Cantiques N° 69 et 70.
Le psalmiste paraît être
séparé du sanctuaire,
abandonné de ses proches, accusé
faussement, en danger de guerre et cependant
toujours confiant en Dieu ! On a pensé
que cette caractéristique convenait au temps
où David devait résister à
Absalom. Mais il est impossible de rien affirmer
à cet égard ; la situation
décrite s'est retrouvée
évidemment maintes fois dans la vie de David
et bien souvent aussi dans l'existence d'autres
fidèles.
Notre psaume se divise nettement en deux
parties ; l'une (v.
1-6) est l'expression d'une
confiance en Dieu que rien ne peut
ébranler ; elle peut se subdiviser en
deux strophes
(v.
1-3, et v.
4-6). L'autre partie (v. 7-14)
exprime la supplication d'une âme pleine
d'angoisse ; elle peut aussi se subdiviser en
deux strophes
(v.
7-10, et v.
11-14).
La différence de ton entre la
première partie et la seconde, ou
plutôt l'ordre des pensées
(supplication après chant de triomphe) a
surpris bien des commentateurs. On s'attendrait
d'abord à la prière ardente, puis au
cri de victoire, et, pour cette raison, on s'est
demandé s'il n'y avait pas là deux
psaumes différents. Mais c'est aller trop
loin dans les exigences théoriques et dans
l'application des règles de doctrine.
La vie est multiple, fertile en surprises,
parfois déconcertante, échappant
à tous les calculs, déchirant tous
les programmes. Une prière peut commencer
par la détresse et finir par la victoire, et
cela semble la marche normale. Mais il peut tout
aussi bien arriver que l'on bénisse en
pensant à tout un passé
d'expériences réconfortantes, au
moment même où il s'agit d'affronter
des événements graves et pour
lesquels on élève vers Dieu de
ferventes supplications. La prière peut
préparer la victoire à venir, comme
la victoire passée peut inspirer une
supplication nouvelle ; la vie est remplie
d'enchaînements inattendus.
1. L'assurance du fidèle
(v.
1-6). - Ces vers ont une ampleur
frappante ; ils marchent d'un pas
redoublé, traduisant magnifiquement les
sentiments joyeux et forts du psalmiste.
Vers.
1-3. Il y a pleine
sécurité en l'Éternel. Il est ma lumière ! Cette image de
la
lumière est une des plus belles
(Es.
42 : 6 ; Jean
8 : 12 ; 12 :
36-46). La lumière,
source de vie, de connaissance, de beauté,
était chez les anciens tout
particulièrement appréciés,
loués, souhaités. Dans un temps
où on logeait fréquemment en pleine
campagne, où durant la nuit on était
exposé aux attaques des hommes et des
fauves, avec quelle anxiété
n'attendait-on pas le matin ?
« Le soleil se lève : Les
animaux sauvages se retirent, ils se cachent dans
leurs lanières. L'homme sort pour se rendre
à son ouvrage. »
(Ps.
104 : 22.)
Merveilleuse et glorieuse en
elle-même, la lumière est donc encore
infiniment précieuse par ses effets
bienfaisants. Mais voici le progrès :
il ne s'agit plus d'une réalité
impersonnelle ; c'est une lumière qui,
pour ainsi dire, est douée de
personnalité ; c'est Dieu
lui-même qui agit comme la lumière,
mais avec cet avantage inouï, qu'il
connaît le fidèle, l'enveloppe, l'aime
et use de sa puissance pour le protéger et
le délivrer.
Aussi quelle confiance magnifique dans ce
cri : L'Éternel est ma
lumière ! Et comme on comprend les
conséquences qui en découlent : ma délivrance, le rempart de
ma vie.
Il y a comme un défi jeté aux ennemis
dans ce mot : De qui' aurai-je
peur ? Le psalmiste passe en revue ceux
qui lui sont hostiles. Les méchants qui marchent contre lui,
semblables à
des bêtes fauves, afin de le détruire,
voilà les attaques diverses,
disséminées, d'initiative
privée. Une armée, une guerre qui s'élèverait contre
lui, voilà l'entreprise hostile plus large,
plus organisée, plus terrible. Mais le
psalmiste garde pleine confiance ; comme
l'apôtre Paul, il peut dire : Si Dieu
est pour nous, qui sera contre nous ?
(Rom.
8 : 31.) Un homme avec
Dieu, a-t-on dit, constitue une
majorité.
Vers.
4-6. Le souhait du
psalmiste : s'il jouit de l'assurance de la
victoire sur toutes les forces ennemies, ce n'est
pas pour en tirer gloire et chercher tout son
plaisir dans cette belle situation. Il a un
désir beaucoup plus élevé et
qui l'occupe tout entier : habiter dans le
palais de l'Éternel, le visiter
soigneusement, l'admirer dans toute sa
beauté, s'y tenir tous les jours de sa vie.
C'est en s'unissant à Dieu, en se cachant en
lui qu'il aura pleine victoire. Et la victoire,
alors, est remportée par Dieu elle est
à la gloire de Dieu !
Aussi le psalmiste n'a-t-il qu'une
préoccupation, c'est d'offrir à Dieu,
en retour de ses bienfaits, des sacrifices de
réjouissance ; non pas
précisément des bêtes
immolées, mais des sacrifices plus
spirituels et plus dignes de Dieu, des chants
d'allégresse, des actions de
grâce.
La maison de l'Éternel est ici la
demeure de sa miséricorde, de sa
sainteté. C'est pour ces perfections
adorables qu'un culte est rendu à
Dieu ; c'est dans un sentiment semblable que
Jésus à douze ans s'oubliait dans le
temple, étudiant les Écritures et
contemplant la beauté de
l'Éternel. Et nous avons le même
devoir, comme nous pouvons avoir la même
joie. Le temps viendra où nous
reconnaîtrons qu'« un jour
passé dans les parvis de l'Éternel en
vaut mille passés ailleurs »
(Ps.
84 : 11).
Il. La supplication dans l'angoisse.
- Le ton change tout à coup. Le psalmiste
prend conscience du danger qui le menace ; il
faut toute la confiance qu'il vient d'exprimer pour
affronter le nouveau péril et pour
être capable de supplier Dieu comme il va le
faire.
Des changements de ce genre dans le ton et
la prière sont choses parfaitement humaines.
On pourrait en citer des exemples encore plus
frappants dans la vie de Jésus
(Jean
12 : 20-27).
Vers.
7-10. Éternel,
écoute ma voix ! C'est comme
l'introduction à la demande formelle de
délivrance qui viendra tôt
après. Avant tout le psalmiste sent le
besoin de resserrer le lien qui l'unit à
Dieu ; il veut avoir l'assurance d'être
écouté. À quoi servirait-il de
prier si on n'est pas entendu ?
L'Éternel aurait bien le droit de se
détourner et de ne rien vouloir entendre,
s'il prenait garde aux iniquités
(Ps.
130 : 3). Aussi le premier
besoin ressenti par l'âme fidèle,
c'est que Dieu fasse grâce
(v. 8) ;
alors, certes, il
répondra. Et le psalmiste sait bien qu'il
peut compter sur la bienveillance de
l'Éternel, car il a au-dedans de lui un
témoignage d'en haut. Son coeur lui parle de
la part de Dieu, et cette voix divine lui
dit : Cherchez ma face !
Quelle admirable connaissance du coeur
humain ! Car il n'est pas nécessaire de
voir ici une révélation
spéciale accordée au psalmiste. Tout
au plus peut-on dire que ses aspirations naturelles
ont été réveillées et
stimulées par les influences de l'ancienne
Alliance et par les épreuves qu'il a
personnellement traversées. Mais c'est un
fait largement et profondément humain que,
d'une part, la conscience impose la loi de
Dieu et que, d'autre part, le coeur aspire de lui même
à rencontrer
Dieu. Il n'y aurait aucune possibilité de
piété, si l'homme n'éprouvait
quelque besoin de la vie divine.
À cet appel intérieur, le
psalmiste répond avec une parfaite
résolution : Je chercherai ta face,
ô Éternel ! Et les paroles
qui suivent indiquent bien une recherche,
presque laborieuse ; autant d'appels
énergiques, brefs, suppliants. Dieu ne se
dérobe pas, mais c'est nous qui avons
élevé des murailles entre lui et nous
par notre ingratitude, notre péché,
notre endurcissement ; et c'est nous qui
devons abattre ces murs de séparation par
nos supplications, afin que l'homme reconnaisse
bien ce qu'il a été : mauvais et
résistant ; afin que Dieu paraisse
également ce qu'il est : secourable et
miséricordieux. De là cette lutte de
Jacob et cette lutte du psalmiste : Ne
cache pas, ne rejette pas, ne repousse
pas !
La victoire est remportée ;
l'assurance est revenue ! La pire chose n'a
qu'à venir ici-bas : être
abandonné de son père et de sa
mère ; l'Éternel, lui, reste
fidèle ; en lui, le passé
garantit l'avenir ; son amour demeure : l'Éternel me
recueillera. Où
la nature humaine défaille, même dans
les devoirs les plus sacrés, ceux des
parents, Dieu, lui, reste inébranlable en sa
fidélité. Comme ce sentiment de
confiance dépasse tout ce que
l'antiquité a connu en dehors de la
révélation !
Vers.
11-14. La prière de la
délivrance peut venir à
présent que le lien le plus étroit,
le plus solide a été établi
entre Dieu et le fidèle.
Le psalmiste demande à
l'Éternel d'être guidé
sur la bonne voie, à cause de ses
ennemis, c'est-à-dire évidemment
pour leur échapper. C'est là quelque
chose de mieux qu'une délivrance magique. Le
psalmiste sent sa propre
responsabilité ; il faut qu'il
connaisse la voie de l'Éternel, qu'il fasse
la volonté de Dieu, qu'il pratique la
droiture en toutes choses pour oser espérer
la délivrance.
Quand il s'est ainsi placé sur la
voie morale, il peut demander hardiment
d'être délivré des adversaires,
des faux témoins, des gens violents.
À lui tout seul, il ne pourrait rien
espérer ; il
connaît trop bien la puissance du mal,
l'habileté des méchants. Sa seule
espérance est en Dieu !
« Oh ! si je n'étais
pas sûr de voir la bonté de
l'Éternel sur la terre des
vivants... » La phrase n'est pas
achevée, la pensée est trop terrible
pour l'exprimer jusqu'au bout. Il peut nous arriver
également de nous écrier :
Ah ! s'il n'y avait pas Dieu !... Tout
espoir serait anéanti, tout courage
brisé, tout effort vain. Il ne vaudrait plus
la peine de vivre.
La foi en Dieu est, malgré tout, et
même chez les moins croyants, ce qui donne
encore la force de vivre, de souffrir, de
travailler, d'espérer. Ôtez Dieu, et
toute l'existence humaine s'écroule.
Voilà pourquoi le psalmiste s'exhorte
lui-même à s'appuyer sur
l'Éternel.
Cette exhortation que le fidèle
s'adresse à lui-même est digne de
remarque. Il faut savoir lutter contre
soi-même, s'entraîner soi-même,
se convaincre soi-même, se consacrer.
L'attitude vraiment salutaire n'est pas l'attitude
passive ; l'inertie ne produit rien. La foi
sous sa forme la plus simple paraît au
premier abord être le contraire de
l'effort ; oui, le contraire de l'effort
où l'homme lutte seul et compte sur
lui-même, mais non le contraire de l'effort
qu'on fait pour sortir de soi-même et compter
sur Dieu.
Le proverbe qui dit :
« Aide-toi, et le ciel
t'aidera, » devient précieux, une
fois pénétré de l'esprit
chrétien. L'Évangile recommande
l'effort, l'acte de volonté, le mouvement de
l'âme qui s'entraîne elle-même
vers Dieu et prend contact avec les puissances
divines.
Conclusions. - Ce psaume met en
lumière les luttes de la foi. Il nous montre
que la piété n'est pas un
système d'immobilisme, et qu'il ne faut pas
se flatter, après avoir saisi le secours
divin, de pouvoir demeurer dans une quiétude
que rien ne pourra troubler ; il y aura encore
à combattre. Les disciples sur la montagne
de la transfiguration ont joui d'une joie
triomphante, comme le psalmiste quand il dit :
L'Éternel est ma lumière ! Puis
ils ont dû redescendre dans la plaine sombre
et sur le champ de bataille ; ils ont
retrouvé les pharisiens, l'enfant
démoniaque et toutes les luttes de la
vie ; de même le psalmiste termine en prenant
le ton de la
supplication ; il s'exhorte lui-même
à la vie forte, fidèle, triomphante
au milieu de tous les périls.
Ce n'est pas une expérience de joie,
de victoire qui dispensera nos chers enfants de
toute difficulté dans l'avenir et de toute
lutte pénible. Mais cette expérience
deviendra pour eux un point de départ
béni, une source de réconfort, une
raison toujours nouvelle de lutter
fidèlement et de triompher. Ils seront
soutenus par cette assurance que Dieu a
été leur lumière dès
leur enfance, et dans leur coeur restera le son de
cette voix qui plus d'une fois leur a dit -
Cherchez ma face !
ILLUSTRATIONS
Vers. 1-3. Ma délivrance. -
Félix de Nola, pour échapper à
ses persécuteurs, se cacha dans une cave
profonde et sombre. Ses ennemis arrivèrent
à cet endroit et l'examinèrent ;
mais voyant une toile d'araignée à
l'ouverture, ils conclurent que leur proie
n'était pas là ; autrement la
toile aurait été
déchirée. Félix, lui, entendit
leurs remarques et conclut : « Avec
Dieu, une toile d'araignée devient un
rempart de pierre, et sans Dieu un rempart de
pierre devient une toile
d'araignée. »
On raconte la même histoire du
célèbre protestant du Moulin,
qui, lors des persécutions de Paris, se
réfugia dans un four. Une araignée
vint aussitôt tisser sa toile à
l'ouverture ; et les ennemis, un instant
après, passaient outre, persuadés que
personne n'était là-dedans, vu la
présence de la toile d'araignée.
Vers. 8. Mon coeur me dit de ta
part : Cherchez ma face. -Un exemple pris
chez les païens. Les missionnaires racontent
qu'avant leur arrivée au pays, un Mossouto
sortait souvent de son village et, seul sur un
monticule, la tête penchée sur ses
jambes, accroupi, il pleurait. Il attendait quelque
chose, sans bien savoir quoi, mais son coeur
soupirait après quelque chose qui pût
le satisfaire. Quand les missionnaires vinrent, il
reconnut dans l'Évangile ce après
quoi il avait tant soupiré.
Un exemple pris dans le monde
civilisé : Dans une petite ville
industrielle mourut à l'hôpital, des
suites de l'intempérance,
un homme jeune encore et qui passait pour un gai
compagnon, surtout pour un esprit
débarrassé de toute
préoccupation religieuse. On le tenait pour
un véritable incrédule. Cependant,
après sa mort, on trouva dans son calepin
ces mots, datés de neuf ans auparavant et
accompagnés de sa signature :
« Je te promets, ô mon Dieu !
de ne plus boire, parce que je souffre
trop ! » Il n'avait pas cessé
de boire et de fréquenter de gais
compagnons, tout en portant continuellement sur lui
cette aspiration secrète.
G. P. G.
La plus belle
des prières est
celle que Jésus enseigna à
ses disciples. Mais il y en a beaucoup
d'autres dans la Bible qui sont
très utiles et qui nous enseignent
comment nous devons prier. En voici une
admirable écrite probablement par
David, dans le psaume
27. Il nous y
apprend ce qu'il fit pour se
préparer à prier, ce qu'il
demanda dans sa prière, et quel en
fut le résultat.
Psaume 27.
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