Parfois les canaux des bisses s'obstruent. L'eau
cesse de couler. Si nos coeurs manquent de l'eau
vive, il y a obstruction. On prie peut-être.
On répète : Que ton règne
vienne. On voudrait amener les enfants à
Christ. Mais il y a un péché Qui
entrave l'action divine. Dieu ne peut nous donner
sa bénédiction. Que nos coeurs soient
sincères. Les forces divines agiront. On se
sert des ruisseaux d'eau qui descendent des monts
pour produire des forces de mouvement et de
lumière. Qu'elles sont puissantes parfois !
Voyez les projecteurs des phares et des navires. Eh
bien ! que ces forces agissent en nous,
lumineuses, actives ! Que les sacrifices
nécessaires se consomment. Ce sera une vie
nouvelle et la bénédiction dans notre
oeuvre.
Après cette allocution si suggestive,
M. le professeur Briod a donné, sa
conférence sur ce sujet :
« Comment le caractère de l'enfant
aide le moniteur. » Nous aimerions glaner
bien des pensées dans ce travail que
l'auteur de ces lignes entendait pour la
deuxième fois avec un plaisir plus grand
encore. En voici deux ou
trois : Aucun enfant n'est indifférent
en présence d'un acte religieux, parce qu'il
sent un monde supérieur qui l'attire. - Sa
conscience gronde, son coeur s'émeut. Par
conséquent, le moniteur peut agir. - Pour
l'enfant, ce qui fait plaisir est bien, ce qui
cause du déplaisir est mal. - L'enfant ne
souffre que de ce qui le fait souffrir
corporellement. - L'enfant est mobile, il aime le
changement ; il lui faut donc un enseignement
varié. - Il critique ; donc, il faut au
moniteur de la dignité, de l'enjouement, de
l'exactitude. - Soyons prêts ! ne soyons
pas longs !
M. Bovon (Morges), en l'absence de M.
Fleury, malade, a présidé à
l'église ; M. Leroy (Lussy)
préside sur la belle terrasse offerte par la
famille Subilia, où la séance se
termine tandis qu'on prend le thé
préparé et servi par les monitrices
de la paroisse. Le travail de M. Briod donne lieu
à un entretien auquel prennent part MM.
Bonnard (Ecublens), Pelichet (Morges), Leroy et
d'autres orateurs. M. Briod répond par
quelques explications. Puis, M. Contesse (La Tour)
apporte à l'assemblée quelques
indications sur les travaux du comité
cantonal. Il termine par des salutations et des
voeux. Comme le Comité régional est
à l'oeuvre depuis dix-huit ans, on le
renouvelle. Enfin, après la prière de
M. Milliet (Lonay), l'assemblée se dispersa,
heureuse des impressions reçues.
C.
Prangins.
Le dimanche 1 juin, à 2 h.
après-midi, soixante-dix moniteurs et
monitrices du district de Nyon se trouvent
réunis, pour leur assemblée annuelle,
dans la jolie église de Prangins aimablement
décorée, à leur intention, de
fleurs et de verdure. M. le pasteur Fernand
Subilia, de Burtigny, président, ouvre la
séance par une lecture biblique et une
prière. On expédie vivement les
choses administratives. Notre
trésorière, Mlle Eva Falconnier, nous
signale un sérieux déficit au
chapitre de notre protégé
l'évangéliste malgache, adopté
par les écoles de notre district. Un
entretien s'engage à ce sujet, et plusieurs
adressent à l'assemblée un chaleureux
appel à la libéralité
chrétienne. M. le missionnaire Delord, venu
tout exprès de Lausanne pour nous
encourager, nous rend attentifs à la
grandeur solennelle des temps où nous
vivons. « Partout, dit-il, les
circonstances réclament
l'héroïsme et le sacrifice. Ne nous
sentirons-nous pas émus à jalousie en songeant à
ces
contrées lointaines où se passent des
choses si émouvantes et où l'on voit
des noirs se réunir pour supplier Dieu de
bénir et de sauver la race blanche ?
Vous autres Suisses, vous faites beaucoup pour
l'évangélisation du monde et certes
nous ne l'oublions pas. Mais désormais c'est
le siècle de la Mission qui va commencer et
nous attendons de vous dix fois plus que par le
passé. » Ces paroles vibrantes
produisent une impression profonde.
Le Comité est réélu et
s'adjoint un nouveau membre en la personne de M.
Graber, de Nyon.
M. Jules Joseph pasteur à
Genève, a la parole pour développer
le sujet suivant : « Comment
préparer et donner les leçons
à l'École du
dimanche ? » Dans une causerie
captivante d'intérêt pleine d'entrain,
d'humour et de cordialité, M. Joseph nous a
fait part des trésors de sa vieille
expérience. Voici à grands traits la
charpente de son discours, La leçon
d'École du dimanche est un repas.
Assaisonnez ce repas et faites en quelque chose
d'alléchant. Préparer sa leçon
est bien. Se préparer soi-même est
encore mieux. C'est même la chose capitale
à laquelle il faut vouer tous ses soins sans
négliger l'autre. Lisez votre sujet à
l'avance, il se « tassera »
dans votre esprit et il s'accomplira en vous,
inconsciemment, un travail de concentration et tic
germination qui vous sera d'un précieux
secours. Ne faites ni une
« leçon », ni un
« sermon », mais
« quelque chose d'autre ». Ne
craignez pas d'avoir votre plan à vous,
celui qui vous aura plu et que vous aurez
consciencieusement mûri. Il s'agit dans nos
leçons de faire apprendre, comprendre et
prendre. Apprendre les versets bibliques,
Comprendre le sens des mots que nous employons et
le sens général de la leçon,
Prendre, saisir Jésus-Christ. Dans cette
dernière partie surtout, l'allocution de M.
Joseph a été pour nous une pure
jouissance du coeur et de l'esprit. Pour en arriver
à connaître à ce point le coeur
de l'enfant, il faut tâtonner longuement, il
faut surtout aimer l'enfant comme l'être le
plus sacré qu'il y ait au monde. C'est
là le mot d'ordre qui sert de conclusion
à ce remarquable travail.
Mais M. Joseph n'a pas fini de nous
intéresser. il nous fait encore la
démonstration d'une reproduction du temple
de Jérusalem, exécuté de ses
propres mains pendant les loisirs forcés
d'une maladie. Chacun suit ses explications avec le
plus grand profit.
M. le pasteur Montandon termine cette
première partie par la prière.
Répondant à l'aimable
invitation de M. Menzel, directeur, nous nous
retrouvons dans les salles du magnifique
château de Prangins où une collation
nous est offerte par les monitrices de Nyon. C'est
à ce moment que nous avons le plaisir
d'entendre M. Pache-Tanner, que le Comité
cantonal a bien voulu déléguer
à notre fête, Dans les termes les plus
heureux et de la façon la plus cordiale,
notre aimable visiteur nous apporte le salut
fraternel du comité qu'il représente
au milieu de nous. Il nous souhaite à tous
bon courage et certes son message seul suffirait
à nous en donner beaucoup, tant il sait y
mettre de chaleur communicative et de rayonnante
bonté.
Mais l'horaire des trains est un être
sans pitié et qui n'a de respect pour
personne. On finit donc par se disperser. Chacun
emportant dans son coeur un réconfortant
souvenir et une grande dette de reconnaissance
envers Celui dont nous ne saurions compter les
bienfaits.
R. P., pasteur.
accrues par
l'activité de leurs membres, en particulier
par un réseau d'écoles dites
« missionnaires », qui se
tenaient, soit le dimanche après-midi, soit
en semaine. Avec l'aide de jeunes gens ou jeunes
filles, tel chrétien zélé,
souvent une jeune demoiselle, réunissaient
dans quelque groupe de maisons
écarté, les enfants catholiques de la
localité, la plupart élevés
dans l'irréligion et créait une
école organisée sur le plan des
écoles du dimanche. Les parents s'y
intéressaient, demandaient à
être instruits, eux aussi, et plus tard
venaient au culte public, puis ils se joignaient
à l'Eglise, étant devenus des
protestants convaincus.
BIBLIOGRAPHIE
La Messagère du monde
païen. Journal pour la jeunesse et la
famille. - Prix : 1 franc par an.
Nous venons de recevoir le numéro de
juillet-août de cette excellente publication,
qui en est à sa 53e année. Dans 16
pages de papier écolier, il nous donne sept
articles intéressants relatifs aux missions,
des proverbes chinois, des énigmes
expliquées et 11 charmantes vignettes. Tout
abonné nouveau recevra gratuitement les
autres numéros déjà parus dans
l'année. S'adresser à M. E. Krieg,
pasteur, Grandval (Jura bernois).
L. N
Là où on se repose le plus, on
travaille mieux et surtout on produit davantage. On
a fait, maintes fois, cette constatation pour la
journée de neuf heures. Dans les pays
où les salaires sont le plus bas et les
journées de travail plus longues, les frais
de production sont le plus élevés.
Par contre, là où les salaires sont
le plus élevés et les journées
le plus courtes, les frais de production sont
moindres que dans les autres nations. Les pays qui
ont une courte journée de travail et
où le repos hebdomadaire est le mieux
observé, comme en Angleterre, où il
commence le samedi à midi, ont une
production plus intense.
L'historien Macaulay, dans un discours
resté fameux, parlait ainsi à propos
de la journée de dix heures :
« Je n'ai pas le moindre doute que, si
nous et nos ancêtres, durant ces trois
derniers siècles, eussions travaillé
le dimanche aussi fort que les autres jours, nous
fussions un peuple plus pauvre et moins
civilisé que nous ne sommes, que la
production eût été moindre
qu'elle n'a été, que les salaires
eussent été moins
élevés qu'ils ne le sont, et qu'une
autre nation fournirait maintenant le monde entier
de cotonnades, de lainages et de coutellerie......
L'homme, oui, l'homme est le grand instrument qui
produit la richesse...... De là vient que
nous ne sommes pas devenus plus pauvres, mais plus
riches, parce que pendant plusieurs siècles
nous nous sommes reposés un jour sur sept.
Ce jour n'est pas perdu.
Tandis que le travail est interrompu, que la
charrue repose dans le sillon, que la banque fait
relâche, que nulle fumée ne sort de la
fabrique, il se produit pour la richesse de la
nation une opération tout aussi importante
que n'importe quelle opération qui
s'accomplit les jours ouvrables : l'homme,
cette machine des machines, en comparaison de
laquelle toutes les inventions des Watts et des
Arkwrigth sont sans valeur, se rétablit et
se remonte de façon à pouvoir
retourner à son travail le lundi avec un
esprit plus clair, avec un sens plus vif, avec une
vigueur nouvelle. Jamais je ne croirai que ce qui
rend une population meilleure, plus forte, plus
saine, plus sage, puisse aboutir à son
appauvrissement..... Si jamais nous sommes
obligés d'abandonner la première
place parmi les peuples commerçants, nous ne
la céderons pas à une race de nains
dégénérés, mais
à un peuple supérieur par la vigueur
du corps et de l'esprit. »
Le repos hebdomadaire maintient non
seulement les individus, mais les peuples sains,
vigoureux, habiles et dispos, et permet à
leurs produits de soutenir victorieusement la
concurrence étrangère. Le travail
intense et continu appauvrit les masses populaires,
abrège leur vie, ruine leur énergie
et tarit leur bien-être.
« Diminuez la semaine d'un jour,
écrivait Proudhon, le travail est
insuffisant comparativement au repos :
augmentez-la de la même quantité, il
devient excessif. Établissez tous les trois
jours une demi-journée de relâche,
vous multipliez par le fractionnement la perte de
temps, et en scindant l'unité naturelle du
jour, vous brisez l'équilibre
numérique des choses. Accordez, au
contraire, quarante-huit heures de repos,
après douze jours consécutifs de
peine, vous tuez l'homme par l'inertie,
après l'avoir épuisé par la
fatigue. » De là l'avortement
fatal de la semaine révolutionnaire qui
établissait le décadi, un jour de
repos sur dix.
Le jour de repos est nécessaire dans
l'intérêt de la société
et surtout de la famille, pour que ce
jour-là les parents et les enfants,
dispersés et séparés la
semaine par le travail de l'usine, se trouvent
réunis au foyer familial et participent
ensemble aux mêmes distractions et aux
même joies.
Ce jour devrait toujours tomber sur le
dimanche, commémoration de la
résurrection de Christ qui a fondé
une humanité nouvelle, vrai jour de
résurrection pour l'âme, après
les durs labeurs de la semaine. Comme on l'a dit
avec infiniment d'à propos :
« le dimanche, l'homme peut rentrer en
lui-même pour se posséder et sortir de
lui-même pour se donner. »
De là la nécessité de
sanctifier le dimanche, appelé jour du
Seigneur, parce qu'il doit lui être
consacré tout entier. Les autres jours sont
employés aux choses de la terre,
celui-là est réservé aux
choses du ciel.
Tous ceux qui ont voulu accomplir de grandes
oeuvres s'y sont préparés dans la
retraite. Nous n'avons plus le temps de nous
recueillir, de là notre faiblesse et notre
inactivité. Le vrai repos se goûte
dans la paix, dans le culte, l'exercice de la
charité, dans les occupations qui ne peuvent
que rapprocher de Dieu notre esprit et notre
coeur.
Jésus nous explique le sens du
commandement dont nous avons étudié
les diverses applications, quand il nous dit que le
sabbat a été fait pour l'homme. Aussi
ne trouve-t-il pas répréhensible,
mais tout naturel, d'amener, ce jour-là, son
âne à l'abreuvoir ou de le retirer de
la fosse. Pour lui, il l'employait à adorer
Dieu et à soulager les misères
humaines.
« La semaine sans sabbat, a dit un
Père de l'Eglise, c'est un désert
sans hôtellerie. » Pour le
chrétien, l'hôtellerie est la maison de Dieu,
celle
que le
Christ appelait la maison du Père où
devraient se réunir tous ses enfants, pour
se mettre à l'abri, se reposer, se
réconforter, se faire du bien dans la
communion avec Dieu et avec leurs frères.
Pour un moment, nous pouvons nous croire affranchis
du labeur quotidien et en même temps de la
malédiction du péché
condamnant l'homme à travailler
« à la sueur de son
front ».
Le droit au repos est comme la revanche, la
rédemption de la loi du travail
résumée dans ces deux mots : Ora
et labora. Prie et travaille, et non pas qui
travaille prie. La célébration du
jour de prière sanctifie le travail de la
semaine et lui donne sa valeur réelle et
rédemptrice.
G. CHASTAND.
Sur le sentier qui mène vers la cime, le
voyageur est arrêté. Lassé de
la rude grimpée, le front ruisselant de
sueur, les épaules fatiguées par le
poids du sac, il a pris un caillou pour s'en faire
un siège et reprendre haleine. À ses
pieds la plaine, où les villages ne sont
plus que des points de grisaille sur la nappe
verte ; dans son esprit les mille
détails qui ont accompagné sa
course ; mais comme le sommet est
éloigné encore ! Point terminus
de son escapade, il le voit bien haut, profilant
dans l'azur sa pointe hardie et fière
surmontée de la croix connue de tout amateur
de nos Alpes, et voici que malgré la
distance qui l'en sépare, quelque chose
comme un appel lui vient de la hauteur. Il aurait
peine sans doute à exprimer en paroles
humaines la voix de la cime ; qu'importe
après tout, l'attirance le saisit, un besoin
de monter se précise et devient irrésistible ;
il
faut aller voir là-haut, plonger son regard
dans l'infini, ouvrir sa poitrine à l'air
pur et tonique, affirmer que l'homme n'est grand
que par les victoires qu'il remporte.
La fascination de la cime, cette
nécessité où nous sommes d'en
parler, de la contempler, d'en rassasier nos
imaginations et nos coeurs, n'est-ce pas, dans tous
les domaines de la vie, dans toutes les
activités de la guerre et de la paix, le
secret de la force humaine ? sans but
précis, le plus modeste ouvrier comme le
plus grand des mortels voit sa vie
décolorée et ses facultés
s'anémier ; donnez à ces deux
hommes un idéal même matériel,
excitez en eux le goût pour une oeuvre
quelconque, faites miroiter à leurs yeux les
avantages qui auréolent le but, et vous les
verrez se transformer, leur puissance d'action
ébranlée se mettra en route,
vigoureuse et conquérante, leur être
entier deviendra ressort toujours tendu. Ce besoin
de replacer devant soi la cime, nous le ressentons
à un vif degré, nous moniteurs,
monitrices, directeurs de nos écoles du
dimanche et de nos cultes pour la jeunesse. Il le
faut pour nous-mêmes, d'abord, qui n'avons
charge d'âmes que parce que nous avons une
âme, qui ne pouvons prétendre à
conduire que dans la mesure où nous savons
nous conduire.
Souvent la lassitude pour notre
activité nous vient de ce que nous ne
distinguons plus pourquoi nous travaillons. Nous
voyons bien les préparations auxquelles nous
avons assisté, les leçons que nous
avons données, nous comptons le nombre des
années qui nous ont trouvés à
notre poste d'éducateurs de notre jeunesse,
mais que de fois ne nous sommes-nous pas
demandé si notre labeur servait à
quelque chose ; en face de telle jeune fille,
de tel jeune homme qui semble ne rien retenir de la
nourriture spirituelle que nous lui distribuons, ou
qui, à peine sa première communion terminée,
jette par
dessus bord tout bagage religieux et même
moral, nous aurions envie de laisser à
d'autres le soin de venir brûler les ailes de
leur enthousiasme pour les Petits. Pour ma part, je
n'ai trouvé qu'un moyen de
persévérer malgré les
insuccès trop nombreux, c'est
d'écouter la voix d'en haut, celle qui vient
des hauteurs spirituelles, et comme le voyageur de
tout à l'heure, de laisser à la voix
de la cime le soin de produire le sursum
corda. - S'il est de saine pédagogie de
découvrir pour nous-mêmes
l'idéal voilé par les brumes et les
nuages d'en bas, il n'est pas moins urgent de le
laisser briller pour nos
élèves.
Pouvons-nous nous occuper des jeunes sans
nous poser cette question : Que leur veux-tu
avec tes prières, tes chants, tes
explications ? pourquoi dimanche après
dimanche leur répéter des choses
apprises à l'école primaire,
reprendre des récits que souvent ils
connaissent par coeur ? Soyez sans crainte,
nous ne voulons pas aborder le problème
récemment posé par M. le pasteur
Meylan, de Saint-Paul : l'École du
dimanche doit-elle être une école ou
un culte, une heure d'enseignement religieux ou
d'édification ? Ceci est une affaire de
méthode des plus intéressantes, car
elle revient à cette question à
laquelle nous toucherons tout à
l'heure : comment faire pour parvenir à
la cime ? Pour le moment, nous sommes
préoccupés de ceci : où
conduire les enfants qui nous sont
confiés ? que doivent-ils garder surtout de leur passage
dans les cultes
célébrés à leur
intention ? Au sortir de leur adolescence,
à l'heure où la vie les veut pour les
envelopper de tous les devoirs vrais ou factices,
bons ou mauvais, trouveront-ils en eux quelque
chose de grand, de puissant qui les tienne dans les
vertus chrétiennes et ne les abandonne
jamais, non pas même dans leurs chutes ou
leur déchéance ; et si c'est
bien là ce à quoi tendent nos
efforts, ensemencer notre patrie, notre terre de
consciences chrétiennes, quelle sera- t-elle cette
graine
capable de surmonter les intempéries, de
demeurer vivante malgré la froidure, de
pousser lentement mais sûrement ainsi que
grandit en nos sillons le blé d'or de
l'été ?
Lorsque, d'après le récit
contenu dans le chapitre 21 de l'évangile de
Jean, Jésus-Christ nous est
représenté rejoignant ses disciples
réunis au bord du lac de Tibériade,
il nous est dit que le Maître s'approcha de
l'apôtre Pierre et lui demanda :
« Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu,
m'aimes tu plus que ne m'aiment
ceux-ci ? » Certes c'est là
une circonstance spéciale, amenée par
le triple reniement de Pierre auquel Jésus
oppose sa triple question : m'aimes-tu ?
Le caractère du fils de Jonas, les
espérances que Jésus n'a cessé
de placer en cet homme audacieux jusqu'à la
témérité, la
nécessité où se trouvait le
Christ de remettre son oeuvre en des mains
sûres, expliquent la grandeur et la
beauté de cette scène inoubliable.
Mais nous élargissons es cadres de cet
épisode et nous discernons dans la question
posée à Pierre, la cime que nous
cherchons, le point où il voulait amener son
disciple avant d'en faire un apôtre, un
témoin puissant en oeuvres et en paroles.
Nous n'avons plus ici en effet le Christ vivant
dans sa chair, mais le Christ glorieux, le Christ
qui, avant de quitter définitivement notre
monde limité par l'espace et le temps, veut
laisser aux siens, avec la certitude de son
triomphe, celle non moins indispensable de son
amour impérissable pour eux. Pour les siens,
il a parlé, ouvrant largement son coeur,
afin que chacun de ses intimes y puise à
satiété ; il a laissé
déchiffrer ce qu'il voulait pour tous ;
son but, le salut des brebis perdues de la maison
d'Israël, puis la délivrance des
gentils, il ne l'a caché à
personne ; les moyens de réaliser cette
oeuvre gigantesque, il les a consacrés
devant ses disciples par une offrande chaque jour
renouvelée de sa vie au service de ses frères, par
une
soumission totale à la volonté de son
Père céleste.
Pour les siens, Jésus a
accepté souffrance, mépris, injure,
puis solennellement, dans le dernier repas pris
avec eux, il rompit le pain en disant :
« Ceci est mon corps qui est rompu pour
vous ; » il but de la coupe, la
passa à ses amis en disant :
« Ceci est mon sang qui est versé
pour vous. » Puis les douze, de loin, ont
assisté au drame du Calvaire ; Jean
leur aura raconté la façon dont le
Maître fut bafoué, comment cette vie
pour laquelle ils avaient tout quitté fut
immolée et surtout ce même amour
qu'ils connaissaient bien atteignant son
achèvement sur la croix d'infamie et
d'injustice. Tout cela et tant d'autres choses que
nous ignorons, Pierre les a vues puisque
c'était pour lui que s'était
déroulée la vie publique de
Jésus de Nazareth. Mais aussi, avec
d'autres, devant le tombeau vide, il a cru ;
les affirmations du Christ : dans trois jours
je ressusciterai, je reviendrai à vous, je
ne vous laisserai pas seuls, se sont
plantées en son âme au matin de
Pâques avec une telle force que rien ne
pourra plus jamais le faire douter de la
réalité de la vie de son Seigneur.
Maintenant, que lui reste-t-il de tout cela ?
ou mieux, qu'est-ce que Jésus entend qui
subsiste de lui dans l'âme de son
disciple ? un souvenir peut-être, une
possibilité de retracer cette existence
unique dans ses grands traits ou ses infimes
détails ? plus que cela ; une
admiration sans bornes pour ce prodige d'un
être resté saint sur une terre de
souillures, d'un homme en qui Dieu avait mis toute
son affection, plus que cela ; un
système où, résumant en
formules aussi précises qu'heureuses et la
personne du Christ dans son double caractère
humain et divin, et la vertu de son sacrifice, et
l'amour de Dieu pour le pécheur, lui Pierre
ait pu propager une doctrine nouvelle, des
vérités que l'on appellera
chrétiennes ? non pas, ou du moins pas
encore. Ce que le Christ veut savoir, c'est l'impression
produite par
lui
sur l'âme même de Pierre ; il veut
se rendre compte si, après avoir vu et
entendu tout ce qu'il lui a été
donné de voir et d'entendre, cette âme
n'a pas vibré, si elle ne s'est pas
déplacée en quelque sorte pour
marcher vers le don de soi, si enfin, il n'y a pas
eu tout au fond de cette vie ce sentiment que
partout on appelle amour et par lequel on se lie
définitivement, sans
arrière-pensée, uniquement parce
qu'on aime. Simon, fils de Jonas, je t'ai
enseigné la voie qui conduit au Père,
m'aimes-tu à cause de ce que tu as appris de
moi ? J'ai souffert à cause de toi mais
aussi pour toi, m'aimes-tu à cause de mon
sacrifice ? Je suis vivant pour toi,
m'aimes-tu à cause de cette vie que tu vois
triomphante et dont je veux faire ta vie ? Si
oui, c'est tout ce que je te demande, je n'ai pas
besoin d'autre chose, car si j'ai ton coeur, j'ai
ton présent comme ton avenir, je peux
compter sur toi comme toi tu peux t'appuyer sur
moi. - L'amour pour lui, pour sa personne
entière, voilà la cime où
Jésus entend que son disciple ait
transporté sa vie personnelle.
(A suivre.)
EDM. B.
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