Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE I

APPROCHE DE LA QUESTION

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 Commençons par bien formuler ce dont il s'agit. Le Christ guérissait tous les malades qui venaient à lui avec foi, ou qui lui étaient amenés grâce à la foi de leurs amis.
Pourquoi ne serait-il pas tout aussi désireux de les guérir aujourd'hui, et en mesure de le faire ? Le nier, c'est dire qu'il n'est pas « le même hier, aujourd'hui, éternellement ».
C'est là l'enseignement tout simple de l'Évangile. Point n'est besoin de se réclamer de mouvements tels que la « Science chrétienne », « le Spiritisme » guérisseur ou la méthode Coué.

La « Science chrétienne » peut certes nous rendre attentifs à des considérations très judicieuses quant à la place envahissante qu'occupe la maladie dans notre vie, mais elle se repose essentiellement sur une absurde négation du mal, au lieu que ce devrait être sur la base solide d'une vraie rédemption. Le « Spiritisme », de son côté, fait intervenir les esprits de guérisseurs disparus, alors qu'il s'agit de faire appel à l'Esprit du Grand Médecin (1). Quant à l'autosuggestion, si elle réussit parfois, elle conduit tout naturellement l'homme à être plein de lui-même au lieu de s'ouvrir à Dieu.

La guérison divine n'est autre que celle du Christ s'exerçant par l'intermédiaire de son Église, comme il l'a voulu lui-même, telle que l'assurèrent les apôtres et, pendant plusieurs siècles encore, l'Eglise, grâce à son ministère.

Bien qu'il ne se soit jamais entièrement perdu, le ministère de la guérison cessa d'être d'un usage général dans la mesure où l'Eglise s'enrichit et s'installe dans le monde, perdant ainsi la notion de son pouvoir spécifique, ou plutôt celui du privilège qu'est le sien d'offrir à la Puissance divine l'occasion de se manifester.
Or il est incontestable que cette puissance est toujours là, à la disposition d'une humanité souffrante, pour sa guérison. Un peu partout en effet, on voit se produire des « miracles » qui prouvent avec force sa réalité actuelle, quand le Nom de Jésus est invoqué avec foi.

Mon propos est d'examiner le bien-fondé de cette assurance, et de montrer de quelle manière cette guérison peut être manifestée dans la vie de tout disciple du Christ.

Avant de se mettre à construire, il faut commencer par déblayer l'emplacement, afin de poser ensuite les fondations. C'est ainsi que je me propose, avant de poursuivre, de débarrasser l'esprit du lecteur des nombreuses objections qu'on ne cesse d'avancer.


I.

La première objection qui se présente à l'esprit de celui qui a toujours considéré la guérison miraculeuse comme caractérisant les temps apostoliques, est celle de sa possibilité aujourd'hui. Comment une maladie organique, ou même un désordre fonctionnel, peuvent-ils êtres guéris sans qu'on ne « fasse rien », sans aucun médicament, ou sans qu'on fasse appel à l'art du chirurgien ? Comment l'imposition des mains, l'onction d'huile, ou la seule prière peuvent-elles opérer un changement radical dans la matérialité d'un organisme ?

Douter d'une telle possibilité, c'est tout simplement faire abstraction de Dieu dans le cas en question.

Je ne songe pas un instant à suggérer que mes mains détiennent une puissance de guérison, ou que l'huile, même bénie par un évêque, ait une vertu thérapeutique ; mais je crois très fermement - en fait je sais par expérience - que Dieu peut se servir de mes mains, ou de l'huile consacrée, comme d'un canal de sa grâce, afin de chasser la maladie et de pénétrer un corps infirme de vie et de forces nouvelles.

Cela n'est d'ailleurs pas du tout contraire à la science, comme d'aucuns pourraient l'imaginer. Le corps est en état de transformation continuelle, de nouvelles cellules remplaçant les anciennes. Chaque effort musculaire occasionne une usure des cellules, qui doivent être constamment remplacées. Quand un dommage est causé, la « nature » entre aussitôt en action pour le réparer. Vous êtes-vous coupé le doigt ? Aussitôt la douleur ressentie prévient le cerveau par le moyen du réseau nerveux admirablement complexe dont le corps est pourvu, et la partie de votre subconscient qu'intéresse l'accident envoie des globules rouges en masse vers la blessure afin de reconstituer les tissus détruits.
Si, par contre, votre doigt est infecté par quelque substance étrangère, l'action déclenchée est analogue, mais cette fois-ci, ce sont les globules blancs qui se précipitent vers l'endroit infecté pour juguler le mal.
Des forces mentales contrôlent ainsi la vie organique (2). Nous parlons alors de l'action de la « nature », mais ce n'est en réalité qu'une façon de décrire la mise en oeuvre de forces divines (3).

Le pouvoir que l'esprit peut exercer sur le corps est probablement illimité. Sous ce rapport, nous relatons une expérience significative qui fut faite un jour. On toucha à la main, avec porte-plume réservoir ordinaire, une femme en état d'hypnose, tout en lui suggérant qu'il s'agissait d'un morceau de fer brûlant. Elle réagit à ce contact, non seulement par la manifestation de violentes douleurs, mais par la formation immédiate d'une cloque. On lui toucha une seconde fois la main en lui disant que le fer était encore plus chaud. Il en résulta une autre cloque, plus longue à faire disparaître que la première.

Le pouvoir mental sur le physique est universellement reconnu. La profession médicale y a même recours comme à un moyen de guérison des plus efficaces.

Faisons maintenant un pas de plus, si, comme nous y sommes tenus en face des affirmations les plus claires de l'Écriture, nous croyons à l'action (4) de l'Esprit sur notre esprit, nous commençons à comprendre de quelle façon s'opère la guérison divine, quand l'Esprit de Dieu met en branle le mécanisme des ressources naturelles de guérison dont il a doté le corps humain. Puisque l'Esprit de Dieu peut ainsi contrôler notre esprit, il peut donc, par cet esprit (5), agir efficacement aussi sur le corps. La foi qui admet que l'Esprit de Dieu puisse gouverner celui de l'homme est la même que celle qui admet qu'il puisse guérir le corps.

Une fois encore, souvenons-nous que nos corps sont en état de perpétuel changement, leurs cellules étant continuellement renouvelées. De quelle façon le sont-elles, sinon conformément à notre mentalité ? Si, l'esprit s'appesantit habituellement sur les déficiences corporelles, comment les cellules du corps pourraient-elles se renouveler autrement que dans la ligne de ces déficiences ? Si, au contraire, l'esprit s'attache habituellement à l'idée de perfection, quelque chosede cette perfection se manifestera dans le corps : les cellules se renouvelleront selon l'idée de divine perfection, au lieu de reproduire seulement les cellules malades qu'elles remplacent. Et nous reconnaissons alors l'oeuvre du Saint-Esprit, nous comprenons que la foi aux promesses de Dieu permet à celui-ci de remplir le champ de notre vision (6) d'une image de la perfection qui est la sienne et qui, lorsqu'elle descend au niveau du corps, entraîne sa guérison.

La formation d'un cal, après réduction d'une fracture osseuse, est un exemple typique de la guérison que nous qualifions de « naturelle ». Et quand nous parlons de « naturelle », nous faisons allusion, en somme, à la puissance - de vie et d'organisation - que recouvre ce mot, c'est-à-dire à Dieu (7). La guérison d'une fracture nous paraît aller de soi, au point que nous n'y voyons rien d'extraordinaire, bien qu'elle constitue en réalité une preuve étonnante de la faculté de récupération dont est pourvu le corps humain. Puisqu'aussi bien nous sommes ici placés devant un fait universellement constaté, pourquoi nier la possibilité pour d'autres parties du corps - ou organes - d'être guéris ? N'oublions pas que le plus habile des praticiens ne peut que réduire la fracture ; c'est la vertu naturelle, la vis médicatrix naturae, qui la consolide.

Tout en admettant un principe d'ordre général, on peut raisonnablement se demander jusqu'à quel point le Saint-Esprit peut utiliser cette faculté de récupération. Nombreux sont ceux qui peuvent croire à la guérison divine quand il s'agit de troubles nerveux ou fonctionnels mais qui se refusent à croire que des maladies organiques puissent être aussi guéries.

Pour la plupart, le cas test est le cas du cancer, généralement considéré comme la maladie la plus redoutable de toutes, et la plus désespérante à combattre. Il va sans dire que le corps médical n'y voit pas un mal incurable, sans quoi on ne consacrerait pas tant d'efforts à en rechercher la guérison. Quand on parle du cancer comme d'une maladie incurable, on entend seulement par là qu'aucun remède véritable n'a été trouvé jusqu'à ce jour, mais le fait que la science n'ait pas encore trouvé le remède en question ne prouve en rien que le Tout-Puissant Créateur de l'univers soit dans l'incapacité de réparer, ou même recréer, ce qu'il avait créé.

À l'heure actuelle, les savants hésitent à déclarer que certaines choses soient impossibles. Leurs conclusions doivent reposer sur des faits dûment attestés, sinon ils trahiraient la science. Mais, si les faits peuvent prouver ce qui est possible, bien osé serait aujourd'hui l'homme qui prétendrait que des faits suffisamment établis sont en état de prouver que telle maladie est incurable. Un fait ignoré dans le passé peut en effet être découvert à tout moment et infirmer ses conclusions. En fait, il a été prouvé au-delà de toute contestation que des cancers ont été guéris par l'efficacité de la grâce divine. Personnellement, j'ai connu plusieurs cas de ce genre, où des attestations médicales furent fournies avant et après la guérison. Dans des cas de ce genre, on conteste parfois l'exactitude du diagnostic ; mais, pour ma part, je n'arrive pas à comprendre pourquoi un médecin préférerait dire qu'il s'est trompé plutôt que de s'incliner devant une manifestation de la puissance divine.

Après tout, peu importe ce que nous pensons. Les faits parlent par eux-mêmes, et ils sont là pour prouver que l'usage sacramental de l'huile consacrée et l'imposition des mains sont des véhicules de la grâce qui guérit. Il n'y a, par ailleurs, aucune raison sérieuse de douter que cette grâce puisse opérer en se servant des facultés naturelles de récupération dont Dieu lui-même a doté l'organisme.


II.

Une autre objection souvent avancée a trait à la volonté de Dieu. Il se peut, dit-on, que ma guérison ne soit pas conforme à cette volonté. La maladie dont je souffre est peut-être la croix que je suis appelé à porter.

La meilleure réponse à cette objection est la suivante : Que dit l'Écriture en pareil cas ? Jésus a-t-il jamais refusé de guérir un malade ? A-t-il jamais dit à un malade qu'il devait prendre son mal en patience pour son plus grand profit ? A-t-il jamais proclamé « heureux » les malades ? Les évangiles nous répètent au contraire qu'il guérissait tous les malades qui venaient à lui avec foi, ou qui lui étaient présentés par la foi de leurs amis. S'il était ainsi disposé à guérir tous les malades qui l'approchaient aux jours de sa chair, il doit l'être aujourd'hui encore - sinon, il n'est plus le même.

On dira parfois que les circonstances ont changé, et que Jésus opérait des guérisons miraculeuses pour fournir la preuve que son ministère était bien de Dieu - pareille preuve n'étant plus nécessaire aujourd'hui.

Cette interprétation remonte à la Réforme, alors que, pour jeter le discrédit sur les miracles attribués aux reliques des saints, on déclara que le temps des miracles était révolu et qu'il ne fallait plus en attendre. On ne saurait pourtant maintenir pareille position de nos jours, en raison des nombreuses guérisons miraculeuses qui s'imposent d'une façon évidente à tous ceux qui prennent la peine de s'informer. Qu'on lise, par exemple, le récit qu'a fait M. Hickson de ses missions de guérisons dans son livre Guérissez les malades, et l'on ne pourra bientôt plus douter.

Si, par ailleurs, le Christ avait opéré ses guérisons dans le dessein suggéré plus haut, il n'eut visé qu'à atteindre un but tout à fait secondaire. Il s'agissait pour lui - cela paraît évident - de révéler l'amour du Père et de prouver que le Royaume de Dieu s'était approché.

Les circonstances peuvent changer. Peu importe. Le Christ, lui, ne saurait varier. Il est donc tout prêt à guérir les malades aujourd'hui comme il l'était autrefois. Ou alors, il n'est pas « le même hier, aujourd'hui, éternellement ». Nous donnerons d'autres raisons d'avancer cette affirmation quand nous en viendrons à parler des fondations elles-mêmes. Pour le moment, nous tentons uniquement de déblayer le terrain.

Le seul cas dont on puisse faire état, pour soutenir que Dieu semble parfois refuser la guérison, est celui de saint Paul et de son « écharde dans la chair » (II Cor. 12 : 7-9). je n'ai jamais encore parlé de guérison devant une assemblée sans que cette question ait ensuite été soulevée. Il est donc évident qu'elle mérite toute notre attention.

Personne ne sait au juste ce qu'était l'écharde dont il s'agit. De nombreux commentateurs y ont vu une difficulté d'ordre moral. Pour ma part, je doute qu'une interprétation comme celle-là se justifie vraiment. On pourrait presque y voir une tentative d'escamotage de la difficulté. La thèse la plus généralement admise est qu'il s'agissait d'une infirmité physique, et c'est l'opinion à laquelle personnellement je me rallie.

Notons en premier lieu que saint Paul ne dit pas que cette « écharde » lui fut infligée par Dieu, mais que c'était un « ange de Satan », chargé de le souffleter et de l'empêcher de s'enorgueillir, comme il était exposé à le faire après la vision dont il avait été favorisé (II Cor. 12 : 1-6). Trois fois il pria pour qu'elle fût ôtée, et chaque fois la réponse fut la même : « Ma grâce te suffit ».

La question est en somme de savoir si la grâce de Dieu nous est accordée pour que nous soyons en état de nous accommoder d'une chose mauvaise, ou bien si elle l'est pour nous soustraire à son emprise. La réponse ne fait pas de doute : c'est pour nous donner la victoire. Ne devrions-nous pas alors voir dans cette « écharde » une menace toujours présente, suffisamment réelle pour empêcher l'apôtre de tomber dans l'orgueil spirituel, mais incapable pourtant d'entraver son apostolat aussi longtemps qu'il saurait se maintenir dans une dépendance absolue à l'égard de Dieu et rechercher en tout la protection de sa grâce ? Pour mieux me faire comprendre, faisons une comparaison. Supposons le cas d'un homme aux prises avec des rhumatismes, que des médicaments maintiennent en forme, mais qui souffre le martyre dès qu'il néglige son traitement. La comparaison, certes, est grossière. Elle fait pourtant comprendre ce que je veux dire ; c'est que la menace était toujours là pour l'apôtre, mais que la grâce de Dieu suffisait à l'en préserver.

Il nous est dit que cette constante menace visait à préserver l'apôtre de tout orgueil spirituel. Ne s'en suit-il pas alors que la nécessité d'une telle sauvegarde devait disparaître dans la mesure où il progressait spirituellement ? En fait, avons-nous une preuve quelconque que « l'écharde » accompagne saint Paul jusqu'à la fin de sa vie ? Il ne parle de son désir d'en être délivré que dans sa deuxième épître aux Corinthiens, et il vécut pourtant quelques années encore après l'avoir écrite. Mais il y fait allusion une autre fois dans sa lettre aux Galates (Gal. 4 : 13), où il précise qu'il en fût affligé lors de sa première - mais non lors de sa seconde - visite. Cela ne ressort peut-être pas dans les traductions ordinaires, mais clairement au contraire dans le texte grec, où l'aoriste (temps passé) est employé. Il aurait utilisé l'imparfait si l'« écharde » l'eût toujours menacée lors de sa seconde visite. Il semble donc bien que l'emploi de l'aoriste implique une guérison. Le grec est très exigeant dans l'emploi des temps, et l'aoriste n'aurait pas pu être employé si l'épreuve eût toujours duré.

Saint Paul est au demeurant le témoin par excellence de la guérison divine. Arrêtons-nous un instant à ses souffrances : « Cinq fois, j'ai reçu des juifs quarante coups de fouet moins un ; trois fois, j'ai été battu de verges... » Huit flagellations, par conséquent, dont une seule aurait pu entraîner la mort. Il fut pourtant en état de poursuivre son apostolat. À Lystre, il fut lapidé et traîné comme mort hors de la ville, preuve évidente que cette lapidation avait paru fatale. Il s'en releva pourtant et poursuivit sa route, reprenant son ministère le lendemain. Au premier chapitre de sa seconde épître aux Corinthiens, il parle d'une maladie qui l'avait terrassé en Asie, et de laquelle il s'était remis grâce à la prière. Et nous voyons que dans l'île de Malte il se remit immédiatement de la morsure d'une vipère. C'est ainsi que je ne puis que me réjouir lorsqu'on se réclame de l'expérience de saint Paul. Toute sa vie, en effet, vient appuyer notre position, plutôt qu'elle ne l'infirme.

Mais d'aucuns demanderont sans doute : « Ne devons-nous pas être amenés à plus de perfection par la souffrance ? La maladie ne peut-elle faire partie des disciplines de la vie ? »

Si vraiment c'était le cas, alors nous ne devrions prendre d'initiative en vue d'une guérison éventuelle, qu'avec la plus grande prudence, de peur d'aller à l'encontre de la volonté divine. Lorsqu'un remède demeure sans effet, il nous arrive souvent de rencontrer des gens qui essayent de se consoler en se persuadant que telle est la volonté de Dieu ; mais jamais encore je n'ai rencontré quelqu'un qui refusât de souhaiter la guérison pour ne pas risquer de s'opposer à la volonté divine. Même lorsqu'une souffrance prolongée a été acceptée comme représentant la volonté de Dieu, cette acceptation ne semble jamais exclure la recherche d'un soulagement par tous les moyens possibles. je pense à telle malade qui me disait un jour être convaincue que son mal était la croix qu'elle avait à porter. Sa conviction sembla cependant faiblir quand je la rendis attentive au fait que, s'il en était bien ainsi, il n'était pas licite pour elle d'avoir recours aux calmants pour atténuer ses souffrances.

Nous devons assurément être rendus parfaits par la souffrance mais il est non moins certain que la souffrance qui contribue à notre perfection doit être réellement voulue. Or, on ne saurait guère dire cela de la maladie. C'est en renonçant à nous-mêmes, et en acceptant de subir des injustices pour l'amour du Christ, que nous sommes parfois appelés à partager ses souffrances. Nous ne saurions le faire en subissant la maladie, puisqu'il n'y a pas trace de maladie chez lui dans les récits évangéliques. Comment au demeurant l'aurait-il connue, du moment qu'elle est un mal dans son essence même (8). Il est vrai qu'il porta le fardeau de nos maladies sur la Croix, mais qu'il eût à endurer la souffrance, la fièvre et la soif qui accompagnent ces maladies, cela lui fut infligé par ses ennemis, et non par un mal personnel.

Il va sans dire que nombreux sont ceux qui ont trouvé réconfort et force, pour supporter patiemment leurs souffrances, dans la conviction intime qu'en le faisant ils se soumettaient à la volonté divine. Tous, assurément, nous pourrions citer tel ou tel cas où un réel bénéfice spirituel résulte de pareille soumission patiente ; mais rien, cependant, ne me fera croire que notre Père des cieux envoie la maladie aux hommes, ses enfants, alors qu'il nous est impossible d'imaginer qu'ici-bas un père digne de ce nom puisse faire chose semblable.
Ce que je puis admettre volontiers, par contre, c'est que Dieu, lorsque survient la maladie (9), s'en serve pour faire progresser spirituellement, et que la guérison puisse être retardée jusqu'à ce qu'on ait appris sa leçon. Mais le fait même qu'une chose ait une valeur éducative implique son caractère provisoire. Elle est appelée à disparaître aussitôt que le but est atteint, de sorte que la grâce accordée durant l'épreuve pour insigne qu'elle ait pu être, ne saurait l'emporter sur celle, plus grande, qui provoque sa disparition une fois le but atteint. « Allons-nous demeurer dans le péché pour que la grâce abonde », demande l'apôtre (Rom. 6 : 1) ? « Loin de là ! » répond-il. Une grâce plus grande, en effet, opère en nous lorsqu'est ôté le péché. Cela ne s'applique-t-il pas à la maladie ? La guérison met en évidence une grâce meilleure.


III.

Une autre objection résulte inévitablement du grand nombre de ceux qui n'ont pas été guéris, en dépit de prières ferventes et d'une foi réelle selon toute apparence.

C'est là une objection sérieuse, que je n'ai nulle intention d'éluder. Je ne puis, toutefois l'aborder à fond en ce moment, car elle rejoint d'autres questions qui ne pourront être traitées que plus tard. En effet, nous aurons à étudier par la suite ce qu'implique réellement la prière de la foi, le mobile profond qui se cache derrière le désir d'être guéri et l'obstacle que peut être le péché, ou une attitude erronée devant Dieu.

Il convient pourtant que nous abordions sans délai un aspect important de la question, je veux parler du fait pour nous de constituer un obstacle éventuel à la guérison de nos amis. L'Évangile rapporte qu'à Nazareth Jésus lui-même ne put faire des miracles en raison de l'incrédulité des gens. (Marc 6 : 1-6 et parall.) L'incrédulité de l'Eglise n'est-elle pas en somme le principal obstacle au ministère de la guérison ? (10) Et quand nous disons l'Eglise nous entendons les « laïcs » aussi bien que le « clergé ». Essayons d'être honnêtes. La foi de l'Eglise est-elle fortifiée ou affaiblie par ma présence en son sein ?

Il n'est pas du tout impossible que notre manque personnel de foi contribue à dresser une barrière d'incrédulité qui entrave la manifestation de guérisons prétendument souhaitées avec ardeur, pour trouver la preuve dont nous avons besoin afin d'être convaincus. Mais voilà, le Christ ne nous promet pas de preuves pour nous obliger à croire, mais bien plutôt des signes pour venir couronner notre foi.

J'ai personnellement connu plusieurs cas où l'incrédulité d'amis ou de parents constitua un obstacle certain à la guérison, n'empêchant pas seulement la grâce d'opérer, mais sapant aussi la foi du malade. J'ai même connu des malades qui refusaient, qu'en réclamant pour eux les prières de l'Eglise, on les nommât publiquement ; cela, non parce qu'ils ne croyaient pas à l'efficacité de la prière, mais parce qu'ils étaient persuadés qu'une requête de ce genre signifie presque toujours pour les autres qu'on n'a que bien peu de chance de se remettre. Ils entretenaient ainsi autour d'eux un climat d'anxiété qui n'est rien d'autre qu'une barrière de scepticisme. Nous en sommes au point où l'Eglise, qui devrait libérer la grâce qui guérit, contribue plutôt à élever la barrière d'incrédulité qui entrave la manifestation de cette grâce.


IV.

On rencontre occasionnellement deux autres difficultés encore, dont nous pouvons parler ici.

Il s'agit en premier lieu de la mort.
- Si tous doivent être guéris, objecte-t-on, comment donc mourrons-nous ?

Remarquons en toute simplicité que le Dieu en qui nous voyons l'Auteur de la Vie n'a pas besoin de la maladie pour mettre fin à la vie du corps. Quand l'heure est là, il n'a qu'à retirer doucement la vie qu'il a donné, et à rappeler à lui son enfant. La feuille tombe de l'arbre lorsqu'elle a rempli sa fonction. Elle n'a pas besoin pour cela d'une maladie ou des rafales de la tempête. La mort normale, naturelle en somme, devrait être la fin paisible qui libère l'homme de la chair pour l'introduire dans le monde de l'Esprit. Au lieu qu'il en soit ainsi, ce sont souvent les ravages de la maladie qui rendent le corps impropre à retenir plus longtemps l'esprit. Les fins paisibles sont cependant assez fréquentes, et l'on ne saurait contester qu'elles soient infiniment plus conformes à la volonté d'un Père, qui est amour, que la mort de ceux qui s'en vont en victimes de quelque cruelle maladie.

La seconde difficulté, plus souvent mise en avant, est celle qui consiste à dire que les fervents de la guérison divine attachent trop d'importance au corps.

Personne, bien sûr, n'ira jusqu'à prétendre que le corps ait autant d'importance que l'âme, puisque l'âme est appelée à la vie éternelle et que le corps ne la retient que pour un temps (11). L'objection est due à une méprise totale. Une saine notion de la guérison divine devrait plutôt conduire au sentiment inverse.

Nous croyons que le corps est le temple du Saint-Esprit (I Cor. 6 : 19). Nous sommes persuadés, par conséquent, qu'il est conforme à la volonté de Dieu que ce temple ne soit pas plus détérioré par la maladie que souillé par le péché. L'acceptation sans réserve de l'enseignement du Christ ne manquerait pas de chasser à jamais toute peur de la maladie, et la crainte si fréquente que la moindre indisposition, ou le moindre malaise, soit le signe avant-coureur d'une catastrophe. Pourquoi, en effet, se mettre constamment en peine au sujet de sa santé, et s'ingénier à éloigner la maladie par toutes sortes de moyens ?

Songez un peu à tous ceux qui s'entourent aujourd'hui de remèdes, de lotions, d'onguents, de potions contre le froid, de somnifères, de comprimés contre la douleur ; à tous ceux qui ont constamment recours à leur conseiller médical, leur spécialiste des nerfs ou de la gorge, leur dentiste, leur opticien et leur masseur ; à ceux qui se font esclave d'un régime, de règles inflexibles sur la façon de s'alimenter ou de prendre de l'exercice. Ces gens-là ne sont-ils pas précisément ceux qui accordent une attention exagérée au corps redoutant toujours quelque complication ? Ce sont pourtant bien souvent les mêmes - leur « nom est Légion » - qui présentement accusent ceux qui croient à la guérison divine d'attacher trop d'importance au corps, parce qu'ils s'en remettent à la sollicitude du Père céleste à l'endroit de ce corps qu'il a créé et que le Seigneur a sanctifié par l'usage qu'il en a fait. Ne peuvent-ils donc pas le confier en toute sécurité à ses soins, sans qu'ils aient besoin comme les autres, de s'affairer avec angoisse ?

Je veux croire que nous pouvons maintenant laisser de côté les aspects négatifs de la question et en venir aux aspects positifs ; qu'ayant déblayé le terrain, nous sommes en état de procéder à la mise en place des fondations, et d'étudier pour cela les grandes affirmations de l'Escriture sur lesquelles s'appuie la foi en la guérison divine.

Je ne me flatte aucunement d'avoir écarté tous les doutes, mais, ce que j'espère, c'est qu'il m'a été possible de montrer que le sujet mérite d'être pris en considération, et qu'il ne s'agit pas d'une question sans fondement sérieux, comme d'aucuns semblent toujours le penser.


1 N'a-t-il pas dit en effet : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » ? (Matth. 28 : 20, note du traducteur.) 

2 Litt. du corps. 

3 Litt. du plan de Dieu.

4 Litt. : la puissance.

5 Ou : par le mental.

6 Litt. : notre mental.

7 Cf., par exemple, Ps. 19 ou Rom. 1 : 19, 20.

8 Un mal qui résulte nécessairement des innombrables erreurs de vie - morales ou non, de simple hygiène peut-être - que nous commettons à chaque instant, Ou que commettent ceux dont nous sommes solidaires (rem. du traducteur).

9 Sans doute convient-il de faire remarquer, à ce propos, que si Dieu « n'envoie pas » la maladie aux hommes, elle résulte cependant du jeu des lois qu'il a établies et qui se retournent contre nous, - quand elle n'est pas due à la malveillance des autres (rem. du traducteur).

10 Incrédulité qui prend souvent la forme d'un scepticisme rationaliste et toujours stérilisant (rem. du traducteur).

11 Il s'agit ici, évidemment, des chrétiens, ou des prétendus tels (rem. du traducteur).
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