Cantiques proposés :
N° 62. Mon Dieu, mon Père... - N° 79. Demeure par ta grâce...
Introduction. - Plusieurs personnages s'agitent dans
cette nuit funèbre. On pourrait faire une étude utile sur chacun
d'eux : les douze, les trois intimes, Judas. On pourrait aussi,
il semble que le sous-titre y invite, chercher les leçons pratiques
relatives à l'acceptation de la volonté de Dieu. 'Nous renonçons à ces
divers sujets, sans imposer notre manière de voir, du reste. Nous
désirons ne voir que Jésus, Jésus seul, Jésus souffrant. Sa figure
doit dominer tous nos services de Passion, les enfants doivent nous
sentir comme obsédés par cette souffrance immense et imméritée.
Comparée à l'attitude de Jésus, celle des autres acteurs, et la nôtre,
se jugent d'elles-mêmes, et les applications du sujet à notre vie
personnelle, pour autant que nous osons confronter nos luttes avec
celles du Maître, ne font pas de doute.
La dernière nuit de Jésus. - À l'heure où les enfants
reposent paisiblement dans leurs lits et où les grandes personnes vont
aussi trouver le repos, Jésus quitte la maison où nous l'avons laissé
dimanche passé en tête à tête avec ses disciples.
C'est le jeudi soir, et la lune est pleine. (Les Juifs célébraient la
Pâque, quinze jours après la nouvelle lune. Aujourd'hui nous célébrons
la fête de Pâques le premier dimanche qui suit la première pleine lune
du printemps. Il en résulte que la lune est toujours pleine un des
jours de la semaine sainte.) Jésus ne va pas chercher le repos ni
faire une promenade de plaisir. Il souffre. Depuis quatre jours, il a
fourni un grand effort et a eu beaucoup de chagrins : le
dimanche, il a fait une suprême tentative pour appeler au salut
Jérusalem, il a échoué et il a pleuré ; le lundi, il a assisté à
la profanation du temple par les vendeurs et les changeurs, et lui, si
doux d'ordinaire, a été saisi d'indignation ; le mardi, il a été
épié, interrogé, traqué par ses ennemis, auxquels il a toujours
répondu avec calme, mais avec énergie, il a dû encourager ses amis qui
ne savent plus que penser en voyant qu'il ne réussit pas dans son
oeuvre, et qui pressentent une catastrophe ; le mercredi, à
Béthanie, il s'est aperçu que Judas n'était pas là et a senti la
trahison. Il a compris qu'il était perdu, et en se mettant à table le
jeudi soir avec ses disciples, il leur a dit ouvertement qu'il allait
mourir.
À mesure que la soirée avance, son angoisse augmente. Lui qui
avait l'habitude d'encourager les autres, il leur dit
maintenant : « Mon âme est triste jusqu'à la mort. »
Lui qui ne craignait jamais de rester seul, il demande à ses trois
meilleurs amis de l'accompagner et de le soutenir dans son angoisse.
Ils ont traversé le torrent du Cédron, sont remontés sur la montagne
des Oliviers et se sont arrêtés dans le jardin de Géthsémané, où ils
avaient déjà passé quelques nuits. (Beaucoup de pèlerins venus à
Jérusalem pour la Pâque couchaient dehors à cause du manque de place.)
Jésus savait qu'en restant dans la ville, ses ennemis pouvaient le
surprendre, tandis que sur le mont on ne savait pas où le trouver.
Il a fallu qu'un de ceux qui connaissaient l'endroit le trahît pour
qu'on puisse l'arrêter. De jour, cette arrestation aurait fait trop de
bruit. Les chefs désiraient se débarrasser de lui sans trop éveiller
l'attention. Le crime est toujours lâche.
À quelques pas de ses trois amis, Jésus s'est jeté par terre et
il prie. Eux ont tellement sommeil et sont si découragés qu'ils ne
résistent pas à la fatigue. Et Jésus se trouve tout seul pour
souffrir. Approchons-nous avec respect de cette immense douleur. Il
faut toujours respecter un homme qui souffre, même si C'est par sa
faute. Mais surtout un homme qui souffre injustement, qui est
innocent, et qui doit mourir par la faute des autres hommes. Et
surtout eu pensant que c'est à cause de nous que Jésus doit tant
souffrir.
D'abord il est fatigué, harassé, à bout de forces
physiques. Les dernières semaines ont été particulièrement
éprouvantes, le voyage à Jérusalem, les attaques de ses ennemis, la
fatigue de ses amis, le danger qu'il court. Tout le jour dans le
temple, usant ses dernières forces à appeler les pécheurs et à faire
du bien, il n'a pas même un abri pour la nuit. Il ne peut pas dormir à
cause de son chagrin. Les grandes personnes savent que l'insomnie est
une des épreuves les plus fatigantes à supporter. Mais Jésus ne
murmure pas contre la fatigue, il prie.
Puis il est isolé. S'il est une chose qui puisse
adoucir les épreuves, c'est de rencontrer la sympathie, c'est d'avoir
un coeur ami, une mère, où l'on peut verser son chagrin. Quand une
famille est frappée par le deuil, on lui rend visite, on pleure avec
elle, et cela fait du bien. Jésus ne reçoit point de visites
bienfaisantes. Sa mère n'est pas là, elle ne le comprend pas. Ses amis
semblent en avoir assez, ils voudraient s'en aller avec leur maître,
échapper au danger et le sauver ; ils ne comprennent pas pourquoi
il s'obstine à rester et à mourir. Il est seul, et
c'est d'autant plus triste que Jésus avait une âme tendre et aimante,
un grand besoin d'affection. Aussi il n'en peut plus de rester seul et
il revient vers ses trois amis. Ils dorment. Pauvre Jésus ! il
faut qu'il retourne tout seul dans la nuit sombre.
Fatigue, isolement. Et cela au milieu d'un échec complet. En
repassant sa vie dans cette heure d'angoisse, Jésus peut se dire qu'il
a tout manqué : sa mère a eu le coeur brisé à cause de lui, il a
dû la quitter et bientôt elle le verra mourir. Ses amis, qui sont
venus à lui tout joyeux, pour trouver le bonheur, il les a entraînés
dans le danger ; ils ont quitté leur famille pour lui, et il doit
les laisser seuls maintenant, et si faibles. Ils ont trompé sa
confiance : Judas qu'il a aimé, est en train de se perdre ;
Pierre, qu'il a aimé, n'aura pas le courage de le suivre. Son peuple
est resté sourd à ses appels et restera sourd à ses gémissements sur
la croix ; il apportait un beau message de paix et de bonheur, et
les hommes n'en ont pas voulu, ils préfèrent rester dans le péché et
le malheur ; on le tuera, et on s'acharnera contre ses amis. À
cause de lui, Prince de la paix, Hérode a fait massacrer les petits
enfants de Bethléem. À cause de lui, des familles ont été
divisées ; on veut tuer Lazare parce qu'il l'a ressuscité. À
cause de lui, Judas va se pendre. Il a tout le monde contre lui, le
gouvernement romain, les gens religieux, les riches et les pauvres, il
est comme un danger public. Était-ce bien cela que son Père lui
prédisait quand il lui avait dit : « Tu es mon fils
bien-aimé ! » Pourquoi doit-il souffrir, lui innocent ?
Pourquoi les hommes le détestent-ils, lui si bon ? Pourquoi ne
veut-on pas de lui ? Pourquoi s'obstine-t-on à rester dans le mal
et la tristesse, quand il aurait suffi de le suivre, pour être bon et
heureux ? Pourquoi doit-il mourir ?
C'est encore une des souffrances de Jésus à Géthsémané, la
pensée de la mort et d'une mort atroce. Sans doute, Jésus
n'avait pas peur de mourir, il connaissait son Père et se réjouissait
d'aller à lui. Mais quelle mort lui était réservée : des coups,
des clous, des épines, jusqu'à ce que son pauvre corps martyrisé ne
puisse plus supporter la douleur ! la mort d'un malfaiteur,
exposé aux regards et aux blasphème s ! Il doit mourir à
trente ans, en pleine vigueur, alors qu'il y aurait encore tant de
bien à faire, tant de misères à soulager, et des amis à aider. Il doit
mourir d'une façon qui fera croire que Dieu n'est pas fidèle à ses
Promesses, que Dieu abandonne son fils, d'une façon qui poussera les
hommes à se détourner encore plus de Dieu. Voilà ce qui l'attend, et
quand il y pense, la transpiration de son corps devient comme du sang.
Est-il possible que cela ne soit p as ? Ici
nous sommes au fond de cette agonie. Jésus n'a jamais douté de Dieu,
il sait que toutes choses lui sont possibles. Dieu peut le délivrer,
envoyer des anges à son secours, lui permettre de s'en aller. Car,
c'est ce qui fait pour moi l'héroïsme suprême de Jésus, il pouvait
s'en aller. Rien ne l'obligeait à attendre ses ennemis é Géthsémané.
Quelques pas seulement, et Judas ne le trouvait pas à la place
habituelle. Quelques heures à marcher dans la nuit, et il atteignait
le Jourdain, la frontière, hors de portée de ses ennemis. Je suis sûr
que les disciples ne pensaient qu'à c la : se sauver, et
sauver leur maître, c'était si facile ! On ne les aurait pas
poursuivis. Les chefs auraient été trop heureux d'être débarrassés de
Jésus sans avoir besoin de commettre un crime. Sauvé, il pourra
reprendre son oeuvre, redire de belles paraboles, guérir encore les
malades, aimer encore les siens, vivre longtemps, et parler de son
Père. Si seulement Dieu lui donnait un signe, un mot, la permission de
partir, n'est-ce pas possible ? N'a-t-il pas fait tout ce qu'il
a pu ? Est-ce que vraiment c'est nécessaire
de mourir ? Trois fois Jésus s'est jeté par terre pour supplier
Dieu de lui montrer la route. Dieu ne répond pas. Donc il doit rester.
La troisième fois, Jésus accepte, et se redresse : « Que ta
volonté soit faite ! »
Voilà un héros : il est resté, quand il pouvait partir. Il
s'est offert à la mort, quand il n'avait qu'un pas à faire pour se
sauver. Nous trouvons légitime que ceux qui sont poursuivis
injustement fassent leur possible pour s'échapper. On montre encore
dans les Cévennes les cachettes de Roland le Camisard, où ses ennemis
n'ont jamais pu le trouver. Les huguenots célébraient leur culte en
secret, pour ne pas être surpris. Nous trouvons cela très juste et
pensons qu'il leur fallait déjà beaucoup de courage pour faire ce
qu'ils ont fait. Jésus a fait plus que cela : il est resté à
Géthsémané, quand rien ne l'y obligeait. Personne ne le forçait à
rester. Il n'a pas bougé. Quand je pense qu'il aurait pu s'en aller,
qu'il aurait pu perdre courage, ou croire que Dieu le laissait partir,
et qu'ainsi je n'aurais plus un Sauveur qui est mort sur la croix, je
frissonne, et j'adore Celui qui a eu le courage de rester là.
La volonté de Dieu, c'était que Jésus portât jusqu'au bout le
châtiment de nos péchés. Là il a compris que ce qui lui restait encore
à souffrir, c'était le plus terrible, être laissé par Dieu. Savoir que
Dieu pouvait le délivrer, et ne pas être délivré. Savoir que Dieu
pouvait répondre à ses cris d'angoisse et confondre ses adversaires,
et ne recevoir aucune réponse. Savoir que Dieu n'abandonne pas ceux
qu'il aime, et se sentir abandonné par lui, comme s'il ne l'avait pas
aimé, comme s'il ne l'avait pas servi, comme s'il était un pécheur. La
plus atroce souffrance de Jésus en Géthsémané fut cette perspective de
l'abandon de Dieu, ce sentiment que le Père lui-même se détournait de
celui qui allait devenir un maudit. « Pendant les dernières
heures de sa vie, si Jésus a souffert sans être
compris, il a souffert aussi sans comprendre. D'abandon en abandon, de
solitude en solitude, d'obscurité en obscurité, il s'est laissé
conduire, pas à pas, jusqu'au terme fatal ; et s'il ressemblait à
la brebis qui tremble sous les ciseaux du tondeur, ce n'est point
seulement parce qu'il restait muet, c'est parce que ses yeux, pleins
de questions sur son sort, imploraient en vain une réponse obstinément
refusée. » (W. Monod.) À Géthsémané, Jésus a accepté la volonté
de Dieu sans la comprendre, il a accepté de souffrir de la main même
du Père qu'il aimait, qui pouvait le délivrer, et qui n'a pas voulu le
faire.
Ces dernières réflexions sont un peu difficiles pour les
enfants. Elles étaient nécessaires pour que le sujet fût complet. Nos
préparations ne doivent-elles pas aussi servir à nous, les
grands ? Mais les enfants comprendront ceci : c'est que le
salaire du péché, c'est la mort, la mort sans Dieu. Jésus a accepté de
mourir, et de mourir comme si Dieu n'était pas près de lui. C'est ce
que nous entendons en disant qu'il a expié nos péchés.
« Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et nous
sommes guéris par ses meurtrissures. Il a été frappé pour nos péchés,
et brisé pour nos iniquités. » (Ésaïe 53.) Une légende romaine
raconte qu'un gouffre profond s'ouvrit un jour au milieu de la ville
et menaçait d'engloutir toute la population. Un devin annonça que le
gouffre se refermerait si l'on y jetait ce que Rome avait de plus
précieux. Alors un jeune homme, Marcus Curtius, pensant que le trésor
de Rome, c'était son armée, revêtit sa cuirasse, prit ses armes, monta
à cheval, et se précipita volontairement dans l'abîme, qui se referma
aussitôt sur lui. (Il y a deux ans la Feuille de Tempérance a
donné un dessin de cette scène.)
Voilà ce que Jésus a fait. Les hommes étaient séparés de Dieu
par le gouffre du péché. Alors Jésus, si bon, si saint, le
meilleur des hommes, a dit à Dieu : Frappe-moi à leur place, et
il s'est jeté dans le gouffre. Son cadavre a rétabli les
communications entre Dieu et nous, par sa mort il nous a sauvés de la
mort sans Dieu.
Jésus n'est resté sur la croix que quelques heures. Il a expiré
plus vite que les crucifiés d'ordinaire. Cette mort rapide s'explique
par la souffrance de Géthsémané. Il avait tellement souffert pour nous
dans cette nuit d'angoisse, que là déjà son agonie avait commencé, et
que son corps et son coeur brisés ne purent pas longtemps supporter
les souffrances physiques du supplice.
P. Vz.
Récapituler leçon du 2 avril.
- Après avoir institué la sainte cène, Jésus donna beaucoup
de bons conseils à ses disciples, leur parla des dangers
auxquels ils seraient exposés quand il ne serait plus avec
eux ; puis il pria, non seulement pour lui-même, mais
aussi pour eux (Jean
1
7 : 9-15 ; Luc
22 : 31-32). Mais les apôtres, surtout Pierre,
étaient encore comme des enfants orgueilleux qui se croient
forts, quoique très faibles. Au lieu de craindre et de
demander le secours de Dieu, ils prétendirent qu'ils étaient
prêts à mourir plutôt que d'abandonner le Sauveur ;
vous verrez ce qui en résulta. ( Mat. 26 : 35-36.)
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