Le lundi 15 mai, 600 personnes, dont 400
moniteurs et monitrices des districts d'Yverdon et
de Grandson se trouvaient assemblées dans le
temple de Baulmes en réunion annuelle.
Après un choeur d'enfants, M. F. Thomas
prononça une prédication sur Jean
14 : 8 : Seigneur,
montre-nous le Père et cela nous
suffit.
L'éminent prédicateur dit
d'abord sa joie de participer à cette belle
réunion des Écoles du dimanche et
l'importance qu'il attache à cette institution
voulue de Dieu pour l'avancement de son
règne ici-bas. Puis il aborde son texte.
C'est au moment le plus émouvant de la
carrière du Sauveur, à l'heure des
adieux suprêmes et dans l'entretien sublime
qui doit préparer ses disciples à la
séparation que Philippe posa au Sauveur sa
question : Seigneur montre-nous le
Père et cela nous suffit.
Philippe était un brave homme, mais
un peu lent, un peu lourd d'esprit, mais ce
jour-là il a formulé l'aspiration la
plus profonde de notre race déchue,
séparée de Dieu par le
péché, et qui pourtant le cherche
parce que Dieu est le centre de gravité et
la vie de toutes les âmes. Ce jour-là,
Philippe a exprimer le soupir de la
création dont parle saint Paul.
Et l'orateur commente, en termes
émouvants, la réponse du
Seigneur : la vue du Père, mais c'est
la vue du Fils, image visible et incarnation de
Dieu cherché et caché au regard de
l'homme déchu.
Qui contemple le Fils contemple le
Père qui l'a envoyé. En effet,
Jésus révèle ou dévoile
Dieu, notre Père, par sa parole. Il
est, dit saint Jean, la Parole faite chair...
etc.
Jésus révèle le
Père, et nous voyons le Père à
travers l'action et la vie du Fils. Jésus
révèle le Père enfin par son
Esprit. Puis en venant aux applications, M. Thomas
nous dit comment l'enfant de Dieu sur la terre
peut, à la fois, voir toujours mieux et
faire connaître le Père qui nous aime
et nous veut adopter : Par notre
parole, par notre exemple et nos actions, par
notre vie et pas nos prières.
Cette première partie de la
réunion fut clôturée par le
choeur des dames qui chantèrent un beau
cantique répondant fort bien aux paroles
impressives qu'on venait d'entendre.
Après le pique-nique de midi, la
sonnerie des cloches annonça la
séance de relevée qui eut lieu dans
le temple aussi, très nombreuse
également, et s'ouvrit à 2 heures par
une invocation du choeur des dames. M. le pasteur
Logoz avait présidé la réunion
du matin ; M. le pasteur de Pury
présida celle de l'après-midi,
prononça quelques paroles de cordiales
bienvenue, après quoi M. Logoz exposa ses
réflexions sur le sujet indiqué dans
le programme : L'École du Dimanche,
ce qu'elle devrait et pourrait être.
Souvent l'orateur s'est dit que si un ancêtre
revenait ici-bas et visitait nos Écoles du
Dimanche, il aurait bien des observations à
faire. L'École du Dimanche, qui a
remplacé chez nous la
« prière » que
présidait l'instituteur, nous vient
d'Angleterre ; elle est cousine des
écoles de déguenillés.
D'abord, nos Églises nationales se refusèrent
à l'accepter. En 1830, on n'en trouve qu'une
trentaine dans le canton. Les débuts furent
laborieux. Une personne dévouée, que
l'orateur dépeint sous des traits peu
avenants, réunissait quelques polissons,
d'ordinaire dans la salle du catéchisme. La
fréquentation était
irrégulière ; meilleure, comme
aujourd'hui du reste, aux approches de Noël.
L'affaiblissement de l'enseignement religieux
à l'école fit l'affaire de
l'École du Dimanche. On peut rendre hommage
à bien des membres du corps enseignant.
Quoique l'histoire biblique soit une branche
accessoire, ils vouent à leurs leçons
tous leurs soins. N'importe. Cette branche
accessoire n'a d'importance que dans la mesure des
convictions du maître. De son
côté, la famille ne contribue
guère au développement religieux de
l'enfant. Aussi, l'École du Dimanche
est-elle devenue nécessaire, et l'entente
cordiale entre les Églises, dans la
poursuite de cette oeuvre, vaut mieux en
général que l'école
étroitement ecclésiastique.
L'École du dimanche doit combler des
lacunes - préparer l'enfant au
catéchuménat ; établir le
règne de Dieu dans les jeunes âmes.
Différente de l'école de la semaine,
elle doit, dans chaque leçon, donner un
grain de l'Évangile, travailler à
faire des chrétiens, donner à
l'enfant la connaissance de soi-même, de son
péché, de la loi morale, de la
responsabilité, en passant de la conscience
à l'âme et de l'âme à
Dieu. Il faut poser une base sur laquelle Dieu
bâtira. Il faut ne pas négliger la
mémorisation ; ce qui a
été appris dans l'enfance, c'est ce
qui restera, ce que le vieillard se rappelle pour
la consolation de son âme. Que les moniteurs
prennent courage ; l'oeuvre est belle,
saintement utile. Si l'on s'y met avec
dévouement, on a bientôt appris
à parler de ce qu'on aime.
Après ce travail suggestif, M.
Frank Thomas relève la
nécessité, pour les moniteurs,
d'instruire et d'édifier. M. Payot, de
Chêne et Paquier, invite les moniteurs
à donner à tous les actes de
l'École du Dimanche leur valeur, leur
signification, leur importance. Il y faut la
vie : Soyons-y fortement. Le pasteur de
Champagne, M. Steiner, accentue l'importance de la
mémorisation sérieuse,
persévérante des passages bibliques.
Un moniteur d'Yverdon, M. Buttex, rappelle
la question adressée à l'apôtre
par le Sauveur :
« M'aimes-tu ? » et
illustre la nécessité de l'amour dans
l'enseignement du moniteur par le fait touchant
d'une lavandière parlant de son fils sur le
front en termes si enthousiastes qu'elle provoquait
l'émotion de ses auditeurs. Parlons avec
enthousiasme du Sauveur que nous aimons. M. Serex, instituteur,
a constaté
que l'enseignement de l'histoire biblique à
l'école a peu de valeur si le maître
n'y apporte la conviction religieuse. M. le pasteur de Pury
voudrait que l'Éducation
chrétienne dans ses études
bibliques, pût revêtir quelques
caractères des études du Journal
rose de Paris. Enfin, dans la courte
séance administrative qui suivit, M.
Comtesse de la Tour,
délégué du Comité
cantonal, à la place de M. de Mestral,
après être revenu au travail de M.
Logoz pour rappeler la mémoire de M.
Jaulmes-Cook et son travail dans notre pays, a
apporté à l'assemblée les
salutations du Comité et des paroles
d'encouragement.
Ces deux belles séances où
vibraient les cordes de la fraternité et de
la joie chrétienne furent suivies du
thé traditionnel où les discours
furent rares et le chant des cantiques de notre
nouveau recueil presque continu.
C.
Pays-d'Enhaut.
C'est le 23 mai écoulé que le
peuple du Pays-d'Enhaut a tenu sa réunion
annuelle. Cette fois-ci, c'était aux
Moulins, c'est-à-dire dans un hameau, mais
un hameau qui est une portion importante de la
paroisse de Château-d'Oex et qui renferme des
partisans zélés de l'école du
dimanche, preuve en soit le fait qu'ils avaient
demandé et obtenu la faveur de recevoir les
membres du groupe. C'était un essai !
Ce fut un succès, dont on les
félicite !
À dix heures, l'assistance se forme
peu à peu (à la vaudoise), dans la
grande salle du collège des Moulins,
gentiment décorée de verdure.
Après un cantique et une prière, M.
le pasteur Cartet, président du groupe,
souhaite la bienvenue aux participants (parmi
lesquels on remarque trois monitrices de Bulle
et... quelques membres du corps enseignant
féminin de la paroisse, qu'une
autorité bienveillante et bien pensante
avait munis d'un congé de circonstance), et
salue la présence du
délégué du Comité
cantonal, M. le pasteur G. Meylan. Puis une
surprise : un choeur mixte formé pour
l'occasion exécute un beau morceau et en
exécutera un second un peu plus tard. On
applaudit en silence chaque fois. M. le pasteur
Chuard présente dans l'intervalle une
leçon ou plutôt une étude
serrée et suggestive de la leçon du
dimanche suivant, à savoir : Le retour
de Paul à Jérusalem et sa
fidélité au devoir, étude
reprise et complétée par quelques-uns
des pasteurs présents. Puis la parole est
donnée au délégué du
Comité cantonal dont les
préoccupations, les projets,
l'activité et les encouragements sont
apportés et accueillis comme toujours avec
intérêt et reconnaissance.
L'heure du repas est là. On va
prendre l'air, puis l'on rentrer et l'on...
transporte les bancs à l'étage
supérieur, afin de mieux savourer
l'excellent dîner que, pour un prix modique,
les amis des Moulins ont préparé.
Tables fleuries, menu à point, crème
de la montagne, café, rien n'y manque, pas
même la musique représentée par
un choeur d'enfants de sept à douze ans qui,
groupés dans le corridor, chantent des
paroles de bienvenue et de gratitude,
composées par un moniteur de l'endroit, sur
une mélodie bien connue du Recueil des
écoles du dimanche. C'était une
seconde surprise et non la moindre. Tout cela
méritait des compliments que tourna avec
chaleur M. le pasteur Chuard. On redescend avec les
bancs et après un chant et une
prière, on écoute avec attention et
édification un travail consciencieux de M.
le pasteur Jaccard sur ce sujet capital :
Comment défendre notre Bible ? La
conclusion en est : la meilleure
manière de défendre notre Bible,
c'est d'en vivre ! Cette conclusion est
reprise et soulignée par d'autres orateurs.
Après quoi, on tranche quelques questions
administratives et, après une prière,
on remonte pour le thé, largement servi et
accompagné de solides, auxquels s'ajoutent
de chauds remerciements. C'est la fin. Le soleil
à son déclin essaie de luire. Il luit
tout à fait dans les coeurs,
réconfortés et
réchauffés par tout ce qu'ils ont
reçu, entre autres par l'accueil vraiment
généreux des amis des Moulins. E. S.
L.
Au matin du mardi 28 mai, tandis que chacun vaquait à son travail habituel, pasteurs et monitrices de la région du Gros de Vaud s'acheminaient, joyeux, vers le beau village d'Oulens, où avait lieu la réunion des écoles du dimanche. Un temps quelque peu couvert au début n'enleva rien à la réussite de cette assemblée, à laquelle chacun apporta d'un bout à l'autre entrain et gaieté. Chaleureusement accueillis dans un temple artistiquement décoré de gerbes de fleurs et de guirlandes le long des murs, par un groupe de dames et de demoiselles d'Oulens, nous entendîmes quelques paroles de bon accueil de M. le pasteur Vallotton, suivies d'un choeur de circonstance des élèves. Ensuite vint la lecture d'un beau travail de M. Vallotton père, pasteur à Lausanne, sur ce sujet : Le drame biblique et l'école du dimanche. Chacun put y puiser maints renseignements utiles et profonds sur la manière d'interpréter les sujets bibliques et de les exposer aux enfants. Après une discussion nourrie et de nouveaux choeurs, exécutés par les dévouées monitrices de la paroisse, nous passâmes dans le jardin de la cure, où nous fut offerte la soupe traditionnelle complétée des provisions que chacun avait apportées avec soi. Groupés autour de longues tables dressées et également fleuries, ce ne fut pas pour nous la partie la moins animée de la journée. Ensuite on reprit le chemin du temple et nous eûmes le plaisir d'entendre un député, M. Wullyamoz, parler avec chaleur de la nécessité de l'instruction et de l'éducation chrétiennes comme devant s'associer intimement au culte de la Patrie. Cette voix, venant d'un « laïque », fit du bien à tous. Puis ce fut le tour de M. le pasteur Gailloud, représentant le Comité cantonal des écoles du dimanche, qui nous apporta des encouragements à persévérer dans notre oeuvre avec le sentiment des responsabilités qui s'y rattachent. Encore des productions musicales très goûtées, puis ce fut la clôture avec un thé « monstre » de plus de cent couverts dans le grand jardin de la cure. Chants et toasts s'y succédèrent sans interruption. Nous n'oublierons pas les boutades amusantes de M. Rochat, de Chavornay, et terminerons par un cordial merci à nos voisins et voisines d'Oulens pour leur aimable réception, qu'on n'eût pu souhaiter plus charmante ni mieux réussie.
Une monitrice de Goumoens.
C'est notre jubilé, ou, si vous voulez,
nos noces d'argent. En effet, l'Association a
été fondée au printemps de
1892 à Cossonay, et dès lors, chaque
année, dans l'une ou l'autre de nos
paroisses, a lieu la réunion du personnel
enseignant et dirigeant de nos écoles. C'est
devenu si bien une habitude, qu'on y pense et qu'on
s'en réjouit douze mois à l'avance.
Dieu nous a favorisés jusqu'ici, et nous lui
demandons de nous permettre de nous réunir
toujours ainsi à l'avenir !
La paroisse de Vufflens-la-Ville nous a donc
invités à tenir le mardi 30 mai nos
assises dans le joli temple de Mex, si
admirablement restauré et si artistiquement
embelli par M. le peintre Rivier, de Jouxtens.
À deux heures commence la partie officielle.
Il n'y a plus une place vide dans l'enceinte, et,
en attendant l'ouverture du culte, chacun admire
cette magnifique théorie d'anges qui,
chantant et jouant de toutes sortes d'instruments,
les yeux dirigés sur le Christ
crucifié, ornent la frise tout autour de
l'édifice.
Après une entrée d'harmonium,
M. le pasteur Candaux, de Vufflens, donne lecture
du programme et fait chanter à
l'assemblée le cantique 86 du recueil des
écoles. Il lit ensuite dans Jean chapitre
10, et nous parle de la joie qu'il éprouve
de recevoir les délégués des
paroisses. Les demoiselles de la localité
exécutent d'une manière très
juste le cantique : Quel grand
secours ! M. S. Gindraux, pasteur à
Echallens, a bien voulu se charger de la
leçon du 4 juin, Paul emprisonné
à Jérusalem. C'est un sujet un
peu aride, mais M. Gindraux en tire tout ce qu'il
s'y trouve d'intéressant pour nos
élèves. Il le fait avec beaucoup de
clarté et de bonheur. De nouveau nous
entendons le choeur de dames, et M. Candaux ne nous
en voudra pas, si nous dévoilons que paroles
et musique sont de lui-même ! Ce
cantique fait un bel effet.
M. Renaud, pasteur aux Croisettes, prend la
parole et nous. donne une étude claire,
intéressante, approfondie sur Un vieux
livre toujours vivant. On sait de quel livre il
s'agit ! L'orateur nous en montre la valeur
toujours actuelle, la puissance de
relèvement, le caractère si humain et
si divin. C'est la Bible qui sauvera le monde
bouleversé. C'est la Bible qui est à
la base de la civilisation chrétienne. La
propager, la lire, la suivre et la faire aimer de
nos enfants, voilà notre tâche.
L'impression fat profonde et sera durable. La
cérémonie se termine par un chant, et
la prière finale.
Sous les ombrages de la belle terrasse,
offerte gracieusement par M. Charrière de
Sévery, propriétaire du château
de Mex, l'assemblée prend place aux
nombreuses tables chargées de fleurs, puis
on nous offre du thé et des
pâtisseries, le tout excellent ! Nous ne
vous citerons en entier ni les chants ni les
discours. Nous relèverons toutefois
l'allocution si aimable de M. Pache-Tanner, au nom
du Comité cantonal ; une lettre de M.
Charles, receveur à Orbe, qui,
délégué par le bureau du
Conseil du IVe arrondissement
ecclésiastique, n'a pu venir nous rejoindre.
Cette lettre, pleine de sentiments d'affection, de
foi et de patriotisme, produit une vraie sensation.
Citons encore de beaux vers de M. le pasteur de
Perrot, de l'Isle, qu'il fait suivre d'une charade,
poétique aussi, dont le mot est charmé, où il trouve une
allusion aux chars qui nous ont amenés
à Mex. Il est très applaudi,
de même que les autres orateurs. Enfin,
hélas ! arrive l'heure du
départ. On se sépare en se donnant
rendez-vous, s'il plaît à Dieu,
à Cossonay en 1917.
Chacun a regagné son domicile en
bénissant Dieu de ses grâces et de son
appui ! Nous terminons en adressant aux
autorités et à la population de Mex,
spécialement à M. Charrière de
Sévery, nos remerciements les plus vifs,
dont une bonne partie doit aller à M. et
à Mme Caudaux et à leurs monitrices.
L. WALTER, pasteur.
BIBLIOGRAPHIE
Les heureux, (1) par Frank
Thomas. Étude
pratique sur les Béatitudes. 1 vol. in-80.
Attinger frères éditeurs,
Neuchâtel et Paris. - Prix : 2 fr.
75 ; relié, 4 fr. 25.
Nous avons la ce volume avec un vif
intérêt. Il fallait un certain courage
à M. Thomas pour aborder après tant
d'autres les Béatitudes du Sermon sur la
montagne et pour faire de chacune d'elles une
prédication spéciale.
On comprend, d'autre part, que ce sujet se
soit imposé à l'auteur. Avec quelle
étrange puissance elles sonnent à
l'heure actuelle, ces paroles du Christ qui
déclarent heureux : les doux, les
miséricordieux, les pacifiques, les
persécutés pour la justice, etc.
Comme « elles répondent bien aux
besoins de l'âme
contemporaine ! » Nous remercions M.
Frank Thomas d'avoir publié « ces
simples études. »
On y retrouve les qualités
habituelles de l'éminent prédicateur
genevois : la clarté, des traits
frappants, beaucoup de chaleur et. de vie, une
parole qui s'adresse à la fois à
l'intelligence, au coeur, à la conscience et
qui est toujours franche, courageuse et très
actuelle.
Les allusions aux circonstances que traverse
maintenant l'Europe et aux problèmes
qu'elles soulèvent y sont naturellement,
nombreuses.
Le premier discours sur le bonheur et le
dernier sur le soleil levant, inspiré
à l'auteur par une visite aux installations
du Dr Rollier, à Leysin, servent
d'introduction et de conclusion à la
série des huit Béatitudes.
Ces prédications sont bien des
études, parce que le texte est
sérieusement examiné et
exposé, mais ce sont des études
pratiques qui visent avant tout à
l'édification.
Ce n'est pas l'oeuvre d'un
littérateur ou d'un philosophe, c'est
l'oeuvre d'un pasteur « qui exprime ce
qu'éprouve un coeur aimant et ému
pour ses contemporains. »
À la Frontière, en
1870-1871. Souvenirs extraits des récits de
soldats suisses par WILHELM-J. MEYER, premier
lieutenant. Avec 12 gravures. - Lausanne, Georges
Bridel & Cie. Prix 2 francs.
La mobilisation de l'armée suisse a
réveillé le souvenir des
événements de la guerre
franco-allemande. Si le nombre de ceux qui firent
alors la garde à notre frontière est
maintenant bien réduit, il n'est que plus
opportun de rappeler à la
génération actuelle ce que vit et fit
la précédente.
C'est dans cette pensée, que le
premier lieutenant W. -J. Meyer, De ès
lettres et bibliothécaire de la ville de
Berne, a extrait des mémoires d'un grand
nombre de soldats suisses les scènes les
plus caractéristiques de l'occupation des
frontières en 1870-1871. Il a groupé
ces récits en quelques courts chapitres
reliés d'un fil conducteur et ornés
de jolies gravures.
Le but de ce petit volume est, au milieu des
circonstances sérieuses que nous traversons,
de contribuer à entretenir dans
l'armée suisse comme dans le peuple un
esprit prêt à la défense de la
patrie. L'accueil fait à cet ouvrage dans la
Suisse allemande a engagé à le mettre
à la portée des lecteurs de la Suisse
française. À la frontière est
une lecture si intéressante et par places si
passionnante qu'aucun citoyen suisse ne regrettera
d'en avoir fait l'acquisition.
X.
Causeries sur le Japon, destinées
à des enfants âgés de huit
à douze ans. Brochure grand papier
écolier de 16 pages de texte et Il pages
d'illustrations, avec supplément de deux
grandes feuilles à colorier et
découper. - Lausanne, imprimerie
coopérative La Concorde.
Ces causeries, au nombre de six, font partie
d'une série destinée à
éveiller l'intérêt missionnaire
chez nos enfants, en leur faisant connaître
successivement les diverses races humaines, aussi
bien dans ce que leur caractère
présente de traits nobles et
élevés que dans leurs lacunes et leur
insuffisance En voici les titres : 1. La
patrie des Japonais ; 2. L'école au
Japon ; 3. Un sanctuaire japonais ; 4. Un
héros de l'ancien Japon ; 5. Un
héros japonais d'aujourd'hui ; 6. Un
Samouraï trouve le héros parfait.
Chacune peut être utilisée pour une et
même plusieurs leçons,
intéressantes et utiles.
L. N.
Mais alors où est la noblesse de l'enfant
et sa supériorité sur l'adulte en
général ? Il nous semble que ces
avantages proviennent du fait que l'enfant est
faible et que, sentant sa faiblesse, il est
naturellement disposé à la confiance
et à l'humilité. Jésus
lui-même a signalé ce trait du
caractère enfantin. C'est ce besoin de
confiance qui, nous semble-t-il, l'a attiré
et charmé. L'homme naturel aime, admire et
adore la force ; dans l'humanité
irrégénéré le fort seul
compte l'enfant y est nécessairement dans
l'ombre. Pour le Christ, l'être faible,
ordinairement méprisé,
qu'était l'enfant, devait acquérir
une valeur inconnue. Ajoutez à la confiance
et à l'humilité (attitude naturelle
de l'enfant et non fruit du raisonnement et de la
volonté), la réceptivité, qualité
dont les autres découlent, qualité
mais non vertu, toutefois qualité
inestimable. « Si vous ne recevez pas le
royaume de Dieu comme un enfant le reçoit,
vous n'y entrerez pas.... » Cette parole
éclaire toute la question. En effet, la réceptivité est bien
le trait
le plus facilement observable du caractère
de l'enfant, et le plus général. Les
psychologues contemporains l'ont reconnu ; a
ainsi Claparède, qui montre fort bien que
l'enfance est « en soi »
nécessaire à la formation de
l'être humain. Tous les pédagogues
accordent également que l'éducation
doit se faire dans le jeune âge,
c'est-à-dire tant que la
réceptivité est grande.
Du point de vue évangélique,
la réceptivité a une importance
capitale. Si l'Évangile est une grâce,
et il l'est, on ne peut devenir chrétien
qu'en sachant recevoir. Or
l'enfant sait recevoir, simplement,
spontanément, joyeusement. Pour lui, c'est
là une chose naturelle. Si nous voulons
devenir des chrétiens, il nous faut
l'imiter. Cela se peut-il ? Nous le croyons.
La réceptivité, qui est l'art de
savoir recevoir, en demandant, après
s'être étonné de la
beauté de ce que l'on désire obtenir,
la réceptivité est une chose que les
enfants ont naturellement sans doute, mais que l'on
ne perd pas nécessairement avec les
années ; on peut la conserver. On peut
rester jeune de coeur et d'intelligence, avoir l'esprit ouvert,
continuer à
apprendre, porter son sac d'école, comme
Michel-Ange, jusque dans l'extrême
vieillesse, et quoique vieux s'épanouir
encore et porter du fruit. Oui, on peut imiter
l'enfant et redevenir semblable à lui dans
l'art de recevoir. On le peut et on le doit.
« La vraie sagesse est donnée dans
ses bases nécessaires, dit Gratry, et les
sophistes qui cherchent à créer le
commencement de la sagesse sont d'inintelligents
ingrats. La vraie religion est au milieu de nous,
richement répandue, comme les bienfaits de
la nature. Oui, Dieu lui-même s'est
donné.... Pourquoi Dieu n'aurait-il pas fait
pour le coeur et l'esprit de l'homme ce qu'il a
fait manifestement pour son
corps ? » (Les sources, p.
259.)
Si nous comprenons bien le sens des paroles
du grand penseur catholique, il nous sera facile de
saisir toute l'importance de la
réceptivité enfantine au point de vue
de l'Évangile. Cette doctrine d'amour est un
don, offert non aux satisfaits, aux riches, aux
blasés, aux justes, mais aux petits, aux
faibles, aux malades, aux pauvres, aux
pécheurs. Non aux sages et aux intelligents
de ce monde, mais aux humbles et aux enfanta,
c'est-à-dire à ceux qui peuvent et
savent encore recevoir. Sans doute, la
réceptivité n'est pas l'unique
activité spirituelle du disciple de
Jésus-Christ. Le chrétien doit aussi
se livrer au travail d'assimilation et
d'adaptation,
et dans ce travail l'intelligence, la raison, le
jugement, l'esprit critique entrent pour une bonne
part. Mais cette activité-là
s'exercera plus tard. Avant de s'assimiler un
aliment, il faut l'absorber. L'Évangile
commence par une invitation ; il faut
s'asseoir à la table du royaume ;
après... on verra à se rendre dans la
vigne du Seigneur pour y travailler. Le
début, c'est la foi, l'acceptation de la
grâce. Commençons par le commencement.
Soyons d'abord des enfants, et
« souvenons-nous de notre Créateur
pendant les jours de notre jeunesse, avant que les
jours mauvais arrivent et que les années
s'approchent où nous dirons : nous n'y
prenons point de plaisir. »
(Ecc.
12: 3.)
Il nous reste à décrire la
réceptivité enfantine avec quelques
détails et à apporter si possible
quelques précisions.
Remarquons d'abord qu'elle n'est pas
toujours égale chez tous les individus.
L'esprit et le coeur de l'enfant ne sont pas
toujours ouverts comme il le faudrait. Une
éducation mal conduite peut vite
détruire des dispositions naturelles
heureuses ; des expériences
douloureuses peuvent fermer
prématurément l'âme enfantine.
Il y a de grandes différences d'un individu
à un autre ; il y en a entre les
classes et les milieux divers. Mais ce sont
différences de degrés. Voyons en quoi
se manifeste la réceptivité des
enfants, en général.
L'enfant sait s'étonner et
admirer. Le monde est pour lui une mine
inépuisable de découvertes et sa
faculté d'admiration éveille en lui
l'intelligence et la développe en appelant
la raison à s'exercer. L'enfant sent
très bien que perdu dans l'infinie
multiplicité des phénomènes,
il a tout un monde à conquérir par la
pensée. Il collectionne des impressions, des
visions, des mots. Et dans ce travail d'absorption,
c'est l'étonnement qui le guide,
l'étonnement dont Aristote disait qu'il est
le
père de la science. En règle
générale et comparé à
l'enfant, l'adulte est blasé ; il dira
facilement nihil mirari (il ne faut plus
s'étonner de rien) ou : « Je
suis venu trop tard dans un monde trop
vieux. » Il se croit
supérieur ; hélas ! il est
inférieur à l'enfant qui ouvre de
grands yeux sur le monde et s'étonne
toujours. Pour comprendre l'Évangile, -
l'infini dans la vérité, - pour en
sentir les beautés, la poésie et le
charme, et surtout, pour en être
frappé avec une suffisante violence, ne
faut-il pas avoir encore cette fraîcheur de
sensation morale et intellectuelle, qui est le
partage de l'enfant ? Qui peut mieux que lui
admirer dans l'Évangile ce qu'il y a de
magnifique ; qui est plus capable de pleurer
de vraies larmes de reconnaissance à la vue
du sacrifice de Jésus, et de percevoir ce
qu'il y a là d'unique et d'absolu ?
Devant lui le monde de l'âme s'ouvre avec
toutes ses richesses, dont on ne peut prendre
possession que par l'âme. Il comprend moins
bien que l'adulte, mais il sent plus
intensément que lui, et devenu adulte, il
comprendra d'autant mieux que, jeune, il a saisi
avec plus d'intensité.
L'enfant sait demander. Tout
simplement. Est-il tenté par un objet, vite,
il émet le désir de le
posséder. (On doit justement lui apprendre
à se gêner un peu plus.) Il faut qu'un
enfant ait déjà beaucoup souffert.
pour ne pas oser demander. Quand les petits veulent
savoir, ils questionnent avec une entière
liberté. On sait les interminables
« pourquoi ? »
posés par les enfants.
Eh bien ! l'Évangile ne doit-il
pas être demandé ? Es muss
erbeten sein, dit le poète Gerhardt.
« Demandez », dit Jésus.
La prière persévérante est
l'acte le plus naturel au chrétien.
L'enfant sait grandir. Il
comprend
d'instinct la loi du progrès. Il se rend
compte de sa faiblesse et de son ignorance. Il
veut en
sortir. Il
désire être adulte, pour être
fort, grand, instruit. Un mot vient continuellement
sur ses lèvres : « Quand je
serai grand », et les projets de se
succéder sans arrêt. Pas n'est besoin
de montrer l'obligation qu'il y a pour le
chrétien de savoir grandir et progresser
toujours, jusqu'à ce qu'il ait atteint la
pleine stature d'un enfant de Dieu. Nous nous
bornons à ces rapides indications et nous
nous hâtons d'en arriver à nos
conclusions.
Puisque l'enfant est réceptif,
l'éducateur, qu'il soit père,
mère, moniteur, maître, pasteur, devra
veiller à ce qu'il n'offre à
l'admiration enfantine que ce qui mérite
d'être admiré et ne propose d'autre
but à atteindre que l'idéal.
L'âme de l'enfant absorbe ce qu'on met en sa
présence ; il faut donc lui
présenter une matière intellectuelle
et morale, saine et immaculée. Il faut se
garder d'abuser de cette réceptivité
qui peut devenir un piège. Il faut
l'éduquer aussi, la diriger. L'enfant
apprendra à choisir et à juger,
surtout il apprendra, guidé par un
éducateur sage, à reconnaître
le souverain bien en le distinguant de valeurs
inférieures. Son âme sera au
premier occupant, veillons à ce que le
premier occupant soit Jésus-Christ.
Les premières impressions
(2) sont
aussi
les plus profondes et les plus fécondes pour
la vie entière. (Voyez les souvenirs des
grands hommes, de Spitteler, par exemple.) Il est
par conséquent de toute
importance que ces impressions soient pures, belles
et saines. Ceci dit, on comprendra que pour
éduquer il faut avoir le respect de
l'enfant. Le chant populaire veut que les
souvenirs d'enfance ne s'effacent jamais et Alfred
de Musset s'est écrié avec justesse
- Le coeur du jeune enfant est un vase profond,
- Si la goutte qui tombe est une goutte impure,
- La mer y passerait sans laver la souillure,
- Car l'abîme est sans borne et la tache est au fond.
Quel avertissement ! Souvenons-nous-en
toujours ! Prenons garde à ce que nous
versons à ce vase encore vide ! C'est
à l'âge où l'on est
sensé observer le moins qu'on voit et sent
le plus de choses. On les emmagasine sans s'en
rendre compte et tout se retrouve plus tard.
L'homme est le fils de l'enfant, parce que l'homme
se forme dans l'enfant. Éducateurs de la
jeunesse, vous contribuez à cette
formation ; vous pétrissez cette
pâte encore molle. Rien de ce que vous dites
et faites ne se perd. Tout est enregistré,
senti et sera plus tard critiqué. Les
lacunes intellectuelles de votre enseignement, les
tares de votre caractère et vos manquements
d'ordre moral, tout porte à
conséquence ; rien ne demeure
indifférent. « Ce qui est
excellent est tout juste suffisant pour les
enfants, » dit Goethe. Il est plus
redoutable de parler à des enfants
qu'à des adultes ; là, aucune
trivialité, aucun laisser-aller, aucune
absence de préparation et de sérieux
n'est permise. Oh ! le respect de l'enfant, on
ne le cultivera jamais assez. Respectons,
respectons l'enfant.
Enfin, la réceptivité de
l'enfant, après nous avoir
révélé la gravité de
notre tâche, nous en montre aussi
l'étendue et l'importance. C'est en nos
mains que sont, en quelque mesure,
déposées les destinées de
l'Evangile. Car en confiant cette doctrine
surnaturelle quant à son dogme et quant à sa
morale
à la portée des âmes
enfantines, nous lui assurons l'avenir.
L'Évangile, qui n'est pas monté au
coeur de l'homme, qui à bien des
égards lui est opposé,
l'Évangile qui est sans cesse
méconnu, persécuté,
bafoué, ne saurait être extirpé
complètement de l'humanité.
Vérité sans cesse bannie du foyer
où elle devrait briller, elle est sans cesse
aussi rappelée par les cris de l'homme
malheureux. Pourquoi ? n'est-ce pas parce que,
étant enfant, on lui a appris à
l'aimer et à l'apprécier ? Il
y revient toujours ! comme on revient
à la maison paternelle après les
égarements et la folie. Non, les souvenirs
d'enfance ne s'effacent jamais.
« Enseigne au jeune enfant la voie qu'il
doit suivre, et devenu vieux il ne s'en
détournera pas. »
(Prov.
22 : 6.)
Dans ses souvenirs d'enfance et de jeunesse,
Ernest Renan, après avoir rappelé la
légende bretonne d'après laquelle on
entendrait monter du fond de la mer le son des
cloches d'Ys, la ville fabuleuse engloutie sous les
flots à une époque inconnue, avoue
qu'il lui semble avoir au fond du coeur
« une ville d'Ys, qui sonne encore des
cloches obstinées, à convoquer
aux offices sacrés des fidèles qui
n'entendent plus. » Tous les hommes de
notre génération en sont là.
Au fond de leur âme sonnent des cloches
obstinées qui les appellent à
Dieu ; ce sont les cloches des souvenirs
d'enfance et de la foi d'enfance. Qu'ils les
écoutent on qu'ils ne les écoutent
pas, elles sonneront toujours.
Que cette constatation nous suffise pour
nous prouver que notre travail, s'il est, dans des
circonstances défavorables,
momentanément infructueux. ne saurait
être vain. Aussi après avoir
reçu, nous-mêmes, la
vérité avec la soumission d'un
enfant, défendons-la avec la fermeté
et le courage de l'homme fait.
A. MAMBOURY.
- 1 Les heureux
2 Un des buts de l'éducation ne doit pas non plus être oublié : il s'agit de faire de la réceptivité, naturelle et spontanée quelque chose de voulu, de consenti, l'attention. La réceptivité d'un enfant n'est pas toujours orientée comme son éducateur le voudrait ; il n'en faut pas conclure qu'elle n'existe pas. Tel objet attire et captive l'enfant, au lieu de tel autre, mais son esprit observe sans cesse et absorbe sans cesse quelque chose. Un éducateur devra donc être un observateur attentif ; pour connaître l'infinie richesse de l'âme enfantine, il faut être soi-même réceptif. Ce n'est qu'en l'étant qu'on se gardera des généralisations dangereuses et des utopies décevantes. Si l'on part d'idées préconçues en ne cherchant pas à pénétrer la nature des enfants que l'on a devant soi, on risque de faire fausse route.
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