Cantiques N° 141 et 112.
Pour les monitrices. - Prenez une
carte d'Afrique, dans un manuel de
géographie, la carte sommaire de l'Afrique
dans Rosier, par exemple, et montrez la Côte
d'Or, possession anglaise dans la Guinée, un
peu au nord de l'équateur, au sud du Niger.
Cette contrée tropicale s'étend du
golfe de Guinée au sud, vers le Sahara au
nord. Le sud est couvert de forêts vierges et
de riches plantations, tandis que le nord est une
brousse aride où paissent encore les
éléphants.. Elle est traversée
tout entière par le cours du Volta.
Au moment où commence notre
récit, il y a cinquante ans, une
étroite bande de terre, le long de la mer,
était seule occupée par les
Anglais ; la Mission de Bâle et une
Mission wesleyenne anglaise y avaient quelques
stations, mais tout l'intérieur était
occupé par un État indigène,
marqué sur les cartes d'il y a vingt ans, le
royaume des Achantis ; il y avait encore
d'autres royaumes du même genre, le long de
la côte et dans tout l'intérieur. Ils
ont succombé les uns après les
autres, dans l'espace de ces vingt ou trente
dernières années, devant les armes
des puissances européennes, et le partage de
leurs dépouillés est une des causes
de la guerre actuelle. Pendant ce temps, la mission
a pénétré dans plusieurs de
ces contrées, qui étaient de vraies
forteresses du plus sombre paganisme. Le
fétichisme, l'esclavage, des guerres
continuelles, les sacrifices humains,
l'anthropophagie les ravageaient.
L'ancien royaume des Achantis est
aujourd'hui constellé de nombreuses
communautés chrétiennes, avec des
écoles, des chapelles, des milliers de
disciples du Sauveur, des instituteurs et des
pasteurs indigènes. Ces postes
avancés de l'Évangile se trouvent
jusqu'à la limite septentrionale de la
colonie. Comment ce progrès
inespéré a-t-il été
obtenu ? C'est ce que les lignes suivantes
vont montrer en racontant au prix de quels efforts
les stations sont d'abord fondées, et
ensuite développées. À titre
d'exemple, pour faciliter l'étude de ce
sujet aux élèves des écoles du
dimanche, prenons une station, celle
d'Abétifi. Les détails qui suivent
seront complétés par l'article de la
feuille distribuée aux enfants., Les deux
articles doivent se compléter.
1. LES PREMIERS DÉBUTS, EN 1869
Dans les derniers jours de juin 1869, une
petite colonne de piétons s'avançait
lentement à travers les herbes de la plaine
du Volta. Approchons-nous et écoutons. Des
accents qui nous sont familiers parviennent
à nos oreilles : on parle
français dans ces solitudes !
Approchons-nous davantage et nous apercevrons un
missionnaire encore Jeune et sa femme ; ils
portent, tour à tour, un bébé
de quelques mois, mais n'ont rien de ce qu'il
faudrait pour une marche sous ce soleil de feu, ni
hamacs, ni chapeau colonial, ni parasol ; ils
sont à peine vêtus et paraissent
profondément abattus ; des
nègres armés de fusils les
précèdent et les suivent, les
pressant de hâter le pas en criant :
« Douome ! douome ! en avant ! en
avant ! » Un troisième
voyageur blanc fait route avec eux ! Ce sont
des missionnaires de la Mission de Bâle, M.
et Mme Fritz Ramseyer, de Neuchâtel, avec un
collègue allemand, Jean Kuhne, qui
s'étaient établis en dehors du
protectorat britannique, pour faire
pénétrer la connaissance du Sauveur
plus avant dans le pays, et qui sont victimes de
leur courage. Ils ont été faits
prisonniers par des soldats Achantis et sont
emmenés de la sorte à
Coumassé, leur capitale.
Ce voyage douloureux, coupé de haltes
interminables dans certains villages, dura
plusieurs mois, et l'on admire qu'ils aient pu
supporter ces nuits passées sur la terre
nue, ces journées au grand soleil, cette
soupe immonde dans laquelle nageaient quelques
escargots séchés, et ces mauvais
traitements. La puissance de Dieu les a
protégés avec amour et
fidélité en vue d'une grande oeuvre.
Aujourd'hui, il s'agit pour eux de gravir les
pentes abruptes de la montagne qui borde la plaine,
et quand enfin ils arrivent sur le plateau, ils se
trouvent dans un village appelé
Abétifi. Quelques bouffées d'air
frais passent sur leurs fronts, et les femmes,
attirées par ces prisonniers blancs,
émues par la maigreur de cette jeune
mère et de son bébé, leur
tendent quelques oeufs ! Premier
témoignage d'affection, premier
adoucissement sur leur calvaire ! Aussi ce
souvenir d'Abétifi restera cher à leurs coeurs, et
le
secours, le
verre d'eau donné à ces disciples du
Sauveur, ne perdra pas sa récompense !
2. LA PREMIÈRE CHAPELLE
D'ABÉTIFI
Ces fidèles serviteurs de Christ
eurent encore de cruelles épreuves à
traverser, dans le détail desquelles nous ne
pouvons pas entrer ici, car nous ne racontons pas
leur histoire, mais nous cherchons à voir
comment l'Évangile a pris pied dans ce
royaume des ténèbres. Qu'il nous
suffise de dire qu'après une dure
captivité qui dura près de cinq ans,
ils furent délivrés, en janvier 1874,
par une armée anglaise, et reparurent
à Neuchâtel au milieu de leurs parents
qui pendant longtemps les avaient crus morts.
Sitôt qu'ils furent rétablis,
ils demandèrent à retourner à
la Côte d'Or, dans l'espoir que, d'une
manière ou d'une autre, ils pourraient
pénétrer chez les Achantis,
malgré l'interdiction faite aux
missionnaires. Leur coeur brûlait d'y fonder
une école, d'y grouper des chrétiens,
de faire disparaître les horreurs du
paganisme, d'amener ces pauvres nègres
à Jésus-Christ, le Sauveur.
Ils ne parent pas retourner à
Coumassé, mais, par une dispensation
admirable de Dieu, ils purent en 1876 acheter un
terrain à Abétifi, où ils
avaient été bien accueillis sept ans
auparavant. La population s'était affranchie
du joug des Achantis, et il fut possible de fonder
une station à proximité
immédiate de ce peuple féroce.
Abétifi va devenir l'avant-poste duquel
s'élanceront, au moment voulu, les messagers
du Christ pour de nouvelles et plus vastes
conquêtes.
M. et Mme Ramseyer, un collègue avec
eux, commencent par le commencement, comme les
pionniers de Romainmôtier, de la
vallée de Joux, ou de Saint-Gall, au moyen
âge. Ils abattent lentement de gros troncs au
sommet de la colline, ils logent eux-mêmes
sous des huttes de feuillage, et en 1877 leur
station est terminée ; bientôt,
une chapelle en bois s'élève à
côté de la station, comme autrefois,
pour reprendre les comparaisons du moyen âge,
l'évêque Marins éleva un
oratoire à l'emplacement de la
cathédrale de Lausanne.
Huit troncs de palmiers soutiennent la toiture
à l'intérieur, et le jour de
l'inauguration, à Pentecôte 1878, les
guirlandes de fleurs décorent la table de
communion, la chaire et les parois. Il y a deux ans
seulement que nos missionnaires sont à
l'oeuvre, et déjà Dieu leur permet de
célébrer cinq baptêmes ;
l'Eglise vivante en même temps que le
bâtiment ; dans le nombre, un jeune
homme, Yao Atta, de la famille royale, dont le nom
reviendra dans ces pages.
La fête a un caractère presque
sauvage, car le roi païen a demandé
à y assister, et il est venu avec ses
musiciens, qui tirent des sons effrayants de
trompes d'éléphants
évidées, et de tambours
énormes, creusés dans des troncs
d'arbres et ornés de têtes d'ennemis
tués à la guerre. Il croit faire
honneur à ses missionnaires par cet
attirail. A la collecte on ne récolte point
d'argent, mais des quantités de petites
coquilles qui servent de monnaie.
3. Un roi païen mis de
côté. - Le nombre des
chrétiens a grandi ; chaque dimanche,
souvent en semaine, la chapelle fait entendre sa
cloche ; en 1888, dix ans après son
inauguration, le jour de la fête des
missions, elle se remplit complètement de
chrétiens, venus d'Abétifi et de
villages voisins. Ils furent assez nombreux pour
qu'en 1898, à la mort du roi païen, on
proposât de nommer notre ami Yao Atta, le
fidèle chrétien d'il y a vingt ans.
Tout un parti tenait pour Wirédou, l'ennemi
des chrétiens, l'ivrogne, le suppôt
des coutumes païennes. Yao Atta répond
courageusement : « Je veux
être votre roi, mais à condition de
gouverner en chrétien ! - Ah !
ça non ! répondent les partisans
de Wirédou. - Alors, riposte Yao Atta, ne
comptez pas sur moi. Je ne veux pas être roi
dans ce monde, pour être esclave dans
l'autre ! » Faudrait-il donc
consentir à nommer Wirédou ? On
sent confusément que ce ne serait plus
possible ; les choses, depuis vingt ans, ont
marché ; aussi, après de longues
hésitations, on se décide,
malgré les menaces violentes des
païens, pour Apéatou ; il n'est
pas du nombre des chrétiens, mais il est au
moins respectueux de leurs convictions. Ces
derniers ne gouvernent pas, mais
leur influence se fait sentir pour le bien du pays,
et c'est l'essentiel.
4. Des progrès
inespérés. - En 1891, M.
Ramseyer a vu arriver avec émotion son
neveu, Edmond Perregaux, celui dont parle la
feuille distribuée aux enfants. D'autres
missionnaires encore sont venus renforcer leurs
rangs. Nouvelle inespérée, en 1896,
la route de Coumassé s'ouvre ; .M. et
Mme Ramseyer s'y rendent ; ils constatent
qu'ils peuvent prêcher l'Évangile dans
nombre de villages ; il leur faut des aides.
Leur neveu n'hésite pas. Il fonde à
Abétifi une école, dans laquelle il
appelle les chrétiens les plus
développés dit pays ; il
étudie avec eux la Bible et leur donne des
leçons pour qu'ils puissent aller seconder
M. Ramseyer dans l'Achanti. Ne vous
représentez pas un bâtiment scolaire,
encore moins une université ; les
leçons se donnent en plein air, souvent
interrompues par les bêlements des moutons et
les kikerikis de coqs, mais elles se donnent quand
même ; actuellement, c'est une
véritable école de théologie,
qui forme des pasteurs indigènes et
s'appelle École Edmond Perregaux, en
souvenir de son fondateur. Et voilà
Abétifi devenue un centre religieux qui
répand la lumière, comme la ville sur
la montagne, jusque bien loin dans
l'intérieur du pays.
5. Encore un mot.
- Nous
pourrions nous arrêter ici nous avons vu par
quels efforts, par quelles souffrances, une
Église se fonde et se développe dans
un pays païen. Cependant, il faut dire encore
un mot des vaillants ouvriers de ce beau travail
d'évangélisation.
D'abord, la communauté
d'Abétifi est devenue si nombreuse que la
chapelle de 1878 fut tout à fait
insuffisante ; trente-deux ans plus tard, en
1910, les chrétiens de la contrée,
maintenant au nombre de près de trois mille,
inaugurèrent une belle église, toute
en pierre, avec une tour hardie, et même
trois cloches ; sur l'une d'elles, les
indigènes ont gravé le nom de Mme
Rose Ramseyer et sur l'autre celui d'Edmond
Perregaux, de sorte que ces missionnaires parlent
encore, en appelant le peuple à la
prière. Les gens étaient si heureux
du changement apporté dans leur pays, autrefois
foulé aux pieds
par des tyrans païens, qu'ils vinrent à
l'inauguration les mains pleines d'offrandes ;
le roi lui-même, quoique païen, fit
apporter une dent d'éléphant,
portée par deux hommes, qui valait 750 fr.
La somme totale des dons se monta à 7190
fr.
Des vaillants ouvriers de ce beau travail,
Edmond Perregaux est mort le premier, en 1905,
à Coumassé, à l'âge de
38 ans, universellement regretté, victime du
devoir, martyr de l'Évangile.
Mme Ramseyer est morte l'année
suivante, en 1906, à Neuchâtel,
à l'âge de 65 ans, heureuse de
rejoindre dans le ciel son neveu, son fils adoptif,
mais soucieuse jusqu'à la fin du salut des
Achantis.
M. Ramseyer a quitté ce monde
à son tour, à l'âge de 74 ans,
au moment de la déclaration de guerre, sa
belle tête blanche disant à tous
combien il s'était fatigué au service
du Sauveur et de l'Afrique.
Enfin, le 31 décembre dernier, Jean
(Yao) Atta, le premier baptisé de 1878,
celui qui refusa d'être roi pour rester
fidèle à Jésus, est
entré dans le repos après 38 ans de
fidélité. « Presque tous
les chrétiens de la province, écrit
le pasteur nègre Ofori, avec les chefs, ont
pris part à l'enterrement. »
En terminant, bénissons Dieu de ce
qu'il récompense le travail intègre
de ses serviteurs et répond à leur
foi ardente. Les ténèbres ne
régneront pas toujours. Le désert et
le pays aride peuvent fleurir comme le lys. En une
quarantaine d'années Dieu permet de voir des
progrès glorieux. Qui sait ce que vous
verrez dans les missions dans quarante ans, si vous
êtes fidèles ?
G. SECRETAN.
Quelles sont
les trois premières
demandes de la prière que le
Seigneur Jésus nous a
enseignée ? - Aujourd'hui,
occupons-nous de la
troisième : Que la
volonté soit faite sur la terre
comme au ciel.
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