Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Lausanne.


La réunion annuelle a eu lieu aux Croisettes, le 25 juillet.
Malgré le « temps orageux et menaçant, presque toutes les écoles du district étaient représentées, quelques-unes par un nombre considérable de monitrices et moniteurs.

Le joli temple des Croisettes, si heureusement restauré et accueillant, se trouve rempli, les escaliers de la chaire et de la galerie doivent servir de sièges, quelques retardataires en sont réduits à occuper les fenêtres, en dehors.

C'est M. J. Siordet, de St-Paul, qui ouvre la réunion en méditant la bénédiction de Dieu à Abraham : Toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en la postérité. Le moniteur, la monitrice, l'enfant, intermédiaires à leur tour de la bénédiction de Dieu pour ceux qui les entourent. telle est la pensée que M. Siordet a admirablement développée.
C'est une méditation qu'il y aurait grand intérêt à communiquer à un plus grand nombre, bien que la lecture ne puisse pas reproduire l'action personnelle du sympathique orateur.

M, Duvoisin, président, a salué les délégués, remercié d'avance nos hôtes des Croisettes, et rappelé la tâche qui attend les Lausannois en septembre, quand il faudra organiser la fête cantonale.

Le travail incombait à M. le pasteur Besançon, de Lutry : Vers la cime ou comment apprendre aux enfants à aimer le Seigneur. Partant du chapitre XXI de saint Jean, M. Besançon constate les difficultés de cette tâche. Pour atteindre le but il s'agit moins de choisir une méthode que d'aimer soi-même. Nous chercherions en vain à résumer cette étude particulièrement riche et soignée dans sa forme. C'est quelque chose qu'il faut relire et méditer, et nous espérons que M. Besançon voudra bien donner son travail au rédacteur de l'Éducation chrétienne.

La réunion s'est terminée sur la terrasse du temple, en face d'un panorama magnifique, qu'un soleil inattendu venait illuminer. Nos hôtes des Croisettes y ont offert une collation. Après des chants et quelques paroles fraternelles, les groupes se dispersent, aiguillonnés par la menace de l'orage qui revient. Ils. emportent tous le meilleur souvenir de cette assemblée si bien préparée et si bien remplie ; ils en expriment toute leur reconnaissance au Comité et à la paroisse des Croisettes.

G. -F. M.



Morges.

Le dimanche 25 juin, à 2 h. 30, les amis des Écoles du dimanche du district de Morges ont eu leur assemblée annuelle dans le temple de Bussigny orné, avec goût de verdure et de fleurs.

M. le pasteur Baumann (Crissier), après quelques paroles de bienvenue, a prononcé une prédication sur Jean 7: 38 : « Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de lui. » - Les chrétiens vrais sont comme ces bisses du Valais qui vont chercher l'eau sur les monts, au pied des glaciers, irriguent toutes les pentes arides des vallées et font que tout est vert, plantureux et fertile. Chaque lopin de terre en a sa part. Sans les bisses, tout serait bridé. Des coeurs chrétiens jaillissent des sources de vie. Nous l'avons constaté plus d'une fois en présence de personnes qui vivaient de la vie de Christ. Elles produisaient sur nous une impression bénie. Leur serrement de main, une parole de leur bouche, leur manière d'être et d'agir, tout de leur part nous encourageait, nous réconfortait. Ces sources de vie ne montent pas des profondeurs du coeur naturel. Cela vient d'en haut. Le monde ne s'y trompe pas. Combien de telles personnes, pères ou mères, moniteurs ou monitrices, sont nécessaires à notre jeunesse, à laquelle nous laisserons un héritage si redoutable.

D'une manière particulière, nous sommes appelés, moniteurs et monitrices, à jouer le rôle de sources d'eau vive. Il peut nous en coûter. Nous pouvons dire - Je n'ai pas de talent, je ne veux rien. Le Seigneur cherche justement des riens, des faibles pour confondre les forts. Voyez ce que Dieu peut faire des riens : Jésus, près de Sichem, s'est adressé à une femme, et quelle femme ! Elle en est venue à rendre son témoignage, et ceux de Sichem ont entendu Jésus et ont cru.

Mais, si Dieu est si disposé à faire découler de nous des sources vives. comment se fait-il que nous soyons si secs ? Parfois les canaux des bisses s'obstruent. L'eau cesse de couler. Si nos coeurs manquent de l'eau vive, il y a obstruction. On prie peut-être. On répète : Que ton règne vienne. On voudrait amener les enfants à Christ. Mais il y a un péché Qui entrave l'action divine. Dieu ne peut nous donner sa bénédiction. Que nos coeurs soient sincères. Les forces divines agiront. On se sert des ruisseaux d'eau qui descendent des monts pour produire des forces de mouvement et de lumière. Qu'elles sont puissantes parfois ! Voyez les projecteurs des phares et des navires. Eh bien ! que ces forces agissent en nous, lumineuses, actives ! Que les sacrifices nécessaires se consomment. Ce sera une vie nouvelle et la bénédiction dans notre oeuvre.

Après cette allocution si suggestive, M. le professeur Briod a donné, sa conférence sur ce sujet : « Comment le caractère de l'enfant aide le moniteur. » Nous aimerions glaner bien des pensées dans ce travail que l'auteur de ces lignes entendait pour la deuxième fois avec un plaisir plus grand encore. En voici deux ou trois : Aucun enfant n'est indifférent en présence d'un acte religieux, parce qu'il sent un monde supérieur qui l'attire. - Sa conscience gronde, son coeur s'émeut. Par conséquent, le moniteur peut agir. - Pour l'enfant, ce qui fait plaisir est bien, ce qui cause du déplaisir est mal. - L'enfant ne souffre que de ce qui le fait souffrir corporellement. - L'enfant est mobile, il aime le changement ; il lui faut donc un enseignement varié. - Il critique ; donc, il faut au moniteur de la dignité, de l'enjouement, de l'exactitude. - Soyons prêts ! ne soyons pas longs !

M. Bovon (Morges), en l'absence de M. Fleury, malade, a présidé à l'église ; M. Leroy (Lussy) préside sur la belle terrasse offerte par la famille Subilia, où la séance se termine tandis qu'on prend le thé préparé et servi par les monitrices de la paroisse. Le travail de M. Briod donne lieu à un entretien auquel prennent part MM. Bonnard (Ecublens), Pelichet (Morges), Leroy et d'autres orateurs. M. Briod répond par quelques explications. Puis, M. Contesse (La Tour) apporte à l'assemblée quelques indications sur les travaux du comité cantonal. Il termine par des salutations et des voeux. Comme le Comité régional est à l'oeuvre depuis dix-huit ans, on le renouvelle. Enfin, après la prière de M. Milliet (Lonay), l'assemblée se dispersa, heureuse des impressions reçues.

C.



Prangins.

Le dimanche 1 juin, à 2 h. après-midi, soixante-dix moniteurs et monitrices du district de Nyon se trouvent réunis, pour leur assemblée annuelle, dans la jolie église de Prangins aimablement décorée, à leur intention, de fleurs et de verdure. M. le pasteur Fernand Subilia, de Burtigny, président, ouvre la séance par une lecture biblique et une prière. On expédie vivement les choses administratives. Notre trésorière, Mlle Eva Falconnier, nous signale un sérieux déficit au chapitre de notre protégé l'évangéliste malgache, adopté par les écoles de notre district. Un entretien s'engage à ce sujet, et plusieurs adressent à l'assemblée un chaleureux appel à la libéralité chrétienne. M. le missionnaire Delord, venu tout exprès de Lausanne pour nous encourager, nous rend attentifs à la grandeur solennelle des temps où nous vivons. « Partout, dit-il, les circonstances réclament l'héroïsme et le sacrifice. Ne nous sentirons-nous pas émus à jalousie en songeant à ces contrées lointaines où se passent des choses si émouvantes et où l'on voit des noirs se réunir pour supplier Dieu de bénir et de sauver la race blanche ? Vous autres Suisses, vous faites beaucoup pour l'évangélisation du monde et certes nous ne l'oublions pas. Mais désormais c'est le siècle de la Mission qui va commencer et nous attendons de vous dix fois plus que par le passé. » Ces paroles vibrantes produisent une impression profonde.

Le Comité est réélu et s'adjoint un nouveau membre en la personne de M. Graber, de Nyon.

M. Jules Joseph pasteur à Genève, a la parole pour développer le sujet suivant : « Comment préparer et donner les leçons à l'École du dimanche ? » Dans une causerie captivante d'intérêt pleine d'entrain, d'humour et de cordialité, M. Joseph nous a fait part des trésors de sa vieille expérience. Voici à grands traits la charpente de son discours, La leçon d'École du dimanche est un repas. Assaisonnez ce repas et faites en quelque chose d'alléchant. Préparer sa leçon est bien. Se préparer soi-même est encore mieux. C'est même la chose capitale à laquelle il faut vouer tous ses soins sans négliger l'autre. Lisez votre sujet à l'avance, il se « tassera » dans votre esprit et il s'accomplira en vous, inconsciemment, un travail de concentration et tic germination qui vous sera d'un précieux secours. Ne faites ni une « leçon », ni un « sermon », mais « quelque chose d'autre ». Ne craignez pas d'avoir votre plan à vous, celui qui vous aura plu et que vous aurez consciencieusement mûri. Il s'agit dans nos leçons de faire apprendre, comprendre et prendre. Apprendre les versets bibliques, Comprendre le sens des mots que nous employons et le sens général de la leçon, Prendre, saisir Jésus-Christ. Dans cette dernière partie surtout, l'allocution de M. Joseph a été pour nous une pure jouissance du coeur et de l'esprit. Pour en arriver à connaître à ce point le coeur de l'enfant, il faut tâtonner longuement, il faut surtout aimer l'enfant comme l'être le plus sacré qu'il y ait au monde. C'est là le mot d'ordre qui sert de conclusion à ce remarquable travail.

Mais M. Joseph n'a pas fini de nous intéresser. il nous fait encore la démonstration d'une reproduction du temple de Jérusalem, exécuté de ses propres mains pendant les loisirs forcés d'une maladie. Chacun suit ses explications avec le plus grand profit.

M. le pasteur Montandon termine cette première partie par la prière.
Répondant à l'aimable invitation de M. Menzel, directeur, nous nous retrouvons dans les salles du magnifique château de Prangins où une collation nous est offerte par les monitrices de Nyon. C'est à ce moment que nous avons le plaisir d'entendre M. Pache-Tanner, que le Comité cantonal a bien voulu déléguer à notre fête, Dans les termes les plus heureux et de la façon la plus cordiale, notre aimable visiteur nous apporte le salut fraternel du comité qu'il représente au milieu de nous. Il nous souhaite à tous bon courage et certes son message seul suffirait à nous en donner beaucoup, tant il sait y mettre de chaleur communicative et de rayonnante bonté.
Mais l'horaire des trains est un être sans pitié et qui n'a de respect pour personne. On finit donc par se disperser. Chacun emportant dans son coeur un réconfortant souvenir et une grande dette de reconnaissance envers Celui dont nous ne saurions compter les bienfaits.

R. P., pasteur.



 
Écoles du dimanche missionnaires en Belgique

accrues par l'activité de leurs membres, en particulier par un réseau d'écoles dites « missionnaires », qui se tenaient, soit le dimanche après-midi, soit en semaine. Avec l'aide de jeunes gens ou jeunes filles, tel chrétien zélé, souvent une jeune demoiselle, réunissaient dans quelque groupe de maisons écarté, les enfants catholiques de la localité, la plupart élevés dans l'irréligion et créait une école organisée sur le plan des écoles du dimanche. Les parents s'y intéressaient, demandaient à être instruits, eux aussi, et plus tard venaient au culte public, puis ils se joignaient à l'Eglise, étant devenus des protestants convaincus.

BIBLIOGRAPHIE

La Messagère du monde païen. Journal pour la jeunesse et la famille. - Prix : 1 franc par an.
Nous venons de recevoir le numéro de juillet-août de cette excellente publication, qui en est à sa 53e année. Dans 16 pages de papier écolier, il nous donne sept articles intéressants relatifs aux missions, des proverbes chinois, des énigmes expliquées et 11 charmantes vignettes. Tout abonné nouveau recevra gratuitement les autres numéros déjà parus dans l'année. S'adresser à M. E. Krieg, pasteur, Grandval (Jura bernois). 

L. N




Travail et repos.


II. Le droit au repos. (Suite et fin.)

Là où on se repose le plus, on travaille mieux et surtout on produit davantage. On a fait, maintes fois, cette constatation pour la journée de neuf heures. Dans les pays où les salaires sont le plus bas et les journées de travail plus longues, les frais de production sont le plus élevés. Par contre, là où les salaires sont le plus élevés et les journées le plus courtes, les frais de production sont moindres que dans les autres nations. Les pays qui ont une courte journée de travail et où le repos hebdomadaire est le mieux observé, comme en Angleterre, où il commence le samedi à midi, ont une production plus intense.

L'historien Macaulay, dans un discours resté fameux, parlait ainsi à propos de la journée de dix heures : « Je n'ai pas le moindre doute que, si nous et nos ancêtres, durant ces trois derniers siècles, eussions travaillé le dimanche aussi fort que les autres jours, nous fussions un peuple plus pauvre et moins civilisé que nous ne sommes, que la production eût été moindre qu'elle n'a été, que les salaires eussent été moins élevés qu'ils ne le sont, et qu'une autre nation fournirait maintenant le monde entier de cotonnades, de lainages et de coutellerie...... L'homme, oui, l'homme est le grand instrument qui produit la richesse...... De là vient que nous ne sommes pas devenus plus pauvres, mais plus riches, parce que pendant plusieurs siècles nous nous sommes reposés un jour sur sept. Ce jour n'est pas perdu.

Tandis que le travail est interrompu, que la charrue repose dans le sillon, que la banque fait relâche, que nulle fumée ne sort de la fabrique, il se produit pour la richesse de la nation une opération tout aussi importante que n'importe quelle opération qui s'accomplit les jours ouvrables : l'homme, cette machine des machines, en comparaison de laquelle toutes les inventions des Watts et des Arkwrigth sont sans valeur, se rétablit et se remonte de façon à pouvoir retourner à son travail le lundi avec un esprit plus clair, avec un sens plus vif, avec une vigueur nouvelle. Jamais je ne croirai que ce qui rend une population meilleure, plus forte, plus saine, plus sage, puisse aboutir à son appauvrissement..... Si jamais nous sommes obligés d'abandonner la première place parmi les peuples commerçants, nous ne la céderons pas à une race de nains dégénérés, mais à un peuple supérieur par la vigueur du corps et de l'esprit. »

Le repos hebdomadaire maintient non seulement les individus, mais les peuples sains, vigoureux, habiles et dispos, et permet à leurs produits de soutenir victorieusement la concurrence étrangère. Le travail intense et continu appauvrit les masses populaires, abrège leur vie, ruine leur énergie et tarit leur bien-être.

« Diminuez la semaine d'un jour, écrivait Proudhon, le travail est insuffisant comparativement au repos : augmentez-la de la même quantité, il devient excessif. Établissez tous les trois jours une demi-journée de relâche, vous multipliez par le fractionnement la perte de temps, et en scindant l'unité naturelle du jour, vous brisez l'équilibre numérique des choses. Accordez, au contraire, quarante-huit heures de repos, après douze jours consécutifs de peine, vous tuez l'homme par l'inertie, après l'avoir épuisé par la fatigue. » De là l'avortement fatal de la semaine révolutionnaire qui établissait le décadi, un jour de repos sur dix.

Le jour de repos est nécessaire dans l'intérêt de la société et surtout de la famille, pour que ce jour-là les parents et les enfants, dispersés et séparés la semaine par le travail de l'usine, se trouvent réunis au foyer familial et participent ensemble aux mêmes distractions et aux même joies.
Ce jour devrait toujours tomber sur le dimanche, commémoration de la résurrection de Christ qui a fondé une humanité nouvelle, vrai jour de résurrection pour l'âme, après les durs labeurs de la semaine. Comme on l'a dit avec infiniment d'à propos : « le dimanche, l'homme peut rentrer en lui-même pour se posséder et sortir de lui-même pour se donner. »

De là la nécessité de sanctifier le dimanche, appelé jour du Seigneur, parce qu'il doit lui être consacré tout entier. Les autres jours sont employés aux choses de la terre, celui-là est réservé aux choses du ciel.

Tous ceux qui ont voulu accomplir de grandes oeuvres s'y sont préparés dans la retraite. Nous n'avons plus le temps de nous recueillir, de là notre faiblesse et notre inactivité. Le vrai repos se goûte dans la paix, dans le culte, l'exercice de la charité, dans les occupations qui ne peuvent que rapprocher de Dieu notre esprit et notre coeur.

Jésus nous explique le sens du commandement dont nous avons étudié les diverses applications, quand il nous dit que le sabbat a été fait pour l'homme. Aussi ne trouve-t-il pas répréhensible, mais tout naturel, d'amener, ce jour-là, son âne à l'abreuvoir ou de le retirer de la fosse. Pour lui, il l'employait à adorer Dieu et à soulager les misères humaines.
« La semaine sans sabbat, a dit un Père de l'Eglise, c'est un désert sans hôtellerie. » Pour le chrétien, l'hôtellerie est la maison de Dieu, celle que le Christ appelait la maison du Père où devraient se réunir tous ses enfants, pour se mettre à l'abri, se reposer, se réconforter, se faire du bien dans la communion avec Dieu et avec leurs frères. Pour un moment, nous pouvons nous croire affranchis du labeur quotidien et en même temps de la malédiction du péché condamnant l'homme à travailler « à la sueur de son front ».

Le droit au repos est comme la revanche, la rédemption de la loi du travail résumée dans ces deux mots : Ora et labora. Prie et travaille, et non pas qui travaille prie. La célébration du jour de prière sanctifie le travail de la semaine et lui donne sa valeur réelle et rédemptrice.

G. CHASTAND.



 
Vers la
cime (1).

Sur le sentier qui mène vers la cime, le voyageur est arrêté. Lassé de la rude grimpée, le front ruisselant de sueur, les épaules fatiguées par le poids du sac, il a pris un caillou pour s'en faire un siège et reprendre haleine. À ses pieds la plaine, où les villages ne sont plus que des points de grisaille sur la nappe verte ; dans son esprit les mille détails qui ont accompagné sa course ; mais comme le sommet est éloigné encore ! Point terminus de son escapade, il le voit bien haut, profilant dans l'azur sa pointe hardie et fière surmontée de la croix connue de tout amateur de nos Alpes, et voici que malgré la distance qui l'en sépare, quelque chose comme un appel lui vient de la hauteur. Il aurait peine sans doute à exprimer en paroles humaines la voix de la cime ; qu'importe après tout, l'attirance le saisit, un besoin de monter se précise et devient irrésistible ; il faut aller voir là-haut, plonger son regard dans l'infini, ouvrir sa poitrine à l'air pur et tonique, affirmer que l'homme n'est grand que par les victoires qu'il remporte.

La fascination de la cime, cette nécessité où nous sommes d'en parler, de la contempler, d'en rassasier nos imaginations et nos coeurs, n'est-ce pas, dans tous les domaines de la vie, dans toutes les activités de la guerre et de la paix, le secret de la force humaine ? sans but précis, le plus modeste ouvrier comme le plus grand des mortels voit sa vie décolorée et ses facultés s'anémier ; donnez à ces deux hommes un idéal même matériel, excitez en eux le goût pour une oeuvre quelconque, faites miroiter à leurs yeux les avantages qui auréolent le but, et vous les verrez se transformer, leur puissance d'action ébranlée se mettra en route, vigoureuse et conquérante, leur être entier deviendra ressort toujours tendu. Ce besoin de replacer devant soi la cime, nous le ressentons à un vif degré, nous moniteurs, monitrices, directeurs de nos écoles du dimanche et de nos cultes pour la jeunesse. Il le faut pour nous-mêmes, d'abord, qui n'avons charge d'âmes que parce que nous avons une âme, qui ne pouvons prétendre à conduire que dans la mesure où nous savons nous conduire.

Souvent la lassitude pour notre activité nous vient de ce que nous ne distinguons plus pourquoi nous travaillons. Nous voyons bien les préparations auxquelles nous avons assisté, les leçons que nous avons données, nous comptons le nombre des années qui nous ont trouvés à notre poste d'éducateurs de notre jeunesse, mais que de fois ne nous sommes-nous pas demandé si notre labeur servait à quelque chose ; en face de telle jeune fille, de tel jeune homme qui semble ne rien retenir de la nourriture spirituelle que nous lui distribuons, ou qui, à peine sa première communion terminée, jette par dessus bord tout bagage religieux et même moral, nous aurions envie de laisser à d'autres le soin de venir brûler les ailes de leur enthousiasme pour les Petits. Pour ma part, je n'ai trouvé qu'un moyen de persévérer malgré les insuccès trop nombreux, c'est d'écouter la voix d'en haut, celle qui vient des hauteurs spirituelles, et comme le voyageur de tout à l'heure, de laisser à la voix de la cime le soin de produire le sursum corda. - S'il est de saine pédagogie de découvrir pour nous-mêmes l'idéal voilé par les brumes et les nuages d'en bas, il n'est pas moins urgent de le laisser briller pour nos élèves.

Pouvons-nous nous occuper des jeunes sans nous poser cette question : Que leur veux-tu avec tes prières, tes chants, tes explications ? pourquoi dimanche après dimanche leur répéter des choses apprises à l'école primaire, reprendre des récits que souvent ils connaissent par coeur ? Soyez sans crainte, nous ne voulons pas aborder le problème récemment posé par M. le pasteur Meylan, de Saint-Paul : l'École du dimanche doit-elle être une école ou un culte, une heure d'enseignement religieux ou d'édification ? Ceci est une affaire de méthode des plus intéressantes, car elle revient à cette question à laquelle nous toucherons tout à l'heure : comment faire pour parvenir à la cime ? Pour le moment, nous sommes préoccupés de ceci : où conduire les enfants qui nous sont confiés ? que doivent-ils garder surtout de leur passage dans les cultes célébrés à leur intention ? Au sortir de leur adolescence, à l'heure où la vie les veut pour les envelopper de tous les devoirs vrais ou factices, bons ou mauvais, trouveront-ils en eux quelque chose de grand, de puissant qui les tienne dans les vertus chrétiennes et ne les abandonne jamais, non pas même dans leurs chutes ou leur déchéance ; et si c'est bien là ce à quoi tendent nos efforts, ensemencer notre patrie, notre terre de consciences chrétiennes, quelle sera- t-elle cette graine capable de surmonter les intempéries, de demeurer vivante malgré la froidure, de pousser lentement mais sûrement ainsi que grandit en nos sillons le blé d'or de l'été ?

Lorsque, d'après le récit contenu dans le chapitre 21 de l'évangile de Jean, Jésus-Christ nous est représenté rejoignant ses disciples réunis au bord du lac de Tibériade, il nous est dit que le Maître s'approcha de l'apôtre Pierre et lui demanda : « Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu, m'aimes tu plus que ne m'aiment ceux-ci ? » Certes c'est là une circonstance spéciale, amenée par le triple reniement de Pierre auquel Jésus oppose sa triple question : m'aimes-tu ? Le caractère du fils de Jonas, les espérances que Jésus n'a cessé de placer en cet homme audacieux jusqu'à la témérité, la nécessité où se trouvait le Christ de remettre son oeuvre en des mains sûres, expliquent la grandeur et la beauté de cette scène inoubliable. Mais nous élargissons es cadres de cet épisode et nous discernons dans la question posée à Pierre, la cime que nous cherchons, le point où il voulait amener son disciple avant d'en faire un apôtre, un témoin puissant en oeuvres et en paroles. Nous n'avons plus ici en effet le Christ vivant dans sa chair, mais le Christ glorieux, le Christ qui, avant de quitter définitivement notre monde limité par l'espace et le temps, veut laisser aux siens, avec la certitude de son triomphe, celle non moins indispensable de son amour impérissable pour eux. Pour les siens, il a parlé, ouvrant largement son coeur, afin que chacun de ses intimes y puise à satiété ; il a laissé déchiffrer ce qu'il voulait pour tous ; son but, le salut des brebis perdues de la maison d'Israël, puis la délivrance des gentils, il ne l'a caché à personne ; les moyens de réaliser cette oeuvre gigantesque, il les a consacrés devant ses disciples par une offrande chaque jour renouvelée de sa vie au service de ses frères, par une soumission totale à la volonté de son Père céleste.

Pour les siens, Jésus a accepté souffrance, mépris, injure, puis solennellement, dans le dernier repas pris avec eux, il rompit le pain en disant : « Ceci est mon corps qui est rompu pour vous ; » il but de la coupe, la passa à ses amis en disant : « Ceci est mon sang qui est versé pour vous. » Puis les douze, de loin, ont assisté au drame du Calvaire ; Jean leur aura raconté la façon dont le Maître fut bafoué, comment cette vie pour laquelle ils avaient tout quitté fut immolée et surtout ce même amour qu'ils connaissaient bien atteignant son achèvement sur la croix d'infamie et d'injustice. Tout cela et tant d'autres choses que nous ignorons, Pierre les a vues puisque c'était pour lui que s'était déroulée la vie publique de Jésus de Nazareth. Mais aussi, avec d'autres, devant le tombeau vide, il a cru ; les affirmations du Christ : dans trois jours je ressusciterai, je reviendrai à vous, je ne vous laisserai pas seuls, se sont plantées en son âme au matin de Pâques avec une telle force que rien ne pourra plus jamais le faire douter de la réalité de la vie de son Seigneur. Maintenant, que lui reste-t-il de tout cela ? ou mieux, qu'est-ce que Jésus entend qui subsiste de lui dans l'âme de son disciple ? un souvenir peut-être, une possibilité de retracer cette existence unique dans ses grands traits ou ses infimes détails ? plus que cela ; une admiration sans bornes pour ce prodige d'un être resté saint sur une terre de souillures, d'un homme en qui Dieu avait mis toute son affection, plus que cela ; un système où, résumant en formules aussi précises qu'heureuses et la personne du Christ dans son double caractère humain et divin, et la vertu de son sacrifice, et l'amour de Dieu pour le pécheur, lui Pierre ait pu propager une doctrine nouvelle, des vérités que l'on appellera chrétiennes ? non pas, ou du moins pas encore. Ce que le Christ veut savoir, c'est l'impression produite par lui sur l'âme même de Pierre ; il veut se rendre compte si, après avoir vu et entendu tout ce qu'il lui a été donné de voir et d'entendre, cette âme n'a pas vibré, si elle ne s'est pas déplacée en quelque sorte pour marcher vers le don de soi, si enfin, il n'y a pas eu tout au fond de cette vie ce sentiment que partout on appelle amour et par lequel on se lie définitivement, sans arrière-pensée, uniquement parce qu'on aime. Simon, fils de Jonas, je t'ai enseigné la voie qui conduit au Père, m'aimes-tu à cause de ce que tu as appris de moi ? J'ai souffert à cause de toi mais aussi pour toi, m'aimes-tu à cause de mon sacrifice ? Je suis vivant pour toi, m'aimes-tu à cause de cette vie que tu vois triomphante et dont je veux faire ta vie ? Si oui, c'est tout ce que je te demande, je n'ai pas besoin d'autre chose, car si j'ai ton coeur, j'ai ton présent comme ton avenir, je peux compter sur toi comme toi tu peux t'appuyer sur moi. - L'amour pour lui, pour sa personne entière, voilà la cime où Jésus entend que son disciple ait transporté sa vie personnelle.

(A suivre.)

EDM. B.



1 Travail présenté le 23 mai 1916 à la réunion régionale des moniteurs et monitrices de Lavaux.
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