Cantiques N° 44 et 46.
Les jours se suivent mais ne se
ressemblent pas : hier c'était le
succès, le triomphe : le lendemain,
c'est le découragement, la catastrophe, la
ruine. La roche tarpéienne est près
du Capitole, dit un proverbe connu. Le vaillant
Elie avait compté sur son Dieu, mais sans
Jésabel dont la rage ne connaît plus
de bornes. Ce n'est pas qu'elle se soucie des
nombreux prêtres égorgés, (ceux
qui commandent ont une mentalité
spéciale sur la chair à canon). Mais
elle ne peut avaler qu'Elie ait eu le dernier mot.
Et comme à ce moment Elie est très
populaire, qu'il s'est produit un revirement dans
le coeur du peuple après la scène du
Carmel et le retour de la pluie, Jésabel
à crié ses imprécations, et a
juré de faire mourir le prophète dans
les 24 heures. Heureusement pour Elie que la menace
a précédé le meurtre ;
mais à cette heure, si nous plaignons Elie,
nous ne l'approuvons pas. A-t-il eu les nerfs
tendus et a-t-il perdu la tête ? il Y
avait certes bien de quoi. Celui qui avait tenu
tête à Achab tremble devant
Jésabel ; le héros du Carmel devient
le déserteur, et Jésabel est
enchantée que ses menaces aient produit
l'effet voulu, puisqu'elle n'a pas eu besoin de se
rendre plus impopulaire encore en les mettant
à exécution. Le prophète avait
disparu.
Seul, avec un serviteur fidèle,
le prophète est parti, l'amertume dans le
coeur, la tristesse, la mort dans l'âme. Il
fuit, - pourquoi n'est-il pas retourné
à Sarepta ? - va droit devant lui, en
proie à une agitation compréhensible,
à un trouble profond.
Et comme un douloureux refrain, ces mots
doivent monter à ses lèvres :
À quoi bon ? » Ira-t-il se
plaindre au roi de Jérusalem, Josaphat, et
soulever le royaume du sud contre celui du nord,
provoquant ainsi la guerre civile ?
Appelle-t-il le feu du ciel pour confondre une
seconde fois ses adversaires acharnés contre
lui ? Non, il cherche la solitude ; il va
au désert : les semblables s'attirent
toujours. Pauvre Elie, tu ne peux plus te donner
à ton oeuvre, parce que tu ne te
possèdes plus ; tu vas à la
dérive... Déjà la Samarie est
traversée, la Judée aussi, c'est
l'extrême sud du pays, l'orée du
désert : six jours de marche environ.
La course a calmé les nerfs trop tendus du
lutteur ; après la crise tumultueuse,
vient la fatigue, la prostration. À
Béer-Schéba, Elie congédie son
serviteur ; et seul désormais, s'il ne
pense pas au suicide, - loin de là, - il
demande la mort. Maintenant, un seul mot
revient : Assez !
1. À Béer-Schéba. -
On demandait récemment à une
personne, se disant fatiguée, à quoi
elle allait occuper ses vacances ? À
m'amuser ! fut la réponse ; cette
chère âme ne devait pas être
très fatiguée. Elie, lui, a dormi,
lourd sommeil de lassitude et de tristesse, qui
s'interrompt à peine pour une visite :
celle d'un envoyé de l'Éternel. Dieu
ne traite pas son prophète de
déserteur ; il pense à lui
donner des forces. Il ne le gronde pas de s'en
être allé si loin, il semble l'encourager au
contraire. Pas de reproches, pas même de
discours : du pain. C'est une chose que nous
avons à apprendre comme chrétiens,
nous qui sommes plus sobres de nos dons que de nos
conseils ; pensons quelquefois à la
discrétion de Dieu, pour le moins aussi
merveilleuse que sa providence.
Elle a mangé, touché par
l'ange une seconde fois ; et ce repas lui a
rendu des forces ; il va continuer sa
retraite, et Dieu le laissera aller ; du
côté du poste du devoir ? Non
pas ; du côté de la
réflexion. Il est des heures où des
arguments n'ont pas de prise. Admirez : Dieu
qui n'a personne pour défendre sa cause
compromise par le départ d'Elie, consent
à ce qu'il continue sa course vers le sud.
Et si Elie met quarante jours pour faire, jusqu'en
Horeb, un trajet qui ne demande que 1 ;
à 8 jours de marche tout au plus, c'est
qu'il a réfléchi plus qu'il n'a
marché, et qu'il est en train de se
ressaisir.
II. En Horeb. - Elie gravit les pentes
de l'Horeb ; d'abord douces, elles se dressent
bientôt, majestueuses et sauvages, et la
montagne laisse à tous ceux qui l'ont vue
une impression de grandeur douloureuse. C'est dans la caverne
(non pas dans une
caverne)
et par là il faut entendre une grotte connue
(Exode
33 : 22) que le
prophète va chercher un abri. C'est
là que l'attend son Dieu pour cet entretien,
dont on ne ressort que transformé ou
désemparé. Et le prophète
laisse parler son coeur ; le peuple a
abandonné l'Éternel, la partie est
perdue ! il se dégonfle, et Dieu
l'écoute. C'est le moment où Dieu va
passer dans la vie de son serviteur et lui faire
comprendre bien des choses qui semblent
dépasser encore sa portée ou ses
forces. Et les phénomènes de la
nature que nous rappellent les versets 11
et 12 ne sont que la reproduction
des sentiments intimes du prophète le
« décalque de son état
d'âme ».
La tourmente a passé sur l'Horeb
comme dans la vie du prophète ; toutes
ses convictions, toute sa foi, tout a
été ébranlé jusqu'en
leur base, c'est un vrai tremblement de
terre ; et un feu destructeur a achevé
de consumer ce qui était resté
debout... Tout cela, ce sont des forces humaines,
naturelles, des coalitions d'éléments
ou d'intérêts : Dieu n'y est pas,
pas plus qu'il n'est dans l'horrible guerre
actuelle. Après les événements
qui se succèdent depuis le mois d'août
1914, douterez-vous de la puissance infernale des
hommes, des rafales de feu et d'acier qui
ébranlent, détruisent et consument
tout ? Et bien ! Dieu n'y est pas, la
méchanceté des hommes en est seule
responsable. Où est Dieu ? et que
fait-il ? Demanderez-vous ! Le
prophète l'a trouvé dans le
« murmure doux est
léger » et il s'est voilé
la face ; et à l'heure actuelle, nous
trouvons Dieu sur les champs de bataille, relevant
les blessés, réconfortant les
malheureux, préparant les mourants, fermant
les yeux - pour les rouvrir de l'autre
côté du voile - aux vaillants qui ont
aimé leur patrie et lui ont donné
leur vie. Ne dites pas que Dieu est mort puisqu'il
fait moins de bruit que ses
pseudo-représentants sur la terre avec leurs
canons et leurs armées. Il ne fait pas du
bruit, mais du bien ; il ne tue pas, il
sauve ; il n'écrase pas, il
relève, parce qu'il pardonne : ce sont
des choses que les chrétiens ont besoin de
rapprendre par le temps qui court.
C'est l'expérience qu'a faite
Elie avant d'entendre pour la seconde fois l'appel
de son Dieu : que fais-tu. ici ? Le
prophète a compris cette fois, et il est
prêt. L'ordre lui est donné :
reprends ton chemin ! - Oui, tu t'es trop
avancé, reviens sur tes pas ; cela ne
s'appelle pas reculer, mais revenir en
arrière c'est une chose à faire
comprendre aux enfants chez lesquels l'amour-propre
domine. Et Elie doit reprendre son chemin par le
désert ; une grande tâche se présente à lui,
puisqu'il aura le glorieux privilège
d'oindre deux rois que lui désigne
l'Éternel ; mais ce qui sera plus
difficile, sur le chemin du retour, ce sera
d'oindre son successeur, qui lui est indiqué
en la personne d'Élisée. Avec
l'amour-propre va la susceptibilité. Est-ce
que Dieu ne veut plus de moi ? Ne suis-je plus
bon pour son service ? Me met-il à la
retraite, aux vieux fers ? Ces questions, nous
nous les serions probablement posées. Elles
n'abordent pas Elie qui pense sans doute au
privilège de connaître son successeur
- c'est déjà quelque chose que d'en
avoir un - de le former, de le préparer. Et
Elle va bravement... « Il faut qu'il
croisse et que je diminue » a dit
Jean-Baptiste en parlant du Christ ; Elie
n'a-t-il pas pensé la même
chose ? j'en serais bien surpris.
Jusqu'à présent, nous n'avons pas
dit un mot du Jeûne
Fédéral, et il s'agirait, dans
les applications pratiques d'aborder le
sujet ; nous résumerons
brièvement quelques pensées. Notre
pays n'est pas en guerre comme toutes les nations
qui nous entourent. Mais valons-nous mieux qu'elles
pour tout cela ? Nous devrions être
reconnaissants de ce que Dieu nous a
épargnés, de toutes les preuves de sa
sollicitude et de son amour. Mais ne l'abandonnons
nous pas comme le peuple d'Israël, que les
manifestations diverses peuvent émouvoir
mais non convertir ?
N'y a-t-il pas parmi nous des
déserteurs ou des embusqués ?
Hélas ! ceux-ci ne sont pas de la
trempe d'Elie : ils s'amusent pour se
distraire. Voilà le sujet d'humiliation.
Nous sommes plus coupables que d'autres, parce que
plus éclairés, plus
épargnés, plus avertis.
Que ce jour de jeûne soit le jour
du recueillement dans lequel nous écouterons
la voix d'en haut, surtout la voix d'amour du
Christ Sauveur.
Et
quand nous aurons senti l'influence de son Esprit
et de sa grâce, n'ayons ni peur ni
honte : revenons en arrière, confessons
nos fautes, demandons pardon, oui, revenons au
sentiment du devoir, et cette journée sera
en bénédiction pour notre peuple et
nos Églises comme la journée de
l'Horeb a été bénie pour
Elie ; commencée dans la tourmente,
terminée dans la paix, que cette
journée soit de même pour nos enfants
et pour nous une journée d'Horeb,
c'est-à-dire de relèvement.
M.
Récapituler
leçon du 10
septembre. - Si une petite fille, en
l'absence de sa maman, avait à
prendre soin de ses plus jeunes
frères et soeurs, et qu'au lieu de
lui obéir, d'être sages, ils
se mettaient à grimper sur les
tables ou sur les fenêtres, au.
risque de tomber, à fouiller dans
les armoires malgré la
défense, à courir sur la
route par où passent les
automobiles, à crier et donner des
coups de pied à leur soeur
aînée, parce qu'elle veut les
empêcher de faire ces choses
défendues, ne pensez-vous pas
qu'elle serait désolée et
que le retour de maman lui causerait une
grande joie ? C'est ce qui arriva au
prophète Elie.
( 1 Rois 19 : 1-16.)
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