Cantiques proposés :
N° 107. Nous t'implorons, ô bon
Père... - N° 108. Ah ! qu'il est
beau de voir des frères...
Les personnages que Jésus met en
scène dans ses paraboles sont si vivants, si
expressifs, qu'ils éveillent toujours soit
notre admiration, soit notre indignation. Voyez le
bon Samaritain, le père de l'enfant
prodigue, le péager ; comme il fait bon
penser à ces hommes-là ! Et
voyez le pharisien, le juge inique, le
lévite, l'ennemi ; quels gens
antipathiques ! Le serviteur impitoyable est
peut-être le plus repoussant de tous ces
hommes. Est-il possible de rencontrer un individu
aussi méchant, aussi stupide, aussi
ridicule ? Méchant, car on vient de lui
remettre une dette énorme, de lui faire un
cadeau princier, et il n'a pas pitié de ce
camarade chargé de famille. Stupide, car il
devait bien penser que son maître apprendrait
sa conduite abominable et le punirait. Ridicule,
car il est toujours risible de voir des hommes qui
s'aplatissent devant leurs supérieurs et qui
ensuite se vengent sur leurs subordonnés,
comme ces caporaux qui, avec
leurs hommes, jouent au colonel pour se rattraper
d'avoir dû obéir. J'ai vu des enfants
se fâcher tout rouges après avoir
entendu cette parabole et s'écrier :
« Si nous l'avions tenu, celui-là,
c'est bien lui que nous aurions saisi à la
gorge ! »
Eh bien, nous le tenons, le serviteur
impitoyable ! où cela ? c'est
nous-mêmes. Toutes les fois que nous refusons
de pardonner à quelqu'un qui nous a fait du
mal, nous sommes méchants, stupides et
ridicules. Méchants, car nous faisons de la
peine à Dieu et à nos frères.
Stupides, car nous savons bien que Dieu ne nous
pardonnera pas dans ces conditions et qu'il nous
punira. Ridicules, car de pauvres pécheurs,
à qui Dieu doit sans cesse pardonner de si
grosses offenses, ont autre chose à faire
qu'à se fâcher et à se croire
blessés pour les moindres torts qu'on a
à leur égard. Voilà un homme
pour lequel Dieu a donné ce qu'il a de plus
précieux, son fils, et cet homme serait
incapable de pardonner à celui qui lui a
fait tort de quelques francs ! Un homme auquel
Dieu a pardonné son égoïsme, son
orgueil, son mensonge, et il ne sait pas donner en
échange le pardon d'une faute beaucoup moins
grave ! Un homme qui n'a, pour entrer au ciel,
qu'un geste à faire, pardonner, et qui
préfère, se rendre malheureux pour
toute la vie et pour
l'éternité ! Dites si ce n'est
pas triste, et dites que vous voulez essayer de
pardonner. Il faut s'y exercer quand on est enfant,
parce que plus tard c'est toujours plus
difficile.
Il faut s'exercer d'abord dans les toutes
petites choses, et dans ce domaine le pardon prend
la forme de l'oubli. Il ne faut pas
gâter ce beau mot de pardon en l'appliquant
à des bagatelles qu'il faut savoir ne pas
prendre au sérieux et qu'il faut bien vite
oublier : un coup de coude qu'on a reçu
d'un maladroit, une parole un peu vive entendue
d'un impatient, une petite niche pas même
méchante, un mot mal compris,
On ne fait pas à ces choses-là
l'honneur de s'y arrêter, on les oublie. Il y
a un vilain défaut qui s'appelle la
susceptibilité et qui consiste
précisément à se sentir
blessé pour la moindre chose et
fâché dès que quelqu'un, par
mégarde, vous marche sur les pieds. Le
susceptible se rend malheureux en voyant des
montagnes là où il n'y a que des
taupinières, et en croyant entendre des
injures quand ce n'est qu'une parole
prononcée sans y faire attention. Il se rend
insupportable, car on ne sait jamais avec lui si on
ne va pas le froisser ; il faut prendre des
précautions pour lui adresser la parole et
mettre des gants pour le toucher. Surtout entre
frères et soeurs, qui vivent continuellement
ensemble et ne peuvent éviter certains
frottements, la susceptibilité complique
beaucoup l'existence.
Passons à des choses plus graves et
pour lesquelles il vaut la peine d'employer le mot
de pardon. Là encore, il y a bien des cas
où nous avons de la peine à pardonner
et où il n'y aurait pas même besoin de
pardon, tout simplement parce qu'on ne nous a pas
offensé. C'est nous qui l'avons cru,
à tort. C'est surtout vrai quand on nous
rapporte certains propos qui ont été
tenus sur notre compte. Nous voilà
blessés, et une brouille s'ensuit. Or
sommes-nous bien sûrs que les choses ont
été dites comme elles nous ont
été rapportée ? Savons-nous
aller simplement au soi-disant offenseur pour lui
dire : est-ce bien vrai que tu as dit cela de
moi? Souvent il sera encore plus surpris que nous
des propos qu'on lui a mis sur les
lèvre ; ou bien, s'il les a tenus, ce
n'est pas du tout dans l'intention de nous nuire,
ni avec le ton méchant que leur a
donné le rapporteur. Il suffit d'une simple,
et franche explication pour dissiper le malentendu. Nous
pensions qu'il fallait
pardonner, et voici, il ne fallait que s'entendre.
Et c'est peut-être nous qui aurons à
demander pardon d'avoir pu croire si facilement du
mal d'un ami. Dans tous les cas,
il faut savoir exactement si vraiment on a voulu
nous offenser.
Nous voilà maintenant au coeur du
sujet : on nous a offensés, on nous a
fait tort. Nous avons été
calomniés, dépouillés,
blessés. Que faire ? Pardonner. Mais je
ne peux pas oublier ! Il ne s'agit pas
d'oublier. Pardonner, c'est plus que, cela. C'est
(l'étymologie est peut-être
fantaisiste, mais le sens est très clair)
« donner par-dessus », accorder
plus d'affection qu'auparavant à celui qui a
fait le mal, penser à lui avec plus d'amour
encore, prier pour lui et profiter des occasions
pour lui faire plaisir, pour lui rendre un service.
C'est faire comme Jésus qui, voyant que les
hommes ne l'aimaient pas, a donné sa vie
pour eux et les a ainsi forcés à
l'aimer. Le vrai pardon vient du coeur
(v.
35).
Pardonner, ce n'est pas seulement dire qu'on
pardonne. Que de fois on entend dire : J'ai
pardonné, je n'y pense plus. et on
s'aperçoit qu'au fond celui qui parle ainsi
n'a pas pardonné du tout et y pense
toujours. On a pardonné, mais quand
même on ne se salue pas et on ne se donne pas
la main. On a pardonné, mais à toute
occasion on lance une parole méchante
à l'égard, de l'offenseur, on cherche
malgré tout à se venger. On a
pardonné, mais on ne peut pas aimer. Or
pardonner, c'est aimer, aimer celui qui nous a
offensés plus que s'il ne l'avait pas fait,
et le lui témoigner.
Pardonner, c'est très difficile,
c'est même ce qu'il y a de plus difficile au
monde, et quand Jésus a placé dans sa
prière « comme nous
pardonnons », il savait bien ce qu'il
faisait, il savait que lorsqu'on est parvenu
à pardonner, tout le reste est gagné
et tous les autres défauts sont facilement
vaincus. Il faut trois choses pour y arriver, la
réflexion, la prière et
l'action.
Réfléchissons à
l'offense qu'on nous a faite, non pas pour agrandir
notre blessure, ruminer notre chagrin et préparer
notre vengeance,
mais devant Dieu, et pensons ceci : d'abord
toi-même tu as besoin du pardon de Dieu, tu
lui as fait souvent de la peine, tu as commis des
actes qu'il condamne et pour lesquels il pourrait
te punir. Dieu ne t'a pas puni, il t'a
pardonné, il t'a remis ta dette. Ensuite
toi-même tu as besoin du pardon des hommes,
tu n'es pas si parfait que tu n'aies jamais fait de
tort ou de peine à quelqu'un, tu serais bien
fâché si on te gardait toujours
rancune et si on se vengeait de toi ; tu
trouves que ceux que tu as offensés, ont
été bien prompts à se
fâcher, et bien durs de te refuser le
pardon ; tu ne voudrais pas être comme
eux. N'as-tu peut-être pas, autrefois ou
récemment, fait de la peine justement
à la personne qui maintenant t'a
blessé ? N'as-tu pas provoqué
l'injure ou le dommage par ta manière
d'être ? Et puis, pense encore
ceci : c'est que ceux qui font le mal sont
malheureux, ils ne peuvent pas prier, ils
souffrent, quand même ils ont l'air
satisfaits. Et encore, pense à Jésus.
Quand tu auras bien réfléchi, tu te
diras que tu veux pardonner.
Il ne suffit pas de vouloir, il faut
pouvoir. Et tu ne peux pas ! Alors prie. Demande
simplement à Dieu de
t'aider à pardonner. Demande-lui pardon de
ce que ton coeur est si dur qu'il ne peut pas faire
ce que Jésus a fait. Laisse un instant de
côté dans ta prière l'offense
qui t'a été faite pour ne penser
qu'à tes torts envers Dieu. Tu verras qu'il
n'attend pas que nous ayons pardonné pour
nous accorder son pardon. Il le donne tout de
suite. Mais tout de suite aussi son amour nous
presse de pardonner et nous donne la force de le
faire. Le pardon de Dieu transforme notre coeur et
nous rend capables de faire ce qui nous paraissait
impossible. Il a tout de suite remis la dette
à son débiteur. Mais cela allait de
soi que le débiteur devait remettre sa dette
à son camarade. Pardonner est impossible
à l'homme, mais tout est
possible à Dieu. Demandons-lui, nous verrons
comme cela nous deviendra facile.
Tellement facile que notre première
pensée, après avoir prié, sera
de faire un acte d'amour en faveur de celui qui
nous a offensé. Voilà que tout
naturellement nous prions pour lui, pour que Dieu
le bénisse. On peut prier pour une personne
sans l'aimer, mais on ne peut plus haïr ceux
pour lesquels on a prié. Dieu nous a
inspiré, l'acte que nous allons accomplir,
la parole que nous allons dire, l'attitude que nous
devons prendre. Allons vite, et, agissons. Et si
celui qui nous a fait du mal ne veut pas de notre
pardon, et s'il méprise notre
affection ! Qu'importe. Jésus a
donné son pardon sans savoir si les hommes
en voudraient. Il est possible qu'on ne voudra pas
du nôtre, nous continuerons à aimer,
et sans paroles, puisqu'on n'écoute pas,
nous témoignerons par nos actions, que notre
pardon est complet et véritable. Plus tard,
nous en verrons les fruits. La
méchanceté ne résiste pas
à l'amour.
Ne voulons-nous pas essayer ? Il cri
résultera trois grandes
bénédictions:
Bénédiction dans nos
rapports avec Dieu ; celui qui pardonne
fait plaisir à Dieu. Il ne faut pas se
représenter Dieu comme un être perdu
dans les nuages, qui n'a pas de sentiments, de
joies ou de peines. Notre Dieu aime, donc il
souffre. Il souffre de voir les hommes se haïr
et se battre. Il a tant souffert cette année
à cause de la guerre. Il souffre de penser
que le sacrifice de son Fils est inutile pour tant
d'hommes. Il a de la joie, une joie immense, toutes
les fois qu'un pécheur se convertit et qu'un
de ses enfants fait une bonne action. Pensons
à cela, c'est si beau de faire plaisir
à Dieu, de lui aider à faire son
oeuvre d'amour dans le monde. On ne peut pas lui
aider mieux qu'en pardonnant parce qu'ainsi on
donne titre idée à ceux qui ne le
savent pas de ce qu'est son pardon. Quand on pardonne,
on est comme un
représentant, une image du Père qui
veut pardonner. Nous aimons Dieu, ne lui faisons
pas de chagrin, il en a déjà
tant ! Pardonnons, et il nous bénira.
(v.
31. La tristesse des gens de la
maison).
Bénédiction dans notre vie
personnelle. Il n'y a rien qui gâte la
vie comme la rancune ou l'amertume. Quel poids de
moins sur le coeur quand on parvient à
aimer. Par le pardon, notre âme se fortifie.
On croit souvent le contraire, on dit :
Pardonner, c'est être faible, un homme fort
ne pardonne pas. Comme c'est faux ! Voyez
Jésus, le trouvez-vous plus faible parce
qu'il a pardonné à ses ennemis ?
est-ce qu'il vous fait l'effet d'un
lâche ? L'auriez-vous trouvé plus
fort s'il avait maudit ses bourreaux ? Quand,
au dernier repas, il tendait à Judas le
morceau trempé, est-ce qu'il a
été faible et lâche de ne pas
l'invectiver ? Quand Pierre l'a renié
et trahi, est-ce que Jésus a
été un lâche en lui rendant son
amour ? Il n'y a pas d'acte plus viril, plus
vaillant, que celui qui consiste à
pardonner. Notre coeur se dit : par ton
naturel, tu es porté à haïr,
à détester, à te venger. Tu
vas briser ce naturel, être maître de
toi, être fort, et tu pardonneras. Ainsi tu
te mettras au-dessus du péché.
J'ai connu un jeune Belge qui fut
jeté à la porte par son père
à l'âge de douze ans. Abandonné
à lui-même, il mena une vie
lamentable, allant jusqu'au vol et à la
prison, gardant dans son coeur une haine terrible
pour ce père dénaturé.
Lorsqu'il eut rencontré Jésus et se
fut donné à lui, il comprit qu'il
devait tuer cette haine. Longtemps il lut et relut
son Évangile, mais quand il arrivait
à des paroles de pardon, il ne pouvait pas
continuer. Même il déchira la feuille
où se trouvent ces paroles :
« Père, pardonne-leur car ils ne
savent ce qu'ils font. » La haine lui
brûlait le coeur. Un jour, son coeur fut
rempli par un autre sentiment, il se fiança
à une jeune fille pieuse que Dieu avait
placée sur sa route. Il
comprit alors l'immense amour de Dieu qui lui avait
pardonné tous ses péchés
puisqu'il lui donnait, à lui,
misérable, une femme si bonne. Alors il
écrivit à son père une lettre
magnifique pour l'inviter à son mariage et
lui raconter son bonheur. Trouvez-vous que ce
garçon a été un
lâche ? Je puis vous dire au contraire
qu'il a été un vaillant et en a
donné les preuves.
Bénédiction enfin pour les
autres. L'enfant prodigue revient à la
maison paternelle. Son pas est hésitant, ses
lèvres tremblent. Il sait bien ce qu'il veut
dire, mais comment sera-t-il accueilli ? Si le
père était arrivé avec
rudesse, avait refusé son pardon,
peut-être que le pauvre garçon
découragé serait reparti. Si le
père avait fermé sa porte, l'enfant
était perdu. Mais quand il voit le regard de
son père, ses bras tendus, son coeur se
fond, et il est sauvé. Beaucoup attendent
ainsi, ils savent qu'ils ont eu tort. Mais ils
n'osent pas demander pardon, ils craignent
d'être mal reçus. Le salut de leur
âme dépend de la manière dont
celui qu'ils ont offensé les traitera. Un
regard dur, une parole méchante, ils
partiront pour toujours. Le long regard d'amour qui
pardonne avant même d'avoir entendu la parole
du repentir fera fondre leur coeur. En pardonnant,
nous aidons Dieu à sauver les
âmes.
Remarque. - On trouvera
peut-être que j'ai pris le sujet par son
petit côté et traité trop
légèrement la question du pardon de
Dieu. Cette question n'est pas à la
portée des enfants dans toute son ampleur,
car ils n'ont pas encore le sentiment du
péché entraînant la
condamnation totale et la nécessité
de l'expiation. La mine était assez riche en
restant sur un terrain qui leur est familier.
PAUL VITTOZ.
Aujourd'hui
j'ai à vous raconter
une histoire bien attristante,
l'histoire
d'un méchant serviteur et du
châtiment qu'il eut à
souffrir. avoir raconté aux apôtres la parabole du serviteur impitoyable, - car c'est une parabole, c'est-à-dire une comparaison qu'il leur fit un jour que Pierre demandait combien de fois il fallait pardonner. Il leur dit : C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera (comme le roi traita le méchant serviteur), si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur (v. 35). - Votre roi à vous, mes enfants, c'est le Père céleste. Vous avez tout reçu de lui, vie, parents, jambes, bras, tête, mémoire, vêtements, nourriture. Il est donc juste que vous lui obéissiez en toutes choses ; cependant que de péchés qui l'offensent et méritent le châtiment ne commettez-vous pas chaque jour : jurements, mensonges, paresse, gourmandise, colère ! C'est pourquoi vous devez lui dire dans votre prière : Pardonne-nous nos offenses. Mais si, après avoir demandé pardon, vous vous vengez de celui qui vous fait le moindre mal, si vous lui rendez le coup qu'il vous a donné peut-être sans le vouloir, lui déchirez son cahier parce qu'il a déchiré le vôtre, alors vous ressemblez au méchant garçon qui battait son petit frère, au méchant serviteur qui étranglait son compagnon de service. C'est pourquoi vous devez promettre à Dieu de ne jamais vous venger, de toujours pardonner, et lui dire : Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Vous en souviendrez-vous ?
(Mat. 18: 21-35.)
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