Tu travailleras six jours.
« L'homme est né pour
travailler comme l'oiseau pour voler »,
lisons-nous dans le livre de Job. Le travail est,
en effet, une obligation primordiale et non une
conséquence de la chute, puisque,
d'après la Genèse, Adam, sitôt
créé, fat placé dans. le
jardin d'Éden pour « le cultiver
et le garder ».
Le travail. en particulier le travail
manuel, ne doit pas être
considéré comme le châtiment du
péché. Bien au contraire.
« Quand j'entends répéter
partout, écrivait Legouvé, que
l'homme est condamné au travail, je
réponds : Non, il est condamné
à la vie, mais avec le travail pour
circonstance atténuante. »
La peine et l'effort produisent seuls, par
leur continuité, la fatigue et l'usure.
Aussi, le même commandement de Dieu proclame
l'obligation du travail et la
nécessité absolue du repos. C'est
parce que l'homme, dès son origine,
était destiné à travailler
pour se nourrir et se vêtir qu'il a
reçu comme corps la plus merveilleuse et la
plus perfectionnée des machines.
Organisée pour fournir six jours d'efforts
continus, elle s'use et dépérit, si
on ne lui accorde pas le repos du
septième.
Cette activité imposée par
Dieu à l'homme est devenue pour lui, en
même temps qu'une inéluctable
prescription, une condition absolue de
développement et de progrès normal et
rationnel, un moyen de perfectionnement,
une véritable loi de
rédemption sociale. On a défini le
travail un « exercice de
l'activité humaine impliquant un certain
effort et tendant à un but
utile. » (Ch. Babut.)
Aussi doit-on approuver et encourager toutes
les tentatives faites pour en abréger la
durée et l'intensité, en favorisant
l'invention et la multiplication des machines,
destinées à rendre le labeur de
l'ouvrier aisé, facile et
agréable.
La loi du travail qui, à l'origine,
ne s'appliquait qu'à la terre, embrasse
actuellement tout les domaines de l'activité
humaine. L'homme ne peut, qu'au prix d'un labeur
personnel et acharné, arracher à la
nature ses trésors. « Tu
travailleras à la sueur de ton
front. » Ne devant plus seulement
vivre pour travailler, mais travailler pour vivre,
il doit faire de son activité non un but
mais un moyen.
De là la nécessité pour
tout ouvrier de recevoir le prix intégral de
ses efforts faits en vile de le nourrir lui et les
siens. Le labeur de l'individu doit servir au bien
et au progrès de la collectivité,
comme le progrès social doit servir et
contribuer au développement de chaque
individu.
On sait combien l'antiquité
était loin d'avoir ces idées sur le
travail. Les citoyens d'Athènes et de Rome
confiaient aux esclaves les tâches fatigantes
et difficiles et se réservaient les
occupations faciles et agréables.
« La somme de labeur nécessaire
à l'entretien de la famille, dit Kurth,
était abandonnée à ceux qui
n'étaient pas assez forts pour
conquérir le droit à
l'oisiveté, aux femmes, aux vieillards et
aux enfants. » Un ouvrier, un laboureur
ou un marchand ne pouvaient être
regardés comme citoyens.
Le christianisme au contraire a tenu en
très haute estime le travail et le
travailleur. Sur les épitaphes des
catacombes on disait d'un artisan, pour faire son
éloge, qu'il avait aimé le travail et
avait été laborieux. En proclamant la
nécessité du
travail pour tous, saint Paul supprimait par
là-même la principale raison
d'être de l'esclavage.
Le travail manuel devant être
placé sur le même rang que celui de la
pensée, il n'y a pas de distinctions
à faire entre les diverses classes de
travailleurs, L'artisan vaut l'écrivain et
l'outil n'est pas inférieur à la
plume ou au pinceau. Les mains calleuses de
l'artisan ou du laboureur portent en elles leur
titre de noblesse. À l'égal du front
du penseur ou du poète elles ont leur genre
de noblesse et de beauté.
Du reste, pour tout homme, le travail des
mains devrait toujours s'unir à celui de la
pensée. Chez les Juifs, le rabbin Hillel fut
portefaix, et Jésus de Nazareth charpentier.
Saul de Tarse exerça son métier de
tisserand à côté de son
apostolat. Les prêtres et les lévites
étaient seuls dispensés de'
travailler de leurs mains.
On voit par ces quelques faits combien porte
à faux le reproche adressé au
christianisme, quand on l'accuse d'avoir
« méprisé le
travail », ajoutant que
« l'idéal du chrétien,
c'est le mendiant ». N'est-ce pas ignorer
ou sembler oublier que les disciples du Christ,
choisis parmi les pêcheurs du lac,
n'abandonnèrent jamais complètement
leurs barques et leurs filets, et qu'à la
mort de leur Maître, ils
s'empressèrent de reprendre leur ancien
métier ?
L'union du travail intellectuel et du
travail manuel est une condition essentielle pour
être un homme dans toute l'acception du
terme. Aussi, en Angleterre, comme dans la famille
des Hohenzollern, il est de tradition d'apprendre
un métier. En Russie, les membres de
l'aristocratie ne croient pas déroger
à leur dignité en pratiquant les plus
humbles travaux. Dans les Universités
américaines, les étudiants sans
fortune payent leurs frais d'études en
exerçant, pendant les vacances, les
professions de maçon, peintre en
bâtiment, ouvrier agricole, voir cireur de
souliers....
Le temps n'est peut-être pas
éloigné où la condition de
l'ouvrier sera supérieure à celle de
l'intellectuel, quel qu'il soit, et où son
salaire sera plus élevé que celui des
fonctionnaires (dont pour cette raison, en France
en particulier, le recrutement devient de plus en
plus difficile). Ce serait la revanche de l'outil
sur la plume et de la blouse sur l'habit.
Du reste il est tellement vrai que le
travail corporel est utile, nécessaire,
indispensable à l'homme, que les
écrivains et les penseurs ont recours aux
sports, qui ne sont en somme qu'un moyen
agréable et facile de remplacer
l'activité ouvrière, regardée
comme trop pénible pour eux et trop
humiliante aux yeux du monde.
Il y a trois sortes de travail qui devraient
toujours marcher de pair et ne jamais être
séparés, car l'un délasserait
de l'autre, le repos n'étant qu'un
changement d'activité ; le travail
manuel ou l'activité corporelle, le travail
intellectuel ou l'effort de l'esprit, et le travail
de l'âme ou l'élévation vers
Dieu.
Le premier devrait toujours suffire pour
procurer à tous les hommes la nourriture et
pourvoir aux besoins de la vie. Le second devrait
contribuer à orner, à embellir et
donner du prix à notre existence
journalière. Le troisième devrait
être jugé indispensable pour nourrir
son âme et la rendre apte à remplir sa
véritable destinée. Malheureusement,
ces trois genres de travail semblent s'exclure
mutuellement. Trop souvent, en effet, l'ouvrier ne
trouve que difficilement le temps de s'instruire.
Les exigences de la vie matérielle et le
souci du lendemain tuent chez lui tout élan
de l'âme.
Si chaque homme accomplissait sa
tâche, - toute sa tâche, - celle
qui lui incombe ici-bas selon les exigences de la
loi divine : « Tu feras toute ton
oeuvre », ou ne verrait plus la
société divisée en deux
camps : les travailleurs et les oisifs. Ces
derniers jouissant, sans aucune peine, de tous les
agréments, de tous
les plaisirs, de tout le confort de la vie moderne,
consommant sans cesse et ne produisant jamais,
tandis que les autres, manquant souvent du
nécessaire, produisent sans relâche et
ne consomment que très peu de leurs
produits. En effet, l'on n'emploie pas
personnellement tout ce que l'on produit et l'on ne
produit pas soi-même tout ce que l'on
emploie. En sorte que tandis qu'il est des hommes
qui nous offrent l'attristant spectacle d'une
coupable oisiveté, il est des
créatures de Dieu, au sein de notre
société égoïste et
raffinée, qui doivent prendre sur leur
sommeil et sur les heures de repas, le temps
qu'elles sont obligées de consacrer à
un labeur continu, épuisant et
insuffisamment productif.
Dans une société bien
organisée, il ne devrait pas y avoir de
place pour les oisifs et les paresseux. Ils sont
les uns et les autres comme des frelons se
nourrissant du miel des abeilles. Recevant de la
société tout ce qui leur est
nécessaire, sans lui rien donner en retour,
ils sont tout simplement des voleurs. Celui, en
effet, qui ne gagne pas sa subsistance par un
travail utile, consomme aux dépens des
autres an bien injustement acquis. C'est dans ce
sens que saint Paul dit : « Que
celui qui dérobait ne dérobe plus,
mais qu'il travaille »
(Eph.
4 : 28), indiquant que
l'homme valide qui ne travaille pas est pour lui un
voleur.
Heureusement que l'oisiveté et la
paresse portent en elles leur châtiment, car
elles sont aussi funestes à l'homme que le
surmenage. Si le travail sans repos produit
à la longue la maladie et la mort, le repos
sans travail engendre le désoeuvrement et
l'incurable ennui. Le rentier qui vit des richesses
accumulées par ses aïeux ne devrait pas
oublier que sa fortune n'est que le salaire
anticipé d'un travail que la
société attend de lui et sur lequel
elle doit pouvoir compter. Le riche n'est qu'un
ouvrier qui a été payé
d'avance.
Un empereur chinois avait coutume de dire
que pour chaque homme qui ne travaille pas, pour
chaque femme qui s'abandonne à la paresse,
il y a dans l'empire quelqu'un qui souffre du froid
et de la faim.
Est-il donc si difficile de se
représenter une société
où il n'y aurait pas plus, de rentiers que
de mendiants et qui, reposant tout entière
sur la collaboration de tous, obligerait chaque
citoyen à fournir une part
déterminée d'activité sociale
destinée à lui assurer en retour une
part de nourriture et de repos proportionnée
à son labeur ?
La baisse continue de
l'intérêt, réduisant toujours
plus les profits du capital pour augmenter d'autant
mieux ceux du travail, nous montre que le jour
n'est pas éloigné où il sera
impossible à tout citoyen de rester inactif
et où la parole de l'apôtre se
réalisera à la lettre :
« Celui qui ne, travaille pas ne doit pas
manger. »
Quand le taux de l'argent sera descendu
à 1 ou à 1/2 % le conflit entre le
capital et le travail sera bien près
d'être résolu. La classe dirigeante,
qui ne s'est plus appelée et laissé
appeler que « la classe
possédante » aura cessé
d'exister en tant que classe et cela au profit de
la classe pauvre qui, ne vivant que de son travail,
porte à juste titre le nom de
« classe ouvrière ou classe des
travailleurs ».
Alors on ne pourra plus placer toute sa
fortune en rente ou en fonds de banque, car on sera
forcé de la risquer dans le commerce,
l'industrie ou l'agriculture, à moins de la
faire valoir soi-même pour gagner son pain
quotidien.
Du même coup disparaîtra ce qui
donne en ce moment au travail manuel un
caractère pénible et, pour certains,
humiliant. Dès lors il reprendra sa
véritable dignité et celui qui s'y
livrera remplira un auguste sacerdoce. On ne
travaillera plus que selon les besoins. La demande
seule réglera l'offre. La
nécessité seule déterminera et
réglera la production.
Si le travail était
général et si tous les hommes s'y
livraient sans exception, le poids du labeur
universel serait diminué pour chaque
individu.
Il suffirait que tous les hommes soient
occupés pour qu'après avoir obtenu
facilement ce qui est indispensable à la vie
matérielle, ils jouissent tous d'un repos
normal et mérité. Le surmenage des
uns n'est que la rançon injuste de
l'oisiveté des autres.
« Le travail, a dit Lacordaire,
n'étant pas autre chose que
l'activité humaine, tout s'y rapporte
nécessairement, et selon qu'il est bien ou
mal distribué, la société est
bien ou mal ordonnée, heureuse ou
malheureuse. » M. Faguet écrit
tout aussi judicieusement, avec autant de finesse
et d'humour :
« Regardez ces quatre hommes qui
passent. L'un est un producteur, l'autre un
marchand, l'autre un rentier, l'autre un soldat.
Sur ces quatre hommes, il y en a trois d'inutiles,
trois qui n'exploitent pas la planète et qui
sont nourris, tous les trois par le
quatrième. Ce sont des parasites humains
(1). Le
rentier
ne produit rien, parce que ses ancêtres ont
produit. Le soldat ne produit rien parce qu'il
protège le producteur, qui sans cela ne
pourrait pas travailler trois jours. Le marchand
prend un objet de la main gauche et le passe
à un autre de la main droite ; et il
est payé pour cela. C'est
étourdissant d'ineptie. Si ce n'était
qu'étourdissant ! Mais c'est à
cause de ces trois improductifs sur quatre que la
terre n'est pas habitée, qu'elle n'est pas
exploitée, qu'on n'en couvre que le
dixième de ce qu'on en pourrait couvrir,
qu'on n'a tiré que le millième de ce
qu'on en pourrait tirer ; que la civilisation,
qui se flatte de l'avoir conquise, n'en
possède qu'une très faible partie,
à peine enracinée sur elle, battue de tous les
côtés par la barbarie ou la sauvagerie
primitive, îlot étroit sur
l'énorme océan de la
quasi-animalité. Ces trois parasites sur
quatre (et si la proportion est
exagérée, qu'importe, puisqu'il ne
faudrait pas qu'il y en eût un) augmentent
d'autant l'effort de celui qui Produit et en
même temps l'amortissent ; font que le
bonheur est nul, le travail de ceux qui travaillent
énorme, et que l'humanité vit tout
juste, vit juste assez pour ne pas mourir
(2). »
On a bien eu tort de voir dans les diverses
occupations des hommes des degrés dans le
travail humain. Les mots de « travail
inférieur ou supérieur »
n'ont pas de sens. En effet son prix ne se mesure
pas tant à l'effort exigé qu'au but
poursuivi. Celui qui est accompli pour une fin
purement égoïste, est sans valeur, pour
tant qu'il ait réclamé de peine, en
comparaison de tel autre moins pénible, mais
d'une utilité générale. Le
peuple a parfaitement compris cette
vérité profonde, quand dans son
langage expressif il dit qu'il n'y a pas de sot
métier et quand, donnant aux oisifs le seul
qualificatif qu'ils méritent, parce qu'ils
tirent leurs moyens d'existence d'une autre source
que le travail, il les appelle des
« propres à rien. »
Comparez l'obscur labeur de l'artisan ou du
laboureur avec l'effort patient et acharné
de cet artiste fabriquant un objet rare qui n'aura
de prix, de valeur que pour un collectionneur riche
ou maniaque. et vous n'aurez pas de peine à
découvrir que ce qui fait le prix du
travail, quel qu'il soit, c'est l'utilité
sociale qu'il a pour nos semblables. La valeur
n'est en somme qu'une équivalence de vie
obtenue par notre travail.
Cependant J'ai hâte d'ajouter que
l'estimation ne doit pas toujours se mesurer
à la valeur mercantile et utilitaire
à sa
représentation en argent. Nous risquerions
alors de ne plus avoir que le travail-marchandise,
soumis aux lois de l'offre et de la demande et fait
uniquement en vue du salaire qu'il procure.
À cet égard « le
travail-produit » du capitalisme
né vaut pas plus que le travail-labeur du
« socialisme ».
Quand où envisage ainsi le travail,
il n'est pas étonnant qu'on cherche à
s'en affranchir par des moyens honnêtes ou
non, en s'enrichissant à tout prix, la
richesse pouvant seule nous dispenser de
travailler. Aussi comprend-on sans peine que
Tolstoï ait pu dire avec raison qu'elle
était la cause principale de la
misère.
L'homme qui ne travaille qu'en vue du gain
que le travail procure ou les honneurs qu'il
rapporte, ferait-il des chefs-d'oeuvre, n'est qu'un
esclave ou un mercenaire. Du jour, en effet,
où il pourra s'enrichir sans se donner
aucune peine, ou atteindre les honneurs sans s'en
être montré digne ou les avoir
mérités, il renoncera au travail. Ne
s'y livrer que pour se procurer sa subsistance ou
« gagner sa vie » n'est pas
moins avilissant que chercher à se procurer
soit pain sans travailler. Ici le mercenaire n'est
pas supérieur au mendiant.
De cette conception du travail qui fortifie
le corps, à condition de ne pas être
excessif, et qui ennoblit l'âme, à
condition de n'être pas servile,
découle pour le patron, l'employeur, le
devoir de considérer l'ouvrier,
l'employé autrement que comme une machine,
n'ayant de valeur que par son rendement et dont on
n'a qu'à se défaire en cas d'usure.
Dans ce cas on ne s'aperçoit pas que le
salaire n'est pas une rétribution, mais une
simple avance, consentie en vue de nouveaux
efforts, et cela jusqu'au jour où on cessera
de payer l'ouvrier parce que son corps usé
se refusera à produire.
Si l'ouvrier, qui ne travaille qu'en vue du
gain que son effort journalier
lui procure, ne mérite pas ce nom, que dire
du patron - pater, père - qui se croit
quitte envers lui quand il lui a payé
intégralement le salaire convenu ? Le
père de famille estime-t-il sa tâche
terminée et son devoir accompli, lorsqu'il a
fourni à ses enfants de quoi » ne
pas mourir de faim, sans leur avoir procuré
en même temps ce qui leur permettra de vivre
dignement ?
Pensez-vous que si l'ouvrier voyait son
patron n'être pas uniquement occupé
à travailler ou à faire travailler
les autres pour s'enrichir, sa notion du travail ne
grandirait pas, ne l'élèverait pas en
dignité à ses propres yeux ? Il
serait persuadé alors de n'être pas un
simple rouage dans le vaste organisme social, mais
la base vivante sur laquelle reposerait la
société tout
entière ?
En relevant la dignité et la noblesse
du travail manuel, nous forcerons notre
société anémiée par
l'excès du travail intellectuel à
honorer et à imiter celui qui fait usage de
ses mains et de ses bras. Nous hâterons ainsi
le jour où les fils de famille,
rongés par l'oisiveté et le vice,
prendront en mains la pelle ou l'outil pour,
refaire leurs forces ou bien s'attelleront à
la charrue pour demander à l'air vivifiant
des champs la santé du corps et la paix de
l'âme.
Ce temps n'est pas si éloigné
qu'on pourrait le croire et l'ordre donné
à l'homme, aux premiers jours de la
création, reprend toute son importance et
toute son actualité. (A suivre)
G. CHASTAND.
Que doit
être
l'interrogation à l'école du
dimanche ?
Cette question donne lieu à des
réponses diverses, suivant la matière
spéciale de l'enseignement donné, les
aptitudes du moniteur ou de la monitrice, et
surtout suivant le nombre, le sexe, l'âge, le
développement, le caractère des
élèves.
Pourquoi leur posons-nous des questions
à l'école du dimanche ? c'est
parfois uniquement pour ramener leur attention par
une diversion utile, plus nécessaire
à l'enfant qu'aux personnes d'âge
mûr, Il faut user de ce moyen à
propos, non à tout propos, et éviter
qu'il rompe le cours de l'explication biblique et
devienne plutôt une cause de distraction.
Mieux vaut prendre d'avance les mesures convenables
pour avoir un groupe d'élèves
recueillis et s'efforcer de soutenir leur attention
par une exposition aussi intéressante que
possible.
Ou bien on veut exciter l'enfant, non
seulement à écouter, mais aussi
à réfléchir ; faire appel
à son jugement et l'amener à formuler
lui-même et à admettre des
vérités et des devoirs qu'il n'aurait
peut-être pas acceptés aussi
volontiers, s'ils lui avaient été
directement présentés par le
maître. Chacun sait que Socrate osait de ce
procédé dans ses entretiens avec ses
disciples, et que l'on a nommé
« méthode socratique »
celle qui consiste à instruire en
interrogeant (3). Mais outre qu'il
n'est pas
donné à chacun d'être un
Socrate, nos élèves ne sont pas,
comme l'étaient les disciples du philosophe,
des hommes dont la faculté de raisonner et
de juger soit parvenue à sa maturité,
et dont l'expérience qu'ils ont de la vie
permette de faire beaucoup appel à ce qu'ils
ont vu, entendu, éprouvé. Le
succès de cette méthode à
l'école du dimanche dépend de
diverses conditions qui ne peuvent pas toujours
être remplies. Il s'agit, de la part du
maître, qu'il possède à fond le
sujet à traiter, qu'il ait assez de
perspicacité pour savoir poser au bon moment
les questions opportunes, assez de calme et
d'empire sur lui-même pour ne pas se laisser
désarçonner par certaines
réponses des élèves, assez de
présence d'esprit pour en profiter sans
perdre de vue, tout en faisant peut-être de
nombreuses digressions et de longs détours,
le but qu'il se propose d'atteindre et qui est
l'objectif principal de la leçon. En outre
cette interrogation n'est guère possible
qu'avec un groupe restreint d'enfants ;
dès qu'ils sont un peu nombreux, la
timidité, la crainte de se tromper et
d'exciter les moqueries des condisciples ou une
réflexion désobligeante du
maître ferme la bouche même à
ceux qui auraient une réponse juste à
donner. Enfin il est superflu d'ajouter que ce
genre d'interrogation devient absurde s'il s'agit
de leur
apprendre des faits, bibliques, dont ils n'ont pas
encore entendu parler.
Mais l'interrogation peut aussi avoir pour
but de s'assurer que les élèves ont
compris ce qui leur a été
enseigné et qu'ils s'en souviennent. Alors
elle a lieu non pas pendant, mais après
l'explication, et fait appel surtout à leur
mémoire, de même que la
récitation des passages ; avec cette
différence toutefois que ceux-ci doivent
être récités
littéralement, tandis qu'elle réclame
seulement de l'élève qu'il cite les
faits, les noms, et indique en quelques mots les
applications tirées du récit
biblique.
Cette interrogation-là, sans avoir
les inconvénients des
précédentes, en a tous les avantages,
et nous paraît nécessaire pour que
l'enseignement à l'école du dimanche
pénètre ans la mémoire des
élèves et produise en eux tous les,
fruits désirables. Elle est un moyen
excellent de fixer leur attention, du moins si elle
est faite régulièrement :
sachant qu'ils seront interrogés, ils
voudront d'abord écouter ce que dit le
moniteur ou la monitrice, afin d'être ensuite
en état de répondre ; et si les
questions sont posées à un
condisciple, ils seront plus attentifs à ce
qui lui sera demandé et à ce qu'il
répondra qu'à la parole du
maître qu'ils ont l'habitude d'entendre. Elle
est en outre un moyen de leur faire comprendre, par
la réflexion a laquelle elle les astreint,
et par conséquent aussi de leur faire
retenir ce dont ils n' avaient d'abord qu'une
connaissance vague, Elle est en même temps
une occasion d'insister sur certains points
importants, d'ajouter divers détails qui
avaient été oubliés ou
volontairement omis. Mais surtout, pour un grand
nombre d'enfants la répétition des
mêmes récits, des mêmes
vérités, des mêmes conseils est
absolument indispensable ; à cette
condition seulement ils finissent par s'en souvenir
(4).
D'un autre
côté chacun sait combien la
mémorisation est facilitée lorsqu'on
cherche à reproduire ce qui a
été lu ou entendu, comment, de la
lecture quatre ou cinq fois
répétées d'une page de prose
ou de poésie, il reste moins dans la
mémoire que d'une seule lecture suivie d'un
essai de récitation. L'enfant se souviendra
mieux (le l'histoire de Joseph si, après
l'avoir entendue une fois, il a
dû la raconter à son tour, que si elle
lui avait été racontée
plusieurs fois sans récitation de sa
part ; parce qu'il aura dû faire
travailler sa mémoire, tous les
détails de la touchante histoire s'y seront
implantés plus profondément.
1 Cette
affirmation est évidemment
erronée : le marchand n'est nullement
un parasite, et le soldat est indispensable dans
l'état actuel de la société.
Il s'agit ici d'une simple boutade de M. E. Faguet.
(Red.)
2 E.
Faguet, Politiques et moralistes du
XIXe siècle, II, p.50 (exposé de la
doctrine de Fourier).
3 Jésus
l'a fréquemment
employée
(Matth.
16 : 16 ; 17 :
25-26: 21 :
24-25 ; 28-32 ;
22 :
41-45 ; Luc
6 :
9 ; 7 :
40-47 ; 10 :
26-36.)
4 C'est
pourquoi dans les leçons pour
les petits nous proposons si souvent de
récapituler les leçons
précédentes.
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