Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Le savez-vous ?

On raconte que Haendel, lors de la répétition de son oratorio Le Messie, interrompit soudain le choeur et l'orchestre au moment ou la soliste venait de rendre la phrase : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Elle avait chanté à la perfection au point de vue technique, avec une énonciation admirable, mais quelque chose d'essentiel faisait défaut. Le grand artiste, dont toute l'âme était dans sa composition, s'en alla droit à la chanteuse et, au lieu de la complimenter sur le soin qu'elle avait apporté à son chant, il lui dit, le regard plein de tristesse :
- Ma fille, savez-vous en vérité que votre Rédempteur est vivant ?
- Oh ! oui, répondit-elle, rougissant, confuse. Certainement, je le sais !
- Alors, chantez-le-moi ! Dites-le-nous de façon que nous sachions tous que vous le savez en vérité et que c'est pour vous une joie et un triomphe !

La chanteuse reprit, elle y mit tout son coeur, et elle fit jaillir les larmes dans les yeux du vieux maître.
Combien peu d'entre nous savent dire : Je crois ! avec l'accent d'une entière et puissante conviction !




Haute-
Broye.

Les moniteurs, - y en avait-il de quoi les mettre au pluriel ? - et les monitrices de la Haute-Broye se sont réunis à Mézières, mercredi 21, mai, à 10 1/2 h. du matin. Une centaine de participants, largement à l'aise dans l'immense temple paroissial, tout rempli du parfum des narcisses et coloré par les généreux bouquets des fleurs de la saison.

M. Émile Béranger, pasteur de la paroisse, préside la réunion suivant la coutume. Il adresse des salutations aux participants, et des exhortations en partant d'une parole du récit de la multiplication des pains, Jean 6 : 9.

M. U. Briod, maître à l'École d'application à Lausanne, a présenté ensuite une étude sur « Ce qui facilite la tâche du moniteur ». Dans la séance de l'après-midi, M. Georges Meylan, pasteur à Lausanne, a pris la contre-partie de ce sujet : « Ce qui complique la tâche du moniteur. » Il s'agit là, avant tout, d'études psychologiques. Ces obstacles ou ces appuis, que le moniteur rencontre dans sa tâche, proviennent de la nature même de l'enfant : confiance, curiosité, ou distraction, mobilité d'esprit. Ces études de psychologie pratique, fines et nuancées, ont apporté beaucoup d'excellents conseils et de piquantes observations ; la discussion, suivant son habitude, a dévié vers diverses questions plus on moins connexes.

M. A. -O. Dubois, pasteur à Peney-le-Jorat, a développé encore un sujet biblique, et il l'a fait avec beaucoup de clarté et de vie ; son thème se prêtait aux descriptions imagées : c'était la comparution de Paul devant Festus et Agrippa. Ni. À. Junod, pasteur à Savigny, a terminé par la prière.
La partie spirituelle a été bien remplie, mais elle ne fut pas la seule et il y a d'autres choses encore à signaler à côté des travaux substantiels de la journée.
À midi, un pique-nique a groupé les monitrices et les pasteurs sous les grands arbres de la cure, chacun apportant ses provisions, conformément à la tradition de la Haute-Broye ; enfin, à 4 heures, un thé, offert par la paroisse de Mézières et servi par les monitrices, a rassemblé une dernière fois tout le monde devant des fleurs et des assiettes bien garnies.

Le quatuor pastoral, qui avait fort bien chanté au culte, a encore embelli la partie familière. Puis on a entendu M. Béranger, qui annonce la présence de délégués de la Municipalité et du Conseil de paroisse ; M. Monastier-Schroeder, pasteur de Moudon, qui salue M. Biéler, pasteur de la paroisse d'Oron, lequel va nous quitter ; il le fait très fraternellement an nom des collègues de l'Église libre ; M. Albert de Haller, pasteur à Lausanne, qui représente le Comité cantonal et nous donne divers renseignements sur son activité. Constatons avec plaisir que la dernière édition du Cantique des écoles du dimanche a un grand succès et qu'elle rencontre l'approbation partout dans le canton de Vaud et même au delà, à Genève et Neuchâtel. « Tout est bien qui finit bien... »

M. R. Bornand, pasteur à Moudon, remercie enfin les organisateurs : M. et Mille Béranger, les monitrices, les autorités de Mézières, qui ont bien voulu assister à la réunion familière. Et puis, rapidement, sous un ciel qui devient noir et qui amasse de formidables nuées, on se disperse : bicyclettes, tram du Jorat et voitures ; mais l'humble moyen antique de locomotion a encore de fervents admirateurs, qui s'en vont à pied de leur côté, malgré l'orage qui menace.

Cette journée de Mézières, bienfaisante et fraternelle, vient s'ajouter à la liste de ses devancières et en grossir le trésor de lumineux souvenirs.

B.



Armez-vous de joie.

Toute oeuvre de Dieu devrait être faite avec joie ; seule la joie donne la note juste pour qui veut annoncer l'Évangile ; il importe que nos moniteurs et nos monitrices, qui ont charge d'âme auprès de notre jeunesse, se pénètrent bien de cette pensée.

Jésus disait à ses disciples, en les entretenant de l'oeuvre qu'ils allaient avoir à faire, comme ses témoins : « Que ma joie demeure en vous, que votre joie soit complète. » Il les voulait joyeux pour porter son message au monde ; il ne pouvait les concevoir autrement que joyeux. La joie est l'état normal pour le chrétien. L'avez-vous jamais compris ? Le comprenez-vous assez ?

Quelle est la vraie source de la joie ? Nous trouvons de la joie à faire le bien ; un moniteur, une monitrice qui a sa tâche à coeur, trouve de la joie, une joie pure et vive, à faire l'oeuvre de Dieu auprès des élèves qui lui sont confiés. Plus nous aimons nos élèves, plus notre joie s'accentue ; nous pouvons goûter un. plaisir exquis à guider ces jeunes âmes vers une pleine connaissance du Sauveur. L'apôtre Paul attribuait à Jésus cette parole, que nous ne retrouvons pas néanmoins dans les récits de nos Évangiles : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ; » après avoir reçu la vérité pour nous-mêmes, nous trouvons, en effet, du bonheur à en faire part à d'autres, à y initier nos enfants.

La vraie source du bonheur n'est pas toutefois dans notre propre activité, quelque zèle, quelque ferveur que nous y apportions. Quand les disciples revinrent de leur première excursion missionnaire, tout joyeux de ce qu'ils avaient pu faire et de la puissance dont ils avaient pu disposer pour secourir et délivrer les malheureux, le Maître leur dit : « Réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » Telle est la vraie source de joie. Armons-nous de cette joie-là !

Jésus voulait que sa joie à lui habitât aussi dans le coeur de ceux qu'il envoyait continuer son oeuvre ; or, la joie de Jésus résidait, avant tout, dans le sentiment profond de l'amour de son Père. Il était « le Fils bien-aimé du Père », et il vivait de cette pensée, qui faisait sa force et son bonheur à travers toutes les douleurs auxquelles il était soumis. La joie du disciple de Jésus sera fondée sur l'assurance que notre nom est écrit dans le ciel, c'est-à-dire connu et aimé. de Dieu.

Malgré toute notre indignité, toutes nos offenses, tout le mal qui se révèle dans nos instincts mauvais, dans notre coeur même, dès que nous y jetons un coup d'oeil et en dépit de tous les mérites que nous pouvons avoir, néanmoins Dieu nous aime ; nous pouvons compter sur la miséricorde, sur la bienveillance, sur la fidélité de notre Père céleste. Nous sommes pardonnés, définitivement pardonnés, et adoptés ; notre nom est écrit dans le Livre de vie ; voilà la conviction dont Jésus veut que nous nous pénétrions, afin, comme il le dit, que notre joie soit complète, parfaite, qu'il n'y manque rien et qu'elle atteigne le plus haut degré. C'est armés de cette conviction, que nous serons dans les conditions voulues pour faire l'oeuvre de Dieu, saintement, avec. succès.

Moniteurs, monitrices, armez-vous de cette joie-là.

A. BR.

Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur (Philip. 4 : 4).




L'
enfant, à la lumière du Nouveau Testament (1).

« En vérité, je vous le dis, qui ne recevra pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant, n'y entrera pas. » Cette parole - il y en a d'autres semblables - suffirait pour nous faire comprendre, à elle seule, quelle est, aux yeux du Maître, la noblesse de l'enfant. C'était quelque chose de nouveau. L'antiquité gréco-romaine, si cultivée, si artistique et, à bien des égards, si humaine, n'était pas loin d'ignorer, ce que nous ressentons tous, le charme de l'enfance. La littérature antique et l'art plastique n'abordent que rarement ce sujet. Combien différent est l'art chrétien ! combien grande est la place, dans la sculpture du moyen âge et la peinture de la Renaissance, de la glorification de la maternité et de l'enfance ! L'enfant inspire aux artistes les plus éblouissants chefs-d'oeuvres, et Victor Hugo exprime le même sentiment quand il s'écrie :

Lorsque l'enfant parait, le cercle de famille
Applaudit à grands cris....

Véritablement, le romancier Freussen a raison quand il affirme que le christianisme a révélé l'enfant au monde.
Néanmoins, il faut bien l'avouer, les paroles de Jésus ont été souvent mal comprises et mal interprétées. Tout doit-il être admiré chez l'enfant, tout imité ou donné en exemple ? Nous ne le pensons pas. Si l'on ne prend qu'une des paroles de Jésus, on pourrait s'y tromper ; mais il y en a plusieurs, et il en existe de l'apôtre Paul sur le même sujet. Toutes ensemble méritent notre attention ; elles se complètent et s'expliquent réciproquement. C'est pourquoi il nous a paru bon d'étudier l'enfant à la lumière du Nouveau Testament. Nous n'avons pas l'ambition d'épuiser le sujet, encore moins de fournir une étude approfondie sur la nature et la psychologie de l'enfance ; nous n'avons pas la compétence qu'il faudrait en matière si délicate (2). Il y aurait bien des observations à faire, si l'on voulait être complet ; il faudrait, par exemple, parler du besoin d'activité et de sérieux de l'enfant ; établir le rôle de l'éducation et la part de l'hérédité, mais ce n'est pas notre propos (3). Nous voudrions seulement rechercher en quoi, du point de vue évangélique, l'enfant nous est en exemple, ce qui constitue sa supériorité sur l'adulte. Question importante aux yeux de tout éducateur chrétien ! Car cette supériorité une fois reconnue, il faudra en tenir compte dans l'enseignement ; il faudra même la posséder, la conserver pour soi ou la reconquérir, l'enfant étant, à certains égards, un modèle à imiter. Nous aurons en cours de route à éliminer certaines idées erronées. Il sera nécessaire de faire un peu d'exégèse, mais nous nous efforcerons d'être aussi simple et aussi pratique que possible.

Si l'on examine les textes du Nouveau Testament où il est question des enfants, on est frappé d'abord par une contradiction apparente entre le sentiment de Paul et celui de Jésus. L'apôtre des nations a l'air de considérer l'enfant comme un être inférieur, faible, privé d'expérience et partant de sagesse, incapable d'absorber la nourriture des forts et de comprendre les doctrines les plus élevées du christianisme. Lui-même se glorifie de s'être défait de ce qui, en lui, tenait de l'enfant (1 Cor. 13). Aux Éphésiens, il recommande de n'être pas des enfants emportés à tout vent de doctrine ; aux Corinthiens, il adresse la même invitation pour une autre raison : il ne faut pas être des enfants quant à l'intelligence ; quant à la malice, oui. Ce verset (1 Cor. 14 : 20) est précieux : il nous montre qu'il nous faut faire un choix. Dans les épîtres johanniques, l'enfant est le type du disciple docile et aimant. Cette idée semble procéder directement de Jésus, qui a fait de l'enfant un modèle. Exemple : Mat. 18 : 3 (Si vous ne devenez .... ) ;Mat. 11 : 25 et Luc 10 : 21 (l'Évangile est réservé aux enfants, et fermé aux sages et aux intelligents de ce siècle) ; Mat. 18 : 2 et suiv. et le passage déjà cité. Jésus insiste sur la nécessité d'être humble comme l'enfant. Il faut lui ressembler. Et pourtant Jésus lui-même reconnaît aux enfants certains défauts ; il leur reproche leur versatilité et leur esprit de contradiction. Dans un passage bien connu (Mat. 11 : 16), il compare sa génération à des enfants qui, jouant sur la place publique, se refusent à tout, aux pleurs et aux chants.

Mais la contradiction n'est qu'apparente. D'abord, il est très heureux que les deux tendances, la pessimiste et l'optimiste, d'apprécier l'enfant soient exprimées dans le Nouveau Testament. En les lisant toutes deux, on est poussé à la réflexion et à l'observation. On remarque que le Livre sacré ne tombe jamais dans l'abstraction. Il est loin de se faire un type unique et immuable de l'enfant comme l'ont imaginé Rousseau et ses émules modernes. Les écrivains bibliques s'attachent partout à la réalité ; on n'a qu'à les lire pour se mettre en garde d'une idéologie aussi dangereuse que fausse. Il y a des enfants différents les uns des autres par leurs facultés et leur caractère, leurs dispositions et l'éducation qu'ils ont reçue. L'enfant en soi, ça n'existe pas (4). Ainsi le Nouveau Testament lui-même nous invite à faire un triage, à distinguer. C'est le travail que nous désirons faire. Voyons d'abord en quoi l'enfant ne peut ni ne doit nous servir de modèle.

I. Sa moralité. - On parle beaucoup de l'innocence de l'enfant. Elle est parfois réelle. Je n'en médis point. Mais, même réelle, elle ne peut constituer toujours un avantage. Jésus n'a pas songé à promettre le salut à ceux-là seulement qui sont innocents ou sans péché. N'est-il pas venu, apporter le pardon aux pécheurs, justement ? Le Fils de l'homme est venu appeler ceux-ci à la repentance et non les justes ; ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. S'il fallait être innocent pour recevoir l'Évangile, il ne serait pas le bon message de pardon adressé aux perdus. Il y a plus : l'innocence chez l'enfant est toute relative. Quand elle existe véritablement, elle est faite avant tout d'ignorance. On ne saurait l'identifier avec la moralité accomplie et voulue. Une fois la naïveté primitive perdue, on ne peut la retrouver. Il est impossible de revenir en arrière ; on n'est enfant qu'une fois. Si Jésus nous donnait l'innocence de l'enfant en exemple, il nous proposerait un idéal inaccessible. Nous serions en droit de dire : ce que nous savons, nous ne pouvons plus l'effacer de notre esprit ; impossible de rebrousser chemin et de recouvrer l'innocence première.

D'autre part, l'innocence et la pureté de l'enfant, dont on fait tant de cas, ne sont pas toujours réelles. Sa pureté est parfois relative (nous avons en vue les enfants de nos écoles du dimanche). Les dernières recherches de la psychologie, surtout celles de l'école de Freud (voir les ouvrages de Pfister et de Jung, de Zurich), l'ont prouvé. On a relevé des tares effrayantes chez certains enfants, une curiosité malsaine et une perversité précoce. De très bonne heure, plus tôt qu'on le croit, le problème sexuel occupe les jeunes esprits, et l'ignorance dans laquelle on cherche à les maintenir ne fait souvent qu'exciter une curiosité malsaine. On dira que nous citons des cas anormaux, c'est peut-être juste ; mais le 10 % de nos élèves n'est-il pas composé d'anormaux ? (5)

L'enfant est-il bon ? Oui et non. Il a des sentiments d'attachement et, parfois, une générosité touchante ; il sait donner, car il manque de prévoyance et il ne lui viendrait point à l'idée de thésauriser. Il possède, en germe, de grandes puissances d'amour, qui, lorsqu'elles s'épanouissent dans toute leur fraîcheur et leur poésie, nous confondent devant la noblesse de la nature de l'homme, « ce roi tombé qui se souvient des cieux. » Mais ce fonds doit être développé. Livré à lui-même, l'enfant est égoïste et parfois férocement : il ne pense qu'à lui, rapporte tout à lui et veut tout pour lui. Il est facilement cruel (cet âge est sans pitié...).

Résumons-nous : parmi les enfants, il y a des coeurs tendres et généreux, des âmes pures et transparentes ; mais il y en a d'autres ; et ce qu'il y a de meilleur chez les uns peut facilement être perdu, gâté par de mauvais exemples ou une éducation inintelligente. L'âme de l'enfant est un coin de nature à cultiver ; non soumise à l'éducation, elle ne peut tout au plus fournir, avec quelques fleurs éclatantes, que des sauvageons et des mauvaises herbes. Les poètes représentent parfois les enfants comme de petits anges vêtus de lumière, descendant tout droit du paradis ; ne vaudrait-il pas mieux, pour éviter certaines illusions, se rappeler qu'ils sont de notre chair et de notre sang, qu'ils sortent de la nuit ancestrale, qu'ils sont le dernier chaînon d'une longue chaîne de générations qui toutes ont souffert et péché ?

C'est pour cette même raison que nous doutons que l'enfant soit nécessairement plus heureux que l'adulte. Il souffre aussi ; moins longtemps que ses aînés, mais avec plus d'intensité, absorbé qu'il est par l'impression du moment. Mais laissons la question de côté, puisqu'elle ne rentre pas dans le sujet.

Il. Et la mentalité de l'enfant, serait-elle la mentalité modèle ? Beaucoup le prétendent ; ils peuvent s'appuyer sur des faits indéniables. C'est dans la vole par eux indiquée qu'il faudra chercher. Mais là encore, il faudra choisir. Tout n'est pas bon à imiter dans la pensée des enfants. On a vanté leur logique, dont on a fait je ne sais quelle logique du coeur à opposer à celle de l'esprit. Cette manière de parler prête à confusion. La logique enfantine, les bons mots d'enfants, leurs reparties naïves, tout cela peut-être joli, touchant, révélateur même ; mais c'est trop fragmentaire et sujet à l'erreur. L'enfant est sans contredit plus imaginatif, plus intuitif que l'adulte ; c'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'observation du psychologue Claparède, d'après laquelle la pensée de l'enfant serait autre que celle de l'adulte, et non une réduction de celle-ci. L'esprit a plusieurs activités ; l'enfant se livre volontiers à certaines de ces activités, négligeant celles auxquelles il se livrera plus tard avec plus de plaisir et d'habileté, le raisonnement pur, par exemple. Dans l'activité spirituelle des enfants, le sentiment joue un rôle prépondérant, mais leur mentalité n'est pas essentiellement différente de celle de leurs parents. Quand l'enfant raisonne, il n'a pas recours à des opérations logiques à nous inconnues. Sa logique est la nôtre, mais il l'exerce moins, et il déduit ses jugements de faits peu nombreux et imparfaitement connus. Sa simplicité a la même origine ; elle ne constitue ni un mérite ni un avantage. Si c'était le cas, pourquoi soumettre l'enfant à l'éducation ?

Pourquoi lui imposer les cadres d'une mentalité adulte et des pensées d'homme ? Pourquoi développer en lui la raison, la logique ? Peut-on empêcher l'être humain de s'épanouir et de mûrir ? Ne serait-ce pas courir le risque de tomber dans la puérilité ? Il y a un temps pour tout. Le moment arrive, où il faut, suivant l'exemple de l'apôtre Paul, se défaire de ce qui tenait de l'enfant, cesser de raisonner et de parler comme lui, pour revêtir la stature de l'homme fait. L'Évangile surnaturel respecte toujours ce qu'il y a de sain dans la nature. En conséquence nous concluons que ce ne peuvent être la moralité et la mentalité de l'enfant comme telles qui nous sont proposées en exemple, puisqu'elles ont aussi leurs lacunes (signalées surtout par Paul), et puisque la sagesse nous invite, - comme l'Écriture, - à nous dépouiller de toute puérilité. Il faut chercher encore. Mais en déblayant le terrain, nous n'avons pas perdu notre temps. N'est-ce rien que de constater la perspicacité de Jésus et de Paul vis-à-vis des enfants ; n'est-ce rien que d'éviter un optimisme aussi décevant que dangereux ?

(A suivre.)

L. MAMBOURY, pasteur. 



1 Étude présentée à la réunion des moniteurs dit Nord, à Pomy, le 27 mai 1915. 

2 Sur la matière il faut consulter l'ouvrage de M. Claparède (la psychologie de l'enfant), ainsi que « les causeries pédagogiques » de W. James, traduit en français par L. Pidoux, et les ouvrages de Foester. 

3 Le rapport entre la volonté et l'intellect, tel qu'il a été observé par Schopenhauer, a aussi une grande importance, pour une connaissance approfondie de l'enfant.

4 Spitteler observe : l'enfant en soi est une invention des adultes.

5 C'est l'opinion du Dr Pfister, pasteur à Zurich et psychologiste très connu. 

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