Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IX

ÉCHECS

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 Il s'agit maintenant de reconnaître encore que beaucoup de chrétiens fervents n'ont pas recouvré la santé, bien qu'ils eussent cherché la guérison auprès de Dieu avec une foi sincère. Ce sont là les prétendus échecs dont aiment à se prévaloir les sceptiques pour nier la guérison divine.

J'admets volontiers la difficulté. Aussi bien serait-il d'ignorer les faits. Ajoutons cependant que beaucoup de ceux qui sont portés aux conclusions hâtives prennent tout de suite les guérisons différées pour des échecs. Il s'agit donc d'être très prudent en pareille matière. Vous serez peut-être amenés à renoncer à certains médicaments parce qu'ils restent sans effet. Il n'en va pas ainsi du Saint-Esprit.

Si vous attendez la guérison de Dieu lui-même, vous pouvez avoir eu recours à tous les intermédiaires humains - ou avoir lu tous les livres possibles - sans résultats apparents ; vous n'aurez pas pour autant épuisé les enseignements du Saint-Esprit, ni ne sauriez jamais le faire en cette vie. Or, il opère toujours en vous. Comment donc pourriez-vous affirmer que la guérison ne viendra pas ?

Je ne prétends aucunement tout expliquer lorsque la guérison attendue ne survient pas, mais je suis fermement convaincu qu'il ne s'agit pas alors d'un échec de Dieu, mais de l'homme. En affirmant cela, je ne songe d'ailleurs à blâmer personne. Loin de moi la pensée qu'un malade quelconque, homme ou femme, aurait pu être guéri s'il avait eu plus de foi ou s'était soumis d'une façon plus complète à la volonté de Dieu. Pour peu, toutefois, que nous nous reportions aux fondements mêmes de notre foi, je veux dire au fait que le Christ, sur la Croix, se chargea du fardeau de nos maladies aussi bien que du fardeau de nos péchés, nous ne pouvons que reconnaître une chose : Dieu, pour sa part, a tout fait pour rendre la guérison possible à chacun de ses enfants.

Il ne nous viendrait pas à l'idée de croire que Dieu veuille qu'aucun de ses enfants demeure dans le péché. Beaucoup de chrétiens, cependant, n'arrivent pas à accepter la rédemption qui les libérerait. Ils ont humblement confessé leurs péchés à Dieu. Ils désiraient sincèrement que leur vie change. Les péchés d'autrefois leur ont très certainement été pardonnés une fois pour toutes. Pourtant, c'est toujours à nouveau qu'ils vont à Dieu, afin d'implorer son pardon pour les mêmes fautes, dans lesquelles ils retombent constamment.

Vous me direz que c'est quelque chose d'inhérent à la nature humaine, et qu'aucun homme ne saurait prétendre à la parfaite sainteté. C'est peut-être vrai.

Vous ne pourrez contester, toutefois, que s'il nous était possible de nous abandonner à Dieu au point d'être entièrement pénétrés de son Saint-Esprit, nous ne pourrions plus pécher, car l'Esprit-Saint rendrait impossible le péché en inspirant et en gardant nos pensées, nos paroles et nos actes. Saint Jean, dans sa première épître, nous assure que « quiconque demeure en lui ne pèche pas » (1 Jean 3 : 6 ; 5 : 18). Si rares, cependant, sont ceux qui ont été amenés à se convaincre que la puissance du Saint-Esprit nous préserve effectivement du péché, que nous en sommes venus à le considérer comme inévitable. On a donc toujours beaucoup parlé de régénération, mais très peu de sanctification, en dépit de la place que cette dernière occupe dans l'enseignement de saint Paul.

Par ailleurs, il ne saurait faire de doute que ceux-là mêmes qui vivent en communion particulièrement étroite avec le Seigneur commettent fréquemment des erreurs (1) dans lesquelles il faut bien voir des « péchés ». Il n'en est pas moins vrai qu'aucun chrétien vraiment désireux de montrer sa foi par sa vie ne peut avoir de cesse que ne soit extirpé de son coeur tout désir mauvais, par la puissance de l'Esprit qui l'habite. Aussi longtemps que nous ne connaîtrons pas cette libération, nous aurons à nous repentir des mêmes péchés, profondément ancrés dans notre nature et qui, nous le reconnaissons, continuent de causer notre chute.

Prenons, par exemple, le cas d'une personne réellement pieuse, qui s'efforce avec sincérité et persévérance de vaincre en elle un tel péché, mais qui aurait échoué si souvent qu'elle commencerait à penser que la lutte est vaine. Nul parmi nous ne songerait à suggérer qu'étant donné la persistance de ce péché, il faudrait y voir la volonté de Dieu à l'égard de cette personne. Nous saurions fort bien qu'elle est due seulement au fait que celle qui en est la victime a imploré Dieu pour obtenir son aide en face de la tentation, au lieu qu'elle aurait dû demander que le Saint-Esprit l'extirpât de son coeur, pour se placer ensuite sous sa protection.

Il va sans dire qu'il ne saurait être question pour Dieu de tolérer la persistance d'un péché quelconque. En effet, le péché sous toutes ses formes doit nécessairement être en horreur au Dieu Très-Saint, à celui qui donna son Fils unique pour nous « racheter » de la puissance du mal. Étant donné, par ailleurs, que la Bible fait clairement remonter l'origine de la maladie au péché, et qu'elle affirme que notre Seigneur en porte le fardeau sur la Croix, quelles raisons pourrions-nous avoir de supposer qu'une maladie qui persiste en dépit de prières répétées soit représentative de la volonté de Dieu ? Cela ne peut signifier qu'une chose ; c'est que, du côté de ce qui vient de l'homme, on ne remplit pas, sur un point quelconque, les conditions requises pour que Dieu puisse manifester son Amour qui guérit.

Quand il s'agit du péché, nous n'hésitons pas à admettre que c'est à nous-mêmes que l'échec doit être imputé. Alors, pourquoi, lorsqu'il s'agit de la maladie, ferions-nous tant de difficultés pour l'admettre également ? Pourquoi préférerions-nous voir dans sa persistance une preuve que Dieu a modifié son dessein, ou qu'il ne tient pas ses promesses ?




Le problème que soulève ces échecs a incité divers théologiens (2) à formuler l'hypothèse suivante : Bien qu'il ne soit pas question de mettre en doute le témoignage des évangiles quant aux guérisons, il semble bien y avoir des exceptions, en sorte qu'un certain nombre de malades sont appelés à endurer leurs maux avec patience.

Il n'est rien, dans la Bible, pour autoriser pareille hypothèse - sauf peut-être l'interprétation qu'on avance relativement à l'écharde de saint Paul (3).

Aucune béatitude ne vient consoler le malade en l'exhortant à se résigner avec patience à son mal. Celui qui souffre de maladie ne peut chercher de réconfort qu'en se disant qu'il participe ainsi aux souffrances du Christ - que la maladie n'a d'ailleurs jamais touché ; ou que cela contribue à le faire progresser spirituellement ; mais cela n'est vrai que dans la mesure où il se souvient que seule une acceptation confiante de ses souffrances peut rendre possible la chose.

Pourquoi ne pas se placer résolument en présence des faits et ne pas accepter l'enseignement biblique, qui ne discerne que deux causes à la maladie, quand elle reste sans guérison : un manque de foi ou une désobéissance ? Ce qui ne veut pas dire que je conseillerai à quiconque d'accuser brutalement un malade de l'une ou l'autre chose. Le manque de foi peut ne pas lui être imputable, et sa maladie peut être due aux péchés de ceux dont il descend bien plus qu'à un péché personnel quelconque.

La foi d'un homme ne peut que difficilement s'élever bien au-dessus du niveau qu'atteint celle de ses amis. Avant donc de blâmer un frère d'une incrédulité qui nous est commune, occupons-nous plutôt de nous-mêmes et de nos progrès.
C'est chez ceux qui sont suffisamment acquis à la cause de la guérison divine pour faire partie d'un groupe d'intercession, que nous devrions logiquement trouver la foi la plus haute et la plus opérante (4).

Supposons un instant que nous appartenions à un tel groupe et que quelqu'un y relate une histoire de guérison véritablement extraordinaire. Quel est le mot qui viendra tout naturellement aux lèvres de la plupart, sinon - comme je l'ai remarqué souvent - celui de merveilleux ? Et c'est dit d'un ton qui trahit la surprise bien plus qu'il ne traduit l'adoration. Je vous le demande : serions-nous réellement surpris si notre foi était celle qu'elle doit être ? Toutes les oeuvres de Dieu sont merveilleuses. Pourquoi donc s'étonner lorsqu'une prière est pleinement exaucée ?

Une personne qui souffrait d'un mal rebelle fut invitée par des amis à faire un séjour chez eux. Ils croyaient à la guérison divine et pensaient être aussi en état de prier plus efficacement pour elle. Elle accepta leur invitation et, le troisième jour, se réveilla sans plus éprouver aucun symptôme douloureux. Elle se leva aussitôt et alla trouver ses amis qui étaient en train de prendre leur petit-déjeuner, afin de leur annoncer la bonne nouvelle de sa guérison. Ceux-ci ne purent en croire leurs oreilles. Les amis mêmes qui avaient prié pour sa guérison, et qui l'avaient invitée chez eux dans cette intention, ne pouvaient maintenant se persuader que leurs prières avaient été exaucées. Avant de nous montrer trop critique à leur égard, cependant, n'oublions pas que les chrétiens déclarés et courageux, comme ceux qui passaient la nuit en prière pour l'apôtre Pierre, alors emprisonné, refusèrent de croire que c'était bien lui qui frappait à la porte (Actes 12 : 11-16).

Il n'est pas seulement difficile pour un homme de parvenir à une foi qui dépasse celle de ses amis, mais on s'élève difficilement aussi jusqu'à dépasser ce qu'estime possible le grand nombre. Il y a des choses auxquelles tout le monde s'attend, telle la réduction et la consolidation d'une fracture osseuse ordinaire. D'autres, par contre, sont considérées comme impossibles. Or, ce n'est pas sans peine qu'un individu se libère de l'opinion générale. La plupart des gens en sont effectivement incapables tant qu'ils n'ont pas « rencontré » personnellement le Christ vivant (5). À supposer même qu'on en arrive à croire fermement, pour finir, à la guérison définitive, on subit plus ou moins l'opinion générale, ne fût-ce qu'en acceptant presque inconsciemment la classification courante des maladies. C'est ainsi qu'on estimera tout naturellement qu'il faut beaucoup plus de temps pour guérir certains états maladifs, certaines névroses ou certaines infirmités corporelles, qu'il n'en faut pour guérir des affections communément jugées moins graves. Et pourtant, n'est-ce pas chose toute simple, pour le Créateur tout-puissant de l'Univers, de guérir nos corps, qui ne sont après tout que peu de chose ?

On ne saurait nier le fait que de nombreux malades ne sont pas guéris parce que parents et amis manquent de foi. J'ai connu bien des cas de ce genre. C'est même un de ces cas qui m'a amené à reconnaître les avantages qu'offrirait une « maison de guérison », où les malades seraient soustraits à cette atmosphère de scepticisme. Et cette atmosphère néfaste - si étonnant que cela puisse paraître - est due bien souvent à la tendresse même de l'entourage. Le malade, trop souffrant pour être en état de prier lui-même, se trouve en effet entouré de personnes qui le chérissent au point de ne pouvoir se faire à l'idée de le perdre. Elles en éprouvent tout naturellement de l'angoisse, et c'est ainsi que ceux-là mêmes qui devaient libérer la grâce qui guérit sont tellement inquiets intérieurement, qu'ils ne s'en trouvent pas seulement paralysés, mais que leurs appréhensions retentissent sur le malade lui-même. Une véritable barrière de crainte et de scepticisme est ainsi élevée, qui empêche la grâce salutaire du Christ d'atteindre celui qui, autrement, eût recouvré la santé.

La plus grande barrière de toutes est incontestablement l'incrédulité générale de l'Eglise sur ce point - surtout si l'on tient compte du fait qu'elle est si répandue parmi ceux qui, précisément, ont été « ordonnés » pour exercer le ministère évangélique de guérison. Tout évêque (6) n'a-t-il pas en effet été consacré pour exercer, entre autres, ce ministère ?

Il est facile aux membres du clergé de prétendre que le premier devoir auprès des fidèles est d'ordre spirituel, que l'âme passe avant le corps, ou qu'ils sont à ce point absorbés par les activités proprement spirituelles de la paroisse, qu'ils ne trouvent plus de temps pour s'occuper des besoins du corps - ce qui, d'ailleurs, regarde le médecin.

Et pourtant, n'est-il pas généralement admis qu'une des obligations d'un pasteur de paroisse est la visite des malades ? À ce propos, ma propre expérience me permet d'affirmer qu'il est infiniment plus satisfaisant, à l'occasion de ces visites, d'apporter aux malades le bienheureux message d'une guérison possible par le Christ, que de n'avoir rien d'autre à leur offrir que l'exhortation à supporter le plus patiemment possible des maux que leur aurait envoyés un Dieu qui est amour.

L'oubli dans lequel est tombé le ministère de guérison n'est pas seulement une désobéissance au commandement du Maître. Il a également affaibli bien plus qu'on ne l'imagine l'autorité de l'Eglise auprès des masses, qui estiment que celle-ci n'a rien à leur dire.

Comment, par conséquent, ne comprendrions-nous pas qu'en négligeant le ministère de guérison l'Eglise a perdu la pierre de touche par excellence de sa foi ? Lorsqu'elle devint consciente de son impuissance à guérir, elle modifia sa doctrine pour l'adapter à cette carence, au lieu d'y remédier en en cherchant la cause en elle-même. Par son état de parfaite santé, le Christ fut aux jours de sa chair la manifestation même de l'amour du Père qui veut notre guérison. Or c'est l'Eglise qui est aujourd'hui le « corps » visible du Christ. Si donc la grâce qui assure la guérison ne peut plus être répandue librement de nos jours - comme à d'autres moments de l'histoire, d'ailleurs - ça ne peut être dû qu'à l'« encrassement du corps », qui ne la laisse plus passer. Quel rayonnement la foi de l'Eglise n'aurait-elle pas aujourd'hui, si la pierre de touche en question avait été appliquée par elle pendant dix-neuf siècles, si elle avait su s'humilier devant Dieu chaque fois qu'une carence secrète lui était révélée par un affaiblissement du don de guérison ! Avec quelle puissance n'entreprendrait-elle pas de gagner le monde au Christ, incitant les hommes, par la guérison du corps, à rechercher celle, plus importante encore, de l'âme ! Songez aussi à ce que cela eût signifié dans nos champs de Mission, où les gens s'empressent d'accepter la guérison avec une foi simple d'enfants. Dans nos paroisses, pourtant, il en est qui refusent d'admettre qu'une forme de service qui occupe une place si importante dans le ministère de Jésus demeure, à l'heure actuelle, un des aspects essentiels de celui de son Église.

Notre plus grand obstacle en tout ceci est sans aucun doute le manque de foi de l'Eglise. Mais avant de nous en prendre à l'Eglise, n'oublions pas que celle-ci se compose d'individus, et que la foi du corps ne saurait dépasser celle dont la moyenne de ses membres font preuve. Au reste, acceptons-nous - en le critiquant peut-être - cet état de fait, ou cherchons-nous à y remédier ? On n'a aucun droit à la critique si l'on n'apporte pas le remède.




S'il est vrai que la santé de l'Eglise - corps visible du Christ - éclate avant tout dans le fait que le ministère de guérison s'y exerce avec puissance, ne devrions-nous pas en déduire que la santé morale et spirituelle de l'individu conditionne pour lui la possibilité d'une guérison physique ?

C'est là une très grave question ; mais une question qu'il n'est pas honnête d'éluder - tout en admettant, cela va sans dire, que la maladie n'est pas due forcément à une forme de péché délibérément poursuivie, elle peut résulter également de la crainte, de l'ignorance ou d'une idée erronée qu'on se fait du dessein de Dieu. Dans la mesure, pourtant, où la maladie est chose essentiellement mauvaise, et où pareille chose ne saurait aller de pair avec l'Esprit divin reçu dans sa plénitude, sa persistance doit rendre attentif au fait qu'il y a encore quelque chose à abandonner à Dieu, ou un enseignement à recevoir de lui, avant que, par l'Esprit, il puisse exercer une souveraineté absolue sur l'être tout entier. Tout échec dans ce domaine est un dur défi qui invite à se placer sans réserve sous l'éclairage divin.

Nous avons vu déjà que l'incapacité de s'attendre à de grandes choses rend ces mêmes choses impossibles. À plus forte raison la crainte d'échouer, ou de courir à un désastre, favorise-t-elle la réalisation des éventualités mêmes que l'on redoute.

La crainte n'est pas seulement à l'origine de beaucoup de maladies ; elle en empêche souvent aussi la guérison. Comment s'étonner qu'un malade, dont l'affection physique retentit sur le moral, ne surmonte que difficilement une appréhension quasi universelle, comme celle, en particulier, qui résulte d'un verdict médical selon lequel le mal qui vous ronge est considéré comme habituellement incurable (7). Pareille appréhension ne peut être surmontée que dans la foi au Christ vivant.

Nombre d'affections chroniques s'éternisent en raison de l'état craintif du malade. Dès l'apparition des symptômes en effet, il a peur qu'il n'en résulte ce qu'enseigne une expérience commune. Un mal de gorge banal devient aussi le signe avant-coureur d'un rhume grave, et celui-ci ne manque pas de s'installer.

La crainte n'a même pas besoin d'être consciente. Pour peu que certains faits se soient répétés, le subconscient en est influencé ; il n'a bientôt plus besoin que d'une légère impulsion extérieure pour s'imposer, sans même que, sur le moment, on l'appréhende consciemment. Si quelqu'un, par exemple, est bien persuadé qu'en s'exposant à un courant d'air on finit toujours par s'enrhumer, cela suffit pour que l'inconscient l'enregistre - alors même que la pensée consciente est trop absorbée par autre chose pour y prêter attention - et que le processus soit déclenché.

Un nombre important d'échecs provient de ce que, même guéri d'une affection quelconque, un malade continue à la redouter, épiant craintivement les moindres symptômes de son retour. Dans ces conditions, il est plus que probable que le mal récidivera, faisant ainsi obstacle à la guérison divine.

Étant donné que, lorsqu'on reste anxieux, c'est parce qu'on ne s'appuie pas sans réserve sur les promesses divines, les échecs attribuables à cet état d'esprit sont en réalité un manque de foi. Cela nous mène à la nécessité d'une vraie rencontre personnelle avec le Christ vivant et à la conviction absolue que le Saint-Esprit peut donner vie, dans nos coeurs, à la Vérité divine. Mais il ne saurait y avoir une foi réelle sans mise en pratique immédiate.

Supposons que se manifestent en moi les premiers symptômes d'un rhume. Ce n'est pas en suppliant Dieu de les faire disparaître que le mal sera jugulé, puisqu'en le faisant j'en reconnais la gravité et les renforce. Si, par contre, je me place très simplement sous la protection divine, rejetant toute espèce de crainte, me persuadant que cela n'a aucune importance, puisqu'aussi bien je suis dans la main de Dieu, et cela sans plus me préoccuper de savoir si je m'enrhume ou non, alors tout ira bien. Chaque fois que j'ai pu agir ainsi le rhume à été coupé.

Si, par ailleurs, on est amené à s'exposer à la contagion d'une maladie infectieuse, il faut se garder de prier pour en être préservé. En le faisant, on reconnaît qu'on la redoute. Il faut prier, bien plutôt, pour être libéré de toute crainte de l'attraper, et, quant au reste, s'en remettre entièrement à Dieu.

Après avoir tellement insisté sur les graves conséquences de la crainte, il se peut que j'aie éveillé chez le lecteur la peur de la crainte elle-même. Avant de passer à autre chose, j'essaierai donc de montrer comment elle peut être surmontée.

Lorsqu'une crainte s'installe tout à fait, ou même revient fréquemment, c'est la preuve qu'elle se transforme en idée fixe dans le subconscient. La volonté est alors impuissante à la chasser. C'est à Dieu qu'il faut avoir recours pour trouver la délivrance, en priant pour que le Saint-Esprit la remplace par la confiance. Il faut y apporter à la fois une grande déférence et une détermination absolue. On commencera par une requête précise, à la suite de laquelle on se rendra disponible dans l'attente silencieuse, et l'on terminera par l'action de grâce, parce qu'on sera sûr de l'exaucement. Mais ensuite viendra la mise à l'épreuve, car le sentiment d'appréhension reviendra. Si l'on s'en montre déçu, peut-être même affligé, parce qu'on croyait vraiment en être débarrassé, on ne fait que s'avouer de nouveau vaincu. Il s'agit au contraire d'y faire face avec décision, comme on affronte une tentation, en affirmant la certitude où l'on est de son impuissance à vous dominer encore.

Alors la crainte s'évanouira bientôt. Il faut ici faire la différence - elle est très grande - entre un état d'âme qui vous domine toujours et un état dont on est affranchi, mais qui cherche à vous assujettir à nouveau. Si l'on voit toujours dans la crainte quelque chose d'invaincu, on pourra attendre indéfiniment la vraie libération, même si l'on croit pouvoir l'obtenir un jour. Si, par contre, on a la certitude d'avoir été exaucé, affranchi de toute crainte, on ne voit plus dans ce nouvel assaut qu'une tentation ordinaire à retomber dans un état périmé. On n'a qu'à résister au tentateur, et il se retire. Et la peur n'aura plus de prise.

Les craintes qui nous empêchent de connaître la paix peuvent être multiples. N'essayons pas alors de nous attaquer à la principale, quel que soit notre désir d'en être débarrassés. Nous sommes aidés dans la mesure de notre foi, et c'est beaucoup plus facile d'être libéré d'une crainte relativement faible que d'une peur qui nous a dominés pendant longtemps. Quand nous aurons été affranchis de nos craintes secondaires, notre foi sera en état d'accepter la délivrance là où c'est le plus difficile (8). J'ai connu quelqu'un dont l'angoisse était telle, qu'il se réveillait terrorisé et en sueur. Il en fut complètement délivré bien avant que la cause immédiate fût éliminée.




Un échec peut fort bien être dû parfois à un excès d'information. Quand on se rend pleinement compte de la gravité d'une maladie, quand on est au courant de son évolution habituelle ou des changements physiques qui doivent se produire avant toute guérison, il devient beaucoup plus difficile d'accéder à la foi toute simple de l'enfant, que ce n'est le cas lorsqu'on ne sait rien de tout cela. C'est la raison pour laquelle la guérison instantanée est plus fréquente chez les peuples primitifs et les enfants, que chez les gens évolués. Cela ne fait d'ailleurs que souligner à nouveau la nécessité de la foi : on échoue parce qu'on s'appuie sur la raison humaine et les données d'un monde essentiellement tourné vers la matière, au lieu de compter absolument sur les promesses divines.

Certains échecs sont dus au fait qu'on s'applique à fournir un effort personnel, alors qu'il faudrait s'abandonner avec confiance, tout simplement. Lorsque la guérison ne vient pas, le malade a souvent le sentiment de ne pas avoir fait tout le nécessaire. C'est ainsi qu'il sera amené à essayer différents autres moyens. Il changera, par exemple, sa façon de prier, ou prolongera ses temps de dévotion, ou communiera plus souvent. Tout cela peut être excellent en soi, mais c'est inutile si l'on croit ainsi pouvoir gagner - ou s'assurer - la guérison. La guérison ne peut pas être gagnée ; elle doit être reçue comme don gratuit de Dieu. Notre rôle, par conséquent - comme toujours lorsqu'il s'agit des grâces divines - est d'agir comme ayant été exaucés après avoir prié, plutôt que de poursuivre des efforts personnels.

J'ai connu des déconvenues parce qu'on ne réussissait pas à se libérer de toute discussion stérile concernant les symptômes. Le simple fait de noter soigneusement les progrès réalisés, et le désir d'en témoigner, continuent à fixer l'attention sur la maladie, et retardent ainsi la guérison. Combien souvent le Christ n'a-t-il pas recommandé à ceux qu'il guérissait d'aller leur chemin, et de n'en rien dire à personne. Sans doute se rendait-il compte qu'en détaillant à tout venant le mal dont on avait été guéri, même dans l'intention de témoigner positivement, on s'exposerait à une rechute, en pensant encore beaucoup trop - et trop souvent - au mal en question.

La majorité des gens semblent se délecter à parler maladie et à se décrire mutuellement symptômes et malaises. Ils ne se doutent guère du mal qu'ils se font et qu'ils font aux autres en répandant des idées déprimantes plutôt que des idées de santé. On nous dit souvent que les actes regrettables ou même désespérés dont se rend coupable une certaine jeunesse sont dus à l'influence du cinéma. Ces jeunes ont la tête tellement farcie des exploits des desperados de l'écran, qu'ils n'arrivent plus à se contrôler. Que ceux, donc, qui se gargarisent de propos incessants sur nos misères prennent garde au retentissement qu'ils peuvent avoir sur la santé du corps.

Cela peut sembler paradoxal, mais je suis persuadé qu'on peut faire remonter certains échecs particulièrement embarrassants à la « spiritualité » du malade. Une personne portée à la spiritualité, en effet, à qui l'on a probablement toujours enseigné que la maladie fait partie d'une discipline voulue de Dieu, et qu'il ne faut pas accorder trop d'attention au corps, une telle personne verra tout naturellement dans la maladie une croix qu'elle est invitée à porter, et pensera qu'on peut offrir à Dieu des souffrances patiemment endurées en crucifiant ainsi le « moi ». Une telle attitude peut aussi être basée sur l'incompréhension du caractère vrai de l'épreuve que subit saint Paul du fait de son « écharde » ; ou prévenir de l'oubli de cette réalité capitale que le Christ porta sur la Croix « le poids de nos maladies ». Si le corps est bien le « temple du Saint-Esprit », il ne saurait être négligé. Comment, par ailleurs, pourrait-il être méprisable, puisque le Fils de Dieu voulut bien s'en servir ? Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu'on lui attribua la même valeur qu'à l'âme.

J'insisterai une fois de plus à ce propos sur la nécessité de n'offrir à Dieu qu'une souffrance qui soit vraiment un hommage spontané ! C'est ainsi qu'une souffrance ne saurait être considérée comme telle si nous ne l'offrons que parce que nous n'avons pu nous en affranchir, après l'avoir pourtant essayé. Lorsque, toutefois, cette offrande a été faite en toute sincérité et ferveur, je ne puis croire qu'elle n'ait pas été acceptée en réponse par la miséricorde divine (9), alors même qu'il s'agissait d'une conception fausse à notre avis. Les progrès spirituels effectivement réalisés, parfois, par la personne en question sont certainement une preuve de cette acceptation. Quoi qu'il en soit, la guérison, si elle avait pu être acceptée, aurait encore davantage glorifié Dieu... Est-ce trop de dire : « Si elle avait été acceptée » - comme s'il n'y avait pas eu beaucoup de ferventes prières pour obtenir la guérison, avant qu'on se résignât à voir dans la maladie la volonté de Dieu ? Ce que je tiens à rendre clair, c'est uniquement le fait qu'en dépit de la ferveur des prières offertes, elles n'étaient pas celles de la foi qui accepte sans réserve si le moindre doute subsistait quant à la volonté divine.

Ajoutons que l'âge aussi peut affaiblir la foi. Un malade peut se croire trop âgé pour être en droit d'espérer encore être guéri, puisqu'aussi bien il faut mourir un jour.

N'oublions pas que Dieu peut reprendre - tout simplement - la vie qu'il a donnée, et le faire au moment qu'il juge opportun. Il n'a pas besoin, pour cela, que le corps soit détruit par la maladie. Pour ce qui est de l'âge, par ailleurs, je n'ai pu fixer encore celui au-delà duquel la guérison ne peut plus être attendue. Je fus amené, un jour, à m'occuper d'une dame âgée de septante-six ans et qui souffrait beaucoup de rhumatisme. Elle n'avait pas mis les pieds dehors depuis plusieurs mois et ne pouvait pas atteindre sa nuque avec les mains. Quatre jours après avoir reçu l'onction d'huile, elle put faire une assez longue promenade, et, quelques jours plus tard encore, elle pouvait se coiffer seule. Une autre fois, c'est auprès d'un homme de septante-huit ans que je fus appelé. On le croyait sur son lit de mort. Deux ans plus tard, je le vis moi-même en train de scier des rondins.

La durée de notre vie est l'affaire de Dieu. Il ne nous appartient donc pas d'intervenir pour tenter de la modifier. La maladie est cependant un mal en soi, et nous avons le droit, bien mieux, le devoir de chercher à être délivré de ce mal - sans qu'il soit question pour autant de la durée elle-même de notre vie. Même si j'étais absolument sûr que Dieu veuille rappeler demain tel de ses serviteurs, cette certitude ne m'empêcherait aucunement de demander pour aujourd'hui sa « guérison » de toute maladie. je ne prierais pas pour que sa vie fût prolongée, bien sûr - il appartient à Dieu seul de décider - mais pour qu'il fût délivré de tout « mal », dans son âme et dans son corps. À plusieurs reprises, d'ailleurs, j'ai vu s'accomplir des guérisons à quelques jours seulement d'une issue déclarée fatale. Il n'est jamais trop tard pour demander à Dieu de glorifier son nom en libérant l'un de ses enfants de la puissance du mal.

L'Écriture nous enseigne encore qu'une autre cause fréquente d'échec est la désobéissance, ou le péché. Nous avons essayé déjà de montrer à quel point la purification du « coeur » - aussi bien que la guérison du corps - était nécessaire. C'est pourquoi, lorsque tarde la guérison, nous devons prier pour que la lumière pénétrante de l'Esprit de vérité nous révèle quelque « interdit » (10) qui pourrait subsister.

Car il est des déconvenues qu'il faut attribuer au fait de n'avoir pas recherché la guérison pour la gloire de Dieu avant tout, c'est-à-dire complète, intégrale (11). Tous, nous avons sans doute entendu dire : « Si je puis être délivré de ces souffrances, pour le reste je m'arrangerai ». Et pourtant, tout ce qui peut souiller le temple du Saint-Esprit doit être abandonné.

En terminant, il convient de remarquer que ceux qui, au fond, ne désirent pas une guérison absolument complète sont beaucoup plus nombreux qu'on l'imagine. Il faut dire qu'eux-mêmes, pour la plupart, ne s'en rendent pas compte et restent difficiles à convaincre. Quand ils étaient réellement malades en effet, ils étaient sincèrement désireux d'être guéris, mais une fois passée la phase aiguë, ils ne font pas attention au fait qu'ils continuent toujours de tenir à toutes sortes de petits soins ou égards auxquels ils s'étaient habitués, et que cela empêche maintenant pour eux, en la voilant, la pleine santé.

Ajoutons enfin que bien des gens croient se donner de l'importance en se plaignant d'une chose ou d'une autre, surtout s'il s'agit de quelque chose qui sort de l'ordinaire. C'est en réalité le vieux péché d'orgueil, qui les porte à s'accrocher à tout ce qui peut les distinguer des autres, ne fût-ce que légèrement, et attirer sur eux une attention qu'autrement on ne leur accorderait pas. Et puis, il y a aussi le fait que notre humaine nature cherche toujours volontiers une excuse à ses travers, et qu'une déficience organique fait admirablement l'affaire. Si cette déficience est visible, en effet, elle constitue une excuse valable, et non un simple prétexte imaginaire.

J'ai bien peur que vous n'alliez croire maintenant que les obstacles à la guérison sont si nombreux, et les conditions à remplir telles, qu'il est à peu près vain d'avoir recours à la grâce divine dans ce but. Mais gardez-vous bien de vous laisser décourager.

En réalité, rien n'est plus simple - à la condition toutefois que l'on veuille effectivement se mettre en règle avec Dieu. Les difficultés qui nous rebutent sont celles que, dans notre manque de simplicité, nous nous créons à nous-mêmes. Nous interprétons la Vérité révélée de l'Écriture (12) avec notre raison personnelle, au lieu de l'accepter comme Parole de Dieu. La Vérité est la simplicité même. La volonté du Père est effectivement de libérer ses enfants de tout mal, qu'il s'agisse de l'âme ou du corps. Il est la Source de toute guérison, et Jésus-Christ est le chenal par lequel s'épanche en nous l'Amour qui guérit, l'Amour du Père. Le Saint-Esprit, lui, est la Puissance divine opérant en nous pour qu'éclate la Force souveraine de guérison de cet Amour, que la foi au Christ - et au Christ seul - nous permet de recevoir.




ÉPILOGUE

 

Nous sommes dans le cabinet de travail d'un presbytère anglican de campagne.
Une jeune fille entre en boitant, visiblement souffrante. Elle vient de se fouler le pied sur la route, et a été ramenée chez elle en voiture par un voisin.

Le padre (13) lui demande : « Crois-tu que si tu voyais Jésus debout dans cette pièce, il te guérirait ? »
- Mais oui, Monsieur.
- Crois-tu que Jésus est ici, bien que tu ne puisses pas le voir ?
- Oui, Monsieur.
- Te souviens-tu qu'il ordonne à ses disciples d'imposer les mains aux malades en son Nom ; c'est-à-dire que, bien qu'il n'ait pas aujourd'hui des mains que nous puissions voir, il peut se servir des miennes pour te guérir ?
- Bien sûr, Monsieur.

Une courte prière est alors prononcée pour se réclamer, en Son Nom, de la promesse faite et de la rédemption opérée, ainsi que de la foi qu'il donne, par son Esprit qui est en nous. Les mains sont alors imposées, une action de grâce s'élève et la jeune fille quitte le cabinet pour vaquer de nouveau à ses travaux habituels.

Quoi de plus simple que cette foi d'enfant, qui accepte la promesse faite par l'Amour du Père, dans le Christ jésus, notre Seigneur ?


1 Erreurs qui sont des « erreurs de vie » de réaction ou de comportement (rem. du traducteur). 

2 Litt. : auteurs érudits.

3 Se reporter au 1er chapitre à ce sujet.

4 Litt. : la plus complète.

5 Litt. : tant qu'ils n'ont pas fait l'expérience personnelle du Christ vivant.

6 Il s'agit ici des évêques de l'Eglise anglicane, mais c'est vrai de tout pasteur ou prêtre. 

7 C'est pourquoi l'on cherche si souvent à cacher la vérité à tant de malades. alors qu'il faudrait pouvoir rester dans la Vérité de Dieu, où tout est surmonté (rem. du traducteur).

8 Dans certains cas, cependant, on peut d'emblée apporter à Dieu sa crainte majeure. Quand elle est ôtée, toutes les autres disparaissent (rem. du traducteur).

9 Litt. : par l'esprit dans lequel elle a été offerte.

10 Forme secrète de péché qui fait barrage. Il est beaucoup plus fréquent qu'on ne pense (note du traducteur).

11 Intéressant non seulement le corps, mais aussi l'âme, et l'esprit.

12 Litt. : de Dieu.

13 Titre des ecclésiastiques anglicans.
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