Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Travail et repos.

I. La loi du travail.

Tu travailleras six jours.

« L'homme est né pour travailler comme l'oiseau pour voler », lisons-nous dans le livre de Job. Le travail est, en effet, une obligation primordiale et non une conséquence de la chute, puisque, d'après la Genèse, Adam, sitôt créé, fat placé dans. le jardin d'Éden pour « le cultiver et le garder ».

Le travail. en particulier le travail manuel, ne doit pas être considéré comme le châtiment du péché. Bien au contraire. « Quand j'entends répéter partout, écrivait Legouvé, que l'homme est condamné au travail, je réponds : Non, il est condamné à la vie, mais avec le travail pour circonstance atténuante. »

La peine et l'effort produisent seuls, par leur continuité, la fatigue et l'usure. Aussi, le même commandement de Dieu proclame l'obligation du travail et la nécessité absolue du repos. C'est parce que l'homme, dès son origine, était destiné à travailler pour se nourrir et se vêtir qu'il a reçu comme corps la plus merveilleuse et la plus perfectionnée des machines. Organisée pour fournir six jours d'efforts continus, elle s'use et dépérit, si on ne lui accorde pas le repos du septième.

Cette activité imposée par Dieu à l'homme est devenue pour lui, en même temps qu'une inéluctable prescription, une condition absolue de développement et de progrès normal et rationnel, un moyen de perfectionnement, une véritable loi de rédemption sociale. On a défini le travail un « exercice de l'activité humaine impliquant un certain effort et tendant à un but utile. » (Ch. Babut.)

Aussi doit-on approuver et encourager toutes les tentatives faites pour en abréger la durée et l'intensité, en favorisant l'invention et la multiplication des machines, destinées à rendre le labeur de l'ouvrier aisé, facile et agréable.

La loi du travail qui, à l'origine, ne s'appliquait qu'à la terre, embrasse actuellement tout les domaines de l'activité humaine. L'homme ne peut, qu'au prix d'un labeur personnel et acharné, arracher à la nature ses trésors. « Tu travailleras à la sueur de ton front. » Ne devant plus seulement vivre pour travailler, mais travailler pour vivre, il doit faire de son activité non un but mais un moyen.
De là la nécessité pour tout ouvrier de recevoir le prix intégral de ses efforts faits en vile de le nourrir lui et les siens. Le labeur de l'individu doit servir au bien et au progrès de la collectivité, comme le progrès social doit servir et contribuer au développement de chaque individu.

On sait combien l'antiquité était loin d'avoir ces idées sur le travail. Les citoyens d'Athènes et de Rome confiaient aux esclaves les tâches fatigantes et difficiles et se réservaient les occupations faciles et agréables. « La somme de labeur nécessaire à l'entretien de la famille, dit Kurth, était abandonnée à ceux qui n'étaient pas assez forts pour conquérir le droit à l'oisiveté, aux femmes, aux vieillards et aux enfants. » Un ouvrier, un laboureur ou un marchand ne pouvaient être regardés comme citoyens.

Le christianisme au contraire a tenu en très haute estime le travail et le travailleur. Sur les épitaphes des catacombes on disait d'un artisan, pour faire son éloge, qu'il avait aimé le travail et avait été laborieux. En proclamant la nécessité du travail pour tous, saint Paul supprimait par là-même la principale raison d'être de l'esclavage.

Le travail manuel devant être placé sur le même rang que celui de la pensée, il n'y a pas de distinctions à faire entre les diverses classes de travailleurs, L'artisan vaut l'écrivain et l'outil n'est pas inférieur à la plume ou au pinceau. Les mains calleuses de l'artisan ou du laboureur portent en elles leur titre de noblesse. À l'égal du front du penseur ou du poète elles ont leur genre de noblesse et de beauté.
Du reste, pour tout homme, le travail des mains devrait toujours s'unir à celui de la pensée. Chez les Juifs, le rabbin Hillel fut portefaix, et Jésus de Nazareth charpentier. Saul de Tarse exerça son métier de tisserand à côté de son apostolat. Les prêtres et les lévites étaient seuls dispensés de' travailler de leurs mains.

On voit par ces quelques faits combien porte à faux le reproche adressé au christianisme, quand on l'accuse d'avoir « méprisé le travail », ajoutant que « l'idéal du chrétien, c'est le mendiant ». N'est-ce pas ignorer ou sembler oublier que les disciples du Christ, choisis parmi les pêcheurs du lac, n'abandonnèrent jamais complètement leurs barques et leurs filets, et qu'à la mort de leur Maître, ils s'empressèrent de reprendre leur ancien métier ?

L'union du travail intellectuel et du travail manuel est une condition essentielle pour être un homme dans toute l'acception du terme. Aussi, en Angleterre, comme dans la famille des Hohenzollern, il est de tradition d'apprendre un métier. En Russie, les membres de l'aristocratie ne croient pas déroger à leur dignité en pratiquant les plus humbles travaux. Dans les Universités américaines, les étudiants sans fortune payent leurs frais d'études en exerçant, pendant les vacances, les professions de maçon, peintre en bâtiment, ouvrier agricole, voir cireur de souliers....

Le temps n'est peut-être pas éloigné où la condition de l'ouvrier sera supérieure à celle de l'intellectuel, quel qu'il soit, et où son salaire sera plus élevé que celui des fonctionnaires (dont pour cette raison, en France en particulier, le recrutement devient de plus en plus difficile). Ce serait la revanche de l'outil sur la plume et de la blouse sur l'habit.
Du reste il est tellement vrai que le travail corporel est utile, nécessaire, indispensable à l'homme, que les écrivains et les penseurs ont recours aux sports, qui ne sont en somme qu'un moyen agréable et facile de remplacer l'activité ouvrière, regardée comme trop pénible pour eux et trop humiliante aux yeux du monde.

Il y a trois sortes de travail qui devraient toujours marcher de pair et ne jamais être séparés, car l'un délasserait de l'autre, le repos n'étant qu'un changement d'activité ; le travail manuel ou l'activité corporelle, le travail intellectuel ou l'effort de l'esprit, et le travail de l'âme ou l'élévation vers Dieu.

Le premier devrait toujours suffire pour procurer à tous les hommes la nourriture et pourvoir aux besoins de la vie. Le second devrait contribuer à orner, à embellir et donner du prix à notre existence journalière. Le troisième devrait être jugé indispensable pour nourrir son âme et la rendre apte à remplir sa véritable destinée. Malheureusement, ces trois genres de travail semblent s'exclure mutuellement. Trop souvent, en effet, l'ouvrier ne trouve que difficilement le temps de s'instruire. Les exigences de la vie matérielle et le souci du lendemain tuent chez lui tout élan de l'âme.

Si chaque homme accomplissait sa tâche, - toute sa tâche, - celle qui lui incombe ici-bas selon les exigences de la loi divine : « Tu feras toute ton oeuvre », ou ne verrait plus la société divisée en deux camps : les travailleurs et les oisifs. Ces derniers jouissant, sans aucune peine, de tous les agréments, de tous les plaisirs, de tout le confort de la vie moderne, consommant sans cesse et ne produisant jamais, tandis que les autres, manquant souvent du nécessaire, produisent sans relâche et ne consomment que très peu de leurs produits. En effet, l'on n'emploie pas personnellement tout ce que l'on produit et l'on ne produit pas soi-même tout ce que l'on emploie. En sorte que tandis qu'il est des hommes qui nous offrent l'attristant spectacle d'une coupable oisiveté, il est des créatures de Dieu, au sein de notre société égoïste et raffinée, qui doivent prendre sur leur sommeil et sur les heures de repas, le temps qu'elles sont obligées de consacrer à un labeur continu, épuisant et insuffisamment productif.

Dans une société bien organisée, il ne devrait pas y avoir de place pour les oisifs et les paresseux. Ils sont les uns et les autres comme des frelons se nourrissant du miel des abeilles. Recevant de la société tout ce qui leur est nécessaire, sans lui rien donner en retour, ils sont tout simplement des voleurs. Celui, en effet, qui ne gagne pas sa subsistance par un travail utile, consomme aux dépens des autres an bien injustement acquis. C'est dans ce sens que saint Paul dit : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais qu'il travaille » (Eph. 4 : 28), indiquant que l'homme valide qui ne travaille pas est pour lui un voleur.

Heureusement que l'oisiveté et la paresse portent en elles leur châtiment, car elles sont aussi funestes à l'homme que le surmenage. Si le travail sans repos produit à la longue la maladie et la mort, le repos sans travail engendre le désoeuvrement et l'incurable ennui. Le rentier qui vit des richesses accumulées par ses aïeux ne devrait pas oublier que sa fortune n'est que le salaire anticipé d'un travail que la société attend de lui et sur lequel elle doit pouvoir compter. Le riche n'est qu'un ouvrier qui a été payé d'avance.

Un empereur chinois avait coutume de dire que pour chaque homme qui ne travaille pas, pour chaque femme qui s'abandonne à la paresse, il y a dans l'empire quelqu'un qui souffre du froid et de la faim.

Est-il donc si difficile de se représenter une société où il n'y aurait pas plus, de rentiers que de mendiants et qui, reposant tout entière sur la collaboration de tous, obligerait chaque citoyen à fournir une part déterminée d'activité sociale destinée à lui assurer en retour une part de nourriture et de repos proportionnée à son labeur ?

La baisse continue de l'intérêt, réduisant toujours plus les profits du capital pour augmenter d'autant mieux ceux du travail, nous montre que le jour n'est pas éloigné où il sera impossible à tout citoyen de rester inactif et où la parole de l'apôtre se réalisera à la lettre : « Celui qui ne, travaille pas ne doit pas manger. »

Quand le taux de l'argent sera descendu à 1 ou à 1/2 % le conflit entre le capital et le travail sera bien près d'être résolu. La classe dirigeante, qui ne s'est plus appelée et laissé appeler que « la classe possédante » aura cessé d'exister en tant que classe et cela au profit de la classe pauvre qui, ne vivant que de son travail, porte à juste titre le nom de « classe ouvrière ou classe des travailleurs ».
Alors on ne pourra plus placer toute sa fortune en rente ou en fonds de banque, car on sera forcé de la risquer dans le commerce, l'industrie ou l'agriculture, à moins de la faire valoir soi-même pour gagner son pain quotidien.
Du même coup disparaîtra ce qui donne en ce moment au travail manuel un caractère pénible et, pour certains, humiliant. Dès lors il reprendra sa véritable dignité et celui qui s'y livrera remplira un auguste sacerdoce. On ne travaillera plus que selon les besoins. La demande seule réglera l'offre. La nécessité seule déterminera et réglera la production.

Si le travail était général et si tous les hommes s'y livraient sans exception, le poids du labeur universel serait diminué pour chaque individu.
Il suffirait que tous les hommes soient occupés pour qu'après avoir obtenu facilement ce qui est indispensable à la vie matérielle, ils jouissent tous d'un repos normal et mérité. Le surmenage des uns n'est que la rançon injuste de l'oisiveté des autres.

« Le travail, a dit Lacordaire, n'étant pas autre chose que l'activité humaine, tout s'y rapporte nécessairement, et selon qu'il est bien ou mal distribué, la société est bien ou mal ordonnée, heureuse ou malheureuse. » M. Faguet écrit tout aussi judicieusement, avec autant de finesse et d'humour :

« Regardez ces quatre hommes qui passent. L'un est un producteur, l'autre un marchand, l'autre un rentier, l'autre un soldat. Sur ces quatre hommes, il y en a trois d'inutiles, trois qui n'exploitent pas la planète et qui sont nourris, tous les trois par le quatrième. Ce sont des parasites humains (1). Le rentier ne produit rien, parce que ses ancêtres ont produit. Le soldat ne produit rien parce qu'il protège le producteur, qui sans cela ne pourrait pas travailler trois jours. Le marchand prend un objet de la main gauche et le passe à un autre de la main droite ; et il est payé pour cela. C'est étourdissant d'ineptie. Si ce n'était qu'étourdissant ! Mais c'est à cause de ces trois improductifs sur quatre que la terre n'est pas habitée, qu'elle n'est pas exploitée, qu'on n'en couvre que le dixième de ce qu'on en pourrait couvrir, qu'on n'a tiré que le millième de ce qu'on en pourrait tirer ; que la civilisation, qui se flatte de l'avoir conquise, n'en possède qu'une très faible partie, à peine enracinée sur elle, battue de tous les côtés par la barbarie ou la sauvagerie primitive, îlot étroit sur l'énorme océan de la quasi-animalité. Ces trois parasites sur quatre (et si la proportion est exagérée, qu'importe, puisqu'il ne faudrait pas qu'il y en eût un) augmentent d'autant l'effort de celui qui Produit et en même temps l'amortissent ; font que le bonheur est nul, le travail de ceux qui travaillent énorme, et que l'humanité vit tout juste, vit juste assez pour ne pas mourir (2). »

On a bien eu tort de voir dans les diverses occupations des hommes des degrés dans le travail humain. Les mots de « travail inférieur ou supérieur » n'ont pas de sens. En effet son prix ne se mesure pas tant à l'effort exigé qu'au but poursuivi. Celui qui est accompli pour une fin purement égoïste, est sans valeur, pour tant qu'il ait réclamé de peine, en comparaison de tel autre moins pénible, mais d'une utilité générale. Le peuple a parfaitement compris cette vérité profonde, quand dans son langage expressif il dit qu'il n'y a pas de sot métier et quand, donnant aux oisifs le seul qualificatif qu'ils méritent, parce qu'ils tirent leurs moyens d'existence d'une autre source que le travail, il les appelle des « propres à rien. »

Comparez l'obscur labeur de l'artisan ou du laboureur avec l'effort patient et acharné de cet artiste fabriquant un objet rare qui n'aura de prix, de valeur que pour un collectionneur riche ou maniaque. et vous n'aurez pas de peine à découvrir que ce qui fait le prix du travail, quel qu'il soit, c'est l'utilité sociale qu'il a pour nos semblables. La valeur n'est en somme qu'une équivalence de vie obtenue par notre travail.

Cependant J'ai hâte d'ajouter que l'estimation ne doit pas toujours se mesurer à la valeur mercantile et utilitaire à sa représentation en argent. Nous risquerions alors de ne plus avoir que le travail-marchandise, soumis aux lois de l'offre et de la demande et fait uniquement en vue du salaire qu'il procure. À cet égard « le travail-produit » du capitalisme né vaut pas plus que le travail-labeur du « socialisme ».

Quand où envisage ainsi le travail, il n'est pas étonnant qu'on cherche à s'en affranchir par des moyens honnêtes ou non, en s'enrichissant à tout prix, la richesse pouvant seule nous dispenser de travailler. Aussi comprend-on sans peine que Tolstoï ait pu dire avec raison qu'elle était la cause principale de la misère.

L'homme qui ne travaille qu'en vue du gain que le travail procure ou les honneurs qu'il rapporte, ferait-il des chefs-d'oeuvre, n'est qu'un esclave ou un mercenaire. Du jour, en effet, où il pourra s'enrichir sans se donner aucune peine, ou atteindre les honneurs sans s'en être montré digne ou les avoir mérités, il renoncera au travail. Ne s'y livrer que pour se procurer sa subsistance ou « gagner sa vie » n'est pas moins avilissant que chercher à se procurer soit pain sans travailler. Ici le mercenaire n'est pas supérieur au mendiant.

De cette conception du travail qui fortifie le corps, à condition de ne pas être excessif, et qui ennoblit l'âme, à condition de n'être pas servile, découle pour le patron, l'employeur, le devoir de considérer l'ouvrier, l'employé autrement que comme une machine, n'ayant de valeur que par son rendement et dont on n'a qu'à se défaire en cas d'usure. Dans ce cas on ne s'aperçoit pas que le salaire n'est pas une rétribution, mais une simple avance, consentie en vue de nouveaux efforts, et cela jusqu'au jour où on cessera de payer l'ouvrier parce que son corps usé se refusera à produire.


Si l'ouvrier, qui ne travaille qu'en vue du gain que son effort journalier lui procure, ne mérite pas ce nom, que dire du patron - pater, père - qui se croit quitte envers lui quand il lui a payé intégralement le salaire convenu ? Le père de famille estime-t-il sa tâche terminée et son devoir accompli, lorsqu'il a fourni à ses enfants de quoi » ne pas mourir de faim, sans leur avoir procuré en même temps ce qui leur permettra de vivre dignement ?

Pensez-vous que si l'ouvrier voyait son patron n'être pas uniquement occupé à travailler ou à faire travailler les autres pour s'enrichir, sa notion du travail ne grandirait pas, ne l'élèverait pas en dignité à ses propres yeux ? Il serait persuadé alors de n'être pas un simple rouage dans le vaste organisme social, mais la base vivante sur laquelle reposerait la société tout entière ?

En relevant la dignité et la noblesse du travail manuel, nous forcerons notre société anémiée par l'excès du travail intellectuel à honorer et à imiter celui qui fait usage de ses mains et de ses bras. Nous hâterons ainsi le jour où les fils de famille, rongés par l'oisiveté et le vice, prendront en mains la pelle ou l'outil pour, refaire leurs forces ou bien s'attelleront à la charrue pour demander à l'air vivifiant des champs la santé du corps et la paix de l'âme.

Ce temps n'est pas si éloigné qu'on pourrait le croire et l'ordre donné à l'homme, aux premiers jours de la création, reprend toute son importance et toute son actualité. (A suivre)

 

G. CHASTAND.




Que doit être l'interrogation à l'école du dimanche ?

Cette question donne lieu à des réponses diverses, suivant la matière spéciale de l'enseignement donné, les aptitudes du moniteur ou de la monitrice, et surtout suivant le nombre, le sexe, l'âge, le développement, le caractère des élèves.
Pourquoi leur posons-nous des questions à l'école du dimanche ? c'est parfois uniquement pour ramener leur attention par une diversion utile, plus nécessaire à l'enfant qu'aux personnes d'âge mûr, Il faut user de ce moyen à propos, non à tout propos, et éviter qu'il rompe le cours de l'explication biblique et devienne plutôt une cause de distraction. Mieux vaut prendre d'avance les mesures convenables pour avoir un groupe d'élèves recueillis et s'efforcer de soutenir leur attention par une exposition aussi intéressante que possible.

Ou bien on veut exciter l'enfant, non seulement à écouter, mais aussi à réfléchir ; faire appel à son jugement et l'amener à formuler lui-même et à admettre des vérités et des devoirs qu'il n'aurait peut-être pas acceptés aussi volontiers, s'ils lui avaient été directement présentés par le maître. Chacun sait que Socrate osait de ce procédé dans ses entretiens avec ses disciples, et que l'on a nommé « méthode socratique » celle qui consiste à instruire en interrogeant (3). Mais outre qu'il n'est pas donné à chacun d'être un Socrate, nos élèves ne sont pas, comme l'étaient les disciples du philosophe, des hommes dont la faculté de raisonner et de juger soit parvenue à sa maturité, et dont l'expérience qu'ils ont de la vie permette de faire beaucoup appel à ce qu'ils ont vu, entendu, éprouvé. Le succès de cette méthode à l'école du dimanche dépend de diverses conditions qui ne peuvent pas toujours être remplies. Il s'agit, de la part du maître, qu'il possède à fond le sujet à traiter, qu'il ait assez de perspicacité pour savoir poser au bon moment les questions opportunes, assez de calme et d'empire sur lui-même pour ne pas se laisser désarçonner par certaines réponses des élèves, assez de présence d'esprit pour en profiter sans perdre de vue, tout en faisant peut-être de nombreuses digressions et de longs détours, le but qu'il se propose d'atteindre et qui est l'objectif principal de la leçon. En outre cette interrogation n'est guère possible qu'avec un groupe restreint d'enfants ; dès qu'ils sont un peu nombreux, la timidité, la crainte de se tromper et d'exciter les moqueries des condisciples ou une réflexion désobligeante du maître ferme la bouche même à ceux qui auraient une réponse juste à donner. Enfin il est superflu d'ajouter que ce genre d'interrogation devient absurde s'il s'agit de leur apprendre des faits, bibliques, dont ils n'ont pas encore entendu parler.

Mais l'interrogation peut aussi avoir pour but de s'assurer que les élèves ont compris ce qui leur a été enseigné et qu'ils s'en souviennent. Alors elle a lieu non pas pendant, mais après l'explication, et fait appel surtout à leur mémoire, de même que la récitation des passages ; avec cette différence toutefois que ceux-ci doivent être récités littéralement, tandis qu'elle réclame seulement de l'élève qu'il cite les faits, les noms, et indique en quelques mots les applications tirées du récit biblique.

Cette interrogation-là, sans avoir les inconvénients des précédentes, en a tous les avantages, et nous paraît nécessaire pour que l'enseignement à l'école du dimanche pénètre ans la mémoire des élèves et produise en eux tous les, fruits désirables. Elle est un moyen excellent de fixer leur attention, du moins si elle est faite régulièrement : sachant qu'ils seront interrogés, ils voudront d'abord écouter ce que dit le moniteur ou la monitrice, afin d'être ensuite en état de répondre ; et si les questions sont posées à un condisciple, ils seront plus attentifs à ce qui lui sera demandé et à ce qu'il répondra qu'à la parole du maître qu'ils ont l'habitude d'entendre. Elle est en outre un moyen de leur faire comprendre, par la réflexion a laquelle elle les astreint, et par conséquent aussi de leur faire retenir ce dont ils n' avaient d'abord qu'une connaissance vague, Elle est en même temps une occasion d'insister sur certains points importants, d'ajouter divers détails qui avaient été oubliés ou volontairement omis. Mais surtout, pour un grand nombre d'enfants la répétition des mêmes récits, des mêmes vérités, des mêmes conseils est absolument indispensable ; à cette condition seulement ils finissent par s'en souvenir (4). D'un autre côté chacun sait combien la mémorisation est facilitée lorsqu'on cherche à reproduire ce qui a été lu ou entendu, comment, de la lecture quatre ou cinq fois répétées d'une page de prose ou de poésie, il reste moins dans la mémoire que d'une seule lecture suivie d'un essai de récitation. L'enfant se souviendra mieux (le l'histoire de Joseph si, après l'avoir entendue une fois, il a dû la raconter à son tour, que si elle lui avait été racontée plusieurs fois sans récitation de sa part ; parce qu'il aura dû faire travailler sa mémoire, tous les détails de la touchante histoire s'y seront implantés plus profondément. 



1 Cette affirmation est évidemment erronée : le marchand n'est nullement un parasite, et le soldat est indispensable dans l'état actuel de la société. Il s'agit ici d'une simple boutade de M. E. Faguet. (Red.) 


2 E. Faguet, Politiques et moralistes du XIXe siècle, II, p.50 (exposé de la doctrine de Fourier). 


3 Jésus l'a fréquemment employée (Matth. 16 : 16 ; 17 : 25-26: 21 : 24-25 ; 28-32 ; 22 : 41-45 ; Luc 6 : 9 ; 7 : 40-47 ; 10 : 26-36.)


4 C'est pourquoi dans les leçons pour les petits nous proposons si souvent de récapituler les leçons précédentes.  

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