Cantiques proposés :
N° 132. O Seigneur, bénis la parole... - N° 41. Suivez, suivez
l'Agneau.
Un retour. - « Nazareth était une petite ville, située,
dans un pli de terrain largement ouvert au sommet du groupe de
montagnes qui ferme au nord la plaine d'EsdréIon. La population est
maintenant de trois à quatre mille âmes, et elle peut n'avoir pas
beaucoup varié. Le froid y est vif en hiver et le climat fort salubre.
La ville, comme à cette époque toutes les bourgades juives, était un
amas de cases bâties sans style, et devait présenter cet aspect sec et
pauvre qu'offrent les villages dans les pays sémitiques... et qui,
mêlés aux vignes et aux figuiers, ne laissent pas d'être fort
agréables. Les environs, d'ailleurs, sont charmants, et nul endroit du
monde ne fut si bien fait pour les rêves de l'absolu bonheur. Même de
nos jours, Nazareth est encore un délicieux séjour, le seul endroit
peut-être de la Palestine où l'âme se sente un peu soulagée du fardeau
qui l'oppresse au milieu de cette désolation sans égale. La population
est aimable et souriante' ; les jardins sont frais et verts.
Antonin Martyr, à la fin du Vle siècle, fait un tableau enchanteur de
la fertilité des environs, qu'il compare au paradis. » (E.
Renan).
C'est dans ce paradis que, pour la première fois depuis les
événements qui ont bouleversé sa vie, Jésus se retrouve. On se
représente quels sentiments doivent agiter le Maître au moment où il
gravit les sentiers familiers où surgissent à chaque pas les souvenirs
de son enfance. Voici quelques mois seulement qu'il a quitté
subitement son lieu natal (1)
Mais ces mois équivalent à un siècle ! En ce peu de temps.
Il est devenu le prophète puissant dont la renommée s'est répandue
dans tout le pays et auprès duquel les foules accourent. Le
charpentier d'autrefois n'a plus qu'une préoccupation : annoncer
la bonne nouvelle du royaume, sauver ses frères. Ce message de salut,
Jésus a tout naturellement tenu à l'apporter aussi dans sa patrie. Il
va se retrouver tout à l'heure dans le cercle familier où, pendant des
années, avec son père, puis à son propre compte (Marc
6 : 3), il a exercé son métier. Là-haut, il va revoir sa
mère, ses quatre frères, ses soeurs, tous ses amis d'enfance. Qui
sait ? Il va sans doute parler dans la synagogue où il allait
autrefois à l'école. Quelle émotion !
il n'est nulle part plus difficile de rendre son témoignage
religieux que dans sa propre famille, parmi ses meilleures
connaissances. « Retourne dans ta maison, vers les tiens »
disait Jésus un jour, à un démoniaque guéri qui rêvait de se joindre à
lui pour évangéliser au loin ; et cet homme ne se doutait pas que
Jésus lui confiait une tâche bien plus difficile que celle qu'il
ambitionnait, dans son zèle de néophyte. C'est que nous éprouvons
devant nos proches une timidité, une honte faites surtout des
souvenirs de nos indignités, de nos fautes passées connues de tous. Il
ne pouvait rien y, avoir de cela chez Jésus. Son ministère n'était que
la suite harmonieuse, que l'accomplissement de toute une jeunesse de
piété et de fidélité.
Mais quel accueil va-t-on lui faire ? Ses relations
personnelles vont-elles faciliter sa tâche ou la rendre plus
difficile ? Va-t-on savoir reconnaître, derrière le visage
familier, le messager de Dieu ? Jésus, hélas ! ne peut guère
se faire d'illusions. Il prévoit ces préventions, ces méfiances, ces
jalousies exprimées par un vieux proverbe qui lui revient à la
mémoire. Et cette perspective, de la part de ceux qu'il aime le plus
au monde, lui est une intense douleur...
L'amour-propre local est flatté. - Grand émoi à
Nazareth : le fils de Marie est au village ! Depuis bien des
semaines déjà, son extraordinaire renommée est parvenue jusque-là.
Mais on a peine à croire les choses inouïes qu'on raconte
de lui : dans la plaine, en ville, des foules et des foules le
suivent, paraît-il, ne se lassant pas de l'écouter ; il a guéri
des lépreux, des paralytiques, des aveugles, des malades de toute
espèce. Enfin, il est là ! On va pouvoir entendre de ses
oreilles, voir de ses yeux, savoir si la rumeur publique n'a pas
singulièrement exagéré. Car enfin, chacun le connaît, c'est le
charpentier, Jésus, le frère de Jacques, de Joseph, de Jude, de Simon.
Le sabbat est enfin là. Dans la synagogue, il y a foule. On
aperçoit dans l'assistance une masse de gens qui viennent bien
rarement au culte ; mais pas un être valide, dans la localité,
n'aurait voulu manquer cette occasion sensationnelle. Les femmes,
voilées, sont derrière leur grillage, dans l'emplacement qui leur est
strictement réservé. Le service, se déroule suivant le rite
traditionnel : bénédiction, prière, lecture de la loi. Le moment
est venu de la lecture des prophètes et de l'allocution qui la suit.
Sans même que le chef de la synagogue ait eu besoin de le solliciter,
Jésus, répondant à l'attente générale, se lève spontanément, déroule
le parchemin et lit l'admirable passage d'Ésaïe au chapitre 61,
v. 1 à 2. Puis il se rassied, ainsi que l'auditoire (on écoutait
toujours debout les paroles de l'Écriture), et, dans une attention et
un silence profond, il se met à parler (2)... Ah !
le beau texte et comme nous pressentons ce que Jésus en tira !
C'est aux Juifs en exil que le vieux prophète avait adressé ces
consolations émouvantes. Mais comme tout cela trouvait maintenant un
accomplissement plus profond !
Aux pauvres, aux petits, aux humbles méprisés, rudoyés par les
fiers pharisiens, Jésus dit la bonne nouvelle de l'amour du Père et du
prix infini de toute âme.
Aux coeurs brisés par l'épreuve, tourmentés par le sentiment de
leur misère et auxquels la religion de la synagogue n'apportait que
subtilités, sévérités, menaces, Jésus apporte le message du pardon
gratuit de Dieu.
Aux opprimés de la vie, aux captifs du péché, des soucis, de
la mort, à tous ceux auxquels l'inexorable loi ne causait qu'effroi et
désespoir, Jésus ouvre des perspectives (le lumière, de délivrance, de
salut : « Venez à moi, vous tous !... Je donnerai du
repos à vos âmes. »
Ressuscitant les vieilles espérances que l'année du jubilé (Lév.
25 : 10 et s. ) entretenait constamment dans le peuple,
car, en cette cinquantième année, tous les travaux étaient suspendus,
les dettes acquittées, les esclaves libérés, Jésus, à des gens
habitués à entendre parler toujours de loi, de colère, de châtiment,
de rétribution, parle de grâce...
Et l'auditoire est charmé, enthousiasmé, conquis. Le fils de
Joseph semble avoir gagné sa cause. Le sentiment qui anime cette
foule, c'est celui de la fierté. Quelle gloire d'avoir un concitoyen
de ce talent ! D'où lui viennent ces choses ? Quelle est
cette sagesse qui lui a été donnée ? (Marc
6 : 2) Pourtant, il est bien de chez nous ! On ne
pourra plus dire dans le pays, comme on avait la méchante habitude de
le faire, que de Nazareth il ne vient rien de bon ...
L'orgueil humain est blessé. - Mais Jésus ne se laisse
pas tromper par ce succès. Il sait trop combien les raisons en sont
peu relevées. Il a pu, probablement, se rendre compte dans ses
conversations au village, les jours précédents, du genre d'intérêt et
de sympathie qu'il éveille. On est venu l'entendre en foule, mais
c'est par curiosité. On l'applaudit, mais c'est par orgueil de
clocher. On aimerait bien qu'il fît à Nazareth des choses aussi
extraordinaires que celles qu'il a faites à Capernaüm. Il doit ça à
son lien d'origine. Il est juste que le médecin commence par penser à
sa propre santé. Les Nazaréens sont donc comme ces pharisiens qui
demandaient des miracles ; mais ce ne sont pas les miracles qui
touchent les consciences et changent les coeurs. Et les consciences et
les coeurs de ses compatriotes, Jésus ne parvient pas à les atteindre.
Plus que tous les autres, ces amis intimes du Messie auraient eu des
raisons de l'écouter, de se laisser convaincre par lui. Or c'est
auprès d'eux qu'il trouve le moins d'appui.
Et cela rappelle au Sauveur des exemples frappants de
l'Écriture, dans lesquels ce que les proches auraient dû obtenir,
par leur faute n'est accordé, qu'à des étrangers. Il le dit en face à
ses amis et relations, courageusement, comme un avertissement
solennel, et pressentant fort bien ce que cette franche sévérité va
lui attirer.
Voyez l'effet de ce nouveau sermon ! Il se passa à
Nazareth ce qui se passe ailleurs. On veut bien écouter,
s'enthousiasmer même ; se convertir, c'est autre chose, On
parlera beaucoup de la prédication entendue, du talent de l'orateur,
on sera fier d'avoir un pasteur de cette valeur ; mais, de là Il
y a loin à s'appliquer à soi-même cette parole tant vantée. Tant qu'un
prédicateur, encore, prêche la grâce, le message d'amour, de pardon,
on s'émeut et on est plein de reconnaissance. Tant qu'il reste dans
les généralités, on dit de, vérités qui s'appliquent à d'autres, on
admire hautement. Mais si, fidèle à sa consigne, la même voix fait des
reproches ou des appels trop directs, on est « rempli de
colère ».
Voyez ces gens de Nazareth, si fiers tout à l'heure de leur
ressortissant. En quelques instants leur admiration s'est changée en
fureur ; leur fierté, maintenant blessée, pour un peu les
conduirait au crime. Au sortir de la synagogue c'est comme une émeute
qui se produit. On entraîne Jésus, avec force injures sans doute, sur
les hauteurs qui dominent la ville. On est prêt à tout pour se
débarrasser de ce combourgeois trop franc. Et il faut bien toute la
majesté, toute l'autorité qui se dégagent de sa personne pour qu'il
puisse échapper sain et sauf, sans qu'eux-mêmes se soient bien rendu
compte de quelle façon, à leurs mains vengeresses.
« Si t'on monte quelque peu et que l'on atteigne le
plateau fouetté d'une brise perpétuelle qui domine les plus hautes
maisons, la perspective est splendide. A l'ouest, se déploient les
belles lignes du Carmel, terminées par une pointe abrupte qui semble
se plonger dans la mer... Par une dépression entre la montagne de
Salem et le Thabor, s'entrevoient la vallée> du Jourdain et les
hautes plaines de la Pérée... » (Renan.)
Ce beau panorama qui avait charmé son enfance, Jésus l'aperçut
alors pour la dernière fois. Et c'est accompagné des
cris de fureur de ses proches, une grosse blessure au coeur, qu'il
redescendit plus solitaire vers la plaine et vers sa tragique
destinée.
M. V.
Récapituler leçon du 2
janvier. - Dire quelques mots des trente premières années de
la vie de Jésus, enfance, baptême ; tentation, choix
des apôtres. (Luc
2 :
39-52 ; 3 :
-11, 22 ;
4 :
1-13 ; 6 :
13-16.) - Je vais maintenant vous parler d'une leçon
d'école du dimanche donnée par un bon moniteur à de mauvais
élèves.
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