Dans un grand nombre d'écoles elle a pour objet la leçon du jour ; elle est faite, soit ait commencement de l'instruction générale, par le pasteur ou directeur de l'école en présence de tous les enfants réunis, soit, le plus souvent, croyons-nous, dans les groupes, par moniteurs et monitrices. Mais le temps dont ils disposent est pris presque complètement par la récitation des passages du texte, la lecture et l'exposition du sujet de la leçon accompagnée peut-être du récit de quelque anecdote ; l'interrogation, qui devrait occuper une place importante, est reléguée à l'arrière-plan, réduite à quelques rares questions, ou même laissée de côté, ce qui est regrettable. Il nous paraît préférable de la faire porter sur la leçon du dimanche précédent, en la combinant avec la récitation des passages (qui d'ailleurs s'y rapportent aussi). Cette manière de procéder a sur la précédente les avantages que voici :
1. L'interrogation venant une semaine après l'explication en ravive le souvenir qui commençait à s'effacer, et le rend plus ineffaçable que si elle avait eu lieu le même jour, à quelques minutes d'intervalle.
2. Ceux des enfants qui étaient absents le dimanche précédent ont encore l'occasion d'entendre parler de la leçon donnée en leur absence, ce qui est important toujours, mais surtout s'il s'agit de deux récits historiques enchaînés l'un à l'autre.
3. La récitation des passages relatifs à cette leçon précédente est moins machinale et plus profitable, l'interrogation fournissant l'occasion de faire comprendre le rapport qui existe entre ces passages et le récit biblique à propos duquel on les a fait apprendre.
Dans les écoles où l'instruction dans les groupes est suivie d'une
instruction générale (1), la
difficulté provenant du manque de temps suffisant
serait peut-être surmontée si l'instruction dans les groupes était
entièrement consacrée à l'interrogation, et l'instruction générale
seule au sujet nouveau sur lequel les enfants devraient être
interrogés le dimanche suivant (2). Ainsi
ils n'auraient pas à écouter une seconde fois des récits, des conseils
entendus un instant auparavant dans leur groupe, et l'on serait plus
sûr d'obtenir d'eux l'attention facilement provoquée par ce qui est
nouveau. En outre, si, au moniteur, font défaut l'expérience et le
sang-froid, s'il n'a pas le don d'exposer d'une manière suivie, et en
est peut-être réduit à lire à son groupe le texte biblique ou une
leçon imprimée, alors par l'interrogation la tâche lui serait beaucoup
facilitée ; les réponses des enfants lui permettraient d'entrer
dans des développements qui ne lui seraient peut-être pas venus à
l'esprit on qui lui auraient échappé au cours d'une exposition suivie
où il n'aurait pas eu la même liberté et l'entière possession de toits
ses moyens. La tâche serait différente, mais non moins
importante ; une préparation sérieuse serait tout aussi
nécessaire, et les réunions de préparation qui ont lieu pendant la
semaine tout aussi justifiée et indispensables. Car dans ces réunions,
il faudrait chaque fois s'occuper des deux sujets dont on parlerait le
prochain dimanche : celui sur lequel aurait à porter
l'interrogation, et celui qu'aurait ensuite à développer le directeur
de l'école, et dont chaque moniteur et monitrice
devrait être mis en mesure de parler aux enfants, au cas exceptionnel
où ils y seraient appelés. Il y aurait à préparer soigneusement, en
vue de l'interrogation, un questionnaire dont il faudrait prendre note
pour l'utiliser avec les élèves, non pas servilement, mais en toute
liberté, et à l'occasion duquel pourraient se poser au cours de la
préparation diverses questions qui permettraient au pasteur ou
directeur de compléter les explications données précédemment.
Avant de terminer, nous donnerons, sur la manière d'interroger,
quelques conseils qui ne seront peut-être pas inutiles aux jeunes
moniteurs et monitrices. Il importe que les questions soient bien
ordonnées, de manière à former un résumé de la leçon ; qu'elles
soient courtes, claires, à la portée des enfants ; toute question
faite en des termes abstraits, toute question vague, ambiguë, pouvant
donner lieu à des réponses contradictoires ou absurdes doit être
évitée. Il faut les accompagner d'affection et de sérieux, inspirer à
l'enfant le sentiment qu'on l'interroge pour son bien, et ne lui
laisser Jamais perdre de vue qu'il s'agit de la Parole de Dieu qui est
présent pendant l'interrogation. On doit rigoureusement s'interdire
toute irritation et toute moquerie, lors même que la réponse serait
fausse ou absurde : la question peut avoir été mal posée on
l'élève n'avoir pas compris. Si la réponse, quoique juste, est
incomplète ou n'est pas celle que nous attendions, acceptons-la
cependant, quitte à la compléter ou à poser une question nouvelle qui
amène l'enfant à la réponse désirée. S'il garde le silence, il est
inutile d'insister et de perdre un temps précieux ; mieux vaut
passer à un autre. On peut du reste interroger quelquefois le groupe
dans son ensemble, laissant aux plus habiles le soin de répondre, ou
encore demander à l'un d'eux de reproduire en
partie ou entièrement le récit biblique et les applications qui en ont
été tirées, puis faire compléter par d'autres élèves ou indiquer
soi-même ce qui a été omis. Enfin n'oublions pas que, suivant la
manière dont nous interrogeons les enfants à l'école du dimanche, nous
les y attirons ou nous les en éloignons, nous leur rendons aimable la
parole de Dieu ou la leur faisons prendre en dégoût, et que le secours
de Dieu nous est indispensable pour que l'interrogation porte des
fruits salutaires.
L. N.
Union des Écoles du dimanche, à
Genève.
Cette Société, qui groupe les moniteurs et monitrices des catéchismes
et des écoles du dimanche de notre canton, a eu son assemblée générale
annuelle dans le temple de la Fusterie, le dimanche 12 mars, à 2 1/2
h. Après une prière de M. le pasteur Weber, M. le pasteur Gampert,
président du Comité, a donné lecture d'un intéressant rapport que nous
résumerons brièvement.
En 1915, l'assemblée avait émis des voeux dont le Comité s'est
efforcé de tenir compte. On désirait fortifier la préparation des
sujets à expliquer et donner aux éducateurs chrétiens de nos écoles du
dimanche une meilleure connaissance de l'enfant et de la Bible. Pour
satisfaire à ce désir, deux séries de leçons ont été organisées à
l'Institut J. -J. Rousseau, l'une faite par M. Ed. Claparède sur l'Ame
de l'enfant, l'autre par M. Pierre Bovet sur les Grands
principes de l'art d'enseigner. Ces deux cours ont été suivis
par bon nombre de moniteurs et de monitrices. En outre, M. Étienne
Secrétan, qui avait offert des leçons sur la Bible, particulièrement
sur l'Ancien Testament, a été appelé à Satigny, à la Jonction et à la
Servette. Sa bonne volonté n'est pas épuisée et il est disposé à
répondre aux demandes qui pourraient encore lui être adressées.
Les sorties des Éclaireurs ayant quelquefois pour effet de
désorganiser certains groupes d'écoles du dimanche, des pourparlers
ont été engagés avec M. Louis Blondel, qui dirige dans notre canton
l'oeuvre utile et patriotique des Éclaireurs. Il a accueilli avec la
plus grande bienveillance les représentants du Comité. Les inconvénients
dont on se plaignait pourront facilement être écartés par une entente
directe avec les chefs de section des Éclaireurs dans chaque quartier.
Les deux oeuvres, en effet, ne sont point rivales, mais peuvent être
considérées comme des collaboratrices dans la tâche sainte de
l'éducation du caractère.
Enfin, pour faire droit à certaines critiques formulées par les
Genevois, quelques modifications ont été apportées dans
l'établissement de la liste intercantonale des sujets à traiter. La
18e édition du Recueil de chants des Écoles du dimanche du canton
de Vaud a fait de ce livre vénérable, et tout à fait renouvelé,
celui de la Suisse romande tout entière. Il contient 152 cantiques. 20
000 exemplaires se sont écoulés en trois mois.
Le Bureau du Comité avait pour secrétaire M. le pasteur
Mercier-Glardon. Celui-ci, s'étant démis de sa charge à cause de ses
nombreuses occupations, a été remplacé par M. le pasteur Mottu.
Le président signale le fait intéressant que M. le pasteur
Jules Joseph a derrière lui quarante ans de collaboration directe aux
Écoles du dimanche, et il termine en exhortant tous ceux qui
travaillent à cette oeuvre excellente à poursuivre leur tâche avec
courage, fidélité et persévérance.
Après la lecture de ce rapport, M. le pasteur Grosclaude
remercie au nom de tous le Comité, et particulièrement son président,
de l'utile activité qu'ils ont déployée. - M. Moor souhaite qu'on
fasse une édition du nouveau recueil de chants sans musique et à très
bon marché. - M. le pasteur F. Hahn parle de l'utilisation des anciens
recueils pour les disséminés et les postes de montagne. - Mme Brindeau
se plaint du manque de brochures de Noël pour les enfants de 7 à 10
ans.
M. Th Pache-Tanner, délégué du Comité cantonal vaudois,
remplaçant M. de Haller, empêché, apporte à l'assemblée les cordiales
salutations et les témoignages affectueux de ses commettants. Ce qui
doit réconforter les ouvriers des cultes pour l'enfance et la
jeunesse, c'est qu'ils possèdent un secret merveilleux et manient une
force capable de transformer les coeurs et d'agir sur les vies.
L'orateur cite des exemples d'anciens élèves d'école du dimanche qui,
en ces temps troublés, exposés aux périls de la guerre, se rendent
compte de ce qu'ils ont reçu par ce moyen et trouvent dans les
principes dont ils se sont alors enrichis, la ferme volonté de faire
tout simplement, ayant conscience du devoir qui leur est imposé, le
sacrifice de leur vie. Les moniteurs d'écoles du dimanche sont aussi
au combat, ils mènent une guerre spirituelle, et
ils doivent se consacrer à leur tâche avec un identique dévouement,
sous le regard de Dieu.
M. Gampert adresse alors à M. Pache-Tanner, ainsi qu'au Comité
lausannois qu'il représente, quelques paroles aimables, et M. le
pasteur Jules Joseph parait sur la tribune pour la communication
annoncée sous ce titre : Qu'est-ce qu'un groupe bien
dirigé ? causerie très captivante, pétillante de vie et d'humour,
pleine de traits, d'exemples, de réflexions, suscitant parfois le
rire, mais toujours propres à instruire et bonnes à méditer. Nous nous
bornerons à signaler les lignes principales de ce captivant travail.
Pour qu'un groupe soit bien dirigé, il faut que le moniteur y
apporte quatre choses nécessaires : l'amour (pour Jésus-Christ et
pour les enfants), l'ordre, la discipline et la bonne humeur.
Il faut qu'il parle aux enfants de manière à les
intéresser ; qu'il les fasse parler en leur posant des
questions, de manière à les bien connaître, à piquer leur curiosité et
à leur faire découvrir certaines choses sans qu'il soit nécessaire de
les leur enseigner ; enfin, qu'il parle d'eux, soit aux
parents par des visites, soit au Seigneur lui-même. En terminant,
l'orateur résume tout l'essentiel de son exposé dans ces trois simples
mots : intéresser, interroger, intercéder.
Ce travail, fort suggestif, de M. le pasteur Joseph donne lieu
à un entretien auquel prennent part MM. Fréd. Hahn, Albert Sechehaye,
Et. Secretan, Moor et d'autres personnes encore. M. Moor a tenu à
rendre témoignage à un moniteur décédé, bon parmi les meilleurs, M.
Aug. Huguenin, qui aimait si cordialement ! les enfants et s'est
rendu, pendant tant d'années, à pied, chaque semaine, à Chambésy, pour
s'occuper de l'école du dimanche de 'la chapelle du Cornillon. Le
souvenir de M. Louis Johannot, moniteur lui aussi, et qui était le
modèle du genre, fut également rappelé par le président, et mention a
été faite des longs services que Mlle Emmy Josseaume a rendus et
rendra encore longtemps, il faut l'espérer, au catéchisme de la
Fusterie. Si la séance avait eu lieu quelques jours plus tard, il y
aurait sans doute encore été fait mention de M. Alfred
Grandjean-Dupré, décédé le 15 mars à 93 ans, qui fut moniteur de
diverses écoles pendant la plus grande partie de sa vie, et dont les
débuts remontaient au catéchisme de l'Oratoire, tel qu'il florissait à
l'époque de Louis Gaussen.
Après le thé, aimablement offert, dans la Salle paroissiale,
par le personnel des catéchismes de la paroisse de
la Fusterie, laquelle avait ouvert à l'assemblée son temple restauré,
M. le pasteur Goth, prenant pour texte quelques versets du 40 chapitre
de saint Marc et du 13e de saint Matthieu, fit une courte méditation
dans laquelle il parla de la valeur des paraboles, de leur rôle dans
l'enseignement de Jésus et dans l'éducation religieuse des enfants,
ainsi que des diverses façons de les interpréter.
Ce culte, terminé par le chant et la prière, vint clore la XVe
assemblée générale de l'Union genevoise des Écoles du dimanche.
(Semaine religieuse.)
BIBLIOGRAPHIE
Alfred-Eugène Casalis. En souvenir d'un jeune soldat de
la France et de Jésus-Christ. 1915. Brochure in-16 de 93 pages, avec
portrait. Éditeurs de Foi et vie, 48, rue de Lille, Paris.
Le jeune Casalis était résolu à suivre la carrière de son père
et de son grand-père, missionnaires chez les Bassoutos. Ses études
classiques terminées, il était venu à Montauban suivre les cours de la
Faculté de théologie et avait commencé sa deuxième année lorsque la
guerre éclata. Pressé par sa conscience, en janvier 1915 devançant
l'appel de sa classe (1916), il s'engagea comme volontaire. Les
lettres qu'il écrivit à ses parents et à des amis intimes, depuis
cette « veillée des armes » jusqu'à l'heure où il tomba en
allant à l'assaut d'une tranchée, ont été pieusement réunies dans ce
volume, dont le sous-titre exprime exactement ce que fut l'héroïque
jeune homme, soldat de la France et de Jésus-Christ. On y voit, d'une
lettre à l'autre, sa vie intérieure devenir plus intense, sa communion
avec Dieu plus intime, ce qui ne l'empêche pas d'avoir l'esprit très
ouvert aux choses de ce monde. Il s'intéresse à tout, jouit de la vue
des paysages qui frappent ses regards, de la société de ses compagnons
d'armes, de celle de son commandant, avec qui il pria souvent et la
dernière fois la veille qui précéda sa mort. Sa correspondance devrait
être mise entre les mains de tous nos jeunes gens et jeunes
soldats ; elle leur montrerait comment on peut servir
Jésus-Christ sous les drapeaux, être soldat et chrétien, tout en
haïssant la guerre, et poursuivre jusqu'au bout la « marche vers
l'Étoile. » L. N.
Eh bien, oui, mesdames et messieurs, du haut de ces pyramides,
pardon, du haut de cette tribune quarante années vous félicitent.
Je félicite nos vétérans de s'être consacrés depuis longtemps à si
belle tâche ; J'en fais de même aux nouveaux venus ils ont choisi
une bonne part en entrant dans nos rangs eux aussi vont nous aider à
enseigner la Bible aux enfants et s'efforcer de les amener à Jésus,
leur Sauveur. Ils sauront ainsi faire pénétrer l'Évangile dans des
familles que nous ne pouvons guère atteindre autrement.
Oui, je vous félicite tous du beau rôle qui vous est échu être
les collaborateurs de vos pasteurs, mieux encore des « ouvriers
avec Dieu ». Ah ! ces privilèges, pour ne rien dire de
l'affection de vos élèves, valent bien les sacrifices de temps et les
efforts persévérants que le Maître vous demande. Encore ne suffit-il
pas d'être convaincu de ces choses pour devenir une monitrice, un
moniteur qualifiés. Je suis persuadé que tous vous ambitionnez d'avoir
ce groupe bien dirigé auquel mon sujet se rapporte. C'est pourquoi,
aussi simplement, aussi clairement que possible, viens-je
essayer de vous aider de mes expériences en donnant quelques
directions, superflues pour les uns, mais qui légitiment pour
d'autres. Au reste, ne voyez dans ma collaboration de ce jour qu'un
tribut de reconnaissance envers une oeuvre à laquelle je dois
beaucoup.
Quand je me reporte à ce qu'étaient nos écoles en 1876, je suis
frappé des progrès réalisés : en nombre (chaque quartier de la
ville en a deux ou trois et plus), en matériel d'enseignement, en
organisation, en fédération, etc. Mais leur rôle, leur influence dans
la vie religieuse de la jeunesse ne me paraissent pas avoir suivi la
même progression. Qu'on me passe cette image industrielle :
l'école du dimanche n'a pas encore le « rendement » qu'on
pourrait attendre d'elle. Je ne crois pas être présomptueux en pensant
que nous tous, directeurs et personnel enseignant nous augmenterons
sensiblement la valeur de nos écoles en y apportant toujours plus de l'amour,
de la discipline, de l'ordre et en sachant toujours
mieux parler ami, enfants, les, faire parler et parler d'eux.
Oui, soyons d'abord remplis d'amour : pour le Maître, pour
la Bible et pour nos élèves ; voilà la base essentielle de notre
travail. Sans piété vraie, nous sommes des sarments stériles, sans
fortes convictions puisées dans la Bible, nous bâtissons sur le sable
et sans véritable amour nous ne sommes que des cymbales
retentissantes. Au contraire, en apportant à notre tâche un coeur
consacré, un coeur aimant nous verrons que l'arbre porte des fruits
qui demeurent et notre foi, toujours plus éclairée, n'en sera
que plus vivante et bénie.
Ayons de la discipline, ensuite, par où j'entends de l'autorité
sur... nous-mêmes autant que sur nos élèves. Pour que votre groupe
soit bien dirigé, il importe que vous soyez un moniteur régulier
et ponctuel. Les pires des aides, ce sont les
« amateurs », onzième plaie d'Égypte dans les oeuvres
religieuses. Il me suffira de leur donner ici leur vrais noms pour les
faire juger sans appel : l'un s'appelle M. Sans façon et l'autre
Mlle sans gène. Tels de nos collaborateurs, sans aller jusque-là, ont
parfois besoin d'un petit rappel à cette sage discipline ; à leur
intention glanons ces deux souvenirs :
Certain dimanche j'avais un service funèbre à 11 1/2 h. À 11 h.
05 je rejoins dans la rue un gentil garçonnet ; son Messager à la
main, Il allait, d'un pas museur à l'école de son quartier. Je lui
pose la main sur l'épaule :
- Hé ! mon petit ami, tu es en retard, hâte-toi donc
d'aller à ton école ; ton moniteur ne sera pas content si tu
arrives aussi tard.
- Oh ! "mon moniteur, y se bile pas !
répond-il ingénument, et son regard trahissait une conscience
parfaitement tranquille.
De grâce, chers moniteurs, faites-vous un peu de bile pour
arriver à l'heure si vous voulez ci ne vos élèves s'en fassent aussi.
Quant à vous, mesdames, daignez ouïr l'incident que voici :
J'avais à remplacer un pasteur dans la direction de son école.
À 11 h. 10 j'avise deux groupes encore privés, de leurs
monitrices :
- Où sont vos dames, mes enfants ?
- Elles taillent une bavette à l'entrée du temple,
répond une petite espiègle, légèrement impertinente.
Il fallait rendre service à mon collègue en avertissant ces
jeunes sans façon, mais comment sans provoquer « de la
casse » ? Le secours me vint sous la forme d'un billet par
lequel on me priait d'annoncer que la caisse « africaine »
partirait de X. dans quinze jours ; prière de remettre à Mme Y.
les vêtements destinés aux enfants Grouamba. À quoi
je m'empressai d'ajouter : Comme les négrillons ne portent pas de
bavettes, il est superflu de tailler de ces objets dans le vestibule
du temple le dimanche à l'heures. Mes chères auditrices, aujourd'hui
encore j'ose vous mettre en garde contre les séductions de cet objet
de toilette enfantine.
Mais vous voici à votre groupe, à l'heure exacte, et c'est vous
qui accueillez avec bonne humeur vos jeunes arrivants. Gardez-vous de
vous installer avant d'avoir constaté que vos élèves sont groupés
aussi bien que le permettent les sièges, c'est-à-dire tous sous votre
regard et bien a portée de vos paroles. Avez-vous, dans votre petit
contingent, quelques fils (ou filles) de Zébédée, voulant toujours
être, l'un à votre droite, l'autre à votre gauche ? Veillez à ne
pas faire des jaloux ; ne certaines places soient occupées à tour
de rôle, la discipline en bénéficiera.
Aussitôt l'école commencée, vous devez exiger, coûte que coûte,
tranquillité et attention complètes (4),
non seulement pendant que vous
parlez, mais aussi pendant l'instruction générale. On s'oublie parfois
à écouter le directeur sans avoir suffisamment l'oeil sur son petit
monde. Exercez le même contrôle pendant le chant, surtout auprès des
garçons silencieux, soit que leur voix mue, soit que leur sotte vanité
prétende que le chant « c'est pour les filles. »
Enfin ayez de l'ordre, autrement dit soyez un
« administrateur » consciencieux qui, chaque dimanche,
apporte sa Bible, son carnet et son crayon. N'inscrivez pas les
présences dans un mutisme quasi-glacial, intéressez les présents aux
motifs des absences, faites les sympathiser avec ces intérieurs où la
maladie, les épreuves (out les joies) sont entrées ; ceci pour
transformer votre groupe en une vraie petite famille où l'on se
connaît, où l'on est heureux de se retrouver tous les finit jours. De
temps à autre informez-vous du « carnet scolaire » de
chacun, quand ce ne serait que pour lutter contre les deux
morales : celle de la semaine et celle du dimanche. Tel est très
sage en classe qui ne l'est plus à l'école du dimanche, et vice
versa.
Quand vous passez à la récitation, ne commencez. pas toujours
par les mêmes élèves ; réclamez (autant que les circonstances
personnelles le permettent) une bonne mémorisation ; tant de
monitrices se contentent des plus médiocres récitations. Montrez sans
relâche que ces versets, lestement appris et souvent au début même de
l'école, sont encore plus lestement oubliés, sans profit pour
personne, car « le temps ne respecte pas ce qu'on a fait sans
lui. »
Mais, par-dessus tout, exigez le plus grand respect pour la
Parole de Dieu. En quarante ans je crois n'avoir sévi que deux fois
avec rigueur, d'abord contre un garçon qui venait de brutaliser un
petit camarade ; plus tard contre un autre qui, pour faire rire
ses voisins, avait récité 1
Jean 4 : 8 en disant : « car Dieu est
amoureux. » Vous estimerez, avec mol, que
celui-ci était bien plus coupable que le premier.
Bref, je résume cette première partie de mon sujet en
souhaitant que vos écoles ne rappellent en rien le temps des Juges, où
chacun faisait selon son bon plaisir, mais encore moins le régime des
casernes d'outre Rhin, ou chacun n'est plus qu'un automate entre les
mains de ses supérieurs.
Ces devoirs matériels, extérieurs de notre tâche étant
consciencieusement remplis, reste à envisager sa partie interne,
capitale : l'enseignement religieux. Celui-ci a pour instrument
indispensable la parole. Voyons donc comment exécuter notre
triple mandat : parler aux enfants, - les faire parler, - parler
d'eux.
Le don d'exposer clairement un sujet devant des enfants est
inné chez les uns ; pour d'autres il s'acquiert, si, développe
par la pratique, mais chez tous il doit se baser sur une solide
préparation collective et individuelle. Comme ce point ne rentre pas
dans mon sujet, je passe aux recommandations que voici :
a) Pour être bien compris des enfants, il faut les aimer et... parler leur langue. Je ne dis pas leur langage encore moins leur argot de collège, mais les mots qui font partie de leur bagage intellectuel. Évitez l'emploi de termes abstraits ou qu'on utilise rarement dans leur milieu si vous ne pouvez pas les expliquer brièvement. Je cite au hasard de la mémoire : allégorie, piété filiale, perfidie, principe, mutuel, péripéties, assiduité, etc. Un moniteur avant dit que Judas était un sinistre personnage, ses jeunes auditeurs comprirent que le traître avait été pasteur à Jérusalem (ministre). Dans une école vaudoise j'entendis une monitrice dire : Aussitôt que Moïse eut frappé le rocher, l'eau se mit à. couler et les Israélites burent avec avidité. Mais elle n'expliqua pas ce dernier mot. Pour la rendre attentive, à ce détail, pendant la récapitulation je dis :
- Vous avez appris que le peuple but de cette eau avec avidité ; qu'est-ce que ça, l'avidité ?
La réponse ne tarde pas à m'arriver
- L'avidité, c'est un affaire avec quoi on boit quand on a soif.
Autre exemple : A propos de Josué 7 et pour faire comprendre ce qu'est la solidarité je dis aux élèves : Pourriez-vous ni apporter une poignée d'eau ? Oh ! non. - Et une pierre comme le poing ? - Bien sûr. - Pourquoi cette différence ? - Parce que l'eau ça coule, c'est liquide. - Et la pierre ? - C'est solide. - Un solide est donc un objet dont les parties sont si bien unies qu'elle ne peuvent pas se séparer. On appelle, de même, solidarité un lien si fort, entre des personnes, qu'elles ne doivent pas se séparer les unes des notre.b) Définissez donc les termes. les idées qui vous sont nécessaires ; employez de préférence les expressions concrètes. (Parlez de l'hypocrite plutôt que de l'hypocrisie, montrez ce qu'il est ; vous éviterez ainsi cette réponse d'une élève : L'hypocrisie, c'est un vice qui consiste à cacher les, vertus qu'on n'a pas !) Mais ne vous bornez pas à des définitions par trop sommaires, quand le sujet est capital. J'avais comme moniteur un étudiant en théologie qui, devant expliquer ce qu'est la foi, crut fendre la broche en s' y prenant ainsi :
Son groupe était auprès de l'armoire aux livres.
- Vous voyez cette armoire ! leur dit-il.
-Oui, m'sieur.
- Vous n'entendez pas de bruit dedans ?
- Non, m'sieur.
- Eh bien ! si moi, votre moniteur, je vous disais : il y a un chat caché dans l'armoire, le croiriez-vous ?
- Oui, m'sieur.
- Voilà justement ce que c'est que la foi, c'est de croire sans voir, en se fiant à celui qui nous raconte quelque chose.
Jugez de l'ahurissement de ce cher jeune homme lorsque, un peu plus tard, un de ses élèves répond prestement, de la voix et du geste à ma question:
- Qu'est-ce que la foi ?
- C'est de croire qu'il y a un chat dans l'armoire.c) Ne craignez pas d'expliquer, de temps à autre, les expressions que vous supposez archiconnues, telles que révélation, adoration, etc., ou ces images si familières comme : suivre Jésus, posséder Jésus, etc. On encourageait les élèves d'une classe enfantine à recevoir Jésus dans leur coeur (sans expliquer cette image, empruntée à Apoc. 3 : 20). L'un d'eux répondit catégoriquement que non, qu'il n'en avait pas envie. Sa monitrice, un peu scandalisée, lui en demande la raison. Elle reçoit cette réponse méritée, puisqu'elle était la première fautive :
- Je ne veux pas que Jésus entre dans mon coeur parce que ça me ferait un trop gros estomac.
Il vaut la peine d'insister sur ce point. Si nos enfants emploient sans cesse des expressions, des images dont ils n'ont pas saisi le sens, ils ne se donneront pas la peine de le chercher plus tard et ainsi ils iront grossir les rangs de ces auditeurs de nos cultes qui chantent, sans daigner les comprendre, les plus belles images de nos cantiques.d) Enfin je vous engage à éviter les moments de silence dans votre enseignement ; même courts, ils permettent aux jeunes élèves de bayer aux mouches ou d'écouter le moniteur du groupe voisin. Pour la même raison, ne faites pas de fréquentes lectures à haute voix, que ce soit dans la Bible ou ailleurs ; mille fois mieux vaut bien résumer une petite histoire que la faire lire. Et voici mon ultime recommandation : ne consultez Jamais l'Éducation chrétienne devant vos élèves, ce serait un tel aveu de paresse on d'incapacité que j'en aurais honte pour vous. D'ailleurs ne vous y trompez pas, vos jeunes auditeurs ont leur manière de sentir, d'apprécier votre travail. Je livre à vos méditations ces authentiques réflexions d'enfants. L'un s'exclamait au sortir de l'école : « C'était pas chic aujourd'hui, on nous a raconté une histoire qui ne (lisait rien du tout. » Un autre : « Mon moniteur regardait constamment sa montre, il s'ennuyait ferme avec nous. » Et tout récemment, à la table de famille, un collégien s'écrie : « Notre directeur avait l'air embarrassé, ce matin ; il a dit des oh ! des ah ! suivis d'enfilades d'adjectifs ; je gagne qu'il ne s'était pas préparé. »
Et pour tout condenser en un mot, tâchez qu'aucun élève ne dise de
votre enseignement : c'est moitié religieux, moitié intéressant.
Soyez captivant, je ne dis pas comique, drolatique, mais capable de
gagner leur attention, s'il le faut en piquant leur curiosité
enfantine. Spurgeon racontait qu'un prédicateur de jadis, fort
monotone, avait, au pied de sa chaire, deux dames qui, régulièrement,
dormaient à ses sermons. Un jour, une idée qu'il croit lumineuse lui
traverse l'esprit. Il se rend auprès des délinquantes et déclare que
souvent Il les a vues dormant à l'église. Toutes deux de s'excuser en
affirmant avoir fait l'impossible pour demeurer éveillées. C'était
l'aveu que le clergyman attendait, car il répliqua avec
empressement :
- Mesdames, je vous engage vivement à essayer de ce
moyen : apportez une tabatière au culte, puisez-y quelques prises
dès que viendra le sommeil et vous le vaincrez.
Avec une ingénuité bourrée de malice, les deux soeurs
répondent :
- Nous voulons bien essayer, mais si vous mettiez ce tabac
dans votre sermon peut - être aurait-il le même effet.
Je conclus, de même, en vous invitant à « puiser dans la
tabatière » dès que l'attention de vos enfants est en baisse.
Or, les faire parler est une de ces
« prises » dont l'effet ne manque jamais. Admirez-vous ce
moniteur dont la facilité de parole rappelle un robinet qui, une fois
ouvert, coule, coule, sans changement ni arrêt ? Moi pas dit
tout. Cet instructeur-là que sait-il de ses élèves ? Rien ou
presque rien. Qu'ont-Ils compris de la leçon ? Qu'ont-ils
retenu ? Mystère. Il est donc nécessaire de recourir au système
des questions, système qui a fait ses preuves, étant plus ancien que
nos Écoles du Dimanche et bien autrement vieux qu'Hérode puisqu'un des
sages de la Grèce nommé Socrate, le pratiquait avec tant d'art qu'on
lui a donné le nom de méthode socratique.
(A suivre.)
1 Les modes de procéder ne sont pas partout les mêmes : voici ceux que nous avons eu l'occasion de constater :
- - 1. L'école est laissée aux soins d'une seule personne ; c'est le cas dans de petites localités.
- 2. Des aides, moniteurs ou monitrices, assistent le directeur (ou la directrice), mais se bornent à distribuer les feuilles, faire réciter les passages et soutenir le chant.
- 3. Les aides exposent le sujet, chacun dans un groupe, et le directeur l'expose ensuite aux groupes réunis, ou en tire des applications, après avoir peut-être posé quelques questions.
- 4. Le directeur est lui-même chargé d'un groupe, celui des plus âgés, et les élèves ne sont réunis que pour le chant et la prière.
- 5. Les catéchumènes ont un culte à part, ou bien ils sont tenus d'assister au culte polir adultes, et sont appelés à l'issue du service pour être interrogés sur la prédication qu'ils ont entendue.
- 6. Les enfants de 12 arts et au-dessus ont avec les catéchumènes le culte pour la jeunesse.
2 C'est ce qu'avait déjà conseillé, il y a 13 ans, M. le professeur Philippe Bridel à la réunion annuelle des moniteurs et monitrices du district de Lausanne. (Éducation chrétienne, année 1903, p. 381.)3 On a demandé à l'auteur de rédiger sa « Causerie » pour les lecteurs de l'Éducation chrétienne ; il en profite pour ajouter quelques éclaircissements qui avaient été supprimés faute de temps. En introduisant M. Joseph, le président de l'assemblée l'avait aimablement félicité de ce que, précisément en mars 1916, il achevait sa quarantième année d'activité dans les Écoles du dimanche. Ceci pour expliquer l'entrée en matière du rapporteur.
4 Recourez moins au commandement qu'à la persuasion. À cet égard voici un fait typique. En 1888, je dirigeais, à Vevey, l'école du dimanche interecclésiastique. Par un radieux dimanche de mai, une de nos hautes fenêtres étant ouvertes, au moment de la leçon générale une hirondelle se précipite dans la vaste salle et y commence d'interminables circuits, des planés, des plongées d'acrobate. Et l'on entend, à droite, les petits cris effrayés des fillettes, à gauche les exclamations amusées des garçons. Toutes les fenêtres ont été ouvertes, mais l'hirondelle ne veut pas sortir. Que faire ?
D'un grand coup sur le pupitre j'obtins un peu de silence et dis : J'ai un important communiqué à vous faire : dimanche passé M. le pasteur C. vous a montré que l'obéissance de Naaman fut luise à l'épreuve par un moyen très simple. Aujourd'hui, mes chers enfants, par cette simple hirondelle Dieu vient mettre à l'épreuve l'obéissance des 180 élèves réunis ici. Il a permis cette visite afin de voir qui, parmi vous, aura assez de coeur, de conscience et de volonté, pour suivre l'explication biblique et non pas ce gracieux petit oiseau. Dieu est là, il voit, il juge ; reprenons notre leçon.... Et pas un enfant ne broncha ! L'attention le silence furent excellents. Avec leur directeur ils crurent sincèrement à cette épreuve et leur foi leur donna la victoire.
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