Commençons par bien formuler ce
dont il s'agit. Le Christ guérissait tous
les malades qui venaient à lui avec foi, ou
qui lui étaient amenés grâce
à la foi de leurs amis.
Pourquoi ne serait-il pas tout aussi
désireux de les guérir aujourd'hui,
et en mesure de le faire ? Le nier, c'est dire
qu'il n'est pas « le même hier,
aujourd'hui,
éternellement ».
C'est là l'enseignement tout
simple de l'Évangile. Point n'est besoin de
se réclamer de mouvements tels que la
« Science chrétienne »,
« le Spiritisme »
guérisseur ou la méthode
Coué.
La « Science
chrétienne » peut certes nous
rendre attentifs à des considérations
très judicieuses quant à la place
envahissante qu'occupe la maladie dans notre vie,
mais elle se repose essentiellement sur une absurde
négation du mal, au lieu que ce devrait
être sur la base solide d'une vraie
rédemption. Le
« Spiritisme », de son
côté, fait intervenir les esprits de guérisseurs
disparus, alors
qu'il s'agit de faire appel à l'Esprit du
Grand Médecin
(1).
Quant
à l'autosuggestion, si elle réussit
parfois, elle conduit tout naturellement l'homme
à être plein de lui-même au lieu
de s'ouvrir à Dieu.
La guérison divine n'est autre
que celle du Christ s'exerçant par
l'intermédiaire de son Église, comme
il l'a voulu lui-même, telle que
l'assurèrent les apôtres et, pendant
plusieurs siècles encore, l'Eglise,
grâce à son ministère.
Bien qu'il ne se soit jamais
entièrement perdu, le ministère de la
guérison cessa d'être d'un
usage général dans la mesure
où l'Eglise s'enrichit et s'installe dans le
monde, perdant ainsi la notion de son pouvoir
spécifique, ou plutôt celui du
privilège qu'est le sien d'offrir à
la Puissance divine l'occasion de se
manifester.
Or il est incontestable que cette
puissance est toujours là, à la
disposition d'une humanité souffrante, pour
sa guérison. Un peu partout en effet, on
voit se produire des
« miracles » qui prouvent avec
force sa réalité actuelle, quand le
Nom de Jésus est invoqué avec
foi.
Mon propos est d'examiner le
bien-fondé de cette assurance, et de montrer
de quelle manière cette guérison peut
être manifestée dans la vie de tout
disciple du Christ.
Avant de se mettre à construire,
il faut commencer par
déblayer l'emplacement, afin de poser
ensuite les fondations. C'est ainsi que je me
propose, avant de poursuivre, de débarrasser
l'esprit du lecteur des nombreuses objections qu'on
ne cesse d'avancer.
La première objection qui se
présente à l'esprit de celui qui a
toujours considéré la guérison
miraculeuse comme caractérisant les temps
apostoliques, est celle de sa possibilité
aujourd'hui. Comment une maladie organique, ou
même un désordre fonctionnel,
peuvent-ils êtres guéris sans qu'on ne
« fasse rien », sans aucun
médicament, ou sans qu'on fasse appel
à l'art du chirurgien ? Comment
l'imposition des mains, l'onction d'huile, ou la
seule prière peuvent-elles opérer un
changement radical dans la
matérialité d'un
organisme ?
Douter d'une telle possibilité,
c'est tout simplement faire abstraction de Dieu
dans le cas en question.
Je ne songe pas un instant à
suggérer que mes mains détiennent une
puissance de guérison, ou que l'huile,
même bénie par un évêque,
ait une vertu thérapeutique ; mais je
crois très fermement - en fait je sais par
expérience - que Dieu peut se servir de mes
mains, ou de l'huile consacrée, comme d'un
canal de sa grâce, afin de chasser la maladie
et de pénétrer un corps infirme de
vie et de forces nouvelles.
Cela n'est d'ailleurs pas du tout
contraire à la science, comme d'aucuns
pourraient l'imaginer. Le corps est en état de
transformation continuelle, de nouvelles cellules
remplaçant les anciennes. Chaque effort
musculaire occasionne une usure des cellules, qui
doivent être constamment remplacées.
Quand un dommage est causé, la
« nature » entre aussitôt
en action pour le réparer. Vous
êtes-vous coupé le doigt ?
Aussitôt la douleur ressentie prévient
le cerveau par le moyen du réseau nerveux
admirablement complexe dont le corps est pourvu, et
la partie de votre subconscient qu'intéresse
l'accident envoie des globules rouges en masse vers
la blessure afin de reconstituer les tissus
détruits.
Si, par contre, votre doigt est
infecté par quelque substance
étrangère, l'action
déclenchée est analogue, mais cette
fois-ci, ce sont les globules blancs qui se
précipitent vers l'endroit infecté
pour juguler le mal.
Des forces mentales contrôlent
ainsi la vie organique
(2).
Nous parlons
alors de l'action de la
« nature », mais ce n'est en
réalité qu'une façon de
décrire la mise en oeuvre de forces divines
(3).
Le pouvoir que l'esprit peut exercer sur
le corps est probablement illimité. Sous ce
rapport, nous relatons une expérience
significative qui fut faite un jour. On toucha
à la main, avec porte-plume réservoir
ordinaire, une femme en état d'hypnose, tout
en lui suggérant qu'il s'agissait d'un
morceau de fer brûlant. Elle réagit
à ce contact, non seulement par la
manifestation de violentes douleurs, mais par la
formation immédiate d'une cloque. On lui
toucha une seconde fois la main
en lui disant que le fer était encore plus
chaud. Il en résulta une autre cloque, plus
longue à faire disparaître que la
première.
Le pouvoir mental sur le physique est
universellement reconnu. La profession
médicale y a même recours comme
à un moyen de guérison des plus
efficaces.
Faisons maintenant un pas de plus, si,
comme nous y sommes tenus en face des affirmations
les plus claires de l'Écriture, nous croyons
à l'action (4) de l'Esprit
sur notre
esprit, nous commençons à comprendre
de quelle façon s'opère la
guérison divine, quand l'Esprit de Dieu met
en branle le mécanisme des ressources
naturelles de guérison dont il a doté
le corps humain. Puisque l'Esprit de Dieu peut
ainsi contrôler notre esprit, il peut donc,
par cet esprit
(5),
agir
efficacement aussi sur le corps. La foi qui admet
que l'Esprit de Dieu puisse gouverner celui de
l'homme est la même que celle qui admet qu'il
puisse guérir le corps.
Une fois encore, souvenons-nous que nos
corps sont en état de perpétuel
changement, leurs cellules étant
continuellement renouvelées. De quelle
façon le sont-elles, sinon
conformément à notre
mentalité ? Si, l'esprit s'appesantit
habituellement sur les déficiences
corporelles, comment les cellules du corps
pourraient-elles se renouveler autrement que dans
la ligne de ces déficiences ? Si, au
contraire, l'esprit s'attache habituellement
à l'idée de perfection, quelque
chosede cette perfection se
manifestera dans le corps : les cellules se
renouvelleront selon l'idée de divine
perfection, au lieu de reproduire seulement les
cellules malades qu'elles remplacent. Et nous
reconnaissons alors l'oeuvre du Saint-Esprit, nous
comprenons que la foi aux promesses de Dieu permet
à celui-ci de remplir le champ de notre
vision (6) d'une image de la
perfection
qui
est la sienne et qui, lorsqu'elle descend au niveau
du corps, entraîne sa
guérison.
La formation d'un cal, après
réduction d'une fracture osseuse, est un
exemple typique de la guérison que nous
qualifions de « naturelle ». Et
quand nous parlons de
« naturelle », nous faisons
allusion, en somme, à la puissance - de vie
et d'organisation - que recouvre ce mot,
c'est-à-dire à Dieu
(7). La
guérison d'une fracture nous paraît
aller de soi, au point que nous n'y voyons rien
d'extraordinaire, bien qu'elle constitue en
réalité une preuve étonnante
de la faculté de récupération
dont est pourvu le corps humain. Puisqu'aussi bien
nous sommes ici placés devant un fait
universellement constaté, pourquoi nier la
possibilité pour d'autres parties du corps -
ou organes - d'être guéris ?
N'oublions pas que le plus habile des praticiens ne
peut que réduire la fracture ; c'est la
vertu naturelle, la vis médicatrix
naturae, qui la consolide.
Tout en admettant un principe d'ordre
général, on peut raisonnablement se
demander jusqu'à quel point le Saint-Esprit
peut utiliser cette faculté de récupération.
Nombreux sont ceux qui peuvent croire à la
guérison divine quand il s'agit de troubles
nerveux ou fonctionnels mais qui se refusent
à croire que des maladies organiques
puissent être aussi guéries.
Pour la plupart, le cas test est le cas
du cancer, généralement
considéré comme la maladie la plus
redoutable de toutes, et la plus
désespérante à combattre. Il
va sans dire que le corps médical n'y voit
pas un mal incurable, sans quoi on ne consacrerait
pas tant d'efforts à en rechercher la
guérison. Quand on parle du cancer comme
d'une maladie incurable, on entend seulement par
là qu'aucun remède véritable
n'a été trouvé jusqu'à
ce jour, mais le fait que la science n'ait pas
encore trouvé le remède en question
ne prouve en rien que le Tout-Puissant
Créateur de l'univers soit dans
l'incapacité de réparer, ou
même recréer, ce qu'il avait
créé.
À l'heure actuelle, les savants
hésitent à déclarer que
certaines choses soient impossibles. Leurs
conclusions doivent reposer sur des faits
dûment attestés, sinon ils trahiraient
la science. Mais, si les faits peuvent prouver ce
qui est possible, bien osé serait
aujourd'hui l'homme qui prétendrait que des
faits suffisamment établis sont en
état de prouver que telle maladie est
incurable. Un fait ignoré dans le
passé peut en effet être
découvert à tout moment et infirmer
ses conclusions. En fait, il a été
prouvé au-delà de toute contestation
que des cancers ont été guéris
par l'efficacité de la grâce divine.
Personnellement, j'ai connu plusieurs cas de ce
genre, où des attestations médicales
furent fournies avant et après la
guérison. Dans des cas de ce genre, on conteste
parfois
l'exactitude du
diagnostic ; mais, pour ma part, je n'arrive
pas à comprendre pourquoi un médecin
préférerait dire qu'il s'est
trompé plutôt que de s'incliner devant
une manifestation de la puissance divine.
Après tout, peu importe ce que
nous pensons. Les faits parlent par
eux-mêmes, et ils sont là pour prouver
que l'usage sacramental de l'huile consacrée
et l'imposition des mains sont des véhicules
de la grâce qui guérit. Il n'y a, par
ailleurs, aucune raison sérieuse de douter
que cette grâce puisse opérer en se
servant des facultés naturelles de
récupération dont Dieu lui-même
a doté l'organisme.
Une autre objection souvent avancée a
trait à la volonté de Dieu. Il se
peut, dit-on, que ma guérison ne soit pas
conforme à cette volonté. La maladie
dont je souffre est peut-être la croix que je
suis appelé à porter.
La meilleure réponse à
cette objection est la suivante : Que dit
l'Écriture en pareil cas ? Jésus
a-t-il jamais refusé de guérir un
malade ? A-t-il jamais dit à un malade
qu'il devait prendre son mal en patience pour son
plus grand profit ? A-t-il jamais
proclamé « heureux » les
malades ? Les évangiles nous
répètent au contraire qu'il
guérissait tous les malades qui venaient
à lui avec foi, ou qui lui étaient
présentés par la foi de leurs amis.
S'il était ainsi disposé à
guérir tous les malades qui l'approchaient
aux jours de sa chair, il doit
l'être aujourd'hui encore - sinon, il n'est
plus le même.
On dira parfois que les circonstances
ont changé, et que Jésus
opérait des guérisons miraculeuses
pour fournir la preuve que son ministère
était bien de Dieu - pareille preuve
n'étant plus nécessaire
aujourd'hui.
Cette interprétation remonte
à la Réforme, alors que, pour jeter
le discrédit sur les miracles
attribués aux reliques des saints, on
déclara que le temps des miracles
était révolu et qu'il ne fallait plus
en attendre. On ne saurait pourtant maintenir
pareille position de nos jours, en raison des
nombreuses guérisons miraculeuses qui
s'imposent d'une façon évidente
à tous ceux qui prennent la peine de
s'informer. Qu'on lise, par exemple, le
récit qu'a fait M. Hickson de ses missions
de guérisons dans son livre Guérissez les malades, et l'on ne
pourra bientôt plus douter.
Si, par ailleurs, le Christ avait
opéré ses guérisons dans le
dessein suggéré plus haut, il n'eut
visé qu'à atteindre un but tout
à fait secondaire. Il s'agissait pour lui -
cela paraît évident - de
révéler l'amour du Père et de
prouver que le Royaume de Dieu s'était
approché.
Les circonstances peuvent changer. Peu
importe. Le Christ, lui, ne saurait varier. Il est
donc tout prêt à guérir les
malades aujourd'hui comme il l'était
autrefois. Ou alors, il n'est pas « le
même hier, aujourd'hui,
éternellement ». Nous donnerons
d'autres raisons d'avancer cette affirmation quand
nous en viendrons à parler des fondations
elles-mêmes. Pour le moment, nous tentons
uniquement
de déblayer le terrain.
Le seul cas dont on puisse faire
état, pour soutenir que Dieu semble parfois
refuser la guérison, est celui de saint Paul
et de son « écharde dans la
chair »
(II
Cor. 12 : 7-9). je n'ai jamais encore
parlé de guérison devant une
assemblée sans que cette question ait
ensuite été soulevée. Il est
donc évident qu'elle mérite toute
notre attention.
Personne ne sait au juste ce
qu'était l'écharde dont il s'agit. De
nombreux commentateurs y ont vu une
difficulté d'ordre moral. Pour ma part, je
doute qu'une interprétation comme
celle-là se justifie vraiment. On pourrait
presque y voir une tentative d'escamotage de la
difficulté. La thèse la plus
généralement admise est qu'il
s'agissait d'une infirmité physique, et
c'est l'opinion à laquelle personnellement
je me rallie.
Notons en premier lieu que saint Paul ne
dit pas que cette
« écharde » lui fut
infligée par Dieu, mais que c'était
un « ange de Satan »,
chargé de le souffleter et de
l'empêcher de s'enorgueillir, comme il
était exposé à le faire
après la vision dont il avait
été favorisé
(II
Cor. 12 : 1-6). Trois fois
il pria pour qu'elle fût ôtée,
et chaque fois la réponse fut la
même : « Ma grâce te
suffit ».
La question est en somme de savoir si la
grâce de Dieu nous est accordée pour
que nous soyons en état de nous accommoder
d'une chose mauvaise, ou bien si elle l'est pour
nous soustraire à son emprise. La
réponse ne fait pas de doute : c'est
pour nous donner la victoire. Ne
devrions-nous pas alors voir dans cette
« écharde » une menace
toujours présente, suffisamment
réelle pour empêcher l'apôtre de
tomber dans l'orgueil spirituel, mais incapable
pourtant d'entraver son apostolat aussi longtemps
qu'il saurait se maintenir dans une
dépendance absolue à l'égard
de Dieu et rechercher en tout la protection de sa
grâce ? Pour mieux me faire comprendre,
faisons une comparaison. Supposons le cas d'un
homme aux prises avec des rhumatismes, que des
médicaments maintiennent en forme, mais qui
souffre le martyre dès qu'il néglige
son traitement. La comparaison, certes, est
grossière. Elle fait pourtant comprendre ce
que je veux dire ; c'est que la menace
était toujours là pour
l'apôtre, mais que la grâce de Dieu
suffisait à l'en préserver.
Il nous est dit que cette constante
menace visait à préserver
l'apôtre de tout orgueil spirituel. Ne s'en
suit-il pas alors que la nécessité
d'une telle sauvegarde devait disparaître
dans la mesure où il progressait
spirituellement ? En fait, avons-nous une
preuve quelconque que
« l'écharde » accompagne
saint Paul jusqu'à la fin de sa vie ?
Il ne parle de son désir d'en être
délivré que dans sa deuxième
épître aux Corinthiens, et il
vécut pourtant quelques années encore
après l'avoir écrite. Mais il y fait
allusion une autre fois dans sa lettre aux Galates
(Gal.
4 : 13), où il
précise qu'il en fût affligé
lors de sa première - mais non lors de sa
seconde - visite. Cela ne ressort peut-être
pas dans les traductions ordinaires, mais
clairement au contraire dans le texte grec,
où l'aoriste (temps passé) est
employé. Il aurait utilisé
l'imparfait si
l'« écharde »
l'eût toujours menacée lors de sa
seconde visite. Il semble donc bien que l'emploi de
l'aoriste implique une guérison. Le grec est
très exigeant dans l'emploi des temps, et
l'aoriste n'aurait pas pu être employé
si l'épreuve eût toujours
duré.
Saint Paul est au demeurant le
témoin par excellence de la guérison
divine. Arrêtons-nous un instant à ses
souffrances : « Cinq fois, j'ai
reçu des juifs quarante coups de fouet moins
un ; trois fois, j'ai été battu
de verges... » Huit flagellations, par
conséquent, dont une seule aurait pu
entraîner la mort. Il fut pourtant en
état de poursuivre son apostolat. À
Lystre, il fut lapidé et traîné
comme mort hors de la ville, preuve évidente
que cette lapidation avait paru fatale. Il s'en
releva pourtant et poursuivit sa route, reprenant
son ministère le lendemain. Au premier
chapitre de sa seconde épître aux
Corinthiens, il parle d'une maladie qui l'avait
terrassé en Asie, et de laquelle il
s'était remis grâce à la
prière. Et nous voyons que dans l'île
de Malte il se remit immédiatement de la
morsure d'une vipère. C'est ainsi que je ne
puis que me réjouir lorsqu'on se
réclame de l'expérience de saint
Paul. Toute sa vie, en effet, vient appuyer notre
position, plutôt qu'elle ne
l'infirme.
Mais d'aucuns demanderont sans
doute : « Ne devons-nous pas
être amenés à plus de
perfection par la souffrance ? La maladie ne
peut-elle faire partie des disciplines de la
vie ? »
Si vraiment c'était le cas, alors
nous ne devrions prendre d'initiative en vue d'une
guérison éventuelle, qu'avec la plus
grande prudence, de peur d'aller à l'encontre de la
volonté
divine. Lorsqu'un remède demeure sans effet,
il nous arrive souvent de rencontrer des gens qui
essayent de se consoler en se persuadant que telle
est la volonté de Dieu ; mais jamais
encore je n'ai rencontré quelqu'un qui
refusât de souhaiter la guérison pour
ne pas risquer de s'opposer à la
volonté divine. Même lorsqu'une
souffrance prolongée a été
acceptée comme représentant la
volonté de Dieu, cette acceptation ne semble
jamais exclure la recherche d'un soulagement par
tous les moyens possibles. je pense à telle
malade qui me disait un jour être convaincue
que son mal était la croix qu'elle avait
à porter. Sa conviction sembla cependant
faiblir quand je la rendis attentive au fait que,
s'il en était bien ainsi, il n'était
pas licite pour elle d'avoir recours aux calmants
pour atténuer ses souffrances.
Nous devons assurément être
rendus parfaits par la souffrance mais il est non
moins certain que la souffrance qui contribue
à notre perfection doit être réellement voulue. Or, on ne
saurait
guère dire cela de la maladie. C'est en
renonçant à nous-mêmes, et en
acceptant de subir des injustices pour l'amour du
Christ, que nous sommes parfois appelés
à partager ses souffrances. Nous ne saurions
le faire en subissant la maladie, puisqu'il n'y a
pas trace de maladie chez lui dans les
récits évangéliques. Comment
au demeurant l'aurait-il connue, du moment qu'elle
est un mal dans son essence même
(8).
Il est vrai
qu'il porta le fardeau de nos maladies sur
la Croix, mais qu'il
eût à endurer la souffrance, la
fièvre et la soif qui accompagnent ces
maladies, cela lui fut infligé par ses
ennemis, et non par un mal personnel.
Il va sans dire que nombreux sont ceux
qui ont trouvé réconfort et force,
pour supporter patiemment leurs souffrances, dans
la conviction intime qu'en le faisant ils se
soumettaient à la volonté divine.
Tous, assurément, nous pourrions citer tel
ou tel cas où un réel
bénéfice spirituel résulte de
pareille soumission patiente ; mais rien,
cependant, ne me fera croire que notre Père
des cieux envoie la maladie aux hommes, ses
enfants, alors qu'il nous est impossible d'imaginer
qu'ici-bas un père digne de ce nom puisse
faire chose semblable.
Ce que je puis admettre volontiers, par
contre, c'est que Dieu, lorsque survient la maladie
(9), s'en
serve
pour faire progresser spirituellement, et que la
guérison puisse être retardée
jusqu'à ce qu'on ait appris sa leçon.
Mais le fait même qu'une chose ait une valeur
éducative implique son caractère
provisoire. Elle est appelée à
disparaître aussitôt que le but est
atteint, de sorte que la grâce
accordée durant l'épreuve pour
insigne qu'elle ait pu être, ne saurait
l'emporter sur celle, plus grande, qui provoque sa
disparition une fois le but atteint.
« Allons-nous demeurer dans le
péché pour que la grâce
abonde », demande l'apôtre
(Rom.
6 : 1) ?
« Loin de là ! » répond-il. Une
grâce
plus grande, en effet, opère en nous
lorsqu'est ôté le péché.
Cela ne s'applique-t-il pas à la
maladie ? La guérison met en
évidence une grâce meilleure.
Une autre objection résulte
inévitablement du grand nombre de ceux qui
n'ont pas été guéris, en
dépit de prières ferventes et d'une
foi réelle selon toute apparence.
C'est là une objection
sérieuse, que je n'ai nulle intention
d'éluder. Je ne puis, toutefois l'aborder
à fond en ce moment, car elle rejoint
d'autres questions qui ne pourront être
traitées que plus tard. En effet, nous
aurons à étudier par la suite ce
qu'implique réellement la prière de
la foi, le mobile profond qui se cache
derrière le désir d'être
guéri et l'obstacle que peut être le
péché, ou une attitude erronée
devant Dieu.
Il convient pourtant que nous abordions
sans délai un aspect important de la
question, je veux parler du fait pour nous de
constituer un obstacle éventuel à la
guérison de nos amis. L'Évangile
rapporte qu'à Nazareth Jésus
lui-même ne put faire des miracles en raison
de l'incrédulité des gens.
(Marc
6 : 1-6 et parall.)
L'incrédulité de l'Eglise n'est-elle
pas en somme le principal obstacle au
ministère de la guérison ?
(10) Et
quand
nous disons l'Eglise nous entendons les
« laïcs » aussi bien que
le « clergé ». Essayons d'être honnêtes.
La
foi de l'Eglise est-elle fortifiée ou
affaiblie par ma présence en son
sein ?
Il n'est pas du tout impossible que
notre manque personnel de foi contribue à
dresser une barrière
d'incrédulité qui entrave la
manifestation de guérisons
prétendument souhaitées avec ardeur,
pour trouver la preuve dont nous avons besoin afin
d'être convaincus. Mais voilà, le
Christ ne nous promet pas de preuves pour
nous obliger à croire, mais bien
plutôt des signes pour venir couronner
notre foi.
J'ai personnellement connu plusieurs cas
où l'incrédulité d'amis ou de
parents constitua un obstacle certain à la
guérison, n'empêchant pas seulement la
grâce d'opérer, mais sapant aussi la
foi du malade. J'ai même connu des malades
qui refusaient, qu'en réclamant pour eux les
prières de l'Eglise, on les nommât
publiquement ; cela, non parce qu'ils ne
croyaient pas à l'efficacité de la
prière, mais parce qu'ils étaient
persuadés qu'une requête de ce genre
signifie presque toujours pour les autres qu'on n'a
que bien peu de chance de se remettre. Ils
entretenaient ainsi autour d'eux un climat
d'anxiété qui n'est rien d'autre
qu'une barrière de scepticisme. Nous en
sommes au point où l'Eglise, qui devrait
libérer la grâce qui guérit,
contribue plutôt à élever la
barrière d'incrédulité qui
entrave la manifestation de cette grâce.
On rencontre occasionnellement deux autres
difficultés encore, dont nous pouvons parler
ici.
Il s'agit en premier lieu de la
mort.
- Si tous doivent être
guéris, objecte-t-on, comment donc
mourrons-nous ?
Remarquons en toute simplicité
que le Dieu en qui nous voyons l'Auteur de la Vie
n'a pas besoin de la maladie pour mettre fin
à la vie du corps. Quand l'heure est
là, il n'a qu'à retirer doucement la
vie qu'il a donné, et à rappeler
à lui son enfant. La feuille tombe de
l'arbre lorsqu'elle a rempli sa fonction. Elle n'a
pas besoin pour cela d'une maladie ou des rafales
de la tempête. La mort normale, naturelle en
somme, devrait être la fin paisible qui
libère l'homme de la chair pour l'introduire
dans le monde de l'Esprit. Au lieu qu'il en soit
ainsi, ce sont souvent les ravages de la maladie
qui rendent le corps impropre à retenir plus
longtemps l'esprit. Les fins paisibles sont
cependant assez fréquentes, et l'on ne
saurait contester qu'elles soient infiniment plus
conformes à la volonté d'un
Père, qui est amour, que la mort de ceux qui
s'en vont en victimes de quelque cruelle
maladie.
La seconde difficulté, plus
souvent mise en avant, est celle qui consiste
à dire que les fervents de la
guérison divine attachent trop d'importance
au corps.
Personne, bien sûr, n'ira
jusqu'à prétendre que le corps ait
autant d'importance que l'âme, puisque
l'âme est appelée à la vie
éternelle et que le corps ne la retient que
pour un temps (11). L'objection
est due à une
méprise totale. Une saine notion de la
guérison divine devrait plutôt
conduire au sentiment inverse.
Nous croyons que le corps est le temple
du Saint-Esprit
(I
Cor. 6 : 19). Nous sommes
persuadés, par conséquent, qu'il est
conforme à la volonté de Dieu que ce
temple ne soit pas plus
détérioré par la maladie que
souillé par le péché.
L'acceptation sans réserve de l'enseignement
du Christ ne manquerait pas de chasser à
jamais toute peur de la maladie, et la crainte si
fréquente que la moindre indisposition, ou
le moindre malaise, soit le signe avant-coureur
d'une catastrophe. Pourquoi, en effet, se mettre
constamment en peine au sujet de sa santé,
et s'ingénier à éloigner la maladie par toutes sortes
de moyens ?
Songez un peu à tous ceux qui
s'entourent aujourd'hui de remèdes, de
lotions, d'onguents, de potions contre le froid, de
somnifères, de comprimés contre la
douleur ; à tous ceux qui ont
constamment recours à leur conseiller
médical, leur spécialiste des nerfs
ou de la gorge, leur dentiste, leur opticien et
leur masseur ; à ceux qui se font
esclave d'un régime, de règles
inflexibles sur la façon de s'alimenter ou
de prendre de l'exercice. Ces gens-là ne
sont-ils pas précisément ceux qui
accordent une attention exagérée au
corps redoutant toujours quelque
complication ? Ce sont pourtant bien souvent
les mêmes - leur « nom est
Légion » - qui présentement
accusent ceux qui croient à la
guérison divine d'attacher trop d'importance
au corps, parce qu'ils s'en remettent à la
sollicitude du Père céleste à
l'endroit de ce corps qu'il a créé et
que le Seigneur a sanctifié par l'usage
qu'il en a fait. Ne peuvent-ils donc pas le confier
en toute sécurité à ses soins,
sans qu'ils aient besoin comme les autres, de
s'affairer avec angoisse ?
Je veux croire que nous pouvons
maintenant laisser de côté les aspects
négatifs de la question et en venir aux
aspects positifs ; qu'ayant
déblayé le terrain, nous sommes en
état de procéder à la mise en
place des fondations, et d'étudier pour cela
les grandes affirmations de l'Escriture sur
lesquelles s'appuie la foi en la guérison
divine.
Je ne me flatte aucunement d'avoir
écarté tous les doutes, mais, ce que
j'espère, c'est qu'il m'a été
possible de montrer que le sujet mérite
d'être pris en considération, et qu'il
ne s'agit pas d'une question sans fondement
sérieux, comme d'aucuns semblent toujours le
penser.
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