Cantiques proposés :
N° 47. Une nacelle... - N° 58. Comme un phare...
Les deux sujets se rattachent l'un à l'autre et n'en font qu'un.
Jésus apaise deux tempêtes, l'une dans l'ordre de la nature, l'autre
dans l'ordre moral. Il tance l'un après l'autre les éléments agités et
les esprits mauvais ; il exerce sur eux sa puissance ; il se
montre « Prince de paix. »
Disons, avec les évangiles, « Jésus, » et non pas
« Jésus-Christ ; » cette appellation
appliquée rarement, peut-être jamais, au Sauveur pendant sa carrière
terrestre, ne se trouve dans les évangiles que quatre fois : dans
l'introduction et dans le prologue de Matthieu, Marc et Jean, où elle
est bien en place, et dans la prière sacerdotale (Jean
17 : 3), où elle se justifie également : « Jésus,
le Christ. » Pilate a dit : « Jésus, surnommé
Christ. » Nous ne la retrouvons ensuite, cette appellation, que
dans les Actes et dans les Épîtres ; ce n'est plus le simple nom,
c'est le titre du Sauveur, proclamé, glorifié. À tort, dans le
langage usuel, nous faisons la confusion. Conservons à l'une et
l'autre appellation son caractère particulier.
L'étude et l'exposé de ce double sujet offrent des difficultés
particulières ; notre esprit moderne, curieux, sceptique,
ergoteur, s'achoppe ici à de gros problèmes. La divinité du Christ
d'abord, mais qui n'est proprement pas en jeu ; Jésus exerçait
son autorité par la foi et non en vertu d'un pouvoir divin qui lui fût
propre ; il reproche, ici et ailleurs, à ses disciples leur
manque de foi ; à plusieurs reprises il leur donne à entendre
qu'avec plus de foi, eux aussi ils « transporteraient des
montagnes. » (Voyez Mat.
19 : 14-20.) Associé à Dieu par sa foi, le croyant, à son
tour, associe Dieu à ses actes ; il acquiert, soit sur les
phénomènes extérieurs, soit sur le moral, un ascendant
surnaturel ; nous en avons la preuve dans la puissance qu'ont
déployée un Pierre, un Paul, et d'autres dont les Actes des apôtres
nous racontent les extraordinaires interventions.
La grosse difficulté surgit dans la question des démons, qui se
pose ici d'une façon plus formidable que nulle part ailleurs et se lie
si étroitement à tous les détails du récit qu'il n'est pas possible,
quelque désir qu'on en ait, de l'éluder. Les faits perdraient toute
réalité et toute signification si nous tentions quelque expédient pour
nous en défaire.
Nous voulons respecter toute opinion, mais volontiers nous
dirions à ceux qui se refusent à croire à la réalité des, esprits
mauvais et de leur intervention en ce qui nous concerne :
« Où est votre foi ? » Que deviennent soit les discours
et les propos du Sauveur, soit les écrits apostoliques, si nous ne
croyons plus à la personnification du mal, au « Prince de ce
monde, » avec lequel Jésus se disait aux prises, aux
« malices spirituelles » dont parle saint Paul (Eph.
6 : 12), et à la puissance des ténèbres ? Quelles
raisons aurions-nous d'en douter si, d'autre part, nous croyons soit à
l'Esprit saint, soit à l'action directe qu'exerce ici-bas le Sauveur
glorifié, pour nous guider, nous délivrer, nous sanctifier, nous
donner la victoire sur le mal ? La rédemption elle-même est ici
en cause. « La chair et le sang, » les maladies mentales ou
épileptiques, ne suffisent point, d'ailleurs, à tout expliquer.
Les récits de nos évangiles, avant d'être consignés par écrit,
ont été, pendant des années, dans les Églises de Judée, et de Galilée
et dans toutes les communautés de création apostolique, l'objet de
commentaires de tout genre ; ils ont passé au crible ; la
piété des premiers chrétiens en a vécu ; ils sont ainsi appuyés
du témoignage universel des croyants d'alors qui, aussi bien que nous,
quoique différemment, allaient au fond des choses. Prenons-les donc
tels qu'ils nous sont donnés.
Avouons-le toutefois, cette attitude débonnaire et respectueuse
ne supprimera pas les difficultés, pour peu que nous cherchions à nous
rendre compte de ce qui s'est en vérité passé lors des deux incidents
qui appellent notre étude. Ne tentons pas de tout expliquer ; le
moniteur n'y est nullement tenu ; là n'est pas sa tache ;il
a surtout un enseignement à donner.
La tempête. - « Jésus s'endormit. » Avant de
voir le Sauveur dans le déploiement de sa
puissance, arrêtons-nous d'abord à le considérer vaincu par la
fatigue, cédant paisiblement au sommeil, et donnons-lui notre
affection. Enfants, voyez-le, Celui que notre foi a mis sur le trône
et glorifié ; comme il est bien notre Frère, comme il a bien vécu
notre vie, comme il s'est réellement associé à notre faiblesse !
Au moment où il va se dresser dans son humble majesté et révéler son
union étroite et mystérieuse avec le Tout-Puissant, le voici, les yeux
clos, balancé par les flots qui bercent la nacelle. Baisons sa main
qui repose à son côté.
Tout à coup, un tourbillon s'abat sur le lac, la barque
s'emplit d'eau ; le péril n'est point imaginaire. Les disciples
viennent au Maître ; leur recours est on ne peut plus
naturel ; pourquoi donc Jésus leur reprochera-t-il leur manque de
foi ? Qu'auraient-ils pu et dû faire d'autre ? Ils auraient
pu crier à Dieu directement et se remettre entre ses mains, tout en
s'employant de toutes leurs forces à parer au danger. Ils auraient pu
dire : « O Père céleste, sois avec nous, bénis nos
efforts ; donne-nous la victoire sur les flots
menaçants ! »
Nous ne sommes pas nous-mêmes en droit de leur adresser aucun
reproche, mais le Seigneur les reprend... Tirons en leçon pour
nous-mêmes.
Combien de chrétiens, dans la pleine lumière que leur a
apportée l'Esprit saint, ont fait preuve plus tard d'une foi, plus
grande encore que celle dont les disciples se montrent ici
incapables ! Les exemples connus abondent ; George Müller,
Hudson Taylor, le Dr Barnardo et tant d'autres, ont, du jour au
lendemain, même sur l'instant, obtenu souvent un secours urgent, aussi
impérieusement indispensable que celui dont nos navigateurs avaient
besoin. Apprenons à croire non seulement en la puissance, mais en la
fidélité de Dieu envers ceux qui l'invoquent, en sa
miséricorde et ses compassions, en son amour, celui d'un père envers
ses enfants. (« Si vous qui êtes mauvais... combien
plus... »)
« Qui donc est celui-ci, qui commande même aux
vents ? » Le Fils de Dieu, ... oui, mais ici en tant
qu'homme en pleine, communion avec Dieu, pleinement confiant parce
qu'étroitement uni à lui. (Ps.
8 : 5-7.)
Le démoniaque. - Un homme bien connu, notez-le, dans la
ville et dans toute la contrée pour être possédé de plusieurs esprits
mauvais, vient de lui-même à Jésus et se prosterne devant lui (Marc
5 : 7) avec un grand cri et une instante requête. L'esprit
qui l'avait subjugué ne faisait qu'un avec lui, il le faisait épouser
sa cause et parler pour lui. Un phénomène semblable s'observe chez des
malades dominés par la mélancolie, et même chez le pécheur
ordinaire ; tout à la fois il désire la délivrance et il la
redoute ; il fuit Dieu, tout en soupirant après le repos et la
liberté. Tel méchant garçon, qui au fond a bon coeur et aime son père,
sa mère, telle fillette orgueilleuse ou rancuneuse, connaît ce même
combat intérieur. L'enfant voudrait bien être sage et il ne peut
autrement que d'être sot, rebelle, de méchante humeur, victime de son
mauvais caractère. Ne pouvant se vaincre lui-même, qu'il aille à
Jésus, bien qu'il n'en ait pas envie, et le Sauveur aura pitié de
lui ; il se montrera à lui Prince de paix, dispensateur de la
paix.
Chose qui nous étonne, Jésus apostrophe le mauvais esprit
lui-même ; il l'interroge, puis il lui commande de sortir. (Voyez
le récit de Marc.) Les trois évangiles synoptiques nous rapportent les
mêmes faits avec plus ou moins de détails, mais de la même manière.
Accuserons-nous de naïveté ou de superstition toutes ces Églises
d'alors parmi lesquelles ce même récit avait cours ? Les savants
ne nous, affirment-ils pas aujourd'hui des faits et des observations
que nous serions tout aussi bien en droit de
trouver étranges, suspects, grotesques ?
Nous sympathisons volontiers avec les possesseurs de ces
pourceaux que la puissance mystérieuse entraîne dans les flots, nous
protestons et nous demandons comment Jésus a pu, équitablement,
autoriser pareil méfait ; nous nous apitoyons plus aisément sur
le dommage qu'ils subissent que, sur la condition misérable du pauvre
homme que depuis si longtemps les esprits tourmentaient.
On a risqué diverses explications ; on a dit que ces gens
de Gergesa, en élevant des porcs, péchaient contre la loi religieuse
qui tenait ces animaux pour impurs et qu'ils méritaient cette
punition. Leur culpabilité n'est nullement établie et l'explication ne
porte pas. Bornons-nous à remarquer que les Géraséniens ne s'irritent
point, ne se révoltent point, mais simplement prient Jésus de se
retirer de leur contrée.
Son pouvoir de libérateur, au lieu de les amener à croire en
lui et à l'invoquer, ne leur inspire que de la crainte. Hélas !
combien souvent le même phénomène psychique se reproduit quand
l'Esprit de Dieu est à l'oeuvre pour éveiller le sentiment du péché,
amener le repentir, la conversion ! Les gens, même religieux,
fuient ou se scandalisent. Qu'un réveil religieux survienne ; au
lieu de se réjouir de ses bons fruits, on se préoccupera de
l'ébranlement nerveux qu'il amène chez quelques-uns ou de conversions
incomplètes qu'on signale à côté des véritables.
Enfant, j'ai souvent fui les personnes pieuses qui
m'adressaient de bonnes paroles et je me suis détourné de mon chemin
pour éviter leurs exhortations, ou simplement leur regard ;
jeunes amis, quand Dieu nous cherche ou nous visite, comme ici Jésus,
à Gergesa et Gadara, accueillons-le, profitons-en avec empressement et
reconnaissance.
Vous est-il arrivé comme à moi, plusieurs fois dans monjeune
temps, de sortir avant la fin d'une prédication parce que ma
conscience était atteinte, mon coeur ému, et de me hâter de m'endurcir
ou de me distraire, de peur d'être obligé de me décider pour
Dieu ? Il est extrêmement dangereux peur une jeune âme de jouer
de la sorte avec la grâce divine qui la sollicite, de résister, de
remettre à plus tard. Que savons-nous si le Seigneur renouvellera sa
visite et son, appel ?
La guérison. - Était-ce une guérison ? N'était-ce
pas plutôt un merveilleux affranchissement après une dure
servitude ? C'était l'un et l'autre. Il en est de même de la
conversion. Un coeur égoïste, orgueilleux, ou simplement étranger à la
grâce de Dieu et à qui suffisent les satisfactions, les plaisirs, les
jouissances que donne le monde, est un coeur malade, infirme, privé de
la pleine santé, de la vie véritable, réellement saine et heureuse, et
en même temps ce coeur est esclave, fût-il exempt de vices ou de
passions, il est esclave de ses illusions et de la vanité de ses
pensées. Si quelque trouble survient, privation, épreuve, contrariété,
le voici désemparé, agité, désespéré, dans un état qui rappelle la
triste condition de l'homme de Gergesa.
Nous le voyons maintenant aux pieds de Jésus, « assis,
vêtu, dans son bon sens ; » comment ne pas se souvenir ici
des paroles du Sauveur (Matt.
11 : 28), adressées à ceux qui cherchent la paix et le
bonheur et ne les ont pas trouvés : « Venez à moi, vous tous
qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai ;
chargez-vous de mon joug ; apprenez de moi qui suis doux et
humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. » Le
contraste entre la condition actuelle de cet homme et sa condition
précédente, qui a tant duré, nous offre un tableau fidèle de l'état
d'une âme qui a trouvé le Sauveur et s'est donnée à lui.
Ne nous représentons pas la conversion sous un autre aspect ;
comme qu'elle se soit produite et quelles que soient les apparences
extérieures, toute vraie conversion présente ce caractère. Voyez la
conversion du pieux jeune Galiléen qu'était saint Pierre, les hauts et
les bas, les honteuses défaites de sa piété, et ce qu'il est devenu
après l'événement que lui annonçait Jésus en lui disant :
« Quand tu seras converti... » (Luc
22 : 32.) Voyez la conversion du jeune pharisien, dévot à
l'excès et fougueux fanatique, qu'était Saul de Tarse, et ses
dispositions humbles, soumises, douces, ferventes, après ses trois
jours de recueillement à Damas.
Le démoniaque libéré voudrait suivre Jésus, rester toujours
auprès de lui ; Jésus l'envoie raconter sa délivrance, rendre
témoignage aux siens. Tout disciple de Jésus, qui a fait l'expérience
de sa puissance pour sauver, doit être partagé entre ces deux pensées,
ces deux désirs, ces deux devoirs, lui rester attaché et déployer une
activité à son service, le glorifier devant les hommes.
A. BR.
Récapituler leçon du 23
janvier. - Les enfants qui ont peur ont-ils la paix ?
Et les enfants qui sont des démons, ont-ils la paix ?
Je vais vous parler d'hommes qui avaient peur, d'un autre
possédé du démon, et vous raconter comment Jésus leur rendit
la paix. (Luc 8: 22-39.)
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